Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] Le Tribunal refuse la permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale.

Introduction

[2] Le 27 février 2013, un tribunal de révision a déterminé qu’une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada n’était pas payable au demandeur. Le 22 mars 2013 ou vers cette date, le demandeur a reçu communication de la décision du tribunal de révision. Le demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler de cette décision (« la demande ») devant la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale (« le Tribunal ») le 19 novembre 2013, environ cinq mois après l’expiration du délai prévu à l’article 57 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (« la Loi »).

Question litige

[3] La division d’appel devrait-elle accorder une prorogation du délai applicable au dépôt d’une demande de permission d’en appeler?

[4] L’appel présente-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit Applicable

[5] Le paragraphe 57(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (« la Loi ») porte que la division d’appel peut proroger d’au plus un an suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision le délai pour présenter la demande de permission d’en appeler.

[6] Selon les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi, « [il] ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et « [la division d’appel] accorde ou refuse cette permission ».

[7] Le paragraphe 58(2) de la Loi énonce ce qui suit : « La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

Observations du demandeur

[8] La demande de permission d’en appeler et l’avis d’appel sont datés du 21 octobre 2013. L’honorable Joy Smith, députée de Kildonan-St. Paul, a préparé une lettre datée du 25 octobre 2013 appuyant la demande de prestations d’invalidité du demandeur. Le Tribunal de la sécurité sociale a reçu la demande et la lettre d’appui de Mme Smith le 19 novembre 2013.

Dépôt tardif d’une demande

[9] Le demandeur a abordé le retard de sa demande de permission dans sa lettre du 21 octobre 2013 : 

[TRADUCTION]« J’envoie ma demande à votre bureau au-delà du délai de 90 jours indiqué. La raison de ce retard est qu’avec chaque « lettre de décision » du RPC et du tribunal de révision, il était indiqué « Qu’il devait y avoir un certain type d’emploi que je pouvais occuper ». Cette affirmation, qui figure dans chacune des lettres et qui semble être à la base du refus de ma demande de prestations, n’est étayée par aucun renseignement complémentaire sur la façon dont ils sont arrivés à cette conclusion, m’empêchant ainsi de préparer un cas pour un appel. Bien sûr, sans une justification quelconque, cette affirmation constitue une opinion et non un fait.

Dans chacune de mes réponses à ces décisions, j’ai formulé une « demande formelle » pour que ces renseignements me soient envoyés. Cela me permettrait de rassembler mes moyens d’appel. Comme vous le savez, la période de temps prise par le RPC et le tribunal de révision pour faire l’examen et l’analyse et rendre une décision est extrêmement longue, s’étirant parfois jusqu’à 24 mois, alors j’ai attendu patiemment une réponse à mes « demandes formelles », croyant que je recevrais ces renseignements et qu’ils me permettraient d’établir un fondement pour mon appel.

[10] Mme Smith a indiqué que c’est en raison de la conclusion du tribunal de révision, selon laquelle le demandeur pouvait occuper un certain type d’emploi, que celui-ci a déposé en retard les documents relatifs à l’appel. Le demandeur a estimé que les motifs du tribunal de révision étaient insuffisants pour lui permettre de comprendre comment le tribunal est arrivé à sa conclusion selon laquelle il pouvait occuper un certain type d’emploi, et que, par conséquent, ces motifs ne lui avaient pas permis de préparer adéquatement un appel. Le demandeur soutient qu’il a formulé de nombreuses « demandes formelles » de renseignements sur la façon dont le tribunal de révision en est arrivé à sa décision, et qu’il attend toujours une réponse. Malgré le fait qu’il n’ait pas reçu de réponse, et il a tout de même déposé une demande de permission.

Demande de permission

[11] Dans sa lettre datée du 21 octobre 2013, le demandeur a décrit un certain nombre de moyens d’appel à l’appui de sa demande de permission d’en appeler de la décision du tribunal de révision. Ces moyens d’appels étaient les suivants :

  1. a) l’intimé a soutenu qu’il pouvait faire des travaux légers ou sédentaires en occupant un certain type d’emploi, à temps plein ou à temps partiel;
  2. b) l’intimé a soutenu qu’il n’avait pas examiné la possibilité de recevoir des injections dans l’articulation sacro-iliaque, et que son état pourrait s’améliorer avec un tel traitement;
  3. c) l’intimé a soutenu qu’avec une augmentation de l’activité physique, des étirements et des massages quotidiens, il obtiendrait un certain soulagement;
  4. d) le tribunal de révision a estimé que compte tenu de ses antécédents de travail diversifiés et de longue date, de ses connaissances en informatique et de ses habiletés en communication écrite, il serait en mesure d’occuper un certain type d’emploi.

[12] Le demandeur estime qu’il n’y a pas de fondement factuel à partir duquel l’intimé puisse faire ces observations ou le tribunal de révision puisse tirer ces conclusions. Il est d’avis que la décision de rejeter sa demande de prestations d’invalidité est arbitraire et non justifiée.

[13] Plus particulièrement, le demandeur estime que la preuve révèle qu’il a bel et bien envisagé de recevoir des injections dans l’articulation sacro-iliaque, mais qu’il a choisi de ne pas suivre ce traitement, en raison de son âge et de sa condition physique. Il affirme aussi qu’il a augmenté son activité physique quotidienne en quittant un emploi sédentaire pour un emploi plus exigeant sur le plan physique, et en faisant plus d’exercices contrôlés. Il soutient que le tribunal de révision a mal interprété la preuve médicale sur le plan physique et a omis de tenir compte du fait qu’il lui faut un temps et des efforts considérables pour produire des communications écrites, et que cela nuit à sa capacité de chercher un emploi.

[14] En bref, le demandeur soutient que le tribunal de révision a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[15] Le demandeur ajoute que la décision du tribunal de révision doit être annulée, car les longs délais entre sa demande initiale et la réception d’une décision favorable ne sont pas étayés par ce qu’il considère une « opinion fondée ». De plus, le demandeur estime que lui et son médecin de famille ont fourni suffisamment de renseignements détaillés pour prouver que le critère d’invalidité « grave et prolongée » associé aux prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada est respecté.

Considérations additionnelles

[16] Le demandeur a présenté une lettre datée du 21 janvier 2014 dans laquelle il fournit un sommaire de son état de santé tel « qu’indiqué dans [sa] demande initiale ». Il a aussi fait des observations supplémentaires concernant la définition d’« invalidité ». Il a cité divers éléments de la jurisprudence de différentes compétences.

[17] Le 1er et le 7 février 2014, le demandeur a envoyé un courriel au Tribunal de la sécurité sociale, pour un suivi relativement à une réponse. Il a joint une lettre à son courriel du 7 février, dans laquelle il suggère qu’un certain recouvrement serait approprié dans ses circonstances, puisqu’il s’est buté à un long délai. Il a aussi demandé que le Tribunal de la sécurité sociale examine si l’article 2.4 de la politique pourrait s’appliquer dans ses circonstances. Il se demande si une audience serait requise et si une décision pourrait être rendue sur la base des documents et des observations versés au dossier. (L’article de la politique fait référence à des documents présentés sur le site Web du Tribunal de la sécurité sociale.)

[18] Le 24 février 2014 ou vers cette date, le demandeur a présenté un rapport de tomodensitométrie de sa colonne lombaire daté du 23 janvier 2014. L’examen a été effectué environ un mois après la fin de sa période minimale d’admissibilité, soit la date avant laquelle il doit avoir été jugé invalide. La tomodensitométrie montre des changements dégénératifs aux niveaux L3-L4 et L4-L5, ainsi qu’un bombement discal accompagné d’une large protrusion discale comprimant légèrement le sac thécal.

[19] Dans un courriel daté du 25 février 2014, le demandeur a demandé la tenue (1) d’une conférence préparatoire à l’audience, (2) d’une conférence de règlement ou (3) d’un processus de règlement des différends, afin de régler son appel. Il a encore une fois fait référence à l’article 2.4 de la politique. Il a écrit que si les parties devaient en arriver à un règlement, elles pourraient demander au tribunal de révision de fonder sa décision sur une entente signée par toutes les parties.

[20] Dans un courriel daté du 20 mars 2014, F. K. a présenté une lettre d’appui pour le demandeur. F. K. connaît le demandeur depuis plus de 20 ans. Il a été témoin de la détérioration progressive de son état, particulièrement au cours des cinq dernières années. F. K. indique qu’il a aidé le demandeur en participant aux tâches de nettoyage et d’entretien de base dans sa maison, et pour le transport à ses rendez-vous médicaux. Il fait observer que le demandeur participe rarement à des activités sociales sédentaires.

Observations de l'intimé

[21] L’intimé n’a déposé aucune observation écrite.

Analyse

Dépôt tardif de la demande

[22] Dans le jugement Canada (Ministre du Développement deCFs ressources humaines) c. Gattellaro, 2005  833, la Cour fédérale a énoncé les quatre critères que la division d’appel devrait prendre en considération et évaluer lorsqu’elle doit déterminer si le délai de 90 jours dont dispose un demandeur pour déposer une demande de permission d’en appeler peut être prorogé. Ces critères sont les suivants :

  1. il y a intention persistante de poursuivre la demande ou l’appel;
  2. la cause est défendable;
  3. le retard a été raisonnablement expliqué;
  4. la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[23] Je vais traiter de la question du préjudice en premier. L’intimé a été avisé que le demandeur avait déposé une demande de permission d’en appeler le 19 novembre 2013 ou vers cette date. Il n’a présenté aucune observation en réponse à la demande de permission ou en ce qui a trait à la question de déterminer s’il serait approprié d’accorder une prorogation de délai pour le dépôt de la demande de permission. L’intimé n’a présenté aucune observation concernant tout préjudice qu’il pourrait subir si une prorogation devait être accordée.

[24] Dans la décision Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Dawdy,2006 CF 429, la Cour a conclu qu’un retard d’environ 10 mois pouvait sans doute être considéré comme un préjudice subi par le ministre.

[25] Dans la décision Leblanc c. Ministre du Développement des ressources humaines, 2010 CF 641, la Cour a conclu qu’un retard d’environ neuf mois ne causait aucun préjudice et qu’une conclusion différente, compte tenu des faits, « ne [constituait] pas une issue possible acceptable et [qu’]elle était déraisonnable ». La Cour a indiqué ceci :

« La Commission a conclu que le fait qu’il se soit écoulé neuf mois avant la présentation de la demande nuirait à la préparation de la défense du ministre La Commission était d’avis que la mémoire des témoins se serait estompée et qu’ils auraient plus de difficulté à se rappeler des faits. Le caractère définitif des procédures relatives au RPC était aussi une considération importante pour la Commission. Je tiens toutefois à souligner qu’en l’espèce on pouvait s’attendre à ce que la demanderesse et ses experts médicaux soient les seuls témoins. À mon avis, un retard de neuf mois n’est pas de nature à altérer la mémoire de la demanderesse et de ses experts médicaux, une personne étant selon moi bien en mesure de se souvenir de son état de santé. Pour ce qui est des experts médicaux, ils s’appuieraient sur des notes et des rapports. La conclusion de la Commission selon laquelle le ministre subirait un préjudice ne constitue pas une issue possible acceptable et elle était déraisonnable. 

Vu ma conclusion, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué ou à un autre membre de la Commission pour nouvelle décision. »

[26] En l’espèce, il est question d’un retard d’environ cinq mois. Compte tenu des motifs énoncés dans la décision Leblanc, j’estime que l’intimé ne subirait aucun préjudice si une prorogation du délai devait être accordée. Bien que cet aspect du critère permettant d’accorder une prorogation du délai soit respecté, je dois aussi être convaincu que les trois autres critères sont respectés.

[27] Il est peut-être clair qu’après le 21 octobre 2013, le demandeur a eu l’intention persistante d’interjeter appel. Ce qui est moins clair, c’est la question de déterminer s’il a eu cette intention persistante entre la date à laquelle il devait déposer sa demande de permission en juin 2013 et le 21 octobre 2013, date à laquelle il a préparé sa demande de permission.

[28] Dans sa lettre du 21 octobre 2013, le demandeur a indiqué qu’il avait fait des « demandes formelles » pour que des renseignements lui soient envoyés, afin qu’il soit en mesure de préparer un appel à l’encontre de la décision du tribunal de révision. Les documents qui m’ont été présentés ne contiennent aucune copie de telles demandes ou de notes de demandes ou de messages téléphoniques de la part du demandeur qui démontrent une intention persistante d’interjeter appel depuis juin 2013. Il pourrait y avoir une lacune dans les documents versés au dossier mais, d’après moi, il incombait au demandeur de fournir une preuve d’intention persistante.

[29] Même si j’accepte que le demandeur a fait des « demandes formelles » par écrit et dans des communications téléphoniques, je note qu’il y a eu un autre retard relativement au dépôt de la demande après le 21 octobre 2013. Le demandeur n’a fourni aucune justification quant à la raison pour laquelle il y a eu un autre retard après le 21 octobre 2013. Même si je n’avais pas constaté qu’il n’y avait pas eu de retard après le 21 octobre 2013, le demandeur doit tout de même fournir une explication raisonnable pour justifier le retard du dépôt de la demande après juin 2013.

[30] Le directeur par intérim des Opérations des tribunaux et Communications du Bureau du commissaire des tribunaux de révision a envoyé la décision du tribunal de révision au demandeur par courrier recommandé le 27 février 2013 ou vers cette date. Dans sa lettre d’accompagnement, le directeur par intérim a écrit ceci :

  • Si vous n’êtes pas d’accord avec la décision du tribunal de révision, vous pouvez demander d’interjeter appel devant la Commission d’appel des pensions (CAP).
  • Si vous souhaitez interjeter appel de la décision, vous devez présenter une demande à la CAP dans un délai de 90 jours... Vous trouverez ci-joint un formulaire de demande.

[31] Le demandeur explique qu’il a tardé à déposer une demande de permission en grande partie parce qu’il estimait que le tribunal de révision n’avait pas fourni, dans sa décision, suffisamment de motifs pour expliquer comment il en était venu à la conclusion qu’il était capable d’occuper un certain type d’emploi. Il était d’avis qu’il ne serait pas en mesure de préparer des documents d’appel en l’absence de motifs suffisants. Il a expliqué qu’il a fait des « demandes formelles » pour obtenir une explication de la décision du tribunal de révision, mais après plusieurs mois sans réponse, il a décidé de demander de l’aide à sa députée. BCTR Il estimait que le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision () ou le tribunal de révision répondrait plus rapidement à une demande d’une députée.

[32] Le demandeur pensait qu’il avait le droit d’attendre pendant une période indéterminée, puisque plusieurs mois s’étaient écoulés entre la date de sa demande initiale et la date à laquelle le tribunal de révision a rendu sa décision. Il a en effet écrit que la période de temps prise par le RPC et le tribunal de révision pour faire l’examen et l’analyse et rendre une décision « est extrêmement longue, s’étirant parfois jusqu’à 24 mois ». Je note que l’audience devant le tribunal de révision a eu lieu le 15 janvier 2013,  et qu’une décision a été rendue un peu moins d’un mois après, le 27 février 2013.

[33] La lettre du BCTR datée du 27 février 2013 indiquait de manière explicite que si un demandeur souhaite interjeter appel d’une décision, une demande à cet effet doit être faite dans un délai de 90 jours. Rien n’indique dans la lettre du BCTR que le demandeur peut demander une prorogation du délai pour faire une demande de permission. Nous ne savons pas si le demandeur a fait une demande avant le 19 novembre 2013 pour savoir s’il pouvait demander une telle prorogation.

[34] Bien que le demandeur ait dit qu’il était incapable de préparer sa demande parce qu’il ne comprenait pas les motifs sous-jacents à la conclusion du tribunal de révision selon laquelle il pouvait occuper un certain type d’emploi, il a ultimement été en mesure de soulever certains arguments d’appel portant sur cette même question, arguments selon lesquels le tribunal de révision n’a pas fourni de motifs adéquats pour expliquer sa décision. La demande de permission décrit d’autres moyens d’appel qui auraient pu permettre au demandeur d’aller de l’avant (bien que je puisse comprendre qu’il aurait pu souhaiter déposer une demande décrivant et regroupant l’ensemble de ses moyens d’appel).

[35] Bien que le demandeur dise qu’il ne comprenait pas les motifs du tribunal de révision et que, par conséquent, il ne pouvait pas préparer sa demande de permission, il a en fin de compte été en mesure de préparer une demande de permission sans avoir reçu de réponse à sa demande de renseignements. Si le demandeur s’était attardé pleinement à la préparation des documents relatifs à la demande de permission bien avant cette date, j’estime qu’il aurait pu la présenter à l’intérieur du délai permis. En d’autres mots, j’estime que le demandeur n’a pas fourni une explication raisonnable justifiant le retard du dépôt de sa demande de permission jusqu’au 21 octobre 2013.

[36] Bien qu’une intention persistante puisse avoir été établie jusqu’au 21 octobre 2013, le demandeur doit aussi fournir une explication raisonnable pour tout retard persistant. En l’espèce, aucune explication n’a été donnée pour le retard après le 21 octobre 2013.

[37] Finalement, quant à la question de déterminer si la cause est défendable, je vais l’examiner dans le contexte de la demande de permission. Le critère à appliquer pour accorder une permission d’en appeler est sans doute un peu plus large, puisqu’il exige qu’un demandeur démontre que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Demande de permission

[38] Bien que la demande d’autorisation d’interjeter appel soit un premier obstacle que le demandeur doit franchir – et un obstacle inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond – il reste que la demande doit soulever un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel – Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252 (CF).

[39] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[40] Aux fins de la présente instance, la décision du tribunal de révision est considérée comme étant une décision de la division générale.

(i) Manquement à un principe de justice naturelle

[41] Le demandeur ne dit pas catégoriquement que le tribunal de révision n’a pas observé un principe de justice naturelle, mais je comprends, à la lumière de ses observations, qu’il y a eu selon lui un manquement aux principes de justice naturelle parce qu’il a dû composer avec d’énormes délais entre la date de sa demande et la date à laquelle sa demande de permission a été prise en considération.

[42] J’ai passé en revue l’ensemble de la chronologie des événements liés à la présente affaire, à partir de la date à laquelle le demandeur a déposé sa demande de prestations d’invalidité le 24 mai 2011. Un évaluateur médical de Service Canada a envoyé une lettre au demandeur datée du 24 septembre 2011 dans laquelle il indique que quelqu’un a tenté de joindre le demandeur à plusieurs reprises, sans succès. Il n’y a aucune indication sur le nombre de tentatives et la date à laquelle elles auraient pu être effectuées. L’évaluateur a aussi mentionné que la demande de prestations d’invalidité du demandeur a été rejetée. Le 19 octobre 2011, le demandeur a présenté une lettre pour demander le réexamen de la décision de refuser de lui verser des prestations . Le 5 décembre 2011, un autre évaluateur médical lui a envoyé une lettre confirmant que sa demande de prestations d’invalidité était rejetée.

[43] Le demandeur a interjeté appel de la décision auprès du BCTR le 23 février 2012. Le 1er mars  2012, le BCTR a envoyé une lettre au demandeur pour accuser réception de son appel devant le tribunal de révision. Le 21 mars 2012, le BCTR a fourni des documents au demandeur pour l’aider à se préparer en vue de son audience. Le 29 mars 2012, le BCTR a fourni au demandeur une copie des documents qui ont été préparés par le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences et que ce dernier a utilisés pour rendre sa décision concernant sa demande de prestations d’invalidité. Le 14 mai 2012, le BCTR a écrit au demandeur pour lui résumer les questions qui avaient été examinées récemment et pour lui fournir des renseignements concernant l’audience devant le tribunal de révision. Le 30 octobre 2012, le BCTR a écrit au demandeur, en guise de suivi à une conférence téléphonique récente, afin de confirmer s’il était disponible pour participer à une audience devant le tribunal de révision le 15 janvier 2013. Le 3 décembre 2012, le BCTR a écrit au demandeur pour lui rappeler que l’audience sera tenue le 15 janvier 2013. L’audience a eu lieu à cette date, et le tribunal de révision a rendu sa décision le 27 février 2013. Le demandeur a reçu une copie de la décision du tribunal de révision le 22 mars 2013.

[44] Le demandeur a déposé sa demande de permission d’en appeler le 19 novembre 2013. Le Tribunal de la sécurité sociale lui a écrit le 19 novembre 2013 pour accuser réception de sa demande.

[45]      Bien que le demandeur puisse s’être buté à des délais durant le processus d’appel, les types de délais qu’il a décrits ne font pas partie des moyens d’appel énoncés dans la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social. S’il y a eu un manquement aux principes de justice naturelle, il semble que le demandeur devrait démontrer qu’il a été commis par le tribunal de révision (en omettant d’observer un principe de justice naturelle) et que le délai lui a fait subir un préjudice. Je suis consciente du fait que même un délai mineur entraîne des difficultés financières pour le demandeur, mais les délais sont inévitables dans n’importe quel processus et, en l’espèce, je ne crois pas que les délais ont dépassé ceux auxquels on peut s’attendre dans un tel processus.

[46] Tout au long de ce processus, y compris devant le tribunal de révision, j’estime qu’il n’y a pas eu de délais injustifiés ou excessifs permettant de conclure qu’il y a eu manquement aux principes de justice naturelle. Le plus long délai d’inactivité apparente semble avoir eu lieu durant la période entre la décision du tribunal de révision et le dépôt de la demande de permission. Je ne suis pas convaincue que l’observation du demandeur selon laquelle il y a eu des délais laisse entrevoir une cause défendable ou une chance raisonnable de succès, et je rejette la demande de permission sur ce fondement.

(ii) Conclusions de fait erronées

[47] Aux fins de la présente demande de permission, je n’exige pas qu’il soit démontré que le tribunal de révision a réellement commis une erreur. Toutefois, pour évaluer ce moyen d’appel soulevé par le demandeur, je dois être convaincue que les conclusions rapportées par le demandeur sont bel et bien celles qui ont été tirées par le tribunal de révision.

[48] Le demandeur soutient, pour les raisons mentionnées ci-après, que le tribunal de révision a commis une erreur dans ses conclusions de faits et qu’il n’a pas tenu compte des éléments portés à sa connaissance :

  1. a) l’intimé était d’avis que le demandeur pouvait faire des travaux légers ou sédentaires en occupant un certain type d’emploi, à temps plein ou à temps partiel;
  2. b) l’intimé était d’avis que le demandeur n’avait pas examiné la possibilité de recevoir des injections dans l’articulation sacro-iliaque, et que son état pourrait s’améliorer avec un tel traitement;
  3. c) l’intimé était d’avis qu’avec une augmentation de l’activité physique, des étirements et des massages quotidiens, le demandeur obtiendrait un certain soulagement;
  4. d) le tribunal de révision était d’avis que compte tenu de ses antécédents de travail diversifiés et de longue date, de ses connaissances en informatique et de ses habiletés en communication écrite, le demandeur serait en mesure d’occuper un certain type d’emploi.

[49] Le demandeur n’a pas fait la distinction entre l’intimé et le tribunal de révision. Il ne faut pas confondre les deux. Le tribunal de révision est un tribunal administratif, indépendant de toutes les parties, y compris l’intimé. Le tribunal de révision agit de façon autonome et n’est lié par aucune observation de l’ensemble des parties.

[50] Les moyens d’appel sont fondés sur des erreurs commises par le tribunal de révision, et non par l’intimé ou une autre partie. Un demandeur n’a pas le droit d’interjeter appel d’une décision du tribunal de révision uniquement sur la base des observations présentées par l’intimé.

[51] En l’espèce, le tribunal de révision a énoncé les observations des deux parties dans sa décision. Les trois points a) à c) susmentionnés faisaient partie des observations de l’intimé. Le tribunal de révision n’a pas fait siennes ces observations dans ses conclusions ou sa décision. Ces observations ne figurent pas dans la section « Analyse » de la décision.

[52] Bien que le demandeur soutienne que l’intimé a estimé qu’il n’avait pas examiné la possibilité de recevoir des injections dans l’articulation sacro-iliaque, et que son état pourrait s’améliorer avec un tel traitement, le tribunal de révision a écrit ceci : [TRADUCTION] « La preuve médicale suggère qu’il existe des traitements (p. ex., injections dans l’articulation sacro-iliaque) et des médicaments contre la douleur neuropathique qui n’ont pas encore été essayés et qui pourraient procurer un soulagement ». J’estime qu’il y a une différence entre les deux et que, par conséquent, on ne peut pas affirmer que le tribunal de révision a fait siennes les observations de l’intimé dans sa constatation des faits.

[53] Le tribunal de révision a estimé que compte tenu de ses antécédents de travail diversifiés et de longue date, de ses connaissances en informatique et de ses habiletés en communication, le demandeur serait en mesure d’occuper un certain type d’emploi. Je suis d’avis que le tribunal de révision a tiré ces conclusions en se fondant sur les éléments de preuve qui lui ont été présentés. Le tribunal de révision était libre d’en arriver à une conclusion fondée sur son interprétation et son analyse de la preuve, dans la mesure où ces conclusions de faits ne comportent aucune erreur manifeste ou dominante. Le demandeur devait désigner ce qu’il percevait comme une conclusion de fait erronée sur laquelle le tribunal de révision s’était fondé pour rendre sa décision. Il n’a pas fait cela. Le demandeur ne conteste pas le fait qu’il a des antécédents de travail diversifiés ou des connaissances en informatique. Bien qu’il estime que le tribunal de révision aurait dû tenir compte de ses limites physiques, il ne conteste pas non plus la conclusion du tribunal de révision selon laquelle il possède de bonnes habiletés en communication. Puisque le demandeur n’a pas indiqué la conclusion de fait du tribunal de révision qui, d’après lui, serait erronée, je ne suis pas convaincue qu’il a soulevé un motif défendable ou que son appel a une chance raisonnable de succès. Je rejette la demande de permission sur ce fondement.

Considérations additionnelles

a) Observations et faits nouveaux

[54] Bien que le demandeur ait déposé des observations et des dossiers additionnels, notamment une tomodensitométrie de sa colonne lombaire effectuée le 23 janvier 2014, je ne peux pas prendre en considération de nouveaux éléments. Le demandeur n’a pas indiqué pourquoi il a déposé les dossiers médicaux additionnels ni en quoi ils pourraient être liés à l’un des moyens d’appel. Si le demandeur a déposé le rapport médical afin que la décision du tribunal de révision soit annulée ou modifiée, il doit se conformer aux exigences énoncées dans les articles 45 et 46 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, et il doit aussi déposer une demande d’annulation ou de modification auprès de la même division qui a rendu la décision (ou, en l’espèce, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale). Un demandeur doit satisfaire à des exigences additionnelles pour que sa demande d’annulation ou de modification de décision soit acceptée. L’article 66 de la Loi exige également que le demandeur démontre que les faits nouveaux sont essentiels et qu’ils ne pouvaient être connus au moment de l’audience malgré l’exercice d’une diligence raisonnable. En l’espèce, la division d’appel n’a pas le pouvoir de modifier ou d’annuler une décision fondée sur des faits nouveaux, puisque seule la division qui a rendu la décision a le pouvoir de le faire. En résumé, il n’y a aucun moyen d’appel à partir duquel je peux prendre en considération les dossiers additionnels.

[55] Même si on m’avait permis de prendre en considération les faits nouveaux, je n’aurais pas été persuadée que la tomodensitométrie effectuée le 23 janvier 2014 démontre que le demandeur souffre d’une invalidité grave. La tomodensitométrie est simplement un outil de diagnostic, et elle ne permet pas de déterminer la gravité de l’invalidité du demandeur.

[56] La présente n’est pas une nouvelle audience sur le bien-fondé de cette affaire, et je ne peux pas prendre en considération les observations additionnelles déposées par le demandeur. 

b) Délais

[57] J’ai traité précédemment les observations du demandeur selon lesquelles il devrait avoir droit à des prestations parce qu’il s’est buté à de nombreux délais tout au long du processus, et je ne les répéterai pas ici.

c) Conférences et autres procédures

[58] Finalement, le demandeur demande si une conférence préparatoire à l’audience, une conférence de règlement ou un processus de règlement des différends peut avoir lieu pour régler les questions soulevées dans le cadre de l’appel. Les articles 15 et 16 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale permettent à un membre du tribunal de demander que les parties participent à une conférence préparatoire à l’audience ou à un processus de règlement des différends, et l’article 17 permet à un membre du tribunal de convoquer les parties à une conférence afin de régler les questions soulevées dans le cadre de l’appel ou la demande. Bien que le Règlement n’énonce aucun moyen d’appel selon lequel un membre peut exercer son pouvoir discrétionnaire, je suis d’avis qu’il devrait y avoir non seulement une certaine indication des questions à trancher durant une telle audience, mais aussi l’indication qu’une telle audience aurait une certaine valeur pour les parties. Je ne suis pas convaincue qu’une telle audience aurait une quelconque valeur, et je refuse d’exercer ma compétence.

Conclusion

[59] La demande est rejetée pour les motifs susmentionnés.

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