Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Comparutions

P. R. – l’appelant Bill Glover et Katherine Wallocha - Observateurs / membres de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale

Décision

[1] Le Tribunal estime qu'une pension d'invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) doit être payée à l'appelant.

Introduction

[2] L'intimé a estampillé la demande de pension d'invalidité du RPC de l'appelant le 29 octobre 2008. L’intimé a rejeté la demande initiale ainsi que la demande de réexamen, et l’appelant a interjeté appel de ces décisions devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR).

[3] Le présent appel a été instruit dans le cadre d’une téléconférence pour les raisons indiquées dans l'avis d'audience daté du 20 novembre 2013. Initialement, l’audience devait être tenue le 3 décembre 2013, mais elle a été ajournée parce qu’il manquait des pages au dossier médical de l’appelant.

Droit Applicable

[4] L’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012 prévoit que tout appel déposé auprès du BCTR avant le 1er avril 2013 et qui n’a pas été instruit par le BCTR est considéré comme ayant été déposé auprès de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne touche pas de pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[6] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la fin de sa PMA ou avant cette date.

[7]  Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée être atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[8] La date de la PMA n'est pas contestée puisque les parties conviennent et que le Tribunal conclut que la PMA de l'appelant a pris fin le 31 décembre 2010.

[9] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer si l’appelant était vraisemblablement atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de la PMA ou avant cette date.

Preuve

[10] L’appelant est âgé de 54 ans et possède une 12e année de scolarité. Son dernier emploi remonte à 2007. Il a travaillé pour Postes Canada pendant près de vingt ans comme superviseur du quart de nuit au quai d’expédition et de réception. Son travail consistait à coordonner l’expédition et la réception de colis et de paquets transportés par camion pour la division de la poste prioritaire de Postes Canada.

[11] L’appelant a décrit l’usure de ses genoux qui est attribuable au fait qu’il a marché sur un plancher de béton pendant un si grand nombre d’années. Au début de sa carrière, il a eu un accident de travail au cours duquel il s’est frappé le genou sur une courroie transporteuse et s’est blessé. Il n’est pas certain de la date, mais il confirme avoir subi une arthroscopie du genou gauche. Il signale que l’intervention n’a pas été une réussite complète en raison d’un trou dans le ménisque. Le rapport médical confirme qu’une arthroscopie a été faite mais on la qualifie d’échec, sans fournir d’autres explications (GT-41-44).

[12] Vers 2003, on a fourni à l’appelant une voiturette pour se déplacer au travail. Il ne pouvait plus marcher longtemps sur le plancher de l’entrepôt. Il a commencé à ressentir d’autres douleurs. Ses deux genoux, son dos et ses pieds le faisaient souffrir et il a également commencé à avoir des engourdissements. Il a néanmoins continué à travailler et à utiliser sa voiturette pour se déplacer.

[13] Son état de santé s’est détérioré en 2006. Il a décrit la douleur qu’il ressentait au cou de plus en plus aigüe. Il ne pouvait plus bouger son cou et devait tourner le corps au complet pour voir autour de lui. Il a continué de travailler pendant quelques mois et prenait de l’Arthrotec pour soulager ses douleurs. Au début de 2007, il a commencé à avoir de plus en plus d’engourdissements dans les doigts et ses mains paralysaient. La combinaison de symptômes est devenue trop difficile à gérer pour l’appelant et il a quitté son emploi au début de 2007.

[14] Son employeur a essayé de l’affecter à un travail de bureau et de lui confier un quart de travail de jour. Son travail consistait à gérer les absences des travailleurs de la flotte. Il s’est rendu au bureau à trois reprises pour essayer d’accomplir ce travail. La première fois, il a travaillé pendant quatre heures puis a été renvoyé chez lui. Il s’est reposé pendant une semaine et a essayé de nouveau d’aller travailler, mais il n’est resté au bureau que deux heures. La dernière fois qu’il s’est rendu au travail, on l’a tout simplement renvoyé chez lui. Il a essayé de taper sur un clavier, mais il sentait des picotements et des fourmillements dans les mains qui l’empêchaient d’accomplir tout travail de bureau. Ses mains tremblaient tellement qu’il n’arrivait pas à taper.

[15] Il n’a pas essayé d’exercer d’autre emploi depuis cette tentative en vue d’exécuter des tâches modifiées et il touche maintenant des prestations d’invalidité de longue durée.

[16] Au début, l’appelant a passé plusieurs examens afin de déterminer la cause de ses multiples douleurs et de ses engourdissements. Même si les radiographies faites en mars 2007 n’ont révélé aucune anomalie à son épaule gauche, à ses mains et à ses genoux, la radiographie de sa colonne lombaire a permis de déceler une discopathie dégénérative modérée à avancée au niveau L5-S1 accompagnée d’ostéophytose, de sclérose et de sténose (GT-57). Quant aux radiographies de l’épaule droite et de la colonne cervicale faites en avril 2007, elles n’ont révélé aucune anomalie (GT-58).

[17] En juillet 2007, l’appelant a consulté le Dr John G. Thompson, un rhumatologue qu’il avait déjà rencontré en 2002. Celui-ci a demandé d’autres radiographies et tests sanguins et a proposé à l’appelant d’essayer de prendre du Celebrex pour calmer ses douleurs. Le Dr Thompson n’est pas certain de connaître la cause des douleurs de l’appelant mais précise que ce dernier a mentionné qu’il avait noté une certaine amélioration depuis qu’il avait cessé de travailler (GT-67). Les radiographies de contrôle figurent au dossier. Les radiographies des articulations sacro-iliaques étaient normales. Les radiographies bilatérales des mains et des poignets démontrent que l’alignement est normal et qu’il y a de petites cavités à la surface des têtes des deuxième et troisième métatarsiens droits qui semblent être dégénératives. Les radiographies bilatérales des pieds révèlent la présence d’une arthrose légère dans la première articulation métatarsophalangienne de chaque pied (GT-65).

[18] De plus, en juillet 2007, le Dr Reda El-Sawy, physiatre, a soumis l’appelant à un électromyogramme (EMG), qui n’a révélé aucune anomalie (GT-59-61). Dans un rapport de suivi, le Dr El-Sawy documente son examen de l’appelant. Il conclut que l’appelant est une personne « centrée sur sa douleur et axée sur son invalidité » [Traduction] (GT-63). Le Dr El-Sawy note que l’appelant utilise un canne du côté gauche, mais qu’il est capable de marcher sur la pointe des pieds, sur les talons, les pieds éversés et inversés, de s’accroupir et de se relever sans appui. Le Dr El-Sawy signale également que rien n’indique qu’il y a atrophie des quadriceps, ce qui, selon lui, signifie que ses genoux fonctionnent bien. Les articulations des épaules de l’appelant ont une amplitude de mouvement complète. L’examen de la colonne a permis de constater une diminution de l’amplitude des mouvements du cou, mais aucune autre anomalie importante. L’appelant fait une rotation complète de la colonne vertébrale dans les deux sens. Le Dr El-Sawy n’a décelé aucune sensibilité aux articulations des mains. Aucune anomalie neurologique n’a été décelée. Dr El-Sawy a tenté de discuter avec l’appelant des facteurs de stress dans sa vie, mais ce dernier a semble-t-il nié être stressé. Le Dr El-Sawy a dirigé l’appelant vers un autre spécialiste pour qu’il soit soumis à une étude du sommeil afin de déterminer la cause du déficit de sommeil et de vérifier s’il souffre du syndrome des jambes sans repos.

[19] En décembre 2007, l’appelant a participé à une évaluation des capacités fonctionnelles par l’intermédiaire du centre de physiothérapie et de réadaptation CBI (évaluateur : Rob Karas, physiothérapeute). Cette évaluation a été planifiée par le fournisseur d’assurance-invalidité de longue durée et devait consister en une évaluation de deux jours. Cette évaluation n’a pas été complétée en raison de la fréquence cardiaque au repos de l’appelant qui était élevée. L’évaluateur avance l’hypothèse que cette situation est peut-être attribuable à la mauvaise forme physique et recommande à l’appelant de consulter son médecin de famille au sujet de sa santé cardiovasculaire (GT-70-73). Lors de l’audience, l’appelant a confirmé qu’il n’avait participé à aucun autre programme de réadaptation ou de retour au travail offert par sa compagnie d’assurance.

[20] En janvier 2008, l’appelant a fait l’objet d’une étude du sommeil reposant sur l’utilisation d’un polysomnogramme nocturne menée par le Dr Alan B. Douglass, psychiatre, à l’Hôpital Royal Ottawa. Le Dr Douglass a diagnostiqué un syndrome de résistance des voies aériennes supérieures d’un niveau modérément grave accompagné de nombreux mouvements des jambes sans repos à l’état d’éveil et d’une longue période d’insomnie d’endormissement. Il recommande à l’appelant d’essayer un appareil de ventilation par pression positive continue (VPPC) et de perdre du poids (GT-74-75). Après avoir rencontré l’appelant, le Dr Douglass signale que celui-ci hésite à essayer de dormir avec un appareil de VPPC. En mai 2008, on a tenté de refaire l’étude à l’aide d’un appareil de VPPC. Cependant, le Dr Douglass signale que l’étude a été complètement insatisfaisante puisque l’appelant n’a pas dormi du tout pendant qu’il portait le masque de l’appareil de VPPC (GT-78). Par conséquent, le médecin n’a pas donné de prescription pour un appareil de VPPC à l’appelant. Le Dr Douglass reconfirme son diagnostic de syndrome de résistance des voies aériennes supérieures et se demande si l’insomnie psychiatrique joue un rôle dans les troubles du sommeil de l’appelant. Dans le cadre de l’audience, l’appelant a expliqué que le masque de l’appareil le faisait paniquer et qu’il était incapable de dormir lorsqu’il le portait.

[21] L’appelant a continué de consulter le Dr Thompson en 2008. Le Dr Thompson n’est pas certain de connaître la cause des problèmes de santé de l’appelant et note qu’il pourrait s’agir de signes cliniques inhabituels de polyarthrite rhumatoïde. Il a donc, une fois de plus, fait faire des tests sanguins et des radiographies. Il a également pris les dispositions nécessaires pour que l’appelant subisse un examen neurologique (GT-76). À la suite d’une deuxième visite en août 2008, le Dr Thompson note que l’appelant a encore des douleurs musculaires à différents endroits, notamment aux épaules, au cou, aux mains et aux genoux. Ses médicaments l’aident dans une certaine mesure. Sa fatigue persiste, mais il n’a pas de raideurs matinales pendant de longues périodes et son niveau d’énergie est moyen. Il a encore des engourdissements dans les mains de façon intermittente. Il a commencé à ressentir une douleur au cou il y a un mois ou deux. Le Dr Thompson constate une douleur à la pression des tissus mous de 10 des 18 points de fibromyalgie. Il note que les radiographies qu’il avait demandées antérieurement ne révélaient rien de particulier. Il indique encore une fois qu’il n’est pas certain de la cause de l’inconfort de l’appelant et qu’il compte sur l’examen neurologique pour obtenir des réponses possibles (GT-80).

[22] Le 28 octobre 2008, le médecin de famille de l’appelant, le Dr David Leduc, a rempli le formulaire de rapport médical du RPC. Dans ce rapport, il pose le diagnostic suivant : l’appelant souffre de polyarthrite rhumatoïde atypique, de polyarthralgie chronique, d’apnées obstructives du sommeil, de trouble d’anxiété généralisée et de dépression. Il indique que l’appelant a eu un accident de travail à la fin des années 90, à la suite duquel il a subi une arthroscopie du genou gauche, mais sans succès. Il est retourné au travail mais était soumis à certaines restrictions. Ses douleurs ont continué de se propager jusqu’en 2007, période où il était même incapable d’occuper un emploi sédentaire. Le Dr Leduc signale que l’appelant souffre d’instabilité lorsqu’il est debout, qu’il éprouve des douleurs lorsqu’il se lève après avoir été en position assise, qu’il a plusieurs points de fibromyalgie qui sont sensibles et que ses genoux, ses hanches et ses coudes se sont affaiblis (en raison de la douleur). Il ne peut marcher que sur de courtes distances à l’aide d’une canne (et bien souvent deux). Au moment où il a présenté sa demande, l’appelant prenait les médicaments suivants : Celebrex, Cipralex, Seroquel et Xanax prn [au besoin]. Il a essayé d’autres médicaments, notamment Arthrotec, Codeine Contin, Kadian, Elavil, Bextra, Naprosyn et lndocid, qui ont tous été inefficaces. Il a également eu recours à la physiothérapie, mais sans succès. Le Dr Leduc fait le pronostic suivant :

La douleur chronique réduit considérablement la mobilité de [l’appelant]. Elle domine ses activités de la vie quotidienne, car sa démarche est ralentie et il ne peut marcher que sur de courtes distances. Il ne peut pas soulever ni transporter d’objets ni se pencher sans ressentir de violentes douleurs. Aucun traitement ne l’a soulagé jusqu’à maintenant. Il s’agit d’une invalidité grave et prolongée qui risque fort peu de s’améliorer (GT-44). [Traduction]

[23] En octobre 2008, l’appelant a consulté un neurologue, le Dr L. D. Sitwell, pour une évaluation. Le Dr Sitwell signale que l’appelant se plaint d’engourdissements intermittents dans les deux bras qui irradient dans les jambes, les mains et les doigts et d’un engourdissement facial « en plaques » [Traduction]. Cependant, la seule anomalie que le Dr Sitwell constate est la présence d’un signe de Tinel subjectif au niveau du sillon du nerf cubital bilatéralement. Il décide de diriger l’appelant vers le Dr Pierre Bourque pour avoir une deuxième opinion (GT-81-82). Comme l’a indiqué le Dr Sitwell dans une lettre datée du mois de mars 2009, le Dr Bourque a également constaté que les examens neurophysiologiques étaient normaux. Cependant, le Dr Bourque estimait qu’il y avait des signes de subluxation du nerf cubital au niveau de l’épicondyle bilatéralement. Par conséquent, le Dr Bourque jugeait qu’une transposition antérieure des nerfs cubitaux pourrait être bénéfique pour l’appelant. Le Dr Sitwell a donc dirigé l’appelant vers le Dr Moulton, neurochirurgien (GT-83). Lors de l’audience, l’appelant a confirmé qu’il n’avait jamais vu le Dr Moulton. Il signale qu’il a communiqué avec son bureau à deux reprises pour prendre rendez-vous, mais qu’on ne l’avait jamais rappelé.

[24] En juin 2009, le Dr Leduc a envoyé une lettre à l’intimé dans laquelle il a indiqué que l’appelant était soumis à d’importantes limitations liées à la douleur. Il marche difficilement à l’aide d’une canne et ne peut parcourir que de courtes distances. Il s’assoit en position de garde en raison des douleurs qu’il éprouve dans la région lombaire et ne peut rester assis que 15 minutes à la fois. L’examen a permis de démontrer que ses mouvements étaient limités de façon marquée en raison de la douleur. Il ne pouvait lever latéralement son épaule gauche qu’à 45 degrés et antérieurement à 110 degrés. La douleur persiste dans son cou, ses genoux, ses chevilles et sa main droite. Il est rarement capable de soulever des objets légers, car en raison de la douleur qu’il éprouve dans ses mains il est difficile pour lui de manipuler des objets. Même si l’appelant présente de légers symptômes de dépression typiques d’une personne atteinte de son degré d’invalidité, le Dr Leduc juge qu’il n’a pas besoin de suivre un traitement psychiatrique. Le Dr Leduc tire la conclusion suivante :

Ses articulations douloureuses lui causent de graves problèmes depuis neuf ans. Cette situation a évolué graduellement puisqu’au début il avait des problèmes uniquement avec ses genoux et, maintenant, toutes les articulations de son corps le font souffrir. La cause de son syndrome de douleur est probablement multifactorielle et n’a pas réussi à être contrôlée à l’aide de traitements courants. En ce moment, je ne pense pas qu’il puise se rétablir un jour (GT-85). [Traduction]

[25] En novembre 2009, le Dr Thompson pose un diagnostic de fibromyalgie, par exclusion. Il constate une douleur à la pression des tissus mous de 12 des 18 points de fibromyalgie. Il note que l’appelant a encore des douleurs à différents endroits, notamment aux épaules, au cou, aux mains, aux pieds et au dos. Un nouveau médicament, la Gabapentine, a été ajouté. Par conséquent, l’état de l’appelant s’est quelque peu amélioré. Le plan consiste à augmenter la dose, qui est actuellement de 100 mg deux fois par jour, à 300 mg deux fois par jour (GT-88). Lors de l’audience, l’appelant a déclaré qu’il avait cessé de prendre la Gabapentine en raison des effets secondaires. Lorsque l’intimé a posé des questions au sujet de la capacité de travailler de l’appelant, le Dr Thompson a répondu, dans une lettre datée du mois de janvier 2010, que sa capacité fonctionnelle était très limitée en raison de vives douleurs musculosquelettiques et qu’il serait probablement incapable d’exercer un emploi, même si celui-ci n’exige que peu d’efforts physiques (GT-90).

[26] L’intimé a reçu une deuxième lettre du Dr Leduc en décembre 2009 à la suite du diagnostic de fibromyalgie de l’appelant. Dans cette lettre, il confirme que l’appelant est traité pour un syndrome de douleurs musculosquelettiques chroniques et pour la fibromyalgie et que le nouveau médicament vise à atténuer ses douleurs (Gabapentine). Le Dr Leduc écrit ce qui suit :

Monsieur R. souffre depuis de nombreuses années. À ma connaissance, il n’existe aucun traitement que moi ou son spécialiste n’avons pas essayé ou envisagé pour améliorer son état de santé. Je ne pense pas qu’il se rétablisse suffisamment un jour pour pouvoir exercer un emploi intéressant (GT-89). [Traduction]

[27] L’appelant a été questionné au sujet du trou de neuf mois dans les rapports médicaux étant donné que la date indiquée sur les derniers documents versés à son dossier remonte à neuf mois avant la fin de sa PMA en décembre 2010. De plus, il est indiqué dans le dossier que l’appelant demande au tribunal précédent (le BCTR) de ne pas communiquer avec lui entre avril et octobre 2010 (GT-115). L’appelant a expliqué qu’un malentendu entre son employeur et l’assureur avait entraîné le versement en trop d’une somme d’environ 9 000 $. Compte tenu de son revenu réduit, il n’avait pas les moyens de rembourser cette somme. Il a été acculé à la faillite et son service téléphonique a été interrompu pendant plusieurs mois.

[28] Son état de santé est stable actuellement. Après avoir essayé de nombreux médicaments, l’appelant est revenu au Tylenol Douleurs arthritiques pour soulager ses douleurs. Il prend toujours de l’Escitalopram pour son anxiété et sa dépression. Il voit son médecin de famille tous les deux mois pour faire renouveler ses ordonnances. Il voit également le Dr Thompson tous les six mois pour des visites de suivi.

[29] L’appelant estime que les problèmes de santé qui l’empêchaient de travailler en février 2007 l’empêchent encore de travailler aujourd’hui. Il a toujours des picotements et des fourmillements dans les mains. Son visage est engourdi. Il a des problèmes de genoux qui limitent sa mobilité. Il a de la difficulté à rester assis en raison de douleurs au dos et au cou. Il passe généralement ses journées allongé sur le dos. Il a expliqué qu’il était allongé sur son lit lorsqu’il a participé à l’audience.

[31] Il compte sur sa fille ou sur son père pour se faire conduire à ses rendez-vous ou à l’épicerie. Il est incapable de marcher, même sur de courtes distances. Il ne peut pas utiliser le transport en commun car il ne peut pas marcher jusqu’à l’arrêt d’autobus. Il emprunte parfois la voiture de sa fille pour se rendre au Tim Hortons de l’autre côté de la rue. Il avoue qu’il passe la majeure partie de la journée à regarder la télévision. Il qualifie sa vie de monotone et aimerait pouvoir travailler. Il n’a aucune vie sociale, lui qui avait l’habitude de sortir souvent pour jouer au billard avec des amis ou pour faire de la bicyclette.

[31] L’appelant signale qu’il a, à maintes reprises, posé des questions au sujet de son retour au travail à son médecin, mais que celui-ci lui a conseillé de ne pas travailler car il ne pensait pas qu’il pourrait rester plus de quelques jours au travail.

Observations

[32]  L'appelant soutient qu'il est admissible à une pension d'invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Son employeur était prêt à lui venir en aide et avait accepté de lui confier des travaux légers, mais il était incapable de les exécuter en raison de sa maladie;
  2. Les médecins qui le suivent régulièrement (Drs Leduc et Thompson) indiquent clairement qu’il a épuisé toutes les options de traitement et qu’il ne peut toujours pas travailler;
  3. Depuis au moins dix ans, il a beaucoup de difficulté à marcher et il éprouve beaucoup de douleurs lorsqu’il marche, s’assoit, se tient debout et même lorsqu’il est couché ou lorsqu’il dort. De plus, son état de santé ne s’est pas amélioré depuis qu’il a quitté son emploi;
  4. Son état de santé est imprévisible et ferait de lui un employé peu fiable.

[33] L’intimé a soutenu que même s’il est indiscutable que l’appelant a des limites, les examens n’ont permis de déceler aucune pathologie grave qui empêcherait Monsieur R. d’exercer un emploi adapté à son état de santé. Plus précisément, dans l’explication de la décision portée en appel (GT-117-119), l’intimé fait notamment référence aux éléments suivants :

  1. la radiographie de l’épaule gauche, des deux mains et des deux genoux de mars 2007, qui ne révèle aucune anomalie importante aux os ou aux articulations alors que la radiographie de la colonne lombaire fait état d’une discopathie dégénérative au niveau L5-S1;
  2. la lettre du Dr El-Sawy, dans laquelle il décrit l’appelant comme étant une personne « centrée sur sa douleur et axée sur son invalidité » [Traduction];
  3. l’évaluation des capacités fonctionnelles incomplète qui décrit l’appelant comme étant « en mauvaise forme physique » [Traduction];
  4. le fait qu’il ait refusé d’essayer de porter un appareil de VPPC comme le Dr Douglass le lui a proposé;
  5. même si son rhumatologue indique que les douleurs lui causent des difficultés, l’intimé soutient que la preuve médicale versée au dossier ne corrobore pas la théorie selon laquelle l’état de santé de l’appelant l’empêcherait d’exercer tout type d’emploi, y compris un emploi sédentaire à temps partiel.

Analyse

[34] L'appelant doit prouver selon la prépondérance des probabilités qu'il était atteint d'une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2010 ou avant cette date.

Caractère grave

[35] L’appelant a expliqué en détail ses problèmes de santé au Tribunal. Il a fourni des précisions sur ses blessures au genou et sur son intervention chirurgicale, qui n’étaient pas bien documentées dans le dossier. Il a également décrit dans l’ordre ses longs antécédents professionnels et comment il s’y est pris pour travailler pendant de nombreuses années malgré son invalidité en ayant recours à différentes modifications pour rester sur le marché du travail. Il a brossé le portrait d’un employeur très accommodant qui lui a fourni une voiturette de golf lorsqu’il lui est devenu impossible de marcher dans l’entrepôt et qui a ensuite essayé de lui donner la formation nécessaire pour occuper un emploi de bureau lorsqu’il n’a plus été en mesure d’accomplir des travaux exigeant des efforts physiques.

[36] Dans les cas où nous disposons d’éléments de preuve confirmant que la personne est capable de travailler, celle-ci doit démontrer que ses efforts pour trouver et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santé (Inclima c. Canada (P.G.), 2003 CAF 117 (CanLII)). Même si l’intimé soutient que l’appelant devrait pouvoir exercer un emploi sédentaire à temps partiel, il est important de signaler que l’employeur a offert à l’appelant un emploi sédentaire à temps partiel, que celui-ci a essayé d’exercer cet emploi, mais sans succès. En pareil cas, le Tribunal est prié de se référer à la décision rendue dans l’affaire Boyle c. MDRH (10 juin 2003), CP 18508 (CAP), dans laquelle on a conclu ce qui suit :

Les suggestions qui sont habituellement donnée en ce qui concerne le recyclage ou la recherche d’un autre emploi convenable sont jugées non nécessaires en l’espèce, même si [l’appelant] a essayé de le faire dans une certaine mesure. Ce dernier comprend qu’un poste est toujours disponible pour lui à [son employeur], s’il se sentait capable de travailler. [Traduction]

Le Tribunal convient donc qu’il était raisonnable que l’appelant ne fasse aucun effort pour chercher un autre emploi.

[37] L’explication de la décision portée en appel de l’intimé dépeint l’appelant comme étant une personne centrée sur sa douleur qui adopte une approche moins que proactive à l’égard de ses traitements. Même si le rapport du Dr El-Sawy soulève des doutes au sujet de l’état de santé de l’appelant, son commentaire au sujet du fait que ce dernier est « centré sur sa douleur et axé sur son invalidité » [Traduction] repose sur une seule visite et ne fait pas l’unanimité au sein des autres médecins traitants. Par conséquent, selon la prépondérance des probabilités, le Tribunal estime que les commentaires Dr El-Sawy ne sont pas suffisants pour conclure que l’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave.

[38] Le Tribunal s’est également demandé si l’appelant aurait pu être plus proactif dans ses traitements. Sur ce point, le Tribunal convient que dans certains cas il aurait pu faire plus d’efforts. À titre d’exemple, il aurait dû continuer à faire des démarches en vue d’obtenir un rendez-vous avec le Dr Moulton et il aurait dû faire l’essai d’un appareil de VPPC. 

[39] Néanmoins, après avoir examiné l’ensemble de la preuve, le Tribunal estime que la preuve ne confirme pas une conclusion selon laquelle l’appelant aurait renoncé systématiquement aux traitements médicaux. Il a essayé de nombreux médicaments, dont la liste complète a été fournie, il a suivi des traitements de physiothérapie, consulté plusieurs spécialistes et subi de nombreux tests et examens. L’évaluation des capacités fonctionnelles à laquelle il devait se soumettre a été annulée non pas parce que l’appelant simulait, mais bien parce que sa fréquence cardiaque au repos était élevée. En fait, le Dr Leduc indique clairement que l’appelant a épuisé toutes les options de traitement lorsqu’il écrit ce qui suit : « À ma connaissance, il n’existe aucun traitement que moi ou son spécialiste n’avons pas essayé ou envisagé pour améliorer son état de santé. » [Traduction] (GT-89). Par conséquent, le Tribunal reconnaît que l’appelant s’est conformé aux traitements.

[40] En ce qui concerne le point soulevé par l’intimé au sujet de l’absence de « pathologie grave » [Traduction], il est vrai que les examens n’ont pas permis de déceler de pathologie grave, mais ce serait sauter aux conclusions d’affirmer que l’appelant devrait donc être capable de travailler. En raison de sa nature, la fibromyalgie ne peut être décelée à l’aide d’épreuves diagnostiques. Cependant, l’étiquette fibromyalgie ne suffit pas pour conclure que l’appelant était atteint d’une invalidité grave; le Tribunal doit donc examiner les effets sur la personne visée (Petrozza c. MDS, (27 octobre 2004) CP 12106 (CAP)). Dans le cas qui nous occupe, l’appelant a été en grande partie confiné à domicile depuis qu’il a quitté le marché du travail. Il décrit les douleurs qu’il ressent dans tout son corps. Son médecin de famille dresse la liste des nombreuses limites fonctionnelles dans le rapport médical du RPC et indique notamment que l’appelant souffre d’instabilité lorsqu’il est debout, qu’il éprouve des douleurs lorsqu’il se lève après avoir été en position assise, qu’il a plusieurs points de fibromyalgie qui sont sensibles et que ses genoux, ses hanches et ses coudes se sont affaiblis (en raison de la douleur). Il ne peut marcher que sur de courtes distances à l’aide d’une canne (et bien souvent deux). Lors de l’audience, l’appelant a déclaré qu’il passe la majeure partie de ses journées allongé sur un sofa. Il demande de l’aide pour se rendre à ses rendez-vous médicaux et pour faire l’épicerie. Il est même incapable de traverser la rue à pied pour se rendre au café-restaurant. Après avoir tenu compte des limites importantes de l’appelant dans un contexte « réaliste » (Villani c. Canada (P.G.), 2001 CAF 248 (CanLII)), le Tribunal est convaincu que l’appelant est atteint d’une invalidité grave depuis qu’il a quitté son emploi en février 2007.

Caractère prolongé

[41] Le Tribunal doit également déterminer si l’invalidité est prolongée au sens du RPC. En ce qui concerne cette question, le Tribunal a examiné les témoignages et les documents versés au dossier.

[42] L’appelant a expliqué en détail les problèmes médicaux dont il souffre depuis longtemps, à commencer par des douleurs aux genoux et une éventuelle intervention chirurgicale. Pendant de nombreuses années, il a travaillé en ayant recours à différentes modifications dans le cadre de son emploi. L’état de ses genoux a continué de se détériorer graduellement et les douleurs se sont propagées à d’autres parties de son corps. De plus, il a commencé à avoir des engourdissements et à sentir des picotements et des fourmillements dans les mains et dans le visage. L’appelant affirme que son état de santé n’a pratiquement pas changé depuis qu’il a quitté son emploi, y compris depuis la fin de sa PMA.

[43] Le Dr Leduc indique clairement que l’appelant éprouve constamment des douleurs et qu’il ne s’attend pas à ce qu’il puisse se rétablir un jour. Dans une lettre datée du mois de juin 2009 adressée à l’intimé, le Dr Leduc attire l’attention sur l’invalidité prolongée et indéfinie de l’appelant dans le passage suivant :

Ses articulations douloureuses lui causent de graves problèmes depuis neuf ans. Cette situation a évolué graduellement puisqu’au début il avait des problèmes uniquement avec ses genoux et, maintenant, toutes les articulations de son corps le font souffrir. La cause de son syndrome de douleur est probablement multifactorielle et n’a pas réussi à être contrôlée à l’aide de traitements courants. En ce moment, je ne pense pas qu’il puisse se rétablir un jour (GT-85). [Traduction]

[44] Le Tribunal se fonde sur cette lettre pour conclure que l’invalidité de l’appelant est prolongée au sens du RPC depuis qu’il a quitté son emploi en février 2007.

Conclusion

[45] Le Tribunal conclut que l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée en février 2007, moment où il a quitté l’emploi qu’il occupait à Postes Canada. Aux fins du paiement, une personne ne peut être réputée invalide plus de quinze mois avant que l’intimé n’ait reçu la demande de pension d’invalidité (alinéa 42(2)b) du RPC). La demande a été reçue en octobre 2008. Par conséquent, l’appelant est réputé invalide depuis le mois de juillet 2007. Selon l’article 69 du RPC, la pension d’invalidité est payable à compter du quatrième mois qui suit la date réputée de l’invalidité. Les versements débuteront donc en novembre 2007.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.