Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Comparutions

  • Appelant : K. A.
  • Avocat de l’appelante : Kenneth Walton
  • Témoin de l’appelante : T. A.
  • Avocate de l’intimé : Carole Vary

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] Le 5 juillet 2012, un tribunal de révision a rejeté l’appel de l’appelante à l’encontre de la décision de l’intimé de cesser de lui verser des prestations d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (ci-après la « Loi »).

[3] L’appelante avait initialement présenté à la Commission d’appel des pensions (la « CAP »), le 21 septembre 2012, une demande de permission d’interjeter appel de la décision du tribunal de révision (ci-après la « demande de permission d’en appeler »).

[4] Le 31 octobre 2012, la CAP a accordé la permission d’interjeter appel. En application de l’article 259 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012, la division d’appel du Tribunal est réputée avoir accordé le 1er avril 2013 la permission d’en appeler.

[5] Le présent appel a été instruit selon le mode d’une audience par comparution en personne des parties pour les raisons énoncées dans l’avis d’audience daté du 9 septembre 2013.

Droit applicable

[6] Afin de garantir l’équité, le présent appel sera examiné en fonction des attentes légitimes de l’appelante au moment du dépôt de sa demande de permission d’en appeler devant la CAP. Pour cette raison, la décision relative à l’appel sera rendue sur la base d’un appel de novo en application du paragraphe 84(1) du Régime de pensions du Canada (la Loi) dans sa version antérieure au 1er avril 2013.

[7] L’alinéa 44(1)b) de la Loi énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne touche pas de pension de retraite du Régime de pensions du Canada;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au Régime de pensions du Canada pendant au moins la période minimale d’admissibilité.

[8] L’alinéa 70(1)a) de la Loi prévoit qu’une pension d’invalidité cesse d’être payable avec le paiement qui concerne le mois au cours duquel le bénéficiaire cesse d’être invalide.

Question en litige

[9] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer si, selon toute vraisemblance, l’appelante avait cessé d’être invalide en janvier 2011, mois au cours duquel l’intimé a cessé de lui verser des prestations d’invalidité.

Preuve

[10] L’appelante est aujourd’hui âgée de 46 ans. Elle vit avec son mari, T. A., à C. R., en Colombie-Britannique. L’appelante a un diplôme de 12e année et a occupé divers emplois.

[11] En 1993, une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada a été accordée à l’appelante. Les documents d’ordre médical indiquent que l’appelante a une tumeur dans la colonne cervicale, qui ne pouvait être excisée complètement de façon chirurgicale. Cette tumeur a entraîné des dommages neurologiques, qui font en sorte qu’elle a perdu toute sensation dans la main droite. Lors de l’intervention chirurgicale qu’elle a subie pour l’ablation d’une partie de la tumeur, on lui a aussi découvert une syringomyélie dans la colonne vertébrale. Après l’intervention chirurgicale, elle a subi une fuite du liquide céphalorachidien, ce qui a entraîné des dommages neurologiques qui ont affecté sa jambe droite, de sorte qu’elle a maintenant une démarche spasmodique. L’appelante a, par la suite, subi une autre intervention chirurgicale à la colonne vertébrale pour installer des tiges visant à stabiliser sa colonne.

[12] L’appelante souffre également de la maladie de Crohn, qui a finalement été diagnostiquée en 2006 après une chirurgie. Dans son témoignage, l’appelante a déclaré que cette maladie n’a jamais connu de rémission, dans son cas. Elle n’invoque pas la maladie de Crohn comme état pathologique invalidant, mais elle a expliqué que le traitement d’un de ses états pathologiques a pour effet d’exacerber les symptômes de l’autre. Ainsi, la fatigue découlant de ses efforts pour composer avec ses déficits neurologiques amplifie ses symptômes de la maladie de Crohn.

[13] Dans son témoignage, l’appelante a déclaré qu’elle est autonome sur le plan des soins personnels, sauf qu’elle a parfois besoin d’aide pour se laver les cheveux. Elle a de la difficulté à manipuler des fermoirs - agrafes, boutons, etc. - donc, son mari le fait pour elle. L’appelante peut aussi difficilement faire quoi que ce soit qui nécessite l’utilisation des deux mains, comme ouvrir un bocal, insérer des feuilles dans une planchette à pince. L’appelante a indiqué qu’il lui faut environ trois heures et demie, à partir du moment où elle se lève le matin, pour se préparer à aller au travail, et qu’elle y parvient avec l’aide de son mari.

[14] Selon les conditions météorologiques, le mari de l’appelante la conduit au travail ou l’accompagne à pied, pour s’assurer qu’elle y arrive en sécurité. L’appelante a une démarche chancelante, et elle-même et son mari craignent qu’elle ne fasse une chute.

[15] En 2010, l’appelante a chuté sur un sol glissant alors qu’elle se rendait au travail. Elle a subi une fracture du poignet gauche et une commotion cérébrale, dont elle s’est complètement rétablie. L’appelante a toutefois déclaré, dans son témoignage, que cette chute a entraîné un déficit fonctionnel accru, dont elle ne s’est pas rétablie.

[16] L’appelante a commencé à recevoir des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada en juillet 1993. Depuis, son admissibilité aux prestations d’invalidité a été réévaluée à plusieurs reprises. Une première réévaluation a eu lieu en 1995, lorsqu’elle a tenté, sans succès, de retourner sur le marché du travail. Des prestations ont continué de lui être versées.

[17] L’appelante a de nouveau fait l’objet d’une évaluation en 1997 ; des prestations ont continué de lui être versées, car sa situation n’avait pas changé.

[18] En 2000, l’appelante a commencé à travailler, à raison d’environ 20 heures par semaine, pour un câblodistributeur. Des prestations ont cessé de lui être versées, mais ont repris juste avant que ne soit tenue une audience devant un tribunal de révision, l’intimé ayant accepté que l’appelante travaillait alors pour un employeur bienveillant. L’appelante a expliqué, dans son témoignage, que son employeur était lui-même une personne handicapée et qu’il avait modifié les attentes en matière de rendement dans son cas. Elle travaillait comme agente de recouvrement mais, contrairement aux autres employés, aucun quota ne lui était imposé quant au nombre d’appels à effectuer et elle n’avait pas à déchirer des feuilles de renseignements, comme les autres devaient le faire, en raison de son incapacité.

[19] En 2005, son admissibilité aux prestations d’invalidité a de nouveau été évaluée en raison des revenus qu’elle avait déclarés pour l’année 2003. Dans son témoignage, l’appelante a indiqué que, de 2002 à 2007, elle travaillait pour le Surrey Crime Prevention. Il s’agissait alors d’un poste que l’appelante et une autre femme handicapée occupaient toutes deux selon une entente de partage d’emploi. Ni l’une ni l’autre n’avait d’horaire de travail fixe, l’une s’assurant d’être présente lorsque l’autre n’était pas en mesure de se présenter au travail en raison de son état de santé. Pour cet emploi, il fallait être à un bureau pour coordonner des bénévoles chargés de patrouiller les terrains de stationnement afin de prévenir les crimes liés aux automobiles. L’appelante a expliqué qu’elle-même et sa collègue de travail avaient pressenti le sergent d’état-major qui dirigeait ce programme pour lui proposer l’entente relative au partage d’emploi. L’appelante a quitté cet emploi vers la fin de l’année 2007 en raison de changements survenus dans l’effectif. Lorsque son admissibilité a été réexaminée par l’intimé en 2005, ce dernier a conclu que l’appelante travaillait pour un employeur bienveillant et a continué de lui verser des prestations.

[20] De janvier à mai 2008, l’appelante a touché des prestations régulières d’assurance-emploi. Dans son témoignage, l’appelante a indiqué que lorsqu’elle remplissait les formulaires de déclaration, elle disait être prête et disposée à travailler et capable de le faire pendant la période visée, en fonction des tâches et des mesures d’adaptation que lui avait accordées son dernier employeur.

[21] En 2009, l’appelante a commencé à exercer l’emploi qu’elle occupe actuellement. Elle avait été recommandée pour occuper ce poste de coordonnatrice de la justice réparatrice, à C. R., par le sergent d’état-major pour lequel elle avait travaillé à Surrey. Ce dernier ainsi que des employés de la municipalité de C. R. lui ont fait passer une entrevue et l’ont embauchée pour le poste. L’appelante travaille en collaboration avec le détachement de la GRC de C. R., mais est rémunérée par la municipalité. Le directeur des services municipaux travaille dans le même immeuble qu’elle. Dans son témoignage, l’appelante a déclaré que lors de l’entrevue d’embauche, l’employeur était au courant de ses contraintes physiques.

[22] L’appelante a expliqué que les fonctions du poste consistent à examiner quotidiennement des courriels et des casiers judiciaires afin d’évaluer et de déterminer si les contrevenants sont des candidats appropriés pour une procédure de justice réparatrice, laquelle constitue une solution de rechange à une procédure pénale traditionnelle. L’appelante rencontre les parties, tant les contrevenants que les victimes, et organise et anime des séances (appelées forums) au cours desquelles les contrevenants et les victimes conviennent de la façon de redresser les commis.

[23] Dans son témoignage, l’appelante a indiqué qu’elle n’est pas en mesure d’accomplir certaines des tâches liées au poste et qu’elle bénéficie des mesures d’adaptation suivantes prises par son employeur :

  • - depuis la chute qu’elle a faite en 2010, elle gare sa voiture dans une voie d’accès des pompiers et n’a qu’à franchir une vingtaine de pas pour arriver à la porte de l’immeuble;
  • - le mari de l’appelante ou un employé municipal aménage la pièce dans laquelle se tiennent les séances, en déplaçant les meubles avant la tenue des séances puis en les remettant à leur place après;
  • - pour chaque séance, le mari de l’appelante s’occupe d’acheter des rafraîchissements et de les apporter dans la pièce;
  • - des collègues de travail aident l’appelante à boutonner son pantalon lorsqu’elle va aux toilettes;
  • - des collègues de travail aident l’appelante en soulevant et en transportant pour elle des cartables ou autres articles;
  • - les réunions du personnel de la municipalité se tiennent dans l’immeuble où travaille l’appelante, tout comme le sont les séances de justice réparatrice;
  • - l’appelante n’est pas tenue d’inscrire les heures travaillées chaque semaine ni d’en rendre compte;
  • - l’appelante porte un casque d’écoute lorsqu’elle utilise le téléphone.

[24] L’appelante a présenté une copie de son contrat de travail. On y indique qu’elle doit travailler six heures par jour, pour un total de 30 heures par semaine. Dans son témoignage, elle a déclaré qu’elle ne consigne pas les heures qu’elle travaille et que son employeur ne s’y attend pas non plus, contrairement aux autres employés.

[25] L’appelante a aussi présenté un relevé mensuel des jours et des heures où elle a travaillé au cours de la période de janvier 2009 à mars 2012. Le relevé démontre qu’à l’occasion, l’appelante est arrivée en retard, elle a quitté le travail plus tôt ou elle s’est absentée du travail. À l’exception de quelques mois seulement, elle a effectué plus de 70 pour cent des heures de travail qui lui avaient été assignées. Dans son témoignage, elle a aussi indiqué que pour compenser des absences du travail, elle travaille aussi parfois la fin de semaine, bien qu’on ne lui ait jamais demandé de le faire. L’appelante organise aussi la tenue des séances qu’elle anime pour qu’elles aient lieu un soir de semaine où elle est susceptible d’être présente. Elle tient environ 50 séances par an et n’a été absente qu’à trois occasions.

[26] L’appelante a préparé un tableau de ses revenus d’emploi au fil des ans, consigné comme étant la pièce 2 lors de d’audience. Ses revenus d’emploi sont les suivants :

  1. 2000 : 4 848 $
  2. 2001 : 14 405 $
  3. 2002 : 5 243 $
  4. 2003 : 14 560 $
  5. 2004 : 18 819 $
  6. 2005 : 19 144 $
  7. 2006 : 18 720 $
  8. 2007 : 16 411 $
  9. 2008 : aucun revenu d’emploi, uniquement des prestations d’assurance-emploi pendant une partie de l’année
  10. 2009 : 43 275 $
  11. 2010 : 45 006 $
  12. 2011 : 44 659 $
  13. 2012 : 45 482 $, y compris des revenus comme travailleuse autonome

[27] T. A. était prêt à témoigner en faveur de l’appelante. L’intimé a toutefois reconnu que l’appelante a des limitations physiques et qu’une assistance doit lui être fournie à domicile pour accomplir des tâches domestiques, ainsi que pour lui permettre de se rendre au travail et en revenir. Pour cette raison, M. A. n’a pas livré de témoignage.

Observations

[28] L’appelante soutient qu’elle continue d’être invalide au sens du Régime de pensions du Canada. Il ne s’agit pas d’un emploi véritablement rémunérateur, et la seule raison pour laquelle elle continue d’occuper ce poste est qu’elle a été embauchée par un employeur bienveillant, qui a modifié ses tâches et les exigences de l’emploi expressément pour elle. Elle n’est pas employable dans un milieu de travail concurrentiel.

[29] L’intimé soutient que l’appelante a cessé d’être invalide à compter de janvier 2011. Elle a un revenu d’emploi important, qui est près du maximum des gains annuels ouvrant droit à pension aux termes du Régime de pensions du Canada. Il s’agit d’un emploi véritablement rémunérateur. Elle a obtenu un emploi et continue d’occuper cet emploi qui tient compte de ses limitations.

Analyse

[30] L’intimé doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante a cessé d’être invalide aux termes de la Loi (Tessone c. Ministre du Développement des ressources humaines, CP03981, 20 février 1997).

[31] Les faits d’ordre médical relatifs à la présente affaire ne sont pas contestés. L’appelante a des dommages neurologiques permanents causés par une tumeur dans sa colonne vertébrale ainsi que par des interventions qu’elle a subies en lien avec cette tumeur. Elle souffre également de la maladie de Crohn, bien qu’il ne s’agisse pas d’un état pathologique sur lequel elle fonde sa demande de prestations d’invalidité. L’appelante ne peut plus se servir de sa main droite et n’a qu’une capacité fonctionnelle limitée de sa main gauche. Elle a une démarche spasmodique en raison de pertes fonctionnelles affectant sa jambe droite. Elle ne peut pas accomplir de tâches qui nécessitent l’usage des deux mains. Elle a besoin d’aide pour certains de ses soins personnels ainsi que pour certaines tâches ménagères.

[32] Malgré ses limitations physiques, l’appelante a des antécédents de travail exemplaires. Elle et une collègue ont proposé au sergent d’état-major, à Surrey, de travailler conjointement afin de coordonner un programme de bénévolat, ce qu’elles ont d’ailleurs fait avec succès pendant près de cinq ans.

[33] Lorsque, par la suite, l’appelante a déménagé à C. R., ce même sergent d’état-major l’a recommandée pour un poste en partenariat avec la GRC de l’endroit. L’appelante a été convoquée à une entrevue et a été embauchée. Quelque quatre années plus tard, elle occupe toujours le poste de coordonnatrice du programme de justice réparatrice. Dans son témoignage, elle n’a fait part d’aucune plainte relativement à son travail.

[34] L’appelante soutient qu’elle ne continue de travailler que parce que son employeur est bienveillant. Son avocat a fourni une définition de ce terme tiré de documents de politique de Service Canada, et il plaide que l’appelante a un travail uniquement parce qu’elle un employeur bienveillant et cela signifie qu’elle demeure invalide. Le terme employeur bienveillant n’est pas défini dans la jurisprudence ni dans la Loi.

[35] La preuve démontre aussi de façon claire que l’appelante bénéficie de mesures d’adaptation prises par son employeur en raison de ses limitations physiques. Elle a une place de stationnement réservée pour elle, elle a un casque d’écoute lorsqu’elle se sert du téléphone et elle a besoin d’aide pour certaines des tâches physiques associées à son poste. L’appelante n’a fourni aucune preuve que ces mesures d’adaptation dépassent ce qui est attendu d’un employeur dans un milieu de travail concurrentiel. Rien n’indiquait non plus que les mesures d’adaptation ont représenté une contrainte excessive pour l’employeur. Par conséquent, je conclus que même s’il est vrai que l’employeur a pris des mesures pour tenir compte des besoins de l’appelante, l’ampleur de ces mesures n’est pas telle qu’il s’agit là d’un employeur bienveillant.

[36] Je dois ensuite déterminer si l’appelante a une occupation véritablement rémunératrice. Le Régime de pensions du Canada n’en donne pas de définition, mais la Commission d’appel des pensions a conclu de façon constante que cette expression comprend les emplois pour lesquels la rémunération offerte pour services rendus ne serait pas une compensation modique, symbolique ou illusoire, mais plutôt une compensation qui correspond à une rémunération appropriée selon la nature du travail effectué (Poole c. Ministre du Développement des ressources humaines, CP20748, 2003). L’appelante touche 28,65 $ l’heure pour l’emploi qu’elle occupe. Elle accomplit un travail valable pour lequel elle est bien rémunérée, et ce revenu n’est pas une compensation modique ou illusoire. Avant de commencer à recevoir des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada, l’appelante avait un revenu d’emploi annuel de moins de 20 000 $. Elle gagne maintenant plus du double. Cette augmentation importante de son revenu d’emploi est un indicateur clair que l’appelante a une occupation véritablement rémunératrice.

[37] Bien que l’appelante ait fait valoir que le montant qu’elle tire d’un emploi n’est pas pertinent, l’intimé considère que puisque le revenu d’emploi de l’appelante est considérable cela signifie qu’elle a une occupation véritablement rémunératrice. Dans l’arrêt Ministre du Développement des ressources humaines c. Porter (CAP CP05616, 3 décembre 1998), la CAP a conclu que le revenu d’emploi est un facteur qui doit être pris en compte, même s’il n’est pas déterminant quant à la question de savoir si une occupation est véritablement rémunératrice. En l’espèce, c’est un indicateur clair que l’appelante a une occupation véritablement rémunératrice. En outre, l’appelante effectue un nombre d’heures de travail régulier chaque semaine et travaille aussi parfois le soir.

[38] L’avocat a aussi fait référence à l’arrêt Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences c. C.R. (CP28447, janvier 2013). Cette décision comprend un document de politique du ministre qui renferme un tableau des revenus d’emploi annuels qui correspondent à une occupation véritablement rémunératrice, de l’avis du ministre. Je ne suis pas liée par cette décision. Je ne suis pas non plus convaincue qu’un document de politique devrait être un facteur déterminant pour trancher la question dont je suis saisie. Je note cependant que le revenu d’emploi actuel de l’appelante est de loin supérieur aux montants figurant dans le tableau, ce qui démontre, encore une fois, que l’appelante a une occupation véritablement rémunératrice.

[39] Appelée à décrire la nature de ses tâches lors du témoignage, l’appelante a parlé des aspects de son travail qui sont de nature sédentaire ou n’exigeant pas d’efforts physiques, comme examiner les courriels et les casiers judiciaires, communiquer avec les parties, les interviewer et animer des rencontres. Je conclus, à partir de cette description, que ce sont là les fonctions essentielles de son poste, et non les tâches exigeant des efforts physiques, comme transporter des cartables et reconfigurer l’aménagement d’une salle de réunion. Elle est capable d’exécuter les tâches essentielles de son emploi sans aide. Cela démontre aussi une capacité de travailler de la part de l’appelante.

[40] L’appelante a une bonne assiduité au travail. Selon le tableau qu’elle a présenté, elle est au travail au moins 70 pour cent du temps. Elle prend un congé de maladie à l’occasion. Son employeur n’exige pas qu’elle consigne ses heures ni qu’elle suive un horaire strict. Aucun élément de preuve ne fait état de plaintes ou de mesures disciplinaires en raison des absences du travail de l’appelante.

[41] Chaque affaire doit être tranchée en fonction des faits qui lui sont propres. J’ai cependant examiné des décisions rendues par la Commission d’appel des pensions. L’avocat de l’appelante a fait référence à un certain nombre d’arrêts dans sa plaidoirie. Plusieurs de ces affaires se distinguent de celle dont je suis saisie par la nature des faits en cause. Ainsi, dans l’arrêt Ministre du Développement des ressources humaines c. Porter (CAP CP05616, décembre 1998), l’appelante était une personne quadraplégique qui devait être accompagnée d’un aidant en tout temps. L’aidant devait même composer les numéros de téléphone pour Mme Porter, ce qui constituait une partie importante du travail de celle-ci. Dans la présente affaire, l’appelante n’est pas une personne quadraplégique. Elle est partiellement autonome en ce qui concerne ses soins personnels ; elle peut conduire, marcher et exécuter sans aide les tâches essentielles de son poste.

[42] L’avocat de l’appelante a aussi fondé sa plaidoirie sur l’arrêt L.F. c. Ministre du Développement des ressources humaines et du Développement des compétences (CAP CP26809, 20 septembre 2010). Dans cette affaire, la Commission d’appel des pensions a déclaré que l’alinéa 42(2)a) de la Loi a trait à la capacité d’un requérant de travailler dans un environnement de travail valable et concurrentiel. On ne peut pas parler d’environnement valable et concurrentiel lorsqu’un employeur peut devoir prendre des mesures d’accommodement, comme dans le cas de l’appelante, en créant un environnement de travail souple pour lui permettre d’avoir un emploi qu’elle ne se serait autrement pas capable d’avoir dans un milieu de travail concurrentiel normal. Dans la mesure où cette décision porte sur ce que pourrait être un employeur bienveillant, j’estime que cet arrêt ne s’applique pas en l’espèce. Dans l’arrêt en question, l’appelante avait 56 ans et ne travaillait pas du tout. En l’espèce, l’appelante a 46 ans. Elle occupe le même emploi depuis 2009 et a occupé pendant cinq ans auparavant un autre emploi qui tenait compte de ses limitations. On ne peut dire de l’emploi de l’appelante qu’il a été créé avec un horaire à ce point souple que l’appelante ne serait en mesure de le faire dans un environnement de travail concurrentiel. L’appelante travaille sur semaine selon un horaire régulier, même si elle arrive souvent en retard au travail. Elle tient des séances le soir, à des moments qui lui conviennent. Cela ne constitue pas un arrangement qui va au-delà de ce à quoi on pourrait s’attendre dans un environnement de travail normal.

[43] L’avocat de l’appelante a aussi fait valoir que l’appelante ne peut se présenter au travail de façon prévisible ni demeurer au travail aussi longtemps que ne l’exige l’employeur. Dans l’arrêt Ministre du Développement des ressources humaines c. Clayton Bennett (CAP CP04757, juillet 1997), la Commission d’appel des pensions a conclu que la prévisibilité est essentielle pour déterminer si une personne travaille « régulièrement » au sens du Régime de pensions du Canada aux fins de l’établissement de l’invalidité. C’est une conclusion à laquelle je souscris. En me fondant sur les éléments de preuve présentés en l’espèce, y compris le témoignage de l’appelante et le relevé des heures travaillées qu’elle a présenté, je conclus qu’elle est capable de se présenter au travail de façon régulière et prévisible.

[44] Dans l’arrêt Boyle c. Ministre du Développement des ressources humaines (CAP CP26809, 29 avril 2003), l’appelante ne pouvait accomplir que 16 heures de travail par semaine et, pour bon nombre de ces heures, il s’agissait d’un travail non productif. Dans cet arrêt, les faits sont très différents de ceux dont je suis saisie. Non seulement l’appelante est-elle capable de travailler plus de 20 heures par semaine en moyenne, mais elle l’a fait pendant plus de quatre ans dans son poste actuel. Elle fait un travail productif. Aucun élément de preuve n’indique le contraire ou ne donne à penser que l’employeur n’est pas satisfait de son rendement.

[45] Il ressort de la preuve qui a été présentée que l’appelante a une capacité de travail. Elle a obtenu un emploi véritablement rémunérateur qui tient compte de ses limitations, et elle a conservé cet emploi au moins depuis son embauche dans le poste actuel, en janvier 2009. Pour ces motifs, je conclus que l’appelante n’est pas atteinte d’une invalidité au sens de la Loi et qu’elle ne l’a pas été depuis janvier 2011.

Conclusion

[46] L’appel est rejeté.

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