Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] Le Tribunal accorde la permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale.

Introduction

[2] Le 15 février 2013, un tribunal de révision a déterminé qu’une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada n’était pas payable à la demanderesse. Le 21 mai 2013, le représentant de la demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler (la « demande ») à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal »), soit à l’intérieur du délai prévu aux termes de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (« la Loi »).

Question en litige

[3] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable

[4] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi, « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[5] Le paragraphe 58(2) de la Loi prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

Observations de la demanderesse

[6] La demanderesse a préparé un document intitulé [traduction] « Erreurs et omissions dans la décision du Tribunal de révision », dans lequel elle expose un certain nombre de motifs d’appel à l’appui de sa demande de permission d’en appeler de la décision du tribunal de révision. Elle les a classifiés de façon générale comme étant des « erreurs et des omissions ».

Il s’agit notamment des suivantes, soit que le tribunal de révision :

  1. i) A posé des questions non pertinentes, inappropriées et sexistes de nature intime, exacerbées par le fait que son époux était présent.
  2. ii) A mal calculé la date à laquelle sa période minimale d’admissibilité (« PMA ») a pris fin, en omettant de tenir compte de ses gains et cotisations en 2004. La demanderesse soutient que si le tribunal de révision avait tenu compte des cotisations qu’elle avait versées au Régime de pensions du Canada en 2004, il aurait prolongé sa PMA au 31 décembre 2006.
  3. iii) A mal indiqué sa date de naissance.
  4. iv) A omis de reconnaître pourquoi elle s’était « absentée » de l’école.
  5. v) A laissé entendre qu’elle n’avait pas cherché à poursuivre ses études ni à se recycler, sans prendre aucunement en considération ses limitations physiques.
  6. vi) A omis de tenir compte des répercussions de ses « ses revenus plutôt modestes ».
  7. vii) Ne s’est pas renseigné sur les autres sources de revenus qu’elle aurait pu avoir et sur la façon dont elle aurait pu prendre soin de son enfant après la fin de ses prestations d’assurance emploi.
  8. viii) N’a pas pris en considération la principale raison pour laquelle elle avait arrêté de travailler et a plutôt privilégié d’autres raisons, malgré ses réponses dans le Questionnaire relatif aux prestations d’invalidité, à la page AD1A-92 du dossier du Bureau du Commissaire des tribunaux de révision.
  9. ix) L’a mal citée au sujet du nombre de fois où elle a été capable d’aller voir sa famille qui habite dans d’autres collectivités et de la régularité des longs voyages en automobile.
  10. x) A critiqué implicitement son médecin de famille et a du même coup mal compris pourquoi le médecin lui avait prescrit un de ses médicaments.
  11. xi) A tiré des conclusions douteuses quant à la crédibilité.
  12. xii)A laissé entendre qu’elle aurait dû prouver les efforts qu’elle avait déployés pour obtenir d’autres éléments de preuve médicaux provenant de sources indépendantes. Par ailleurs, la demanderesse a aussi dit ceci [traduction] « En l’absence de données historiques sur le principal problème médical de l’appelante, un rapport sur son problème secondaire aurait peu de valeur. »
  13. xiii) A omis de le préciser lorsqu’il a conclu qu’elle était devenue invalide alors que la preuve médicale indiquait que son état de santé n’avait pas changé après 2003.
  14. xiv) A conclu qu’elle avait fait régulièrement de longs voyages en automobile alors que cela ne reposait sur aucune preuve.

Observations de l'intimé

[7] L’intimé n’a présenté aucune observation écrite.

Analyse

[8] Bien que la demande de permission d’en appeler soit un premier obstacle que le demandeur doit franchir – et un obstacle inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond – il reste que la demande doit soulever un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252 (CF).

[9] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, a outrepassé sa compétence ou a refusé de l’exercer;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Pour les fins qui nous occupent, la décision du tribunal de révision est considérée comme étant une décision de la division générale.

[11] La demanderesse a préparé un document intitulé [traduction] « Historique de l’invalidité », qui résume l’état de santé de la demanderesse ainsi que ses restrictions et limitations. Dans une demande de permission, il ne s’agit pas d’instruire à nouveau l’affaire ou de réévaluer l’un ou l’autre des éléments de la preuve médicale pour déterminer si l’invalidité de la demanderesse respecte la définition d’invalidité telle qu’énoncée dans le Régime de pensions du Canada. Par conséquent, je refuse de me pencher sur ces antécédents qui ne sont pas pertinents ou qui ne soulèvent aucun motif d’appel à prendre en considération.

(i) Manquement à un principe de justice naturelle

[12] La demanderesse ne dit pas clairement que le tribunal de révision a manqué à un principe de justice naturelle, mais d’après ses observations, je comprends qu’elle prétend ne pas avoir bénéficié d’une audience équitable, en raison de ce qu’elle considère comme étant la nature non pertinente, inappropriée, sexiste et insensible des questions d’ordre intime. Elle prétend que cela démontre que le tribunal de révision n’était pas compétent pour évaluer sa crédibilité ni celle de ses témoins.

[13] Selon un examen de la décision, le tribunal de révision a conclu que l’époux de la demanderesse était incapable de témoigner quant à l’état de santé de la demanderesse pendant la période pertinente, car il ne la connaissait pas à ce moment là. Le tribunal de révision n’a donc tiré aucune conclusion liée à la crédibilité de son époux.

[14] Le tribunal de révision a tiré des conclusions à propos du comportement de la demanderesse, mais a noté que sa demande s’échelonnait sur une période de plus de sept ans, ce qui expliquerait son incapacité à répondre aisément aux questions. Le tribunal de révision ne semble avoir tiré aucune conclusion défavorable relative à la crédibilité contre la demanderesse.

[15] Je ne vois aucun lien entre le genre de questions du Tribunal de révision et ses compétences pour évaluer la crédibilité. Quoi qu’il en soit, le tribunal de révision a agi dans les limites de sa compétence lorsqu’il a évalué la crédibilité, et je n’interférerai pas avec sa compétence en l’absence de tout motif impérieux justifiant le contraire.

[16] Bien que je ne puisse me confronter à moi même quant au bien fondé de l’appel aux fins de la présente demande, je ne crois toutefois pas que le rôle de la division d’appel est de contraindre un tribunal de révision (ou la division générale du Tribunal de la sécurité sociale) à envisager des aspects ou des questions qu’il pourrait juger appropriés, pertinents ou importants dans une audience. Ce qui peut sembler non pertinent, inapproprié, insensible ou même sexiste en soi pourrait ne pas l’être et pourrait fort bien être des questions justifiées selon les circonstances et la nature des affirmations émises et la manière dont les questions sont posées. Dans ce contexte, je ne suis pas convaincue que ces observations soulèvent un motif qui pourrait donner à l’appel une chance raisonnable de succès et, par le fait même, je n’accepterais pas la demande de permission d’en appeler sur cette question.

(ii) Erreurs de droit

[17] La question du calcul de sa PMA ne semble pas avoir été soulevée par la demanderesse devant le tribunal de révision, mais, à première vue, un calcul incorrect de la PMA de la part du tribunal de révision constituerait une erreur de droit et pourrait très bien être un facteur concluant pour déterminer si un demandeur est admissible à recevoir des prestations. En l’espèce, la demanderesse soutient que le tribunal de révision n’a pas tenu compte des gains et des cotisations en 2004. Un historique des gains indique toutefois qu’aucun gain n’a été déclaré pour 2004. Cette constatation est étayée par le fait qu’elle a déclaré dans son Questionnaire relatif aux prestations d’invalidité qu’elle estimait ne plus pouvoir travailler en date de décembre 2003 (voir la page AD1A-92 du dossier du Bureau du Commissaire des tribunaux de révision) et, dans ses observations présentées au tribunal de révision datées de novembre 2012, qu’elle avait occupé son dernier emploi de 2001 à 2003 (voir la page AD1A-117 du dossier du Bureau du Commissaire des tribunaux de révision). Si la demanderesse nous demande de recalculer sa PMA, car des gains et des cotisations en 2004 n’ont pas été pris en compte dans le calcul initial, le registre des gains doit indiquer qu’il y a eu des gains et des cotisations cette année là pour que nous puissions envisager la possibilité de lui accorder la permission. En l’espèce, rien n’indique dans le registre qu’elle a eu des gains et versé des cotisations en 2004. (L’article 97 du Régime de pensions du Canada dit que toute entrée au registre des gains est présumée correcte.) Par conséquent, j’estime qu’il n’y a aucune chance raisonnable de succès à cet égard. J’aurais rejeté la demande de permission si cela avait été le seul motif sur lequel l’appel était fondé.

[18] La demanderesse soutient que le tribunal de révision a conclu qu’elle avait eu des gains modestes, mais qu’il n’a pas tenu compte des répercussions. Elle n’indique pas les répercussions ayant pu résulter de ses gains modestes ni la façon dont cela constitue une erreur de droit. La demanderesse ne m’a renvoyé à aucun précédent qui indique en quoi cela pourrait constituer une erreur. Il était loisible au tribunal de révision de tirer des conclusions de fait reposant sur les éléments de preuve dont il disposait. En l’espèce, il a peut être choisi de ne pas le faire ou a peut être conclu que rien d’important ne résultait de ses gains modestes. J’aurais rejeté la demande de permission si cela avait été le seul motif sur lequel l’appel était fondé.

[19] La demanderesse soutient que le tribunal de révision a omis de déterminer sa source de revenus. Là encore, elle ne précise pas en quoi cela constitue une erreur de droit ni même l’importance de cette prétendue omission. Il était loisible au tribunal de révision d’envisager les questions qui, selon lui, auraient pu être importantes et pertinentes pour l’instance et le fait qu’il n’a peut être pas envisagé ce genre de questions peut simplement démontrer qu’il n’a pas accordé beaucoup d’importance, voire aucune, à la question. J’aurais rejeté la demande de permission si cela avait été le seul motif sur lequel l’appel était fondé.

[20] La demanderesse soutient que le tribunal de révision a omis de le préciser lorsqu’il a conclu qu’elle était devenue invalide alors que la preuve médicale indiquait que son état de santé n’avait pas changé après 2003. Elle ne dit pas quelle erreur de droit a été commise. Le tribunal de révision devait examiner les éléments de preuve dont il disposait et se prononcer sur son invalidité à la fin de sa PMA. Par ailleurs, il n’était pas nécessaire de préciser quand il aurait pu conclure qu’elle était devenue invalide, si cela s’était produit quelque temps après la fin de sa PMA. En fait, le tribunal de révision n’aurait peut être pas été en mesure de rendre cette décision en fonction des éléments de preuve ou n’aurait peut être pas rendu cette décision, car cela ne portait pas directement sur la question au cœur du litige visant à déterminer si elle était invalide à la fin de sa PMA. J’aurais rejeté la demande de permission si cela avait été le seul motif sur lequel l’appel était fondé.

[21] La demanderesse soutient que le tribunal de révision a laissé entendre qu’elle aurait dû prouver les efforts qu’elle avait déployés pour obtenir d’autres éléments de preuve médicale provenant de sources indépendantes. Par ailleurs, la demanderesse a aussi dit ceci [traduction] « En l’absence de données historiques au sujet du principal problème médical de l’appelante, un rapport sur son problème secondaire aurait peu de valeur. » La demanderesse n’a pas indiqué quelle erreur de droit avait été commise. Il semble que le tribunal de révision ait plutôt fait des commentaires gratuits, selon lesquels le cas de la demanderesse aurait pu être renforcé si elle avait obtenu et fourni d’autres éléments de preuve médicale. À défaut de démontrer comment cela pourrait avoir été une erreur de droit, j’aurais rejeté la demande de permission si cela avait été le seul motif sur lequel l’appel était fondé.

i) Conclusion de fait erronée

[22] Aux fins de la présente demande de permission, je n’exige pas qu’il soit démontré que le tribunal de révision a commis une erreur, mais pour évaluer ce motif d’appel soulevé par la demanderesse, je dois être convaincue que les conclusions du tribunal de révision correspondent bel et bien à celles rapportées par la demanderesse.

[23] À première vue, le tribunal de révision a commis une erreur dans sa conclusion relative à la date de naissance de la demanderesse, mais il a également indiqué son âge actuel. Il me semble évident que la date de naissance est en fait une erreur typographique. (Quoi qu’il en soit, cela n’a aucune incidence sur la date de naissance de la demanderesse, du moins aux fins de l’évaluation de son admissibilité aux prestations d’invalidité.) Je n’aurais pas accepté la demande de permission si cela avait été le seul motif sur lequel l’appel était fondé.

[24] La demanderesse soutient que le tribunal de révision a conclu qu’elle s’était souvent absentée de l’école, de son propre choix, alors qu’elle en a en fait été expulsée. Je n’évalue pas le bien fondé des motifs de l’appel aux fins de la présente demande de permission, mais je me demande quelle en serait l’importance ou la pertinence pour les questions centrales et la question de savoir si l’invalidité d’une personne est considérée comme étant grave. Or, il ne me semble pas que le tribunal de révision a fondé sa décision sur les raisons pour lesquelles elle aurait pu s’absenter de l’école, même s’il a peut être fondé sa décision, en partie, sur le fait qu’elle ne fréquentait pas beaucoup l’école et ne cherchait pas à poursuivre ses études ni à se recycler. Si les observations sur ses études ou son recyclage avaient été formulées différemment, j’aurais peut être pu déterminer si cela soulevait un motif défendable et cela aurait pu être un motif donnant à l’appel une chance raisonnable de succès.

[25] La demanderesse soutient que l’accent qu’a mis le tribunal de révision sur les éléments de preuve médicale était sans fondement, car il a conclu qu’elle avait arrêté de travailler en décembre 2003 en raison d’un engourdissement et d’une faiblesse dans les mains et les jambes alors qu’il était aussi prouvé qu’elle avait arrêté de travailler pour d’autres raisons. Si ce motif est fondé, c’est à dire que le tribunal de révision a tiré des conclusions erronées des éléments de preuve médicale dont il disposait, alors il aurait pu en arriver ou non à une conclusion différente. Par conséquent, j’accorderai la demande de permission parce que j’estime que cela soulève un motif ayant une chance raisonnable de succès.

[26] La demanderesse soutient que le tribunal de révision l’a mal citée en ce qui concerne son témoignage sur la fréquence des voyages pour voir sa famille et la régularité des longs voyages en automobile. Si ce motif est fondé, c’est à dire que le tribunal de révision a tiré des conclusions erronées de ses capacités fonctionnelles, restrictions et limitations, alors il aurait pu en arriver ou non à une conclusion différente. Par conséquent, j’accorderais la demande de permission parce que j’estime que cela soulève un motif ayant une chance raisonnable de succès.

[27] La demanderesse a interprété la conclusion du tribunal de révision, selon laquelle [traduction] « rien ne prouvait qu’une évaluation avait été effectuée au sujet d’une forme possible de fibromyalgie » comme une critique de son médecin de famille. En l’espèce, le tribunal de révision ne semble pas avoir critiqué son médecin de famille, mais a plutôt signalé qu’il n’était pas prêt à conclure qu’elle est atteinte de fibromyalgie en l’absence de tout examen. Que le tribunal de révision ait critiqué indirectement ou non des médecins, il est loisible à un tribunal de révision de tirer des conclusions de fait et de ne pas tenir compte de l’un ou l’autre des éléments de preuve ou opinions des témoins. Je n’interférerais pas avec une compétence du tribunal de révision à cet égard. En l’espèce, aucune observation n’indiquait une conclusion de fait erronée. Je n’aurais pas accepté la demande de permission si cela avait été le seul motif sur lequel l’appel était fondé.

[28] La demanderesse soutient que le tribunal de révision a mal compris les éléments de preuve fournis par son médecin de famille et, plus particulièrement, qu’il a omis de reconnaître pourquoi il lui avait prescrit un de ses médicaments. Elle laisse entendre que si le tribunal de révision avait compris que son médecin de famille lui avait recommandé d’essayer de prendre du Lyrica, il aurait conclu qu’elle est atteinte de fibromyalgie, ce qui aurait pu étayer une conclusion voulant qu’elle soit invalide. Rien ne prouvait que des médecins avaient diagnostiqué qu’elle souffrait d’une fibromyalgie. Le tribunal de révision aurait outrepassé sa compétence s’il avait fait un diagnostic médical, qu’il y ait eu on non un fondement ou des éléments de preuve médicale à l’appui. Un tribunal de révision doit tirer des conclusions de fait en fonction des éléments de preuve qui lui sont présentés, mais l’établissement d’un diagnostic médical va bien au delà de ça. À cet égard, la demanderesse n’a présenté aucune conclusion de fait susceptible d’être erronée de la part du tribunal de révision. Je n’aurais pas accepté la demande de permission si cela avait été le seul motif sur lequel l’appel était fondé.

Conclusion

[29] Bien que la demanderesse n’ait pas eu gain de cause quant à chacun des motifs énoncés dans sa demande de permission, certains motifs qu’elle a soulevés me convainquent que l’appel a une chance raisonnable de succès et, pour cette raison, la permission est accordée.

[30] La présente décision liée à la demande de permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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