Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Comparutions

  • Appelant: D. O.
  • Soutien moral de l’appelant: A. O
  • Représentant de l’intimé: Daniel Willis
  • Témoin pour l’intimé: Dre Micheline Bégin

Décision

[1] Le Tribunal rejette l’appel.

Introduction

[2] L’appelant a présenté trois demandes de pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (ci-après la « Loi »).

  1. a) En juillet 1992, il a présenté une demande fondée sur son incapacité à soulever des objets, à se pencher, à s’asseoir ou à demeurer debout pendant de longues périodes. Il avait travaillé pour la dernière fois le 14 mars 1990. Sa demande a été rejetée et cette décision a été confirmée après réexamen. Lors d’une audience tenue le 10 mai 1994, un tribunal de révision (TR) a déterminé que l’appelant n’était pas admissible à une pension du Régime de pensions du Canada (RPC). Par la suite, la Commission d’appel des pensions (CAP) a rejeté la demande d’autorisation d’interjeter appel de l’appelant.
  2. b) En janvier 1995, il a présenté une demande fondée sur son incapacité à soulever des objets, à se pencher, à s’asseoir ou à demeurer debout pendant de longues périodes. Il n’avait pas travaillé depuis le 14 mars 1990. Sa demande a été rejetée et la décision a été confirmée après réexamen, mais l’appelant n’a pas fait appel.
  3. c) Le 27 mai 2008, il a présenté une demande fondée sur des problèmes lombaires consécutifs à une blessure. Il n’avait toujours pas travaillé depuis le 14 mars 1990. Sa demande a été rejetée et la décision a été confirmée après réexamen. L’appelant a fait appel et, en décembre 2010, il a demandé le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension (PGNAP). Cette demande fait l’objet du présent appel.

[3] Le 19 avril 2012, un TR a déterminé que l’appelant n’était pas admissible à une pension d’invalidité du RPC.

[4] Le 26 juillet 2012, l’appelant a demandé l’autorisation d’interjeter appel de cette décision du TR auprès de la CAP.

[5] Le 14 septembre 2012, la CAP a acquiescé à cette demande. Suivant l’article 259 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, la division d’appel du Tribunal est réputée avoir accordé la permission d’en appeler le 1er avril 2013.

[6] Une audience en personne a été tenue pour les raisons données dans l’avis d’audience daté du 15 novembre 2013.

Droit applicable

[7] Par souci d’équité, l’appel sera examiné en fonction des attentes légitimes qu’avait l’appelant au moment où il a présenté sa demande d’autorisation à la CAP. Pour cette raison, la décision d’appel sera rendue sur la base d’un appel de novo, en application du paragraphe 84(1) de la Loi, dans sa version antérieure au 1er avril 2013.

[8] Sont énumérés, à l’alinéa 44(1)b) de la Loi, les critères d’admissibilité à la pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à cette pension, un cotisant :

  1. a) doit être âgé de moins de 65 ans;
  2. b) ne doit pas toucher de pension de retraite du RPC;
  3. c) doit être invalide;
  4. d) doit avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[9] Le calcul de la PMA est important, car l’appelant doit prouver qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de cette période ou avant cette date.

[10] Selon l’alinéa 42(2)a) de la Loi, une personne est considérée comme invalide si elle est atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Elle n’est prolongée que si elle est déclarée devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[11] Selon la décision du TR en lien avec la première demande de pension d’invalidité du RPC, l’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date de l’audience, soit le 10 mai 1994.

[12] La question de la PMA n’a pas posé problème; les parties ont convenu et le Tribunal a déterminé que cette période avait pris fin le 31 décembre 2011 (après le PGNAP).

[13] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer s’il est plus probable qu’improbable que le l’appelant ait été atteint d’une invalidité grave et prolongée entre le 11 mai 1994 et le 31 décembre 2011 (fin de sa PMA).

Preuve

[14] L’appelant a témoigné de vive voix et a répondu aux questions du Tribunal. L’intimé avait un témoin, la Dre Micheline Bégin, qui a quant à elle répondu aux questions des avocats. Les parties ont convenu et le Tribunal est convaincu que la Dre Bégin est une experte en médecine interne. Chacune des parties a eu l’occasion d’interroger l’autre, et le Tribunal a aussi posé des questions.

[15] L’appelant avait 51 ans lorsqu’a pris fin sa PMA. Il n’a pas son diplôme d’études secondaires et n’a pas terminé sa neuvième année. Il est bilingue (anglais et français).

[16] L’appelant a travaillé pour la dernière fois en mars 1990 à la mine de Sherman, à Temagami, en Ontario, où il était opérateur de chargeuse. Il s’est blessé au travail en tombant d’une chargeuse et n’a pas travaillé depuis. Il avait 30 ans à l’époque et occupait cet emploi depuis 1982 ou 1983. Avant cela, il avait travaillé dans une épicerie pendant cinq ou six ans.

[17] Lors de son témoignage, l’appelant a indiqué qu’il était incapable de travailler principalement en raison de son dos. Il a aussi des engourdissements dans les jambes, principalement dans la jambe droite, ainsi que des maux de tête et des problèmes d’oreilles dus à une blessure à la tête subie dans les années 1980.

[18] L’appelant a le même médecin de famille, le Dr Tom McDermott, depuis 1990. Il le voit tous les deux mois et il en était de même avant l’accident.

[19] Après l’accident, l’appelant a été hospitalisé et traité pour ce qu’il décrit comme une blessure aux disques. Il a indiqué qu’à l’hôpital, il avait reçu des médicaments, avait passé des radiographies et avait fait des traitements de physiothérapie. Une fois son congé obtenu, il a poursuivi la physiothérapie pendant un an ou deux, à raison de deux ou trois traitements par semaine. Il a aussi pris des médicaments : de l’ibuprofène, des pilules pour dormir la nuit et, depuis deux ou trois ans, des antidépresseurs.

[20] L’appelant a déclaré qu’aujourd’hui, sa condition physique est probablement pire qu’en 2011, et qu’en 2008, elle était pire qu’en 2005. Il soutient avoir des douleurs au dos tous les jours et ne pas pouvoir faire grand-chose. Il ne peut pas parcourir de longues distances à pied sans que son dos ne le fasse souffrir – peut-être un quart de mille ou un demi-mille tout au plus. Il arrive à conduire pendant environ 30 minutes à la fois. Il s’occupe de certaines tâches ménagères : il passe le balai, essuie la vaisselle, pellette la neige et tond la pelouse. Il peut demeurer assis pendant tout au plus une demi-heure, marcher pendant une demi-heure et se tenir debout pendant une heure.

[21] L’appelant a décrit comme suit une de ses journées normales : il se lève à 8 h ou 9 h, prend ses médicaments, se fait un café et le boit à la table de la cuisine, regarde la télévision, sort fumer et prendre une marche d’au plus 1 000 mètres, dîne et prend ses antidépresseurs, joue aux cartes avec des amis après le dîner, soupe, donne un coup de main avec la vaisselle, regarde le journal télévisé puis s’allonge ou regarde la télévision dans sa chambre à 7 h ou 7 h 30 avant de se coucher pour la nuit à 9 h 30 ou 10 h. Il a déclaré que cela représentait aussi ce à quoi ressemblaient ses journées en 2011.

[22] L’appelant reçoit des amis chez lui pour jouer aux cartes environ deux fois par semaine et, ensemble, ils jouent au poker pendant trois ou quatre heures. Lorsque ses amis sont à la maison, il leur sert à boire et tous s’installent à la table. L’appelant reste assis pendant environ une demi-heure puis sort fumer une cigarette. Il a déclaré qu’il aimait autrefois chasser et pêcher avec eux, mais qu’il ne l’avait pas fait depuis 1980.

[23] L’appelant a déclaré qu’il ne faisait pas d’exercices de physiothérapie à la maison. Il a essayé le vélo stationnaire et en fait [TRADUCTION] « une fois de temps en temps » pendant cinq ou six minutes, probablement à raison d’une à deux fois par semaine, mais pas nécessairement toutes les semaines. Il n’a pas trouvé que ces exercices en valaient la peine, n’a participé à aucun programme de gestion de la douleur, prend de l’ibuprofène et [TRADUCTION] « d’autres médicaments », mais n’a pas suivi d’autres traitements pour son dos.

[24] En ce qui concerne le traitement de sa dépression, l’appelant a pris des médicaments, mais n’a suivi aucun autre traitement.

[25] L’appelant a déclaré qu’il avait [TRADUCTION] « de très mauvaises journées » environ cinq jours sur sept, et que lors de ces très mauvaises journées, il sortait une bouteille de rhum. À la question de savoir quelle quantité d’alcool il consommait à ces occasions, l’appelant a indiqué qu’il buvait l’équivalent d’un demi-flasque de rhum après deux bières et que le reste du temps, il buvait du vin.

[26] La mine où travaillait l’appelant a fermé à la fin de mars 1990. L’appelant n’a pas cherché de travail ni tenté de se recycler depuis. Il a déclaré que son métier était celui de mineur, que ce métier permettait de gagner de 50 $ à 60 $ l’heure et qu’il ne voulait pas travailler comme pompiste ou chez Tim Hortons. L’appelant soutient qu’il ne peut pas travailler, que [TRADUCTION] « c’est aussi simple que ça ». Depuis 1990, il n’a parlé à personne de quelque type d’emploi que ce soit, pas même d’un emploi à temps partiel, et n’a pas non plus cherché à obtenir de l’information.

[27] L’appelant a touché des indemnités pour accidents du travail de mars 1990 à mai 1993.

Documents médicaux produits avant le 11 mai 1994

[28] Le 14 mars 1990, l’appelant s’est rendu en salle d’urgence après avoir fait une chute sur son lieu de travail. Selon les notes relatives à sa visite, il s’était fait une entorse lombaire en tombant d’une échelle le jour même. La Dre Bégin a déclaré qu’une entorse est une blessure des tissus mous et non une fracture.

[29] Le 19 avril 1990, le Dr McDermott a rédigé une note à l’intention de la Commission des accidents du travail. Il y a mentionné que l’appelant avait déjà une blessure au dos et qu’il était difficile de dire si cette entorse lombaire était une récurrence ou quelque chose de nouveau. À son avis, l’entorse devait [TRADUCTION] « se résorber graduellement sans trop de problèmes ». Il a ajouté : [TRADUCTION] « le patient ne travaille pas actuellement, car il ne s’en sent pas capable pour l’instant ».

[30] Le 30 avril 1990, le Dr McDermott a décidé d’admettre l’appelant à l’Hôpital Temiskaming parce que son état ne semblait pas s’améliorer à la maison. La Dre Bégin a déclaré que, selon les notes médicales, l’appelant avait aussi ce qui semble être un problème de hernie hiatale. Pendant son séjour à l’hôpital, il a fait de la physiothérapie et devait continuer à prendre des précautions et à faire des exercices appropriés à la maison. Il a reçu son congé le 4 mai 1990 et, selon son dossier, devait prendre de l’Elavil (un antidépresseur) après sa sortie.

[31] Le 26 juillet 1990, le Dr McDermott a écrit à la Commission des accidents du travail. L’appelant l’avait consulté à trois reprises, une fois en avril, en mai et en juin, pour des douleurs lombaires. Le médecin a indiqué que, d’après les radiographies prises le 11 avril, le rachis thoracique et le rachis cervical étaient normaux. Il a aussi mentionné que l’appelant avait [TRADUCTION] « l’impression, en juin, qu’il n’y avait pas de travail pour lui dans la collectivité. Il pensait qu’il pourrait reprendre des travaux légers si un emploi approprié avait été disponible, mais malheureusement, cela n’a pas été le cas. Ses limitations seraient les suivantes : soulever des charges de plus de 20 livres, se pencher, demeurer assis pendant une longue période, exécuter des tâches ou faire des étirements qui sollicitent son dos, faire des mouvements d’arrêt avec le dos et de torsion du dos ».

[32] En novembre 1990, l’appelant a été dirigé vers un chirurgien orthopédiste. Dans un rapport daté du 19 novembre 1990, le Dr J.E. Holmes a indiqué n’avoir observé aucune anomalie osseuse importante ni aucun indicateur précis de névralgie sciatique. À son avis, l’appelant doit être évalué par le service de réadaptation de la Commission des accidents du travail, car [TRADUCTION] « il est peu probable qu’il soit en mesure de reprendre son ancien travail d’opérateur de machinerie lourde ». En mars 1991, le Dr Holmes a fait savoir que, selon lui, il faudrait que l’appelant trouve un emploi dans le cadre duquel il effectuerait des travaux légers, et qu’aucune intervention chirurgicale ne pouvait l’aider.

[33] En mai 1991, l’appelant a été évalué par un spécialiste de la physiatrie et de la réadaptation. Le Dr W.M. Mitchell a conclu ce qui suit : [TRADUCTION] « Cet homme souffre de douleurs au dos liées à la posture et doit suivre un programme de réadaptation supervisée rigoureux… Sa posture est mauvaise; on lui a montré un exercice pour corriger le problème, mais cela n’a tout simplement pas fonctionné. C’est pourquoi je pense qu’il doit consacrer chaque jour plusieurs heures à la réalisation d’exercices de forte intensité ». En juillet 1991, le Dr Mitchell a indiqué que l’appelant devait entreprendre un programme d’évaluation physique dans une clinique de physiothérapie ou un programme de réadaptation dans un hôpital, en plus de participer à certains types de programmes offerts dans sa localité et comprenant du vélo, de la natation et de l’entraînement dans un centre de culture physique.

[34] En août 1991, la Commission des accidents du travail a dirigé l’appelant vers le Dr J.C. Wardhill, chirurgien orthopédiste, à des fins d’évaluation. Ce spécialiste 1) n’a recommandé aucun autre examen ni aucun autre traitement officiel, mais a 2) recommandé que l’appelant soit considéré comme inapte au travail de manœuvre nécessitant de se pencher et de soulever des charges, et qu’il soit également 3) considéré comme apte aux travaux légers. Il a également indiqué ce qui suit : [TRADUCTION] « J’ai beaucoup de difficulté à faire comprendre au patient qu’il doit s’occuper lui-même de son problème et tenter de trouver un emploi qui correspond à ses capacités ».

[35] En septembre 1991, l’Hôpital Laurentian a réalisé une évaluation en physiothérapie. Selon le physiothérapeute, l’appelant a fait savoir que les exercices n’étaient pas bénéfiques et qu’il ne les faisait pas régulièrement. Cette évaluation mentionne aussi que, comme l’a recommandé le Dr Mitchell, un programme de conditionnement physique pourrait être bénéfique, mais que l’appelant a déjà fait de la physiothérapie sans noter d’amélioration. Il y est également indiqué que l’appelant a une attitude négative à l’égard des exercices pour son dos et que, par conséquent, les résultats de la participation à un tel programme pourraient s’avérer décevants.

[36] En septembre 1991, l’appelant a passé les examens de recyclage scolaire du Northern College. Selon le formulaire de résultats, ses compétences sont très faibles à de multiples niveaux, et il aura probablement besoin de tutorat individuel avant de pouvoir participer au programme de l’établissement.

[37] Le Dr McDermott a rempli un rapport médical à l’appui de la première demande de prestations du RPC, lequel rapport est daté du 5 décembre 1991. Il y fait état d’un long historique de douleurs lombaires intermittentes qui ont commencé en 1988, ainsi que de périodes antérieures d’incapacité à travailler découlant de ces douleurs. Le traitement dont il est question consiste en de la médication et des exercices échelonnés sur plusieurs années, qui n’ont pas apporté de changement. Le pronostic est le suivant :

[TRADUCTION] « problème de faible scolarité, douleurs mécaniques au dos, exécution de travaux physiques limitée ».

[38] En novembre 1992, l’appelant a été dirigé vers le service de physiothérapie de l’Hôpital Temiskaming. En février 1993, des notes sur les progrès réalisés, rédigées par le physiothérapeute, indiquent que l’appelant a été traité par divers thérapeutes, que les modalités de traitement n’ont pas contribué à réduire la douleur, que l’appelant manque de motivation dans l’exécution de son programme, que sa présence est sporadique et qu’il estime que [TRADUCTION] « la bière le soulage davantage ». Le physiothérapeute a conclu qu’il n’y avait plus aucun avantage à suivre la thérapie.

[39] En mai 1993, l’appelant a présenté une deuxième demande de pension d’invalidité du RPC. Il a indiqué que, selon son médecin, il ne serait jamais prêt à reprendre le travail et ne serait plus jamais capable de travailler.

[40] En réponse à une demande d’information, le Dr McDermott a rédigé, à l’intention de Santé et Bien-être social Canada, une lettre datée de septembre 1993. Il y résume comme suit la situation de l’appelant : [TRADUCTION] « sa situation est à peu près la même qu’il y a deux ans. Il ressent toujours un inconfort lombaire qui m’apparaît être une douleur mécanique au dos. Les racines nerveuses ne semblent pas atteintes et il ne semble pas non plus y avoir de détérioration des symptômes ».

[41] En décembre 1993, l’appelant a été dirigé à nouveau vers le Dr Mitchell. Selon le rapport du médecin, l’appelant n’est tellement pas en forme qu’il aurait de la difficulté à occuper n’importe quel emploi, et que [TRADUCTION] « c’est malheureux, car ses douleurs au dos pourraient disparaître complètement s’il participait à un programme de renforcement et de conditionnement au travail adéquat. Mais encore faudrait-il qu’il soit motivé… ».

Documents médicaux produits du 11 mai 1994 au 31 décembre 2011

[42] En décembre 1994, le Dr McDermott a présenté un rapport médical au RPC. Il y précise que l’appelant a un faible niveau de scolarité, qu’il est en mauvaise condition physique générale et qu’il est atteint d’une [TRADUCTION] « entorse lombaire chronique – mêmes douleurs depuis des années, changements improbables ».

[43] En janvier 1996, l’appelant a de nouveau été dirigé vers le Dr Mitchell. Dans son rapport, le médecin indique que son patient se plaint de douleurs lombaires et de maux de tête depuis les sept ou huit derniers mois. Il passe en revue les renseignements sur les antécédents et les rapports médicaux du Dr McDermott et décrit l’examen physique complet réalisé le 3 janvier 1996. Il mentionne notamment ce qui suit : [TRADUCTION] « l’examen que j’ai réalisé aujourd’hui n’a pas révélé de cause physique à son motif de consultation, soit une douleur lombaire invalidante », et demande d’examiner les autres rapports avant de rendre une décision finale.

[44] Le rapport médical suivant au dossier est le rapport médical à l’intention du RPC qu’a produit le Dr McDermott le 28 mars 2008, en lien avec la troisième demande de pension d’invalidité de l’appelant. Y sont énumérés des diagnostics de douleur chronique au dos, d’abus d’alcool et de dépression. Le rapport fait aussi mention de la prise de deux antidépresseurs, d’ibuprofène de marque commerciale et d’un inhibiteur d’acide gastrique. Dans la section sur le pronostic et le traitement, le médecin a indiqué ce qui suit : [TRADUCTION] « aucun changement dans l’état décrit, incapable de demeurer assis ou debout pendant de longues périodes et de soulever des charges de plus de 10 livres ». Dans une lettre datée de novembre 2008 et rédigée à la demande de l’appelant, le Dr McDermott a écrit que [TRADUCTION] « le degré de douleur dont souffre le patient est en effet le même depuis de nombreuses années maintenant » et qu’il [TRADUCTION] « est atteint de la même invalidité qu’en 1988, lorsqu’il travaillait à la mine de Sherman ». En avril 2009, toujours à la demande de l’appelant, le Dr McDermott a rédigé une lettre, jointe à des radiographies, dans laquelle il indique que l’état de son patient reste le même et que ce dernier ressent de la douleur lorsqu’il utilise son dos pour soulever des objets et faire des mouvements répétitifs.

[45] Le 26 mars 2010, le Dr McDermott a fait parvenir une copie des notes cliniques qu’il a rédigées à la suite des consultations relatives aux problèmes de dos de l’appelant. Il avait noté, en novembre 1994 : [TRADUCTION] « les exercices lui font trop mal, alors il ne les fait pas ».

[46] L’appelant a présenté, à la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail (CSPAAT), une demande d’indemnisation fondée sur une perte auditive. Son indemnité pour préjudice moral associé à la perte d’audition causée par le bruit a été fixée à 7 % puis augmentée de 3 %. Dans une lettre datée du 18 février 2011, le gestionnaire de cas de la CSPAAT a expliqué que cette augmentation de 3 % ne rendait pas l’appelant totalement invalide, mais reflétait plutôt les changements dégénératifs survenus pendant les 14 années ayant suivi sa dernière évaluation du préjudice moral. Par conséquent, comme il n’était pas considéré comme totalement invalide et incapable de travailler, sa demande de prestations pour perte économique future a été rejetée.

[47] Les notes cliniques produites par le Dr McDermott de janvier 2010 à 2012 figurent au dossier. La Dre Bégin a fait référence, dans la preuve, aux entrées suivantes :

  1. a) 13 janvier 2010 : l’examen physique n’a rien révélé d’important;
  2. b) 26 février 2010 : le patient indique qu’il ne peut pas travailler au salaire minimum puisque son domaine de travail est l’exploitation minière, et qu’il ne travaillera pas comme pompiste ni chez Tim Hortons à cause de son dos;
  3. c) 3 mars 2010 : Sa situation n’a pas beaucoup changé, il semble à présent mobile;
  4. d) 8 février 2011 : Même chose qu’à la dernière rencontre; se plaint de douleurs au dos; me dit de noter dans son dossier que la douleur est pire que l’an passé.

Documents médicaux produits après la PMA

[48] Le 28 juin 2012, le Dr McDermott a rédigé une lettre à l’intention de la CAP qu’il a jointe à des dossiers médicaux et dans laquelle il déclare : [TRADUCTION] « son principal problème invalidant est persistant et consiste en des douleurs lombaires qui l’empêchent de demeurer en position assise ou debout pendant de longues périodes. Il a de la difficulté à soulever des charges, à moins qu’elles ne soient légères. Le deuxième problème, probablement le plus important, est son niveau de scolarité ». Dans les notes cliniques qu’il a rédigées le 28 juin 2012, le médecin a indiqué : [TRADUCTION] « Il a très certainement des limitations intellectuelles qui le rendent davantage admissible à rester à la maison que l’invalidité physique elle-même ».

Autres éléments de la preuve médicale

[49] Lors de son témoignage, la Dre Bégin a précisé que, dans le cas d’une blessure du même type que celle dont souffrait l’appelant, des traitements de physiothérapie et des exercices devaient être faits dès que possible. Lorsque le patient fait les exercices recommandés et qu’il ressent de la douleur, cela ne signifie pas que les exercices ont un effet préjudiciable sur le corps. Le patient doit poursuivre le traitement recommandé et son état s’améliorera. Il s’agit du principe de la « bonne douleur » : les exercices peuvent entraîner de la douleur, mais cette douleur n’est pas dommageable.

[50] La Dre Bégin a fait référence aux dossiers médicaux montrant que l’appelant ne faisait pas les exercices de physiothérapie qui lui ont été recommandés après sa blessure de mars 1990 ainsi qu’à de nombreuses reprises par la suite. Dans le cas de l’appelant, ce sont les années 1990, 1991 et 1992 qui constituent la période la plus importante pendant laquelle il lui fallait travailler à sa réadaptation. Sans cela, au fil du temps, sa condition physique était susceptible de se dégrader et de rendre plus difficile sa réintégration du marché du travail.

[51] La Dre Bégin a fait remarquer qu’il n’existe pas de rapports médicaux pour la période de 1996 à 2008, et seulement une note clinique. Dans l’ensemble, les documents médicaux montrent que la principale préoccupation est la douleur lombaire mécanique de l’appelant et que le traitement proposé a toujours été conservateur.

Observations

[52] L’appelant soutient qu’il est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. a) Il est invalide et incapable de travailler depuis 1990, soit avant la fin de sa PMA;
  2. b) Son état de santé, plus précisément ses douleurs au dos, l’empêche d’occuper quelque type d’emploi que ce soit;
  3. c) À l’heure actuelle, il demeure incapable de retourner au travail.

[53] L’intimé soutient que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. a) Il incombe à l’appelant d’établir qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date, mais il ne l’a pas fait;
  2. b) Plus précisément, l’appelant n’a pas démontré avoir suivi les traitements qui lui ont été recommandés;
  3. c) La preuve ne montre pas que l’appelant était incapable d’occuper un emploi véritablement rémunérateur à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date;
  4. d) L’appelant n’a pas fait une seule tentative de recherche d’emploi de quelque type que ce soit depuis 1990.

Analyse

[54] L’appelant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée entre le 11 mai 1994 et le 31 décembre 2011.

[55] Le ministre n’est pas tenu de prouver que l’appelant est capable de travailler; c’est à l’appelant qu’il incombe de montrer qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée avant la fin de sa PMA (Dossa c. Canada [CAP], 2005 CAF 387).

Caractère grave

[56] Le critère de gravité doit être analysé selon une approche réaliste (Villani c. Canada [P.G.], 2001 CAF 248). Cela signifie que le Tribunal doit garder à l’esprit des facteurs comme l’âge, le niveau de scolarité, la maîtrise de la langue, les antécédents de travail et l’expérience de vie lorsqu’il cherche à établir si une personne est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[57] C’est la capacité du demandeur à travailler et non le diagnostic de sa maladie qui détermine la gravité de l’invalidité (Klabouch c. Canada [ministre du Développement social] 2008 CAF 33).

[58] Un dossier médical détaillé a été produit et le Tribunal a pris en considération tous les éléments de preuve, tant les déclarations orales que la preuve documentaire.

[59] La demande est fondée sur un problème lombaire dû à une blessure. Bien que les dossiers médicaux fassent mention de dépression et de consommation d’alcool, l’appelant n’a pas tenu compte de ces problèmes et n’a pas présenté d’éléments de preuve montrant qu’ils ont une incidence sur sa capacité à travailler. Les éléments de la preuve médicale et non médicale présentés se rapportent aux douleurs lombaires de l’appelant et à leurs répercussions sur sa capacité à travailler.

[60] Deux des orthopédistes qui ont évalué l’appelant en 1990 et en 1991 se sont dit d’avis que ce dernier était capable d’exécuter des travaux légers. Des rapports datés de novembre 1990 (Holmes) et de juillet 1991 (Wardhill) indiquent que l’appelant était considéré comme apte aux travaux légers et qu’il lui fallait trouver un emploi approprié. Dans les rapports médicaux à l’intention du RPC datés de décembre 1991 et de décembre 1994, le Dr McDermott a mentionné que la condition de l’appelant n’avait pas changé depuis plusieurs années. En mai 2008, en novembre 2008 et en avril 2009, le médecin a indiqué que la douleur était la même depuis plusieurs années, que l’appelant était atteint de la même invalidité depuis 1988 et que son état demeurait [TRADUCTION] « inchangé ». Dans ses notes cliniques de février 2011, le Dr McDermott a écrit : [TRADUCTION] « même chose qu’à la dernière rencontre ».

[61] Des éléments de preuve montrent que l’appelant était apte à travailler en 1990 et en 1991, et que son état est demeuré essentiellement le même jusqu’en 2011. Bien que l’appelant ait déclaré que son état était pire en 2011 qu’en 2008 et en 2005, les dossiers médicaux n’appuient pas cette déclaration.

[62] Lorsqu’il y a des preuves d’aptitude au travail, une personne doit montrer que les efforts qu’elle a déployés pour obtenir et conserver un emploi ont été vains en raison de son état de santé (Inclima c. Canada [P.G.] 2003 CAF 117).

[63] L’appelant est d’avis qu’il ne peut pas exercer son métier et qu’il n’occupera aucun autre type d’emploi. Il soutient qu’il n’est tout simplement pas capable de travailler et il n’a déployé aucun effort pour chercher ou obtenir quelque forme d’emploi que ce soit depuis 1990.

[64] La gravité d’une invalidité n’est pas fondée sur l’incapacité d’une personne à occuper son emploi régulier, mais plutôt sur son incapacité à occuper n’importe quel type d’emploi (Canada [Ministre des Ressources humaines et Développement] c. Scott, 2003 CAF 34).

[65] La question des efforts qu’a déployés l’appelant pour suivre le traitement recommandé mérite aussi d’être abordée. Des traitements de physiothérapie et des exercices à réaliser à la maison lui ont été recommandés à partir de mars 1990. Il a reçu des traitements de physiothérapie en avril et en mai 1990 et devait continuer à prendre des précautions et à faire des exercices pour la région lombaire à la maison. En mai et en juillet 1991, deux spécialistes différents lui ont recommandé de faire plusieurs heures d’exercices de forte intensité chaque jour et de s’inscrire à un programme de réadaptation donné à l’hôpital ou dans une clinique de physiothérapie. Des recommandations similaires ont été formulées par d’autres spécialistes et physiothérapeutes en août et en septembre 1991, mais l’appelant n’a pas fait ses exercices de façon régulière. Il a été dirigé vers un autre programme de physiothérapie en novembre 1992, mais le traitement a été arrêté parce que le l’appelant manquait de motivation, qu’il n’était pas assidu et que, en conséquence, il ne constatait aucune amélioration.

[66] En décembre 1993, le Dr Mitchell était toujours d’avis que les douleurs au dos de l’appelant pouvaient [TRADUCTION] « disparaître complètement grâce à un programme de renforcement et de conditionnement au travail adéquat ». En novembre 1994, le Dr McDermott a indiqué que l’appelant ne faisait pas ses exercices parce que cela lui faisait trop mal. L’appelant a déclaré qu’il ne faisait pas d’exercices de physiothérapie à la maison et qu’il n’avait pas fait d’exercices de façon régulière dans le passé.

[67] Les personnes qui revendiquent l’admissibilité aux prestations d’invalidité doivent se montrer prêtes, en toute bonne foi, à suivre les conseils médicaux appropriés (Lombardo c. MDRH [23 juillet 2001], CP12731 [CAP]).

[68] En ce qui concerne le caractère raisonnable du refus de suivre le traitement recommandé, l’appelant a expliqué qu’il ne faisait pas ses exercices parce que cela n’en valait pas la peine et ne fonctionnait pas. Tant les témoignages que la preuve documentaire montrent clairement que l’appelant n’a pas vraiment essayé les traitements de physiothérapie ou de réadaptation recommandés, que ce soit à l’hôpital, en clinique ou à la maison. Il a assisté à quelques séances à l’hôpital et en clinique, mais il n’était pas motivé à suivre les programmes et n’a pas fait d’exercices à la maison. J’estime que ce non-respect des recommandations n’était pas raisonnable dans les circonstances.

[69] Pour les raisons susmentionnées, je conclus que l’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave pendant sa PMA.

Caractère prolongé

[70] Comme j’ai déterminé que l’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave, je n’ai pas à déterminer si ladite invalidité était prolongée.

Conclusion

[71] L’appel est rejeté.

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