Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : TS c Ministre de l’Emploi et du Développement social et AB, 2024 TSS 1749

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : T. S.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Partie mise en cause : A. B.

Décision portée en appel : Décision de révision datée du 17 août 2023 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Antoinette Cardillo
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 10 juillet 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Interprète
Mise en cause
Date de la décision : Le 3 septembre 2024
Numéro de dossier : GP-23-1598

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelante, T. S., est admissible à la prestation d’enfant de cotisant invalide au nom des enfants. La présente décision explique pourquoi j’accueille l’appel.

Aperçu

[3] Le mis en cause a commencé à recevoir la prestation d’enfant de cotisant invalide au nom des enfants en août 2021Note de bas de page 1. Dans le cadre du Régime de pensions du Canada, le ministre de l’Emploi et du Développement social a en effet accordé au mis en cause une pension d’invalidité et, pour ses deux enfants, la prestation d’enfant de cotisant invalide. Le ministre a établi que le mis en cause avait la garde et la surveillance des enfants, comme l’attestait sa demande de pension d’invalidité.

[4] L’appelante a à son tour demandé la prestation d’enfant de cotisant invalide au nom de leurs enfants, le 31 janvier 2023Note de bas de page 2. Dans sa demande, elle expliquait que les enfants étaient entièrement sous sa garde et ses soins. Le ministre a toutefois rejeté sa demande.

[5] L’appelante a porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Dans son avis d’appel, elle déclarait être l’unique responsable des décisions importantes concernant les enfants, de leurs soins quotidiens et de leur surveillance. Bien que le mis en cause se soit vu accorder des droits de visite réguliers aux enfants, il n’avait pas fait de visites régulières et voyait les enfants en personne seulement lorsque ceux-ci rendaient visite à leur grand-mère paternelle à Montréal.

[6] Après avoir examiné la preuve, le ministre a changé de position et a établi que l’appelante est admissible à la prestation d’enfant de cotisant invalide au nom des enfants. Le ministre a demandé que l’appel soit accueilli.

Ce que l’appelante doit prouver

[7] Pour gagner son appel, l’appelante doit prouver qu’elle a la garde et la surveillance des enfantsNote de bas de page 3.

[8] Le Régime de pensions du Canada prévoit que la prestation d’enfant de cotisant invalide est une prestation à montant fixe payable à l’enfant admissible du bénéficiaire d’une pension d’invalidité. Si l’enfant n’a pas atteint l’âge de 18 ans, la prestation doit être versée à la personne ou à l’organisme qui en a la garde et la surveillance.

[9] La Cour d’appel fédérale a statué que la prestation d’enfant de cotisant invalide doit être versée au parent qui démontre avoir la garde et la surveillance des enfants au quotidienNote de bas de page 4.

Motifs de ma décision

Observations de l’appelante

[10] Dans son avis d’appel, l’appelante a déclaré ce qui suitNote de bas de page 5 :

  1. a) L’ordonnance de divorce rendue par le tribunal dit explicitement que le mis en cause n’a pas le pouvoir de prendre les décisions importantes concernant leurs enfants;
  2. b) Depuis décembre 2017, les enfants résident avec elle à Ottawa, et elle a été l’unique responsable des décisions importantes les concernant, de leurs soins quotidiens et de leur surveillance;
  3. c) Même si le mis en cause s’est vu accorder des droits de visite réguliers sous supervision conditionnelle, il a quitté Ottawa, où les enfants habitaient, pour aller vivre avec sa mère à Montréal au début de 2020. Il n’avait pas fait de visites régulières à Ottawa depuis. Il voit seulement les enfants quand ceux-ci rendent visite à leur grand-mère paternelle à Montréal, lors d’occasions convenues.

[11] L’appelante a également déposé les éléments de preuve documentaire suivants :

  1. a) Une lettre datée du 18 décembre 2023, où un médecin explique que le fils de l’appelante était son patient depuis le 31 mai 2023 et que l’appelante accompagnait ce dernier à tous ses rendez-vous médicauxNote de bas de page 6 et était le seul contact autorisé à son dossier;
  2. b) Un formulaire de consentement à la vaccination en milieu scolaire pour chacun des deux enfants, montrant que l’appelante était désignée comme étant leur tutrice légaleNote de bas de page 7;
  3. c) Une demande de rencontre parent-enseignant, adressée à l’appelanteNote de bas de page 8;
  4. d) Un formulaire de demande de consultation en ligne en vue d’un plan d’enseignement individualisé pour le fils de l’appelante, rempli par celle-ci le 26 septembre 2023Note de bas de page 9, et d’autres formulaires et rapports relatifs à ce plan envoyés à l’appelante et signés par celle-ci entre 2018 et 2023Note de bas de page 10;
  5. e) Une lettre datée du 5 décembre 2023, rédigée par une amie connaissant la famille depuis 10 ans, où ladite amie confirme que depuis janvier 2018, les deux enfants vivent exclusivement avec l’appelante. Elle avait vu l’appelante participer activement à la vie quotidienne des enfants : elle assistait aux rencontres parents-enseignants et les conduisait à l’école et à diverses activités, entre autres. Ayant pu observer le quotidien de l’appelante et de ses enfants au fil des ans, l’amie de la famille déclarait que l’appelante assumait l’entière responsabilité de leurs soins quotidiensNote de bas de page 11.
  6. f) Une lettre d’une mère, datée du 16 décembre 2023, indiquant que son fils était ami avec les enfants de l’appelante. Ils avaient fréquenté la même école élémentaire dès la maternelle (en 2017) et étaient dans la même école intermédiaire. Les deux écoles étaient situées à Ottawa. Les enfants de l’appelante et son fils avaient aussi fréquenté le même service de garde après l’école pendant tout l’élémentaire. Depuis qu’elle connaissait l’appelante, la seule personne qu’elle avait vu aller chercher ses enfants au service de garde après l’école était l’appelante elle-même. L’appelante était aussi la seule personne que l’on voyait aux rencontres et aux événements de l’écoleNote de bas de page 12.
  7. g) Une lettre datée du 18 janvier 2024, rédigée par le dentiste des enfants, indiquant que l’appelante était le contact autorisé aux dossiers des enfants, depuis leur visite initiale en mars 2019 et jusqu’à aujourd’huiNote de bas de page 13, et que c’était elle qui accompagnait les enfants à leurs rendez-vous.

Observations du mis en cause

[12] Dans une lettre datée du 4 avril 2024, le mis en cause a déclaré ce qui suit :

  1. a) À moins que l’appelante ne se propose pour le faire, c’est lui qui conduit de Montréal à Ottawa pour voir les enfants ou qui les ramène à Montréal pour un séjour;
  2. b) Même s’il aurait pu plus facilement passer du temps avec ses enfants s’il avait vécu près d’eux, il a quitté Ottawa parce qu’il ne trouvait pas de nouveau logement dans ses moyens. Il ne se sentait pas non plus en sécurité à Ottawa. Il avait l’impression d’être surveillé;
  3. c) Il avait d’abord eu l’intention de rester à Ottawa, mais au plus fort de la pandémie, il a décidé d’aller habiter avec sa mère à Montréal. C’est à partir de mai 2020 qu’il a commencé à passer la majeure partie de son temps à Montréal. Il a ensuite décidé d’y déménager pour de bon, dans un milieu familier et calme qu’il lui permettrait d’être moins stressé et de régler certains problèmes de santé mentale. Il a changé sa résidence en janvier 2023. Depuis le 1er juillet 2023, il louait un logement de trois chambres à l’étage supérieur d’un duplex dont sa mère était propriétaire, pour que les enfants puissent avoir leur propre chambre et avoir un sentiment de stabilité. Il a toutefois continué à habiter temporairement avec sa mère à cause de rénovations;
  4. d) Il participe à l’éducation des enfants. Il a rencontré sur Zoom l’enseignante de français de sa fille et l’aide à faire ses devoirs. Il est allé à la journée portes ouvertes de la nouvelle école des enfants. Il a dit qu’il communique avec l’école au besoin;
  5. e) En ce qui concerne les soins de santé aux enfants, il prend son rôle au sérieux lorsque l’appelante le consulte effectivement et conformément à leur entente de divorce.

Preuves supplémentaires

[13] Le 17 février 2021, une ordonnance de divorce rendue par la Cour supérieure de justice de l’Ontario spécifiait que la résidence principale des enfants était celle de l’appelanteNote de bas de page 14. Le mis en cause avait des droits de visite. L’ordonnance de divorce précisait où les enfants passeraient leurs étés et différents congés. L’ordonnance de divorce prévoyait également un processus pour que les parents prennent les décisions concernant les enfants. En cas de désaccord sur toute question n’étant pas expressément traitée dans l’ordonnance, celle-ci spécifiait que la décision ultime revenait à l’appelante, moyennant qu’elle tienne compte des commentaires et de la position du mis en cause.

[14] Dans un questionnaire daté du 29 mai 2023, le mis en cause a déclaré que le nombre de nuits où les enfants étaient chez lui chaque mois était variableNote de bas de page 15. Il a aussi dit participer aux décisions importantes concernant les soins de santé et les activités parascolaires des enfants. Toutefois, comme il ne vit pas dans la même ville que les enfants, il ne les emmène pas à des rendez-vous médicaux et ne figure pas comme contact d’urgence à leurs dossiers médicaux et scolaires. Il assiste aux rencontres parents-enseignants au besoin. Il paie une pension alimentaire pour enfants et d’autres frais lorsqu’ils sont avec lui, en plus des frais de déplacement en voiture entre Montréal et Ottawa.

[15] À l’audience, le mis en cause a expliqué qu’il prenait très au sérieux son rôle dans la vie de ses enfants, mais que l’appelante ne l’informe pas toujours de toutes les questions les concernant, ce qui rend plus difficile de participer à leurs vies. Il a également réitéré les arguments qu’il avait présentés dans sa lettre du 4 avril 2024.

[16] La question que je dois trancher est de savoir quel parent a la garde et la surveillance des enfants. Il ne fait aucun doute que le mis en cause voit ses enfants et participe à leurs vies. Toutefois, la preuve montre que l’appelante en a la garde et la surveillance. 

[17] Comme le prévoit le Régime de pensions du Canada, si les enfants n’ont pas atteint l’âge de 18 ans, la prestation d’enfant de cotisant invalide doit être versée à la personne qui en a la garde et la surveillance. De plus, la Cour d’appel fédérale a établi que la prestation doit être versée au parent qui démontre avoir la garde et la surveillance quotidiennes des enfantsNote de bas de page 16. La Cour a établi que la personne ayant la garde et la surveillance des enfants est la personne qui élève les enfants, et plus précisément, celle qui s’occupe de leur bien-être au quotidien, ce qui laisse croire à l’importance d’être physiquement près des enfants et d’en assumer la responsabilité.

[18] Ici, bien que le mis en cause participe à la vie de ses enfants, il vit à Montréal en raison de circonstances particulières tandis que ses enfants vivent à Ottawa. Ce n’est pas lui qui, au quotidien, s’occupe de leurs besoins ou des décisions visant leur bien-être. Même s’il était au courant de toutes les questions concernant les enfants, alors que ce n’est pas le cas, le mis en cause n’est pas présent avec les enfants tous les jours ou de façon régulière afin de répondre à leurs besoins quotidiens.

Conclusion

[19] Je conclus que l’appelante est admissible à la prestation d’enfant de cotisant invalide au nom des enfants.

[20] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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