Régime de pensions du Canada (RPC) – autre
Informations sur la décision
Cette affaire concerne deux demandes concurrentes de prestation d’enfant de cotisant invalide, une prestation ayant pour but de venir en aide aux enfants de personnes qui ont cotisé au Régime de pensions du Canada qui ne peuvent plus travailler.
L’appelant et la mise en cause ont été mariés de 2006 à 2021. Ils ont eu deux enfants, S. et L., qui ont tous deux 13 ans maintenant. L’appelant a commencé à recevoir une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada en août 2021. Au même moment, il a commencé à recevoir la prestation d’enfant de cotisant invalide au nom de ses enfants.
La mise en cause a demandé la prestation d’enfant de cotisant invalide en juin 2022. Dans sa demande, elle a affirmé qu’elle était « entièrement responsable de la garde et des soins » des enfants. Service Canada, l’organisme du ministre qui offre des services au public, a rejeté la demande parce que l’appelant recevait déjà la prestation d’enfant de cotisant invalide, qui est versée au cotisant invalide pourvu qu’il soit responsable de la garde et des soins des enfants au moins dans une certaine mesure.
La mise en cause a fait appel du refus du ministre à la division générale. Elle a soutenu qu’elle était la seule responsable des décisions importantes, des soins quotidiens et du contrôle des enfants. Bien que la mise en cause ait obtenu le droit de rendre visite régulièrement aux enfants, elle n’exerçait pas ces droits et voyait seulement les enfants en personne lorsqu’ils rendaient visite à leur grand-mère paternelle à Montréal. La division générale a accueilli l’appel. Elle était d’accord avec la mise en cause pour dire que c’est celle-ci, et non l’appelant, qui avait la garde et le contrôle des enfants. La mise en cause a fait appel de la décision de la division générale à la division d’appel.
Jusqu’au 20 juin 2024, l’article 75 du Régime de pensions du Canada disait que la prestation d’enfant de cotisant invalide devait être versée à la personne qui avait la garde et le contrôle de l’enfant, si celui-ci avait moins de 18 ans. La loi a présumé que le cotisant invalide (dans cette affaire, l’appelant) était la personne ayant la garde et le contrôle, si l’enfant ne vivait pas avec le cotisant. La loi ne définissait pas l’expression « la garde et le contrôle », mais Service Canada a déjà eu une politique disant qu’il fallait verser la prestation d’enfant de cotisant invalide au cotisant s’il avait la garde et le contrôle d’un enfant, peu importe dans quelle mesure. En 2022, la division d’appel a jugé que la politique de Service Canada était incohérente par rapport à la loi. Elle a établi que la prestation d’enfant de cotisant invalide ne devrait pas être versée nécessairement au cotisant, mais au parent qui s’occupait de la majeure partie des soins aux enfants. Plus tard, la Cour d’appel fédérale a appuyé l’interprétation de la loi par la division d’appel.
Le 20 juin 2024, une nouvelle version de l’article 75 du Régime de pensions du Canada est entrée en vigueur. Elle disait maintenant que la prestation d’enfant de cotisant invalide devait être versée à la personne qui a les « responsabilités décisionnelles » à l’égard de l’enfant. Cette personne était présumée être le cotisant invalide, à moins qu’il y ait des preuves démontrant que le cotisant n’avait pas les responsabilités décisionnelles, ou qu’il a moins de 20 % du temps parental à l’égard de l’enfant. Le Régime de pensions du Canada définit les « responsabilités décisionnelles » comme la responsabilité de la prise de décisions importantes concernant le bien-être de l’enfant, ce qui touche notamment les questions comme la santé, l’éducation, la culture, la langue, la religion et la spiritualité, et les activités parascolaires majeures. Il définit également le « temps parental » comme la période pendant laquelle l’enfant est confié aux soins d’une personne qui est son parent, qu’il soit ou non physiquement avec la personne au cours de toute la période.
La division d’appel a établi que le libellé de la disposition porte à croire que, dans cette affaire, la mise en cause avait le fardeau de prouver que l’appelant n’avait pas de responsabilités décisionnelles à l’égard des enfants. Cependant, elle a décidé que la mise en cause ne s’était pas acquittée de ce fardeau.
La division d’appel a accueilli l’appel en partie. Au titre de l’ancienne version de l’article 75 du Régime de pensions du Canada, la mise en cause avait droit à la prestation d’enfant de cotisant invalide parce qu’elle avait la garde et le contrôle principal des enfants. Toutefois, selon la nouvelle version, entrée en vigueur en juin 2024, l’appelant est celui qui a droit à la prestation étant donné que, en tant que cotisant invalide, il est présumé avoir certaines responsabilités décisionnelles à l’égard des enfants.
Contenu de la décision
[TRADUCTION]
Citation : AB c Ministre de l’Emploi et du Développement social et TS, 2025 TSS 571
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision
Partie appelante : | A. B. |
Partie intimée : | Ministre de l’Emploi et du Développement social |
Représentante ou représentant : | Daniel Crolla |
Partie mise en cause : | T. S. |
Décision portée en appel : | Décision rendue par la division générale le 3 septembre 2024 (GP-23-1598) |
Membre du Tribunal : | Neil Nawaz |
Mode d’audience : | Vidéoconférence |
Date de l’audience : | Le 25 avril 2025 |
Personnes présentes à l’audience : |
Appelant |
Date de la décision : | Le 29 mai 2025 |
Numéro de dossier : | AD-24-802 |
Sur cette page
Décision
[1] J’accueille le présent appel, en partie. L’appelant a droit à la prestation d’enfant de cotisant invalide du Régime de pensions du Canada à compter de juillet 2024. La mise en cause, elle, a droit à cette prestation pour la période allant de janvier 2023 à juin 2024.
Aperçu
[2] La présente affaire porte sur deux demandes concurrentes pour la prestation d’enfant de cotisant invalide, conçue pour aider les enfants de cotisants au Régime de pensions du Canada étant devenus incapables de travailler.
[3] L’appelant et la mise en cause ont été mariés de 2006 à 2021. Leur mariage a donné naissance à deux enfants, S. et L., aujourd’hui âgés de 13 ans.
[4] L’appelant a commencé à toucher une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada en août 2021Note de bas de page 1. Il a, en même temps, commencé à toucher la prestation d’enfant de cotisant invalide au nom de ses enfants.
[5] En juin 2022, la mise en cause a demandé la prestation d’enfant de cotisant invalideNote de bas de page 2. Dans sa demande, elle affirmait assurer [traduction] « entièrement la garde et les soins » des enfants. Service Canada, l’organisme qui fait affaire avec le public du ministre, a rejeté sa demande du fait que l’appelant recevait déjà la prestation d’enfant de cotisant invalide. À l’époque, la politique du ministre voulait que la prestation d’enfant de cotisant invalide soit versée au cotisant invalide, moyennant que celui-ci assure la garde et la surveillance de l’enfant dans une quelconque mesure.
[6] La mise en cause a fait appel du refus du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La mise en cause a soutenu qu’elle était l’unique responsable des décisions importantes concernant leurs enfants, de leurs soins quotidiens et de leur surveillance. Même si l’appelant s’était vu accorder le droit de visiter régulièrement ses enfants, il n’avait pas exercé ce droit. Il voyait seulement ses enfants en personne quand ceux-ci visitaient leur grand-mère paternelle, à Montréal.
[7] La division générale a tenu une audience par vidéoconférence et a accueilli l’appel. Elle était d’accord avec la mise en cause pour dire que c’était elle, et non l’appelant, qui s’occupait de la garde et de la surveillance des enfants. Citant la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Sibbald, la division générale a effectivement conclu que la politique appliquée par le ministre n’était pas conforme à la loiNote de bas de page 3.
[8] L’appelant a par la suite obtenu la permission de faire appel à la division d’appel. La division d’appel a jugé qu’il était défendable que la division générale ait commis une erreur de droit en ignorant les modifications apportées à l’article 75 du Régime de pensions du Canada, en vigueur depuis juin 2024. Le mois dernier, j’ai tenu une audience par vidéoconférence pour discuter de cette affaire en détail.
Question en litige
[9] Dans cet appel, il me fallait répondre aux questions suivantes :
- Que dit le Régime de pensions du Canada sur la personne à qui revient la prestation d’enfant de cotisant invalide?
- Quelle est l’incidence des modifications apportées à l’article 75 du Régime de pensions du Canada?
- Faut-il appliquer l’ancienne ou la nouvelle version de l’article 75 dans le cas présent?
- Si l’ancienne version s’applique, les enfants étaient-ils sous la garde et la surveillance de l’appelant avant juin 2024?
- Si la nouvelle version s’applique, la proportion du temps parental occupé par l’appelant était-elle en deçà de 20 pour cent requis après juin 2024?
Analyse
[10] La prestation d’enfant de cotisant invalide est une prestation mensuelle à montant fixe que l’on verse pour l’enfant d’une personne touchant une pension d’invalidité du Régime de pensions du CanadaNote de bas de page 4. Comme son nom l’indique, cette prestation appartient à l’enfant ou aux enfants du cotisant invalide, et non au cotisant invalide ou à toute autre personne responsable des enfants. Le Régime de pensions du Canada contient une formule, révisée l’an dernier, qui sert à établir la personne à qui doit être versée la prestation d’enfant de cotisant invalide pour s’assurer que les enfants en bénéficient réellement. Ici, j’ai donc conclu que la mise en cause est la personne à qui la prestation d’enfant de cotisant invalide devait être versée jusqu’en juin 2024. Toutefois, la prestation doit ensuite être versée à l’appelant, compte tenu des modifications apportées à l’article 75 et qui sont entrées en vigueur à cette date.
[11] Je suis arrivé à cette conclusion pour les raisons qui suivent.
La loi régissant le paiement de la prestation d’enfant de cotisant invalide a été modifiée en juin 2024
[12] Jusqu’au 20 juin 2024, l’article 75 prévoyait que la prestation d’enfant de cotisant invalide devait être versée à la personne s’occupant de la garde et de la surveillance de l’enfant, si celui-ci avait moins de 18 ans. La loi présumait que l’enfant était sous la garde et la surveillance du cotisant invalide (l’appelant, dans le cas présent), à moins que des éléments de preuve montrent le contraire ou que l’enfant vive séparé du cotisantNote de bas de page 5.
[13] Même si la loi ne définissait pas les termes « garde » et « surveillance », Service Canada avait comme politique de verser la prestation au cotisant, moyennant que l’enfant soit sous sa garde et sa surveillance dans une quelconque mesure, aussi minime soit-elle. En 2022, la division d’appel a conclu que la politique de Service Canada n’était pas conforme à la loi. Elle a conclu que la prestation d’enfant de cotisant invalide devait être versée au parent qui prenait soin des enfants en majeure partie : « [L]es éléments essentiels de la garde et de la surveillance sont la proximité de l’enfant et la responsabilité à son égardNote de bas de page 6. » Cette interprétation de la loi, faite par la division d’appel, a ensuite été approuvée par la Cour d’appel fédérale dans la cause SibbaldNote de bas de page 7.
[14] Il est possible que Sibbald ait incité le gouvernement à modifier la loi. Le 20 juin 2024, une nouvelle version de l’article 75 est entrée en vigueur. Cette disposition précise maintenant que la prestation d’enfant de cotisant invalide doit être versée à la personne ayant les « responsabilités décisionnelles » à l’égard de l’enfant. Cette personne est présumée être le cotisant invalide, à moins de preuves montrant que le cotisant n’a pas ces responsabilités décisionnelles ou qu’il a moins de 20 pour cent du temps parental à l’égard de l’enfantNote de bas de page 8. Selon le Régime de pensions du Canada, le terme « responsabilités décisionnelles » s’entend de la responsabilité de prendre des décisions importantes concernant le bien-être d’un enfant en ce qui touche notamment les questions de la santé, de l’éducation, de la culture, la langue et la spiritualité et des activités parascolaires majeuresNote de bas de page 9. Quant à lui, le « temps parental » y est défini comme la période de temps pendant laquelle un enfant est confié aux soins d’une personne qui est l’un de ses parents, qu’il soit ou non physiquement avec la personne au cours de toute la périodeNote de bas de page 10.
Le bénéficiaire légitime de la prestation a changé quand la loi a été modifiée
[15] Lorsque l’appelant a demandé la prestation d’enfant de cotisant invalide en août 2022, Service Canada a appliqué sa politique et lui a accordé la prestation. Elle l’a fait en dépit de la preuve montrant que les enfants passaient la majeure partie de leur temps avec leur mère. Le fait que l’appelant avait un certain accès aux enfants, en vertu du règlement de divorce, avait suffi à faire conclure à Service Canada qu’il en avait la « garde et la surveillance », conformément à l’ancienne version de l’article 75.
[16] À la lumière de la décision Sibbald, et pour des raisons que je préciserai plus loin, Service Canada a toutefois rendu la mauvaise décision. À l’époque, la prestation d’enfant de cotisant invalide aurait effectivement dû être versée à la mise en cause, qui était la principale responsable de l’éducation des enfants.
[17] Cela dit, les choses ont changé le 20 juin 2024, quand la nouvelle version de l’article 75 est entrée en vigueur. L’appelant, en tant que cotisant invalide, est alors devenu le bénéficiaire légitime présumé de la prestation. La mise en cause a fait valoir que les anciennes règles, qui la favorisent, devraient continuer à s’appliquer, comme la demande de prestation a été présentée bien avant l’adoption des nouvelles règles.
[18] Je ne suis pas d’accord avec elle.
[19] En vertu de la Loi d’interprétation fédérale, lorsqu’une disposition législative est abrogée et remplacée par une nouvelle, l’abrogation de la disposition ne porte atteinte à aucun droit ou avantage acquis, mais les procédures établies par la nouvelle disposition doivent être suivies dans la mesure du possibleNote de bas de page 11.
[20] Ainsi, la mise en cause ne perd pas son droit à la prestation d’enfant de cotisant invalide, qui existait en vertu de l’ancienne version de l’article 75. Cependant, le ministre, et donc la division d’appel, doivent aussi suivre dans la mesure du possible les procédures établies par la nouvelle version de cet article. Comme je ne vois aucune raison pratique de ne pas changer de bénéficiaire, la prestation d’enfant de cotisant invalide doit, dès juin 2024, commencer à être versée à l’appelant plutôt qu’à la mise en causeNote de bas de page 12.
En vertu des anciennes règles, la prestation était payable à la mise en cause
[21] Selon l’ancienne version de l’article 75, la prestation d’enfant de cotisant invalide devait être versée à la personne ayant la garde et la surveillance des enfants, c’est-à-dire la personne étant la principale responsable d’assurer leur bien-être quotidien, y compris leur soutien financier, leurs soins personnels et leur éducation.
[22] Dans la présente affaire, la preuve révèle que la mise en cause a été responsable de la plupart des soins de L. et de S. :
- D’après les récits de l’appelant et de la mise en cause, les enfants ont principalement habité à Ottawa avec leur mère, la mise en cause, depuis leur séparation en 2017. L’appelant a confirmé avoir déménagé à Montréal en 2020.
- Une ordonnance de divorce du tribunal de la famille précise ce qui suit :
- La résidence principale des enfants serait celle de la mise en cause;
- À la suite d’une période d’attente, l’appelant aurait les enfants une fin de semaine sur deux, du vendredi à 16 h jusqu’au lundi à 9 h;
- Le temps passé avec les enfants serait divisé entre l’appelant et la mise en cause pour la période des fêtes et la période estivale;
- Le droit de décider de toute question n’étant pas expressément traitée dans l’ordonnance de divorce revenait ultimement à la mise en cause, sous réserve qu’elle tienne compte des commentaires et de la position exprimés par l’appelant Note de bas de page 13.
[23] À l’audience, l’appelant a déclaré que la mise en cause et lui ont généralement suivi l’ordonnance, même s’ils consentent parfois tous les deux, à l’occasion, à s’écarter de ses conditions strictes. L’appelant a insisté sur le fait qu’il a participé de très près à la vie de ses enfants, même s’il vit maintenant dans une autre ville qu’eux. Il a avancé que la mise en cause ne fait pas toujours l’effort de l’informer de tout ce qui se passe dans leurs vies, mais qu’il veille de très près à leurs besoins quand il est avec eux.
[24] Je ne doute pas que l’appelant dit la vérité. Néanmoins, l’ensemble de la preuve laisse croire que la mise en cause a assumé la plus grande partie de la responsabilité des enfants depuis la séparation parentale, en 2017. Même s’il ne fait aucun doute que l’appelant voit L. et S. et qu’il prend part à leurs vies, la mise en cause passe beaucoup plus de temps avec eux et c’est principalement elle qui veille à leurs besoins quotidiens. Selon l’ancienne version de l’article 75, la mise en cause avait la garde et la surveillance des enfants.
En vertu des nouvelles règles, la prestation est payable à l’appelant
[25] Conformément à la nouvelle version de l’article 75, la prestation d’enfant de cotisant invalide est versée à la personne qui a les responsabilités décisionnelles à l’égard de l’enfant. Cette personne est présumée être le cotisant invalide, à moins que des éléments de preuve montrent qu’il n’avait pas ces responsabilités ou qu’il a moins de 20 pour cent du temps parental à l’égard de l’enfant.
[26] Le libellé de la disposition donne à penser que la mise en cause a ici le fardeau de prouver que l’appelant n’a pas de responsabilités décisionnelles à l'égard des enfants. Je suis d’avis que la mise en cause ne s’est pas acquittée de ce fardeau.
[27] Premièrement, des éléments de preuve montrent que l’appelant a au moins une part des responsabilités décisionnelles à l’égard des enfants. L’ordonnance de divorce, que l’appelant et la mise en cause admettent suivre plus ou moins, établit un processus détaillé pour la prise de décisions importantesNote de bas de page 14. Bien que ce processus donne le dernier mot à la mise en cause en cas de désaccord, il l’oblige quand même explicitement à tenir compte de la position et des commentaires de l’appelant pour prendre ces décisions.
[28] Deuxièmement, la preuve montre que l’appelant a plus de 20 pour cent du temps parental à l’égard des enfants. Même si la résidence principale des enfants est celle de la mise en cause, l’ordonnance de divorce accorde à l’appelant des périodes de garde qui, cumulativement, dépassent le seuil prévu par la loi. L’appelant a effectivement droit à la moitié des vacances d’été, soit à environ 5 semaines, et à 1 semaine pendant les vacances de Noël, pour un total de 6 semaines ou 42 jours. Pendant les 46 semaines restantes de l’année, il a le droit d’avoir les enfants une fin de semaine sur deux (23 visites) du vendredi à 16 h au lundi à 9 h (65 heures), pour un total de 62 jours. Ensemble, ses 104 jours d’accès aux enfants comptent pour environ 28 pour cent d’une année civile de 365 jours.
[29] Bien sûr, les ordonnances et les ententes écrites ne sont pas toujours suivies à la lettre. Durant l’audience, j’ai demandé à l’appelant et à la mise en cause de me soumettre des observations écrites après l’audience concernant leur temps parental respectif réel depuis le 20 juin 2024.
[30] Dans une lettre en réponse à ma requête, l’appelant a spécifié le nombre de jours où il avait effectivement eu la garde des enfantsNote de bas de page 15. Selon son décompte, L. et S. avaient été avec lui pendant un total de 73 jours entre le 20 juin 2024 et le 19 mai 2025, soit 21, 9 pour cent du temps. La mise en cause m’a elle aussi fourni sa version des faits pour approximativement la même période. Elle arrivait à la conclusion que le temps de garde de l’appelant avait totalisé 68 jours, soit 18, 6 pour cent du tempsNote de bas de page 16.
[31] Les deux parents arrivaient donc à des estimations semblables : une se situant juste au-dessus du seuil de 20 pour cent, et l’autre, juste sous ce seuil. Selon moi, leurs deux estimations permettent de croire que l’appelant est le bénéficiaire légitime de la prestation d’enfant de cotisant invalide. La mise en cause fait valoir qu’elle a droit à la prestation comme le temps parental de son ex-époux se trouve en deçà du seuil minimal prévu par la loi, mais je rejette l’idée qui voudrait que le « temps parental » se limite aux périodes où l’enfant est physiquement proche de son parent. Le temps consacré aux appels téléphoniques ou vidéo peut être du temps parental. Le temps consacré aux déplacements en vue des visites et après celles-ci peut aussi être du temps parental. Le temps passé à lire des courriels provenant des enseignants ou des médecins des enfants, et à y répondre, peut aussi être du temps parental. Ce qui compte est de savoir si le parent fait activement quelque chose qui sert l’enfant.
[32] Dans l’affaire qui nous occupe, la preuve montre que l’appelant, même s’il vit dans une autre ville que ses enfants, est un père responsable qui consacre beaucoup de son temps à leur bien-être, que ce soit en leur rendant visite, en les hébergeant ou en communiquant avec eux. La mise en cause a estimé que le temps qu’il passait physiquement avec les enfants était juste sous le seuil juridique, mais c’était sans compter ses nombreuses conversations téléphoniques hebdomadaires avec L. et S. ou le temps de ses déplacements entre Ottawa et Montréal pour les voir, que ce soit en voiture ou en avion. Même si j’accepte l’estimation exacte de la mise en cause, je n’ai aucune difficulté à conclure que ces activités propulsent l’appelant au-delà du seuil minimal de 20 pour cent.
[33] En définitive, il manque de preuves pour réfuter la présomption voulant que l’appelant, à titre de cotisant invalide, a les responsabilités décisionnelles à l’égard des enfants en vertu de la nouvelle version de l’article 75. Il semble être un parent qui participe à la vie de ses enfants et qui subvient à leurs besoins, qu’ils soient avec leur mère à Ottawa ou avec lui à Montréal. Il participe à la prise de décisions concernant leurs études et leurs activités parascolaires. Il est responsable de s’occuper d’eux au moins 20 pour cent du temps.
Conclusion
[34] L’appel est accueilli en partie. Selon l’ancienne version de l’article 75 du Régime de pensions du Canada, la mise en cause avait droit à la prestation d’enfant de cotisant invalide, car elle était la principale responsable de la garde et de la surveillance des enfants. Cependant, selon la nouvelle version de cette disposition qui est en vigueur depuis juin 2024, l’appelant reçoit la prestation du fait qu’il est, comme cotisant invalide, présumé avoir certaines responsabilités décisionnelles à l’égard des enfants. Je n’ai rien vu dans la preuve qui permette d’infirmer cette présomption.