Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

[1] Le Tribunal accorde la permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale.

Introduction

[2] Le 10 janvier 2013, un tribunal de révision du Régime de pensions du Canada a déterminé qu’une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada n’était pas payable au demandeur. Le 14 février 2013 ou vers cette date, le demandeur a reçu communication de la décision du tribunal de révision. Le 8 mai 2013, il a déposé une demande de permission d’en appeler (ci-après « la demande ») devant la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale (ci-après « le Tribunal ») dans le délai de 90 jours prévu par la Loi sur le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences.

Question en litige

[3] Pour accorder une permission d’en appeler à la division d’appel, le membre doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[4] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[5] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

Observations du demandeur

[6] Le demandeur a invoqué deux principaux moyens d’appel à l’appui de sa demande de permission d’en appeler :

  • Le tribunal de révision a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Le demandeur soutient premièrement qu’en raison de la conclusion de fait erronée qu’il a tirée, le tribunal de révision était incapable [traduction] « d’apprécier correctement les efforts qu’il a déployés pour garder son emploi » et deuxièmement [traduction] que « cette conclusion a mené à une évaluation injuste de son traitement médical ».
  • Le tribunal de révision a rendu une décision entachée d’une erreur de droit en n’appliquant pas les principes établis dans l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général) 2001 CAF 248, c’est-à-dire qu’il n’a pas pris en considération sa situation particulière dans un « contexte réaliste » pour déterminer si son état pouvait être qualifié de grave, au sens du Régime de pensions du Canada.

Observations de l’intimé

[7] L’intimé n’a présenté aucune observation écrite.

Analyse

[8] Bien que la demande de permission d’en appeler soit un premier obstacle que le demandeur doit franchir – et un obstacle inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond – il reste que la demande doit soulever un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252 (CF).

(a) Conclusion de fait erronée

i. Efforts déployés pour trouver un emploi

[9] Le demandeur soutient que le tribunal de révision a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’il a tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Le demandeur soutient que l’erreur consiste à ne pas avoir accordé aux éléments de preuve l’importance qu’ils méritaient, mais allègue aussi que le tribunal de révision a tiré une conclusion de fait erronée en établissant que le demandeur n’avait fait aucun effort pour trouver un emploi après avoir quitté celui qu’il occupait, en septembre 2009. Le demandeur fait référence au paragraphe 28 de la décision du tribunal de révision, qui est rédigé ainsi :

[Traduction] « Depuis qu’il a quitté son emploi en septembre 2009, l’appelant n’a déployé aucun effort pour trouver un emploi qu’il aurait pu occuper malgré ses limitations fonctionnelles et n’a suivi aucun programme de recyclage professionnel ou de rattrapage scolaire susceptible de l’aider à trouver un tel emploi. » [Souligné par mes soins]

[10] Bien que le demandeur n’y ait pas fait référence dans ses observations, le paragraphe 34 de la décision du tribunal de révision déclare ce qui suit :

[34] [Traduction] « Le Tribunal a conclu que, depuis qu’il a cessé de travailler en septembre 2009, l’appelant n’a déployé aucun effort pour trouver un emploi ou suivre un programme de recyclage professionnel ou de rattrapage scolaire. De plus, les faits suivants ont mené à la conclusion que ce dernier n’avait pas une invalidité « grave » avant que sa période minimale d’admissibilité (PMA) prenne fin le 31 décembre 2011 : le traitement plutôt conservateur, à supposer qu’il y en ait eu, de l’état de l’appelant depuis qu’il a cessé de travailler en septembre 2009; le fait qu’il n’a pas suivi les recommandations de traitement émises par un neurologue et un psychiatre; et la consommation continue de marijuana que le psychiatre du demandeur a signalée et qui a peut-être aggravé l’anxiété de l’appelant. Le Tribunal est d’avis que l’appelant n’a pas démontré qu’il était incapable régulièrement de détenir une occupation véritablement rémunératrice avant que sa PMA prenne fin ». [Souligné par mes soins]

[11] Le demandeur soutient que le tribunal de révision a commis une erreur et qu’il n’a pas tenu compte d’éléments de preuve cruciaux lorsqu’il a conclu que le demandeur n’avait fait aucun effort pour trouver un emploi après septembre 2009, alors que la preuve démontrait le contraire. Le demandeur allègue qu’après septembre 2009, il a effectivement continué de chercher un emploi et qu’il a présenté plusieurs demandes d’emploi, mais qu’il n’a reçu aucune réponse. Pour étayer son témoignage, il se fonde sur le paragraphe 10 de la décision du tribunal de révision qui est rédigé ainsi : [Traduction] « À l’exception de quelques demandes d’emploi présentées après qu’il a quitté son emploi en septembre 2009 […] » Le demandeur s’est également inscrit à un programme de l’assurance-emploi destiné aux travailleurs autonomes et a tenté de mettre sur pied une entreprise à domicile en vendant des appareils d’éclairage intérieur. Il pensait qu’en travaillant de chez lui, il lui serait plus facile de prendre soin de sa santé. Dans sa demande de permission d’en appeler, le demandeur a expliqué que son entreprise avait été un échec en raison de son manque d’instruction, de formation et d’expérience. Le tribunal de révision a fait remarquer que le demandeur avait déclaré dans son témoignage qu’il aurait continué d’exploiter son entreprise si elle avait été rentable.

[12] Je dois préciser que je n’évalue pas le bien-fondé de la demande et que je ne demande pas à ce que l’on me démontre que le tribunal de révision a commis une erreur. Bien que la question puisse consister à déterminer si le demandeur a relevé correctement la conclusion de fait réputée être erronée, ou s’il a interprété ou compris correctement la conclusion de fait, cette question ne présente aucun intérêt pour une demande de permission d’en appeler. Pourvu que le demandeur puisse démontrer que l’appel présente une chance raisonnable de succès, cela me fournit un moyen d’appel suffisant pour accorder une permission. En l’espèce, le demandeur doit indiquer ce qu’il perçoit comme étant une conclusion de fait erronée sur laquelle le tribunal de révision s’est fondé pour rendre sa décision. Il a répondu à ce critère et je lui accorde donc une permission en me fondant sur ce moyen d’appel.

[13] Le demandeur soutient également que le tribunal de révision [traduction] « n’a pas accordé l’importance qu’il aurait dû aux efforts qu’il a déployés pour garder son emploi et a conclu que le demandeur n’avait fait aucun effort pour trouver un emploi, alors que la preuve démontre le contraire ». Formulée ainsi, l’observation porte sur l’importance à accorder à la preuve. Un tribunal de révision peut prendre en considération la preuve dont il est saisi et lui accorder l’importance qu’il juge appropriée. Il peut également évaluer la qualité de la preuve et déterminer quels sont les éléments de preuve à prendre en considération, le cas échéant. Si le présent appel n’avait porté que sur l’importance à accorder à la preuve, j’aurais conclu que je ne peux pas accorder une permission, car ce moyen d’appel ne présente aucune chance raisonnable de succès.

ii. Traitement médical

[14] Le demandeur soutient que le tribunal de révision a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’il a tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, mais il n’a pas indiqué quelle était la conclusion de fait erronée qui porte sur son traitement médical. Il ne conteste pas les conclusions du tribunal de révision relatives à son traitement médical. Je conclus que ce moyen d’appel ne présente aucune chance raisonnable de succès et je refuse d’accorder une permission en me fondant sur ce moyen d’appel.

[15] Le demandeur s’oppose à la façon dont le tribunal de révision, dans une certaine mesure, a appliqué ses conclusions de fait pour déterminer la gravité de son invalidité. Il soutient que le tribunal de révision a fait preuve d’un manque d’équité lorsqu’il a évalué si son programme de traitement était approprié. Il fait observer que le tribunal de révision a conclu que le demandeur n’avait pas suivi de programme de physiothérapie et de psychothérapie ni pris de médicaments, comme il lui avait été recommandé, pour soigner ses douleurs au dos, sa dépression et son anxiété. Le demandeur explique qu’il avait témoigné qu’il n’avait pas les moyens de suivre un traitement de physiothérapie jusqu’à ce qu’il commence à toucher des prestations du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées, soit aux alentours d’octobre 2012. Étant donné qu’il a éprouvé des difficultés financières jusque vers octobre 2012, il estime que le tribunal de révision n’aurait pas dû conclure qu’il n’avait pas mis en application les recommandations de traitement parce qu’il n’avait pas suivi de programme de physiothérapie.

[16] Le demandeur fait également remarquer qu’il avait cessé de prendre les anxiolytiques prescrits pour traiter son anxiété et sa dépression, plus particulièrement le Zoloft, en raison des effets secondaires négatifs réels et possibles. Compte tenu des effets indésirables que lui causaient les médicaments prescrits pour traiter son anxiété et sa dépression, ou de ceux qu’il aurait pu ressentir en les prenant, le demandeur estime que le tribunal de révision ne devrait pas conclure qu’il n’a pas suivi les recommandations de traitement parce qu’il ne les prenait pas. Le demandeur est d’avis qu’il était raisonnable de refuser de prendre des médicaments si ceux-ci lui causaient réellement des effets indésirables ou qu’ils auraient pu lui en causer.

[17] Le demandeur estime qu’il est injuste que le tribunal de révision soit arrivé à la conclusion qu’il n’était pas atteint d’une invalidité grave au sens du Régime de pensions du Canada parce qu’il avait cessé de prendre ses médicaments et qu’il n’avait pas suivi de programme de physiothérapie, alors qu’il était en mesure d’expliquer pourquoi il n’avait pas suivi certaines recommandations de traitement.

[18] Dans sa demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas présenté d’observations en réponse à la conclusion du tribunal de révision selon laquelle il n’avait pas suivi de programme de psychothérapie.

[19] Dans ses motifs, le tribunal de révision a fait référence à l’arrêt Ministre du Développement des ressources humaines c. Mulek (13 septembre 1996), CP 4719 (CAP) :

[Traduction] « La Commission a toujours jugé qu’une personne qui demande une pension d’invalidité est obligée de faire tous les efforts raisonnables et nécessaires pour entreprendre et suivre les programmes et traitements recommandés par les médecins traitants et les médecins conseils. Assez souvent, ces programmes offrent le seul espoir de redevenir un jour apte à détenir une occupation rémunératrice. On peut déterminer que l’invalidité est grave, selon la définition de ce terme, seulement lorsque ces mesures ont échoué, après des tentatives et des efforts raisonnables. »

[20] Il est difficile de dire, à la lecture de la demande de permission d’en appeler, si le demandeur estime qu’une évaluation injuste de la preuve par le tribunal de révision signifie que ce dernier a fait preuve de partialité. Par contre, le fait que le demandeur conteste la décision du tribunal de révision ne signifie pas que ce dernier a fait preuve de partialité ou que le demandeur a été traité injustement. Bien qu’un demandeur n’ait pas à démontrer qu’il y a eu partialité ou traitement injuste pour appuyer sa demande, il doit, à tout le moins, exposer le fondement de ses observations. Il ne suffit pas de présenter de nouveau la preuve dont le tribunal de révision a déjà été saisi ni de suggérer que ce dernier aurait dû tirer un ensemble de conclusions différentes pour démontrer qu’il y a eu partialité ou traitement injuste. En l’espèce, le tribunal de révision a cité la jurisprudence pour étayer sa décision. Le demandeur doit présenter des documents de référence à l’appui ou exposer le fondement de ses observations pour expliquer de quelle façon le tribunal de révision peut avoir été injuste. Puisqu’il n’a pas fait ça, je conclus que le présent moyen d’appel ne permet pas de démontrer que l’appel a une chance raisonnable de succès et je refuse donc d’accorder une permission en me fondant sur ce moyen d’appel.

(b) Défaut d’appliquer les principes de l’arrêt Villani

[21] Le demandeur allègue que le tribunal de révision a commis une erreur en n’appliquant pas les principes établis par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, puisqu’il n’a pas évalué son invalidité dans un « contexte réaliste ». Il soutient que le tribunal de révision doit prendre en compte certains facteurs comme « [l’]âge, [le] niveau d’instruction, [les] aptitudes linguistiques, [les] antécédents de travail et [l’]expérience de vie » d’une personne. Il soutient également que, dans le cas présent, le tribunal de révision n’a pas pris en considération sa situation particulière, même s’il fait référence à l’arrêt Villani au paragraphe 24 de sa décision. Bien que le demandeur cite plusieurs facteurs qui, selon lui, auraient dû être pris en compte par le tribunal de révision avant qu’il rende sa décision, l’évaluation de ces facteurs dépasse la portée de la présente demande de permission d’en appeler. Je suis d’avis que la question de savoir si le tribunal de révision a appliqué correctement les principes de l’arrêt Villani ou s’il ne les a pas appliqués du tout à la situation particulière du demandeur soulève un moyen sur lequel l’appel peut être fondé pour avoir une chance raisonnable de succès. Par conséquent, j’accueillerai la demande de permission d’en appeler sur cette question précise.

Conclusion

[22] La demande est accueillie.

[23] La décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.