[TRADUCTION]
Citation : JD c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2025 TSS 923
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu
Décision
| Partie appelante : | J. D. |
| Partie intimée : | Ministre de l’Emploi et du Développement social |
| Décision portée en appel : | Décision de révision datée du 18 novembre 2024 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada) |
| Membre du Tribunal : | Carol Wilton |
| Mode d’audience : | Téléconférence |
| Date de l’audience : | Le 26 août 2025 |
| Personne présente à l’audience : | Appelante |
| Date de la décision : | Le 8 septembre 2025 |
| Numéro de dossier : | GP-25-298 |
Sur cette page
- Décision
- Aperçu
- Ce que l’appelante doit prouver
- Questions que je dois examiner en premier
- Motifs de ma décision
- Motifs de ma décision
- Conclusion
Décision
[1] L’appel est rejeté.
[2] L’appelante, J. D., n’est pas admissible à la pension de survivant du Régime de pensions du Canada. Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.
Aperçu
[3] D. G., le cotisant décédé, est né en septembre 1963. L’appelante est née en décembre 1966. Ils se sont mariés en septembre 1997 et ont divorcé en juin 2013. Ils ont eu deux filles ensemble, l’une en 1999 et l’autre en 2001.
[4] Le cotisant a vécu avec une autre femme, P. K., de 2012 à 2019. En février 2020, les deux ont signé un accord de séparation. Le ministre a déclaré que Mme K. avait demandé une pension de survivant, mais que sa demande avait été rejetéeNote de bas de page 1.
[5] En janvier 2024, le cotisant est mort subitement d’un cancer.
[6] L’appelante a déclaré que le cotisant et elle vivaient en union de fait de décembre 2020 jusqu’à son décès.
[7] Le ministre affirme que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle vivait en union de fait avec le cotisant au moment de son décès pour les raisons suivantes :
- Dans leur déclaration de revenus de 2022, le cotisant et elle ont écrit que leur état matrimonial était « divorcé ».
- L’exécutrice testamentaire était l’une de leurs filles, N. G. (N.), et non l’appelante.
- L’état matrimonial des parties indiquait « divorcé » dans divers documents.
- Le cotisant n’a pas avisé son employeur que Mme K. et lui avaient convenu qu’elle n’aurait pas droit à la pension de son employeur.
- L’appelante et le cotisant vivaient dans des domiciles différents. Il n’y a aucune preuve documentaire montrant que l’appelante et le cotisant ont passé la majeure partie de leur temps ensemble, comme elle l’a déclaré.
Ce que l’appelante doit prouver
[8] Pour gagner son appel, l’appelante doit prouver qu’elle a vécu en union de fait avec le cotisant pendant un an avant son décès.
Questions que je dois examiner en premier
La représentante ministérielle
[9] La représentante du ministre a déclaré qu’elle ne pouvait pas assister à l’audience à la date prévue. Je lui ai proposé deux autres dates dans la même semaine. Cependant, elle a dit qu’elle ne pouvait pas y assister avant la mi-septembre 2025.
[10] J’ai l’obligation de m’assurer que l’audience a lieu le plus rapidement possibleNote de bas de page 2. J’ai donc décidé d’aller de l’avant comme prévu.
Motifs de ma décision
[11] Le Régime de pensions du Canada prévoit qu’une pension de survivant doit être versée à la survivante ou au survivant d’une personne cotisante décédée. La personne survivante est celle qui était la conjointe ou le conjoint de fait de la personne cotisante au moment de son décèsNote de bas de page 3.
[12] Aux termes du Régime, une conjointe ou un conjoint de fait est la personne qui vivait avec la personne cotisante dans une relation conjugale pendant au moins un an avant le décès de la personne cotisanteNote de bas de page 4. Une exception peut être faite si la partie appelante et la personne cotisante se sont séparées pour des raisons indépendantes de leur volontéNote de bas de page 5.
[13] Le Régime ne définit pas la notion de [traduction] « cohabitation dans une relation conjugale ». Une décision de 2001, intitulée Betts, énonce cependant les facteurs qui sont habituellement pertinents pour cette questionNote de bas de page 6. Je les appellerai les « facteurs de la décision Betts ». Dans le présent appel, les plus pertinents sont les suivants :
- a) Voyages communs;
- b) Utilisation partagée des biens;
- c) Partage des responsabilités dans la gestion du ménage;
- d) Attentes d’une dépendance mutuelle continue;
- e) Relations sexuelles;
- f) Soins mutuels en cas de maladie et connaissance des besoins médicaux;
- g) Responsable des arrangements funéraires et du coût des funérailles;
- h) Résidence commune;
- i) Interdépendance financière;
- j) Bénéficiaire du testament et de la police d’assurance de l’autre.
[14] L’importance de chacun des facteurs de la décision Betts variera énormémentNote de bas de page 7. Toutefois, une relation conjugale implique généralement que les parties se déclarent comme « conjoints de fait » et aient des intérêts financiers communs.
Motifs de ma décision
[15] L’appelante a affirmé catégoriquement que le cotisant et elle ont vécu en union de fait pendant cinq ans avant son décès.
[16] L’appelante a connu une période très difficile. En septembre 2023, elle a perdu sa mère. En janvier 2024, le cotisant est décédé.
[17] Je suis sensible à la situation de l’appelante. Je suis également consciente que la preuve démontre que leur relation avait certaines caractéristiques d’une union de fait. Cependant, j’ai accordé plus d’importance à deux des facteurs.
[18] Premièrement, les parties ne se sont pas toujours présentées comme étant des conjoints de fait auprès du gouvernement.
[19] Deuxièmement, la séparation de biens était presque complète.
Éléments de preuve qui semblent indiquer une union de fait
La preuve de l’appelante
[20] Les renseignements fournis par l’appelante et d’autres personnes témoignent de caractéristiques d’une union de fait.
[21] La Déclaration solennelle d’union de fait de l’appelante indiquait que le cotisant et elle vivaient ensemble de façon continue du 1er décembre 2020 jusqu’à son décès le 2 janvier 2024Note de bas de page 8. L’appelante a déclaré qu’ils avaient passé plus de temps ensemble après sa retraite en juin 2022.
[22] L’appelante a déclaré que le cotisant et elle voyageaient ensemble. Ils ont fait un voyage en famille en Jamaïque avec leurs filles en 2019. Ils ont fait des voyages au Mexique en 2022 et en 2023 et en ont divisé le coûtNote de bas de page 9. Ils ont fait du camping ensemble et en ont divisé le coûtNote de bas de page 10. Elle a déclaré qu’ils laissaient des vêtements chez l’autreNote de bas de page 11.
[23] Il y a un élément de preuve documentaire montrant que les parties vivaient ensemble en 2022. L’appelante a fourni un courriel de confirmation d’une réservation dans un parc provincial de l’Ontario pour août 2022. Il est daté de mars 2022. Le courriel a été envoyé à l’adresse courriel du cotisant, mais l’adresse postale mentionnait le nom de l’appelante à l’adresse du cotisantNote de bas de page 12. Selon moi, ce n’est pas une preuve convaincante que les parties ont vécu en union de fait de façon continue pendant au moins un an avant le décès du cotisant.
[24] Les parties se présentaient comme un couple dans un contexte socialNote de bas de page 13. Cependant, il semble qu’en décembre 2023, le cotisant ait parfois socialisé de façon indépendante avec des personnes qui lui étaient proches. Le 26 décembre 2023, il a rendu visite à un ami et le 27 décembre 2023, à sa sœur et son mari, selon le témoignage de l’appelante. Ces deux visites ont eu lieu en l’absence de l’appelante.
[25] L’appelante a déclaré que le cotisant et elle travaillaient sur des projets à leurs domiciles respectifsNote de bas de page 14. Elle a déclaré qu’elle faisait les courses pour eux deux en route vers le domicile du cotisant parce que c’était moins cher et qu’il y avait plus de variété.
[26] L’appelante a déclaré que le cotisant et elle avaient des relations sexuelles. Ils dormaient dans le même litNote de bas de page 15.
[27] En novembre 2023, l’appelante a contribué 10 000 $ au remboursement du prêt hypothécaire du cotisant après avoir reçu un héritage de sa mèreNote de bas de page 16.
Projets
[28] Selon l’appelante, le cotisant et elle voulaient vendre leurs logements respectifs un jour et acheter un nouveau logement ensembleNote de bas de page 17. Ils attendaient que leur fille cadette termine ses études universitaires et que leur fille aînée trouve un emploi stable.
[29] En août 2024, J. L., ministre presbytérien, a déclaré que l’appelante et le cotisant avaient discuté de la possibilité de se remarier une fois que leurs enfants sont [traduction] « établies dans leurs habitudes de vieNote de bas de page 18 ».
Problèmes de santé
[30] L’appelante a participé activement aux soins de fin de vie du cotisant. À la mi-décembre 2023, il a reçu un diagnostic de cancer. L’appelante s’est rendue avec lui à Sudbury pour qu’il passe des examens médicauxNote de bas de page 19. Le 27 décembre, elle l’a conduit à l’hôpital d’Orangeville. Le plan était que le cotisant habite chez l’appelante pendant qu’il suivait une chimiothérapie et possiblement une radiothérapieNote de bas de page 20. Malheureusement, il est décédé le 2 janvier 2024, avant de pouvoir recevoir un tel traitement. L’appelante était avec lui au moment de son décèsNote de bas de page 21.
Funérailles
[31] À l’audience, l’appelante a témoigné que plusieurs personnes étaient impliquées dans l’organisation des funérailles : elle-même, ses filles et la sœur du cotisant. Les funérailles ont eu lieu dans la ville où l’appelant vivait.
[32] L’avis de nécrologie du cotisant l’a décrit comme étant le [traduction] « mari bien-aimé de J. » et le [traduction] « cher beau-fils » des parents de l’appelanteNote de bas de page 22.
Éléments de preuve à l’encontre d’une union de fait
Les parties ont dit aux autorités que leur état matrimonial était « divorcé »
[33] La Cour d’appel fédérale a conclu dans une décision qu’il était raisonnable de trancher une affaire en fonction de ce qu’un couple a dit aux autorités fiscales et aux responsables de l’aide sociale au sujet de son état matrimonialNote de bas de page 23.
[34] Dans leurs déclarations de revenus de 2022, l’appelante et le cotisant ont déclaré que leur état matrimonial était « divorcé ». Ils ont donné des adresses différentes, à des endroits situés à environ 2, 5 heures l’un de l’autreNote de bas de page 24. Ces déclarations ont été préparées en avril 2023 et indiquaient leur état matrimonial au 31 décembre 2022Note de bas de page 25. Au début de 2023, ils ne se présentaient pas aux autorités fiscales comme conjoints de fait.
[35] Dans le même ordre d’idées, N. a inscrit l’état matrimonial du cotisant comme étant divorcé dans sa demande de prestation de décès et dans la demande de prestations d’enfant pour sa sœurNote de bas de page 26.
[36] Dans sa déclaration de revenus de 2023, l’appelante a déclaré qu’elle vivait en union de fait avec le cotisant. La déclaration de revenus du cotisant pour cette année-là, préparée après son décès, indiquait qu’ils étaient conjoints de faitNote de bas de page 27. Toutefois, au moment où ces déclarations de revenus ont été préparées, l’appelante connaissait le critère relatif à la pension de survivant et le cotisant était décédé.
Ils étaient en grande partie financièrement indépendants l’un de l’autre
[37] La séparation de biens de l’appelante et du cotisant était presque complète.
[38] L’appelante a déclaré que le cotisant avait de la difficulté à gérer la paperasse. Elle a affirmé qu’il a cependant fait son testament en 2022 ou en 2023. Elle n’a rien reçu par testament. Sa fille N. était l’exécutrice testamentaire. N. et sa sœur ont reçu le produit de sa police d’assurance-vie.
[39] L’appelante n’était pas copropriétaire du logement du cotisant, et réciproquement. Leurs filles ont hérité du logement du cotisant.
[40] L’appelante et le cotisant n’avaient pas de compte bancaire, de fiducie, de compte dans une coopérative de crédit ou de compte de carte de crédit communsNote de bas de page 28.
[41] Lorsque le cotisant est allé à l’hôpital en décembre 2023, il a donné à son médecin la permission de parler au cotisant [sic] de son état de santéNote de bas de page 29. Si elle avait eu une procuration qui lui permettait d’agir en son nom, cela n’aurait pas été nécessaire.
[42] Le cotisant recevait une pension de son employeur. Celle-ci prévoyait une pension pour la personne survivante. En février 2020, Mme K. a signé une renonciation selon laquelle elle n’avait pas droit à cette pensionNote de bas de page 30. Elle l’a tout de même perçueNote de bas de page 31. Le cotisant n’a jamais transféré à l’appelante les droits de survie de sa pension d’employé.
[43] L’appelante a déclaré que sa fille N. a payé les funérailles à partir du compte bancaire du cotisant.
L’appelante et le cotisant n’ont pas été séparés pour des raisons indépendantes de leur volonté
[44] L’appelante ne prétend pas qu’une séparation involontaire est survenue. Elle prétend que le cotisant et elle vivaient en union de fait l’année précédant son décès.
Conclusion
[45] Je rejette l’appel.
[46] Dans leurs déclarations de revenus de 2022, l’appelante et le cotisant ont tous deux déclaré que leur état matrimonial était « divorcé ». Ils avaient chacun leur propre logement. Il n’y a aucune preuve documentaire montrant qu’ils vivaient toujours ensemble dans l’année précédant son décès. Ils ne partageaient pas de compte bancaire ni de carte de crédit. Elle n’a pas payé les funérailles ni touché la prestation de décès. L’appelante n’a reçu aucune prestation en vertu du testament ou de la police d’assurance du cotisant et n’était pas l’exécutrice testamentaire de sa succession.
[47] L’appelante a déclaré que le cotisant a cotisé au Régime de pensions du Canada pendant des décennies. Il avait seulement reçu trois chèques de la pension de retraite du Régime. Elle pensait qu’elle devrait recevoir la pension de survivant en raison de toutes les années où il avait cotisé au Régime.
[48] Je suis sensible à la situation de l’appelante. Elle a déclaré qu’elle et le cotisant s’aimaient, et je la crois.
[49] Cependant, je dois respecter la loi. Je ne peux pas rendre de décisions fondées sur des motifs de compassion ou des circonstances particulièresNote de bas de page 32.
[50] Je conclus que l’appelante n’est pas admissible à une pension de survivant du Régime de pensions du Canada. Elle n’a pas prouvé qu’elle et le cotisant vivaient en union de fait pendant toute l’année précédant son décès.
[51] Par conséquent, l’appel est rejeté.