Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] Le Tribunal accorde la permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale.

Introduction

[2] Le 12 juin 2013, un tribunal de révision a déterminé qu’une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada ne devait pas être payée au demandeur. Le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler (« la demande ») à la division d'appel du Tribunal de la sécurité sociale (« le Tribunal ») le 5 juillet 2013, soit à l’intérieur du délai prévu aux termes de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social .

Question en litige

[3] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable

[4] Tel qu’il est énoncé aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission », et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[5] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

Observations du demandeur

[6] Le demandeur a préparé de longues observations et a notamment présenté un « Contexte » détaillé et des « Conclusions » qui résument son état de santé, ses incapacités et ses limites. Le « Contexte » répète les observations écrites du Contexte présenté au tribunal de révision, tandis que les « Conclusions » reflètent plus ou moins les observations écrites finales. Ni le contexte ni les conclusions n’abordent la question de la demande de permission d’en appeler. Telles qu’elles sont formulées, les observations détaillées du « Contexte » et les « Conclusions » ne me sont pas utiles, puisque ai-je dispose déjà d’une copie de la preuve documentaire et des observations qui ont été présentées au tribunal de révision. En termes clairs, la demande de permission n’est pas une occasion pour la division d’appel d’entendre à nouveau et de réévaluer la preuve ou toute autre observation qui a été présentée au tribunal de révision. Il ne s’agit pas d’une nouvelle audience sur le bien-fondé de la demande.

[7] Le demandeur allègue que le tribunal de révision a commis des erreurs concernant des questions mixtes de droit et de fait en rejetant son appel portant sur une demande de pension d’invalidité puisqu’il n’a pas tenu compte d’éléments de preuve pertinents, qu’il a pris en considération des éléments de preuve non pertinents et qu’il a mal interprété la preuve dont il disposait.

[8] Le demandeur a soulevé les deux motifs d’appel généraux suivants à l’appui de sa demande de permission d’en appeler de la décision du tribunal de révision :

  1. i) Le tribunal de révision a commis une erreur de droit, puisqu’il n’a pas :
    1. appliqué les principes établis dans l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, en ne tenant pas compte des circonstances propres au demandeur, par exemple son âge, sa formation et son expérience professionnelle, et en ne prenant pas en considération son employabilité dans un contexte « réaliste »;
    2. appliqué les principes établis dans la décision E.J.B. c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47, en prenant en considération uniquement son principal trouble invalidant plutôt que son état de santé global;
    3. appliqué les principes établis dans la décision Procureur général du Canada c. Dwight St.-Louis, 2011 CF 492, en ne faisant pas référence, dans son analyse du cas du demandeur, aux documents médicaux, particulièrement à ceux qui ont été produits à l’époque où sa période minimale d’admissibilité a pris fin;
    4. appliqué les principes établis dans la décision Cochran c. Canada (Procureur général du Canada), 2003 CAF 343, en mettant l’accent sur l’état de santé actuel du demandeur sans tenir compte des éléments de la preuve médicale qui ont été produits à l’époque où sa période minimale d’admissibilité a pris fin;
    5. malgré le témoignage du demandeur, appliqué les principes établis dans la décision Ministre des Ressources humaines et Développement c. Ethier, CP 6086 (juillet 1998), en ne déterminant pas s’il était réaliste que le demandeur soit en mesure de participer à une formation de recyclage.
  2. ii) Le tribunal de révision a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, et il [TRADUCTION] « n’a pas pris en considération les éléments de preuve pertinents concernant la gravité des déficiences du demandeur » et il aurait dû accorder une « importance considérable » aux conclusions énoncées dans les avis médicaux. Le demandeur soutient que le tribunal de révision a nécessairement commis une erreur de fait en estimant qu’il ne souffrait pas d’une invalidité grave, car la [TRADUCTION] « preuve présentée indiquant le contraire était accablante ».

Observations de l’intimé

[9] L’intimé n’a pas produit d’observations écrites.

Analyse

Erreurs de droit

[10] Bien qu’une demande de permission d’en appeler soit un premier obstacle que le demandeur doit franchir – et un obstacle inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond, pour que cette demande soit recevable, il doit y avoir un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel (Kerth c. Canada [ministre de Développement des ressources humaines], [1999] ACF no 1252 [CF]).

[11] Au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, il est indiqué que les seuls motifs d’appels sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[12] La décision du tribunal de révision est considérée comme une décision de la division générale.

[13] Le demandeur allègue que le tribunal de révision a commis une erreur en n’appliquant pas les principes établis par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, puisqu’il n’a pas évalué son invalidité dans un contexte « réaliste ». Bien que le demandeur mentionne un certain nombre de facteurs qui auraient dû, selon lui, être pris en considération par le tribunal de révision avant qu’il rende sa décision, l’évaluation de ces facteurs dépasse la portée de la demande de permission. Il suffit de démontrer que le tribunal de révision pourrait ne pas avoir tenu compte de certains facteurs énoncés dans l’arrêt Villani ou d’autres circonstances propres au demandeur dans le cadre de son évaluation de la gravité de l’invalidité du demandeur, puisque ces facteurs et circonstances auraient pu avoir influence déterminante sur l’issue du principal. En l’espèce, le tribunal de révision aurait pu faire une analyse et prendre en considération son âge afin de déterminer la gravité de son invalidité, mais mon rôle n’est pas d’évaluer le bien-fondé de cette observation ou d’examiner en quoi certains facteurs ont une incidence sur la détermination de cette gravité. Tant que le demandeur soulève ce point et démontre que le tribunal de révision n’aurait peut-être pas appliqué les principes établis dans l’arrêt Villani et tenu compte des facteurs à considérer, la cause est défendable. Je juge que la question consistant à déterminer si le tribunal de révision a appliqué correctement ou n’a simplement pas appliqué les principes de l’arrêt Villani soulève un motif qui pourrait donner à l’appel une chance raisonnable de succès. Par conséquent, j’accepte la demande de permission d’en appeler sur cette question précise.

[14] Le demandeur allègue que le tribunal de révision a commis une erreur en n’appliquant pas les principes établis par la Cour d’appel fédérale dans la décision E.J.B. c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47, car il n’a pas tenu compte de l’état de santé général du demandeur, mais seulement de son principal trouble invalidant. Si le demandeur dit la vérité, c’est à dire si le tribunal de révision n’a pas tenu compte de son état de santé général, sa cause est soutenable non seulement dans la mesure où les principes de la décision E.J.B. sont applicables, , mais aussi en raison de l’incidence qu’auraient pu avoir les effets cumulatifs des troubles du demandeur sur la détermination de la gravité de son invalidité. J’estime que la question consistant à déterminer si le tribunal de révision a appliqué correctement ou n’a simplement pas appliqué les principes de la décision E.J.B. de même que leur incidence sur la question fondamentale soulèvent un motif qui pourrait donner à l’appel une chance raisonnable de succès. Par conséquent, j’accepte la demande de permission d’en appeler sur cette question précise.

[15] Le demandeur soutient que le tribunal de révision a commis une erreur en n’appliquant pas les principes établis par la Cour fédérale dans la décision Procureur général du Canada c. Dwight St.-Louis, 2011 CF 492, car, dans son analyse du cas du demandeur, il n’a mentionné aucun des documents médicaux, notamment ceux qui ont été produits à l’époque où la période minimale d’admissibilité du demandeur a pris fin.

[16] Je suis d’avis que le demandeur n’a pas présenté clairement l’incidence considérable de la décision St.-Louis. Dans cette décision, la Cour a examiné la demande de contrôle judiciaire présentée par le procureur général du Canada à l’égard de la décision d’autoriser l’appel. La Cour devait trancher si la Commission d’appel des pensions (CAP) avait commis une erreur en autorisant l’appel. La Cour a examiné si, avec l’autorisation de l’appel, la demande présentée à la Commission d’appel des pensions soulevait un motif défendable. Pour déterminer si la demande de permission soulevait une question de droit ou des faits importants et pertinents n’ayant pas été pris en compte de façon appropriée par le tribunal de révision, la Cour a examiné la décision de celui ci. Elle a indiqué que le tribunal de révision a eu raison de conclure que le demandeur n’avait pas fait d’efforts raisonnables pour entreprendre les programmes et les traitements recommandés par les médecins traitants et les médecins-conseils, mais que l’analyse ne s’arrêtait pas là. La Cour a statué que le tribunal de révision devait également appliquer les principes de l’arrêt Villani en évaluant les antécédents ainsi que l’état de santé du demandeur. En bref, si les principes de la décision St. Louis sont appliqués, toute analyse d’invalidité entreprise par un tribunal de révision comprend nécessairement un examen et une évaluation de tous les facteurs pertinents, notamment les antécédents et l’état de santé du demandeur. Toute analyse est incomplète si elle porte uniquement sur un nombre limité de facteurs, par exemple le respect des recommandations de traitement.

[17] Je ne propose pas d’évaluer le bien fondé de la demande ni de faire une interprétation de la décision du tribunal de révision. La question de savoir si le tribunal de révision a fait, dans son analyse, un examen exhaustif des facteurs est défendable. Cela soulève un motif qui pourrait donner à l’appel une chance raisonnable de succès et, par le fait même, j’accepte la demande de permission d’en appeler sur cette question.

[18] Le demandeur a aussi allégué que le tribunal de révision a commis une erreur en n’appliquant pas les principes énoncés par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Cochran c. Canada (Procureur général du Canada), 2003 CAF 343, car il n’a pas tenu compte, pour en arriver à sa décision, des éléments de la preuve médicale qui dataient de l’époque où la période minimale d’admissibilité du demandeur a pris fin; le tribunal a plutôt mis l’accent sur la santé du demandeur à la date de l’audience.

[19] Les deux observations susmentionnées semblent se contredire quelque peu. D’un côté, le demandeur soutient que le tribunal de révision n’a tenu compte d’aucun élément de la preuve médicale, mais de l’autre côté, le demandeur allègue que le tribunal de révision a bel et bien pris en considération la preuve médicale et qu’il s’est montré sélectif dans son choix des éléments à retenir pour rendre sa décision. On ne m’a pas demandé de traiter ces deux observations à titre d’observations subsidiaires.

[20] J’éprouve une certaine difficulté à l’égard de ces observations, car il y avait relativement peu de documents médicaux ou d’avis d’expert concernant l’état de santé du demandeur au moment où sa période minimale d’admissibilité a pris fin. Par exemple, le Dr Bednar (dont les services ont été retenus pour une évaluation médicale de la défense) a préparé un rapport médical daté du 29 septembre 2010. Ce rapport portait sur les symptômes dont se plaint le demandeur à l’heure actuelle, ses capacités fonctionnelles et sa réaction au traitement, ainsi que le pronostic à long terme. Ainsi, le tribunal de révision était peut-être limité par rapport aux éléments disponibles concernant l’état de santé du demandeur au moment où sa période minimale d’admissibilité a pris fin.

[21] Je vais toutefois accepter les observations du demandeur sur ces points, car nous ne savons pas clairement quels éléments de la preuve médicale ont été évalués par le tribunal de révision dans son analyse. Et même si nous le savions, il pourrait y avoir un motif défendable sur la question de savoir si le tribunal de révision s’est penché principalement sur la santé du demandeur à la date de l’audience, excluant ainsi les éléments de preuve médicale qui ont été produits à l’époque où sa période minimale d’admissibilité a pris fin. Je juge que la question consistant à déterminer si le tribunal de révision a appliqué correctement ou n’a simplement pas appliqué les principes de la décision Cochran soulève un motif qui pourrait donner à l’appel une chance raisonnable de succès. Par conséquent, j’accepte la demande de permission d’en appeler sur cette question.

[22] Le demandeur ajoute que le tribunal de révision a commis une erreur en n’appliquant pas les principes établis par la Commission d’appel des pensions dans la décision Ministre des Ressources humaines et Développement c. Ethier, CP 6068 (juillet 1998), car il n’a pas déterminé s’il était réaliste que le demandeur soit en mesure de participer à une formation de recyclage. La Commission d’appel des pensions a écrit ceci au paragraphe 17 de cette décision :

17 L’intimé a dit qu’il pourrait travailler à temps partiel deux heures par jour à condition que ses limitations soient respectées. Cette réponse tient plus à son honnêteté et à sa sincérité qu’au bon sens. Compte tenu de l’ensemble des preuves présentées, il n’est pas réaliste de croire qu’il pourrait exercer régulièrement un emploi véritablement rémunérateur.

[23] Si l’on tient pour acquis que le demandeur a raison, que le tribunal de révision a jugé qu’il pouvait suivre une formation de recyclage et qu’il a ensuite conclu, en n’accordant aucune importance aux éléments de preuve médicale, qu’il ne respectait pas le critère d’invalidité grave défini dans le Régime de pensions du Canada, cela soulève un motif qui pourrait donner à l’appel une chance raisonnable de succès. Ainsi, je souscris à la demande de permission d’en appeler sur cette question.

Erreurs dans les conclusions de fait

[24] Le demandeur allègue que le tribunal de révision a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée et tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Il a indiqué que le tribunal de révision a tiré les trois conclusions de fait erronées suivantes :

  1. (a) il n’a pas tenu compte des éléments de preuve pertinents qui portaient sur la gravité de ses déficiences;
  2. (b) il a attribué une importance considérable aux conclusions énoncées dans les divers avis médicaux;
  3. (c) il n’a pas jugé, malgré les éléments de la preuve médicale présentés, que l’invalidité du demandeur était grave au sens du Régime de pensions du Canada.

[25] En clair, je ne demande pas qu’il soit démontré qu’une erreur réelle a été commise par le tribunal de révision, mais, pour évaluer ce moyen d’appel soulevé par le demandeur, je dois être convaincue que les conclusions du tribunal de révision correspondent bel et bien à celles rapportées par le demandeur. En l’espèce, le demandeur n’a relevé aucune conclusion de fait erronée précise qui aurait, selon lui, été commise par le tribunal de révision. Le demandeur utilise plutôt des termes généraux pour décrire la façon dont le tribunal de révision a évalué les éléments de preuve. Pour déterminer si un appel a une chance raisonnable de succès lorsqu’un demandeur allègue que le tribunal de révision a tiré une conclusion de fait erronée, le demandeur doit, à tout le moins, désigner adéquatement une conclusion de fait précise.

[26] Je traiterai les points (a) et (b) conjointement. À mon avis, le demandeur a décrit inadéquatement ces questions comme étant des conclusions de fait alors qu’elles font en fait partie des processus employés par le tribunal de révision pour rendre sa décision.

[27] Un tribunal de révision a la liberté de passer en revue les faits pertinents, d’évaluer la qualité des éléments de preuve, de choisir, le cas échéant, ceux qu’il accepte ou rejette, puis de décider de l’importance à leur accorder. Un tribunal de révision peut prendre en considération les éléments de preuve qui lui sont présentés et leur accorder, le cas échéant, l’importance qu’il juge appropriée, puis rendre une décision fondée sur son interprétation et son analyse de ces éléments. Un demandeur doit néanmoins indiquer quelles sont, selon lui, les conclusions de fait erronées. Puisqu’il ne l’a pas fait, il m’est impossible d’accorder la permission d’interjeter appel sur ce motif.

[28] Le demandeur soutient que le tribunal de révision a commis une erreur en tirant la conclusion de fait selon laquelle son invalidité n’était pas grave, et ce, malgré la preuve présentée. Le demandeur n’a pas bien fait la distinction entre les conclusions de fait et la décision finale qui devait être prise. Le tribunal de révision a peut-être fondé sa décision sur une conclusion de fait non étayée par les éléments de preuve, mais le demandeur doit indiquer en quoi consiste cette conclusion de fait. Il ne suffit pas de dire que le tribunal de révision aurait dû tirer une conclusion différente fondée sur les éléments de preuve présentés. Essentiellement, le demandeur nous demande de réévaluer et d’apprécier à nouveau les éléments de preuve en sa faveur. Puisqu’il n’a pas démontré de conclusion de fait prétendument erronée, je ne peux prendre en considération cette observation.

Conclusion

[29] Bien que le demandeur n’ait pas réussi à démontrer l’existence d’une conclusion de fait erronée, les motifs qu’il a soulevés me convainquent que l’appel a une chance raisonnable de succès et, pour cette raison, la permission est accordée.

[30] La présente décision sur la demande de permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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