Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Comparutions

  • Appelante: R. S.
  • Avocat de l’appelante: Rajinder Singh Johal
  • Avocat de l’intimé: Mathieu Joncas
  • Témoin expert pour l’intimé: Dre Micheline Begin

Introduction

[1] L’appelante a présenté une demande d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) au motif que son arthrite aux deux genoux et ses douleurs au dos l’ont rendue invalide, et que cette invalidité est grave et prolongée.

[2] L’intimé a apposé le timbre dateur sur la demande de pension d’invalidité du RPC de l’appelante le 16 juillet 2010. Il a refusé la demande de l’appelante à l’étape initiale et à celle de la révision. L’appelante a interjeté appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision. Le 27 septembre 2012, un tribunal de révision a déterminé qu’aucune pension d’invalidité du RPC n’était payable à l’appelante et a rejeté la demande.

[3] L’appelante a présenté une demande de permission d’appeler de la décision du tribunal de révision à la Commission d’appel des pensions (CAP). La CAP lui a accordé cette permission le 25 février 2013.

[4] Selon l’article 259 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012, la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale (TSS) est réputée avoir accordé la permission d’interjeter appel le 1er avril 2013.

[5] L’audience d’appel s’est déroulée en personne pour les raisons données dans l’avis d’audience, envoyé aux parties le 22 août 2013.

[6] Par souci d’équité, l’appel a été examiné en fonction des attentes légitimes qu’avait l’appelante au moment où elle a présenté sa demande de permission d’interjeter appel à la CAP. Pour cette raison, la décision d’appel a été rendue sur la base d’un appel de novo, conformément au paragraphe 84(1) du Régime de pensions du Canada (la Loi) tel qu’il était formulé avant le 1er avril 2013.

Critères d'admissibilité

[7] L’alinéa 44(1)b) de la Loi énumère les conditions d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à une telle pension, le demandeur :

  1. a) ne doit pas avoir atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne doit pas toucher de pension de retraite du RPC;
  3. c) doit être invalide;
  4. d) doit avoir versé des cotisations valides pendant au moins la période minimale d’admissibilité.

Question en litige

[8] Le RPC est un régime contributif. Les demandeurs sont admissibles à des prestations d’invalidité uniquement s’ils ont cotisé au RPC pendant un certain nombre d’années. Ce nombre d’années correspond à la période minimale d’admissibilité et est calculé selon les dispositions de la Loi en vigueur à la date pertinente. Le calcul de la période minimale d’admissibilité est important, car le demandeur doit établir qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de cette période ou avant cette date.

[9] La question de la période minimale d’admissibilité n’a pas été contestée en l’espèce : les parties ont convenu dès le début de l’audience que la période minimale d’admissibilité de l’appelante avait pris fin le 31 décembre 2011. Le Tribunal conclut donc que, en l’espèce, la date de fin de la période minimale d’admissibilité est le 31 décembre 2011.

[10] Dans l’affaire qui nous occupe, le Tribunal doit déterminer si l’appelante était vraisemblablement atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité ou avant cette date. Par conséquent, l’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2011 ou avant cette date.

[11] Selon l’alinéa 42(2)a) de la Loi, une personne est considérée invalide si elle est atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Elle n’est prolongée que si elle est déclarée devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès. L’alinéa en question est reproduit ci-après :

  1. 42.(2)a) Pour l’application de la présente loi :
  2. a) une personne n’est considérée comme invalide que si elle est déclarée, de la manière prescrite, atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée, et pour l’application du présent alinéa :
    1. i) une invalidité n’est grave que si elle rend la personne à laquelle se rapporte la déclaration régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice,
    2. ii) une invalidité n’est prolongée que si elle est déclarée, de la manière prescrite, devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès.

Preuve

En l’espèce, la preuve est composée du témoignage de vive voix des témoins, du contenu du dossier d’audience et des pièces. Le dossier d’audience contient divers documents et rapports, y compris des rapports médicaux, des rapports d’examen indépendant, des évaluations et des rapports d’imagerie diagnostique, dont la plupart ont été fournis par l’appelante. Il contient également des documents fournis par l’intimé. Les pièces suivantes ont aussi été versées au dossier lors de l’audience :

Pièce 1 : Lettre de la Dre Begin au Dr Mand datée du 27 août 2013

Pièce 2 : Rapport du Dr Mark P. Angelini daté du 15 novembre 2012

Pièce 3 : Curriculum vitæ du Dr Begin

Pièce 4 : Lettres de Mathieu Joncas à Nancy LePitre datées du 3 octobre 2013, qui  comprennent  le  sommaire  du   témoignage   proposé   par   la Dre Micheline Begin.

[12] Les faits pertinents, le contexte et la preuve sont résumés dans les paragraphes qui suivent.

Discussion du cas de l’appelante

[13] L’appelante est née en Inde, où elle a obtenu un baccalauréat en science et un baccalauréat en éducation. Dans les deux cas, elle a étudié en anglais. Lors de son témoignage, l’appelante a mentionné avoir travaillé comme enseignante dans une école publique de l’Inde pendant environ quatre à cinq ans avant d’immigrer au Canada. Elle enseignait en punjabi. L’appelante avait 52 ans à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité et 54 ans au moment de l’audience.

[14] Après son arrivée au Canada, vers 1989, l’appelante a décroché un emploi de travailleuse manuelle dans le cadre duquel elle accomplissait des tâches de pressage et d’emballage. Elle a occupé cet emploi pendant six à sept mois. En 1990, elle a travaillé comme manœuvre dans une entreprise de plastique. En 1993, elle a décroché un emploi dans une entreprise de pièces d’automobiles, où elle a travaillé pendant environ cinq ans, jusqu’en 1999, année au cours de laquelle elle a été mise à pied en raison de la fermeture de l’usine. En 2000, elle a commencé à travailler pour MSV Plastics, sur la chaîne de montage. Elle a cessé de travailler le 17 juin 2008 en raison de douleurs au genou droit. Pendant huit à neuf mois avant d’arrêter de travailler, l’appelante a souffert de douleurs au genou droit.

[15] Lors de son témoignage, l’appelante a indiqué que, après avoir commencé à ressentir des douleurs au genou droit, elle avait consulté le Dr Gurpal Mand, son médecin de famille, qui l’avait informée qu’elle avait de l’arthrite au genou. Le Dr Mand n’a pas demandé qu’elle passe de radiographies et ne lui a pas prescrit de médicaments. Au travail, l’appelante a été affectée aux travaux légers pendant les huit à neuf mois suivants. Pendant cette période, elle massait son genou avec de l’huile de moutarde deux à trois fois par semaine.

[16] L’appelante a déclaré que, après qu’elle eut cessé de travailler le 17 juin 2008, le Dr Mand l’avait envoyée passer une scintigraphie de tout le corps et lui avait prescrit du Naproxen. Elle a ensuite vu le Dr Turchin, chirurgien orthopédiste, qu’elle a continué à consulter tous les mois pendant un certain temps. Le Dr Turchin a continué de la traiter au Naproxen, mais il a par la suite changé sa médication parce qu’elle ne procurait pas beaucoup de soulagement à sa patiente. Le Dr Turchin a informé l’appelante que ses problèmes empiraient progressivement.

[17] L’appelante a été dirigée vers la Dre Shaila Kaloni, rhumatologue, qu’elle a consultée vers le mois de juin 2009. Elle a déclaré, lors de son témoignage, que la Dre Kaloni lui avait prescrit du Tylenol et l’avait envoyée en physiothérapie. Je remarque que le  dossier  d’audience  contient,  à  la  page 113,  un  rapport  daté  du 30 juin 2009, rédigé à la main par la Dre Kaloni et adressé au Dr Mand. Dans ce rapport, la Dre Kaloni indique que l’appelante consomme du Naproxen à une dose de 500 mg ainsi que du Tylenol no 2, mais que le plan est qu’elle prenne du Voltaren à raison de 75 mg et du Pennsaid, et qu’elle passe une IRM. Des traitements de physiothérapie ont aussi été recommandés. En addenda, la Dre Kaloni précise que la patiente a été vue le 16 novembre 2009 et le 20 janvier 2010, qu’aucune amélioration n’a été notée et qu’un traitement au Mobicox a été recommandé.

[18] L’appelante a déclaré qu’elle suivait encore des traitements de physiothérapie, même si cela ne lui procurait qu’une trentaine de minutes de soulagement. Elle assistait à deux séances par semaine, à raison d’une demi-heure par séance. Les traitements comprenaient l’utilisation de machines, d’ultrasons, de laser et de coussins chauffants.

[19] L’appelante a indiqué qu’elle était incapable de faire les exercices recommandés par son physiothérapeute à la maison en raison de ses douleurs aux genoux et au dos. Lors du contre-interrogatoire, elle a précisé qu’elle avait essayé de soulever des poids, mais qu’elle n’arrivait pas à faire de tels exercices à cause de la douleur. Elle a toutefois mentionné qu’elle faisait les exercices qui consistaient à lever les jambes et à garder les pieds en position verticale.

[20] Lors de son témoignage, l’appelante a déclaré que, en raison de ses douleurs au dos et aux genoux, elle était incapable de se pencher et ne pouvait rester en position debout qu’une demi-heure. Elle marche généralement à l’intérieur de la maison pendant cinq à dix minutes. Elle marche aussi à l’extérieur de la maison pendant cinq à dix minutes. Elle monte les escaliers une fois le matin et une fois le soir.

[21] L’appelante a indiqué que le Dr Pandhi lui avait déjà fait des injections dans les deux genoux, mais que ce traitement n’avait entraîné aucun soulagement.

[22] L’appelante a déclaré que le Dr Mand lui avait prescrit des somnifères, qu’elle utilisait depuis environ six mois à un an.

[23] L’appelante a décrit à quoi ressemblait une de ses journées typiques. Elle se réveille vers huit ou neuf heures et déjeune. Ensuite, elle regarde la télévision, lit le journal, prie sur son canapé, dîne et nettoie le comptoir. Après le souper, elle regarde la télévision et se retire dans sa chambre, à l’étage.

[24] L’appelante a deux garçons, l’un de 23 ans et l’autre de 16 ans, qui sont capables de subvenir à leurs besoins. Son mari travaille de trois à quatre jours par semaine. Il quitte la maison entre 3 h et 4 h. Il prépare les repas, mais les garçons l’aident à faire le souper. L’appelante contribue un peu à la préparation du souper.

[25] Lors de son témoignage, l’appelante a indiqué que la portée de ses mouvements était correcte. Toutefois, elle est limitée lorsqu’elle doit soulever des choses. Elle est capable de se peigner les cheveux, mais son mari l’aide à s’habiller.

[26] L’appelante a indiqué avoir consulté le Dr Mark Angelini le 4 janvier 2013 pour ses deux genoux. Le médecin lui aurait déconseillé de subir une chirurgie. Lors du contre-interrogatoire, l’appelante a déclaré que, pendant les derniers mois de 2012, elle s’était informée au sujet de la chirurgie, et que c’est par la suite qu’elle avait été dirigée vers le Dr Angelini. Je constate que le dossier ne contient aucun rapport du Dr Angelini.

[27] Toujours lors du contre-interrogatoire, l’appelante a déclaré s’être rendue en Inde en 2007. Elle a aussi séjourné en Inde en 2011 pendant deux mois. Là-bas, elle habitait avec ses parents, ne faisait aucune activité et n’allait pas au temple. Pour se rendre de l’aéroport à la maison  de  ses  parents  et  vice  versa,  elle  a  dû  faire sept heures de voiture.

Revenu déclaré de 10 000 $ en 2011

[28] Selon l’état des gains de Service Canada produit par l’intimé, l’appelante a touché un revenu de 10 000 $ en 2011. Lors du contre-interrogatoire, l’appelante a insisté sur le fait qu’elle n’avait pas travaillé en 2011 et que son mari avait dû inclure les 10 000 $ déclarés dans sa déclaration de revenus de 2011. L’appelante a aussi indiqué que son mari avait sa propre entreprise de distribution de prospectus.

[29] Le 17 octobre 2013, après la conclusion de l’audience, le président de l’audience a enjoint à l’appelante de produire une copie complète de sa déclaration de revenus et de son avis de cotisation de 2011 au plus tard le 31 octobre 2013, puisque l’information demandée était essentielle à la détermination de son admissibilité à des prestations d’invalidité du RPC. Le Tribunal a fait part de cette ordonnance aux parties dans une lettre datée du 18 octobre 2013. Dans une lettre datée du 29 octobre 2013, l’avocat de l’intimé s’est opposé au fait qu’une telle demande soit formulée après l’audience.

[30] Dans une lettre datée du 31 octobre 2013, le Tribunal a fourni à l’avocat du ministre une copie de la déclaration de revenus et de l’avis de cotisation de l’appelante pour l’année 2011. Il n’a reçu aucune autre observation de la part de l’intimé à cet égard, même après que plus d’un mois se fut écoulé.

[31] La déclaration de revenus de l’appelante pour l’année 2011 a été transmise par voie électronique à l’Agence du revenu du Canada, comme en témoigne la lettre de confirmation de Buttar and Associates annexée aux documents fournis par l’appelante. Par conséquent, l’appelante ne l’a pas signée. Aucune dépense d’entreprise n’est déduite sur l’État des résultats des activités d’une entreprise ou d’une profession libérale dans lequel est déclaré le revenu de 10 000 $. Compte tenu de l’absence de toute dépense d’entreprise, il est raisonnable de supposer que l’appelante n’a participé à aucune activité d’entreprise. Le revenu de 10 000 $ n’est pas déclaré comme un revenu tiré d’un emploi sur le feuillet T4. J’accepte donc la déclaration de l’appelante selon laquelle elle n’a pas travaillé en 2011.

Témoignage de la Dre Begin

[32] La Dre Begin a examiné les rapports médicaux de l’appelante et la médication qui lui a été prescrite. Lors de son témoignage, la Dre Begin a aidé le Tribunal en fournissant son interprétation à l’égard des rapports médicaux et de la médication.

[33] La Dre Begin a indiqué que les chirurgiens préféraient retarder le plus possible les opérations aux genoux pour éviter d’avoir à les répéter, et que les avantages de la chirurgie pouvaient durer 25 ans. Selon elle, il était raisonnable pour l’appelante de reporter la chirurgie.

[34] La Dre Begin est aussi d’avis que les exercices à la maison sont bénéfiques puisqu’ils maintiennent la fonctionnalité et que cela aide à diminuer la douleur. En d’autres mots, l’appelante doit endurer la douleur qu’entraînent les exercices pour en tirer les bienfaits.

[35] Lors de son témoignage, la Dre Begin a indiqué que, si l’appelante était  sa patiente, elle lui recommanderait de retourner au travail puisque son état lui permet d’exécuter certaines tâches sédentaires.

Rapports médicaux, diagnostiques, d’imagerie et d’évaluation

[36] Comme il a été mentionné précédemment, le dossier d’appel contient divers documents et rapports de nature médicale. J’ai examiné attentivement tous ces documents et rapports, mais il n’est pas nécessaire que je fasse référence à chacun d’entre eux. Dans Simpson c. Canada (Procureur général) 2012 CAF 82 (CANLII), la Cour a indiqué que le tribunal de révision est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve, mais qu’il n’est pas tenu de mentionner chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés dans sa décision.

[37] La radiographie effectuée le 18 juin 2008 n’indique aucune anormalité osseuse ou articulaire (onglet A, p. 49).

[38] La scintigraphie osseuse réalisée le 14 août 2008 a révélé un problème d’arthrite aux deux genoux, pire du côté droit que du côté gauche. Une synovite dégénérative a aussi été notée (onglet A, p. 55).

[39] Les résultats des tests sanguins effectués le 22 octobre 2008 révèlent un facteur rhumatoïde de 12 dans le sérum (onglet A, p. 63). Selon la Dre Begin, cela écarte l’arthrite inflammatoire et indique que l’appelante souffre plutôt d’ostéoarthrite.

[40] Le 10 septembre 2008, le Dr Turchin a indiqué que l’appelante demeurait incapable de rester debout pendant de longues périodes en raison de ses douleurs aux genoux et qu’elle avait de la difficulté à se relever lorsqu’elle était en position assise (onglet A, p. 58).

[41] Le rapport de radiographie du genou gauche daté du 25 mai 2009 ne fait état d’aucune anormalité osseuse (onglet A, p. 66). Selon l’interprétation des résultats de la radiographie qu’a faite la Dre Begin, le processus dégénératif n’avait pas encore touché les os.

[42] Le 12 décembre 2009, une IRM a été réalisée au William Osler Health Centre (onglet A, p. 69). Selon la Dre Begin, les résultats de l’IRM indiquent que les problèmes d’arthrite au genou gauche empirent, mais qu’ils ne sont ni graves ni très graves.

[43] Le 10 juin 2010, le Dr Mand a rempli un rapport médical à l’intention du RPC (onglet A, pp. 73-76) dans lequel il pose le diagnostic suivant : ostéoarthrite bilatérale du genou, douleurs au dos et DD. Je constate que la DD, ou discopathie dégénérative, ne figure pas dans les rapports de radiographie ni de scintigraphie. À titre de pronostic, le Dr Mand a indiqué une détérioration graduelle de la condition.

[44] La Dre Begin a examiné les résultats de l’échocardiographie (onglet A, pp. 81-82) et les notes cliniques relatives à l’appelante (onglet A, pp. 87-106). Elle a fait remarquer que les problèmes d’hypertension de cette dernière étaient contrôlés grâce à de la médication et que le contrôle de l’hypertension favorisait le contrôle de l’hypertrophie ventriculaire gauche rapportée.

[45] Une analyse du dossier pharmaceutique de l’appelante montre que celle-ci suit un traitement conservateur pour ses douleurs et son arthrite, traitement qui comprend une faible dose de Lenoltic (15 mg), du Meloxicam (15 mg) et du Naproxen.

JURISPRUDENCE

[46] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, l’appelante doit satisfaire à deux exigences : elle doit avoir versé des cotisations valides au RPC pendant une période  minimale  d’admissibilité  et  doit  prouver  que  son  invalidité  est  grave  et prolongée au sens de l’alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada. Pour être considérée comme « grave », l’invalidité doit rendre l’appelante régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Pour être considérée comme « prolongée  », elle doit être déclarée devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir vraisemblablement entraîner le décès.

[47] Le Régime de pensions du Canada est une loi qui confère des avantages sociaux et qui doit être interprétée de façon libérale et généreuse. Au Canada, les tribunaux se sont montrés soucieux de donner une interprétation libérale aux lois dites sociales. Dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes 1998 1 R.C.S. 27, au paragraphe 36, la Cour suprême a souligné que la législation conférant des avantages devait être interprétée de façon libérale et généreuse, et que tout doute découlant de l’ambiguïté des textes devait se résoudre en faveur du demandeur.

[48] Dans l’affaire Canada (MDRH) c. Rice, 2002 CAF 47, la Cour d’appel fédérale a déclaré que le but des dispositions du Régime de pensions du Canada est d’assurer aux personnes qui sont invalides une pension d’invalidité parce qu’elles sont incapables de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Au paragraphe 13, la Cour indique aussi que les dispositions relatives à l’invalidité ne sont pas un régime d’assurance-emploi supplémentaire.

[49] Le RPC est un régime d’assurance sociale destiné aux Canadiens privés de gains en raison d’une retraite, d’une déficience ou du décès d’un conjoint ou d’un parent salarié. Il s’agit non pas d’un régime d’aide sociale, mais plutôt d’un régime contributif dans lequel le législateur a défini à la fois les avantages et les conditions d’admissibilité, y compris l’ampleur et la durée de la contribution financière d’un requérant  (Granovsky c.  Canada  (Ministre  de  l’Emploi  et  de   l’Immigration), 2000 CSC 28.

[50] Dans la décision Canada (MDRH) c. Henderson, 2005 CAF 309, la Cour d’appel fédérale a déterminé que l’article 42 a pour objet d’aider ceux qui sont incapables de travailler pour une longue période et non de dépanner ceux qui ont des problèmes temporaires.

[51] Dans la décision Villani c. Canada (Procureur général) 2001 CAF 248, le juge d’appel Isaac a rendu le jugement qui favorisait ce critère du contexte « réaliste  ». Au paragraphe 38, il indique ce qui suit :

Exiger d’un requérant qu’il soit incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice n’est pas du tout la même chose que d’exiger qu’il soit incapable de détenir n’importe quelle occupation concevable. Chacun des mots utilisés au sous-alinéa doit avoir un sens, et cette disposition lue de cette façon indique, à mon avis, que le législateur a jugé qu’une invalidité est grave si elle rend le requérant incapable de détenir pendant une période durable une occupation réellement rémunératrice. À mon avis, il s’ensuit que les occupations hypothétiques qu’un décideur doit prendre en compte ne peuvent être dissociées de la situation particulière du requérant, par exemple son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie.

[52] Au paragraphe 39 de la même décision, le juge d’appel Isaac s’est exprimé ainsi :

[…] d’après le sens ordinaire des mots utilisés au sous-alinéa 42(2)a)(i), le législateur doit avoir eu l’intention de faire en sorte que le critère juridique pour déterminer la gravité d’une invalidité soit appliqué en conservant un certain rapport avec le « monde réel ». Il est difficile de comprendre quel objectif la Loi pourrait poursuivre si elle prévoyait que les prestations d’invalidité ne peuvent être payées qu’aux requérants qui sont incapables de détenir quelque forme que ce soit d’occupation, sans tenir compte du caractère irrégulier, non rémunérateur ou sans valeur de cette occupation. Une telle analyse ferait échec aux objectifs manifestes du Régime et mènerait à une analyse non compatible avec le langage clair de la Loi.

[53] Au paragraphe 42, il poursuit de cette façon :

Le critère relatif à la gravité n’est pas celui d’une invalidité « totale ». Pour exprimer le critère moins rigide de la gravité en vertu du Régime, les rédacteurs ont donc instauré la notion de gravité comme étant l’incapacité de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. […] l’intention manifeste des rédacteurs indiquent tous avec autant de force que l’expression essentielle de la définition de la gravité au sous-alinéa 42(2)a)(i) ne peut être ignorée ni réduite.

[54] Au paragraphe 50, il mentionne ce qui suit :

Cette réaffirmation de la méthode à suivre pour définir l’invalidité ne signifie pas que quiconque éprouve des problèmes de santé et des difficultés à se trouver et à conserver un emploi a droit à une pension d’invalidité. Les requérants sont toujours tenus de démontrer qu’ils souffrent   d’une   « invalidité   grave   et   prolongée »   qui   les   rend «  régulièrement incapables de détenir une occupation véritablement rémunératrice  ». Une preuve médicale sera toujours nécessaire, de même qu’une preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l’existence des possibilités d’emploi.

[55] Dans la décision Ministre du Développement des ressources humaines c. Scott, 2003, dossier A-117-02, la juge d’appel Strayer, s’exprimant au nom de la Cour d’appel fédérale, a indiqué ceci au paragraphe 7 :

En toute déférence, je crois que la Commission a commis une erreur de droit en déclarant que le critère applicable était celui de savoir si l'appelante était « incapable d'occuper un emploi régulier  ». La norme de contrôle sur ce point est celle de la décision correcte. Comme nous l'avons noté ci-dessus, le critère pour déterminer si une invalidité est «  grave », ce qui est la question en litige en l'espèce, est défini dans la Loi  comme  étant  le  fait  que  cette  invalidité  rend  la  personne «  régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice  [...] ».  C'est  l'invalidité,  et  non  l'emploi,  qui  doit  être « régulière  » et l'emploi peut être toute « occupation véritablement rémunératrice  ».

[56] Dans l’affaire Inclima c. Procureur général du Canada 2003 CAF 117, le juge d’appel Pelletier, s’exprimant au nom de la Cour, a indiqué ce qui suit au paragraphe 2:

Le paragraphe 42(2) du Régime de pensions du Canada, précité, dispose qu'une personne est atteinte d'une incapacité grave si cette personne est «  régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement    rémunératrice ». Dans Villani  c. Canada [2002] 1 C.F. 130, au paragraphe 38, la Cour a dit qu'une incapacité est grave si elle rend le requérant incapable de détenir pendant une période durable une occupation réellement rémunératrice.

[57] Toujours dans l’affaire Inclima, la Cour a également déclaré ce qui suit :

Les requérants sont toujours tenus de démontrer qu'ils souffrent d'une
« invalidité grave et prolongée » qui les rend « régulièrement incapables de détenir une occupation véritablement rémunératrice ». Une preuve médicale sera toujours nécessaire, de même qu'une preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l'existence des possibilités d'emploi. En conséquence, un demandeur qui dit répondre à la définition d'incapacité grave doit non seulement démontrer qu'il (ou elle) a de sérieux problèmes de santé, mais dans des affaires comme la présente, où il y a des preuves de capacité de travail, il doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé.

[58] Dans l’affaire Klabouch c. Ministre du Développement social 2008 CAF 33, la Cour d’appel fédéral a répété ceci :

[…] le critère permettant d’évaluer si une invalidité est « grave » ne consiste pas à déterminer si le demandeur souffre de graves affections, mais plutôt à déterminer si son invalidité « l’empêche de gagner sa vie  » […]. En d’autres termes, c’est la capacité du demandeur à travailler et non le diagnostic de sa maladie qui détermine la gravité de l’invalidité en vertu du RPC.

[59] Les facteurs socio-économiques comme les conditions du marché du travail ne sont pas pertinents au moment de déterminer si une personne est invalide au sens de la Loi. Il faut considérer la notion d’emploi véritablement rémunérateur du point de vue de la situation personnelle de l’appelant, et non en fonction de ce qui est offert sur le marché du travail. Dans la décision Canada (MDRH) c. Rice, 2002 CAF 47, la Cour a déclaré ce qui suit :

Quand les mots du sous-alinéa 42(2)a)(i) sont examinés, il ressort clairement qu'ils font référence à la capacité d'une personne d'occuper régulièrement un emploi véritablement rémunérateur. Ils ne font pas référence aux conditions du marché du travail.

Observations de l'appelante

[60] L’appelante soutient qu’elle est admissible à une pension d’invalidité du RPC parce que ses problèmes de santé l’ont rendue incapable de se déplacer et font en sorte qu’elle a de la difficulté à trouver du travail. Elle soutient également que, compte tenu de son âge et de ses difficultés linguistiques, la recherche d’emploi et le recyclage constituent des obstacles réalistes. En conséquence, elle est incapable de détenir une occupation régulière qui soit rémunératrice.

Observations de l'intimé

[61] L’intimé fait valoir que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité parce que son invalidité médicale n’était pas grave à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité et que, même si elle avait été grave, elle ne répond pas au critère de l’invalidité prolongée; les problèmes de santé de l’appelante sont contrôlés par un traitement continu et l’appelante a reporté sa chirurgie aux genoux. De plus, selon les dossiers pharmacologiques, les narcotiques avec lesquels l’appelante est traitée sont doux et ne sont pas consommés de façon régulière.

[62] L’intimé soutient qu’une conclusion défavorable doit être tirée du fait que l’appelante a omis de produire sa déclaration de revenus de 2011 afin que puisse être vérifiée la nature du revenu de 10 000 $ figurant sur l’état des gains de Service Canada produit par l’intimé.

[63] L’intimé soutient également que l’invalidité de l’appelante n’est pas grave ni prolongée parce qu’elle ne l’a pas empêchée de prendre l’avion pendant de longues heures pour se rendre en Inde puis de faire un long trajet en taxi une fois là-bas. En outre, l’appelante n’a pas tenté de trouver un emploi et, ce faisant, elle n’a pas satisfait aux obligations dont il est question dans l’affaire Inclima.

Analyse

[64] Il incombe à l’appelante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que son invalidité était grave et prolongée au sens de la Loi à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité, soit le 31 décembre 2011, ou avant cette date.

[65] Les dispositions d’autres régimes publics ou privés d’assurance-invalidité ou d’autres paiements périodiques varient de celles dont il est question en l’espèce. Les règles législatives dont il est question précédemment, qui déterminent l’admissibilité à une pension du RPC, sont strictes et non flexibles. Bien que le seuil établi pour l’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC soit élevé et rigoureux, il n’est pas inatteignable.

Caractère grave

[66] Le critère de la gravité doit être évalué dans un contexte réaliste, comme mentionné précédemment dans l’affaire Villani c. Canada. Cela signifie que, lors de l’évaluation de la capacité d’une personne à travailler, le Tribunal doit garder à l’esprit des facteurs tels que l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de la vie. En l’espèce, l’appelante avait 52 ans à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité. Malgré le fait qu’elle possède deux diplômes, elle n’a été en mesure de trouver que des emplois de manœuvre depuis son arrivée au Canada. Les barrières linguistiques de l’appelante et sa faible maîtrise de l’anglais ne l’ont toutefois pas empêchée d’obtenir un emploi rémunérateur au Canada. Les douleurs de l’appelante se limitent principalement aux genoux et sont traitées au moyen d’un traitement conservateur.

[67] Il incombe à l’appelante de fournir au Tribunal des renseignements médicaux à jour, et ce, jusqu’à la date de l’audience. En l’espèce, les renseignements médicaux les plus récents sont contenus dans un rapport du Dr Mand daté du 10 juin 2010, même si près de 28 mois se sont écoulés par la suite.

[68] L’appelante a été dirigée vers le Dr Mark Angelini et l’a consulté en janvier 2013. Cependant, elle n’a versé au dossier aucun rapport de ce médecin. Il est fort possible que le Dr Angelini ait fait part de ses constatations au Dr Mand. L’appelante aurait pu obtenir un rapport du Dr Angelini et le présenter au Tribunal, mais elle ne s’est pas acquittée de cette responsabilité.

[69] Les problèmes d’arthrite de l’appelante se limitent à de l’ostéoarthrite aux genoux. Ses douleurs semblent être contrôlées grâce à de la médication. Bien que l’appelante ait fait état de douleurs au dos, cette déclaration n’est étayée par aucun élément de preuve clinique. J’estime que l’appelante est capable de travailler et que son état de santé ne la rend pas régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. L’appelante n’est pas en mesure de reprendre un emploi régulier de manœuvre d’usine, mais elle est capable d’accomplir des tâches sédentaires.

[70] Bien que ses problèmes de santé soient contrôlés, l’appelante n’a pas cherché d’emploi et n’a fait aucun effort pour se recycler, que ce soit par des cours ou en milieu de travail. Comme elle n’a pas fait d’efforts pour obtenir un emploi, l’appelante n’a pas satisfait au critère dont il est question dans l’affaire Inclima, selon lequel « un demandeur qui dit répondre à la définition d'incapacité grave doit non seulement démontrer qu'il (ou elle) a de sérieux problèmes de santé, mais dans des affaires comme la présente, où il y a des preuves de capacité de travail, il doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé ».

Conclusion

[71] J’ai étudié et analysé attentivement l’ensemble de la preuve. Je conclus que l’invalidité de l’appelante n’était pas grave en date du 31 décembre 2011 ou avant cette date. De plus, l’appelante n’était pas régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice le 31 décembre 2011 ou avant cette date. L’appelante n’a pas satisfait à l’obligation légale de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que son invalidité était grave au sens du Régime de pensions du Canada et de la jurisprudence.

Caractère prolongé

[72] Comme j’ai conclu que l’invalidité de l’appelante n’était pas grave à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité ou avant cette date, il n’est pas nécessaire que je tire une conclusion à l’égard du caractère prolongé.

Décision

[73] L’appel est rejeté

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