Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] Le Tribunal de la sécurité sociale (ci-après « le Tribunal ») refuse d’accorder la permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal.

Introduction

[2] Le 12 février 2013, un tribunal de révision a déterminé qu’une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada n’était pas payable à la demanderesse. Le 2 avril 2013 ou vers cette date, la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler (ci-après « la demande ») à la division d’appel du Tribunal, dans le délai prescrit par la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

Question en litige

[3] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable

[4] Selon les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission, et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[5] Aux termes du paragraphe 58(2) de cette même loi, la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Observations de la demanderesse

[6] Dans sa demande de permission d’en appeler et son avis d’appel, la demanderesse fait valoir que la décision du tribunal de révision est inéquitable et inhumaine. Elle s’exprime en ces termes :

[Traduction] La perte auditive totale est permanente et incurable. Je n’ai aucune chance d’obtenir un emploi et de gagner un salaire me permettant de subvenir aux besoins d’une famille. Je devrai vivre avec cette douleur et cette souffrance pour le reste de ma vie. Quand j’étais capable de travailler, j’ai participé et cotisé au RPC à chacune de mes paies. Comme les participants au RPC et membres actifs, les gens achètent des assurances vie ou des assurances habitation qui leur permettent de toucher une compensation s’ils subissent un accident ou si leur maison est endommagée ou passe au feu. Toutes les associations dont je suis membre me donnent le privilège d’en tirer un bénéfice. Dans le cas du RPC, je dois payer, mais je n’obtiens rien en retour lorsque je me retrouve en situation de crise. Pourquoi dois-je payer pour quelque chose qui ne m’apporte rien ou dont je ne peux pas bénéficier? Quelle douleur et quelle souffrance supplémentaires dois-je supporter pour recevoir cette pension d’invalidité? [...] Le fonds d’invalidité du RPC n’est qu’un paiement partiel : ce ne serait pas un luxe, mais plutôt une compensation des coûts de la douleur et de la souffrance que j’aurai à endurer pour le reste de mes jours. Malheureusement, les gens doivent souffrir ou frôler la mort pour recevoir ce type de prestations.

[7] La demanderesse a comparé l’impact de la décision du tribunal de révision à la torture et à la souffrance qu’elle et sa famille ont endurées sous le régime des Khmers rouges.

[8] La demanderesse a également fourni des documents additionnels à l’appui de son appel et de sa demande de permission d’en appeler, notamment les suivants :

  1. i) une note du Dr Ian Huang, dans laquelle il est indiqué que la demanderesse souffre d’une rhinite allergique grave et d’une lourde perte auditive permanente. La date de cette note est illisible, mais le document semble avoir été rédigé quelque part en 2013;

  2. ii) une lettre datée du 12 novembre 2013 et rédigée par le médecin de famille de la demanderesse, le Dr D.S. Brar. Celui-ci confirme que la demanderesse souffre d’une perte auditive complète du côté droit et grave du côté gauche, lesquelles ne peuvent être corrigées à l’aide d’appareils auditifs. Il indique que l’invalidité est grave et permanente.

Observations de l'intimé

[9] L’intimé n’a présenté aucune observation écrite.

Analyse

[10] La demande de permission d’en appeler est un premier obstacle que la demanderesse doit franchir – inférieur à celui auquel elle devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond. Toutefois, pour que la demande soit recevable, elle doit présenter un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel (Kerth c. Canada [Ministre du Développement des ressources humaines], [1999] A.C.F. no 1252 [CF]).

[11] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[12] Dans la présente affaire, la décision du tribunal de révision est considérée comme une décision de la division générale.

[13] La demanderesse n’a pas précisé en quoi les raisons invoquées soulèvent l’un des moyens d’appel admissibles. Elle n’a cité aucune erreur de droit que le tribunal de révision aurait pu commettre et ne soutient pas que le tribunal de révision a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée. Bien qu’elle fasse valoir que la décision rendue est inéquitable et inhumaine, elle ne va pas jusqu’à prétendre que le tribunal de révision n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence.

[14] Pour démontrer que le tribunal de révision a manqué à un principe de justice naturelle, qu’il a rendu une décision entachée d’une erreur de droit ou qu’il a tiré une conclusion de fait erronée, il ne suffit pas de faire référence de manière générale aux éléments de preuve qui ont été portés à la connaissance du tribunal de révision et de laisser entendre que ce dernier aurait dû en tirer des conclusions autres que celles qu’il a tirées.

[15] Comme la demanderesse n’a invoqué aucun des moyens d’appel admissibles, je ne suis pas en mesure de conclure que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Documents additionnels

[16] La demanderesse a déposé en preuve des dossiers médicaux supplémentaires à l’appui de sa demande de permission d’en appeler et de son avis d’appel, mais je ne peux pas les prendre en considération. Elle n’a pas expliqué pourquoi elle avait déposé ces documents additionnels ni comment ils pouvaient être liés à l’un des moyens d’appel. Si la demanderesse a présenté ces dossiers médicaux dans le but de faire annuler ou modifier la décision du tribunal de révision, elle doit se conformer aux exigences des articles 45 et 46 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, et elle doit présenter une demande d’annulation ou de modification à la division qui a rendu la décision (en l’espèce, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale). Pour que cette demande soit approuvée, la demanderesse doit également se soumettre à d’autres exigences. Aux termes de l’article 66 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, elle doit démontrer que les nouveaux faits sont essentiels et qu’ils n’auraient pu être connus au moment de l’audience malgré l’exercice d’une diligence raisonnable. En l’espèce, la division d’appel ne peut pas annuler ni modifier une décision en fonction de faits nouveaux, puisque seule la division qui a rendu la décision a le pouvoir de le faire. En résumé, la demanderesse ne soulève aucun moyen d’appel sur lequel je peux m’appuyer pour examiner les dossiers médicaux additionnels.

[17] Quoi qu’il en soit, les opinions du Dr Huang et du Dr Brar ont été présentées au tribunal de révision. Même si le Dr Brar est d’avis que l’invalidité de la demanderesse est grave et permanente, c’est au juge des faits qu’il revient de déterminer si la demanderesse peut être considérée comme invalide au sens du Régime de pensions du Canada.

Régime de pensions du Canada

[18] La demanderesse soutient qu’elle a droit à des prestations d’invalidité puisqu’elle a versé des cotisations au Régime de pensions du Canada et qu’elle s’attendait à être couverte dans l’éventualité d’une blessure ou d’un problème de santé qui la rendrait incapable de travailler.

[19] Dans la décision Miceli-Riggins c. Procureur général du Canada, 2013 CAF 158, la Cour d’appel fédérale a examiné les objectifs du Régime de pensions du Canada. Elle s’est exprimée en ces termes :

[69] [...] Le Régime n’est pas censé satisfaire les besoins de tout le monde. C’est plutôt un régime contributif qui remplace en partie des revenus dans certaines circonstances définies de façon technique. Il est conçu pour être complété par les régimes de pension privés, l’épargne privée, ou les deux. Voir l’arrêt Granovsky c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 2000 CSC 28, [2000] 1 R.C.S. 703, au paragraphe 9.

[70] En fait, on ne peut même pas dire du Régime qu’il vise à accorder des prestations à tels ou tels groupes démographiques. Il convient plutôt de le considérer comme une assurance obligatoire basée sur des cotisations et un régime de pension conçu pour fournir une certaine aide – loin d’être complète – aux personnes qui répondent à des critères de qualification techniques.

[71] Tout comme dans un régime d’assurance, les prestations sont payables en fonction de critères d’admissibilité hautement techniques.

[...]

[74] Pour reprendre les termes de la Cour suprême :

Le [Régime] est un régime d’assurance sociale destiné aux Canadiens privés de gains en raison d’une retraite, d’une déficience ou du décès d’un conjoint ou d’un parent salarié. Il s’agit non pas d’un régime d’aide sociale, mais plutôt d’un régime contributif dans lequel le législateur a défini à la fois les avantages et les conditions d’admissibilité, y compris l’ampleur et la durée de la contribution financière d’un demandeur.

(arrêt Granovsky, précité, au paragraphe 9)

(Non souligné dans l’original)

[20] Les prestations d’invalidité ne sont pas payables à toute personne souffrant d’une invalidité. Il est clair qu’un demandeur doit satisfaire à certaines exigences pour être admissible à ces prestations en vertu du Régime de pensions du Canada. Le tribunal de révision n’était pas d’avis que la demanderesse satisfaisait à ces exigences.

[21] Comme la demanderesse n’a fait état d’aucune erreur commise par le tribunal de révision, je ne suis pas en mesure de conclure que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[22] Bien que je sois très sensible à la situation de la demanderesse, je ne peux pas lui accorder la permission d’en appeler. La permission est refusée.

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