Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] Le Tribunal de la sécurité sociale (ci-après « le Tribunal ») refuse d’accorder la permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal.

Contexte et historique des procédures

[2] Le demandeur présente une demande de permission d’en appeler de la décision rendue par un tribunal de révision le 22 janvier 2013. Dans cette décision, le tribunal de révision a déterminé qu’une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada n’était pas payable au demandeur puisque son invalidité n’était pas grave à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité, soit le 31 décembre 2010.

[3] Le demandeur a été informé de la décision du tribunal de révision le 8 février 2013. Il a présenté une demande de permission d’en appeler (ci-après « la demande ») à la division d’appel du Tribunal le 9 mai 2013, soit après l’expiration du délai prévu à l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

[4] Le 21 novembre 2013, le tribunal a avisé le demandeur que sa demande était en retard et l’a invité à demander une prorogation du délai prévu. Il lui a aussi demandé d’expliquer pourquoi sa demande était en retard. Le demandeur ayant déménagé entre temps, il n’aurait pas reçu la lettre du Tribunal datée du 21 novembre 2013.

[5] Le 16 janvier 2014, le demandeur a communiqué avec le Tribunal pour lui faire savoir qu’il agissait maintenant en son propre nom et que, depuis septembre, il avait une nouvelle adresse postale. Il s’est par la même occasion informé de l’état d’avancement de son appel. Le 21 janvier 2014, le Tribunal a réacheminé sa lettre du 21 novembre 2013 à la nouvelle adresse postale du demandeur.

[6] Le 3 février 2014, le demandeur a communiqué avec le Tribunal, mais les efforts déployés pour le rappeler sont demeurés vains. Le 10 février 2014, le nouveau représentant du demandeur a à son tour communiqué avec le Tribunal. Le 26 février 2014, il a fourni au Tribunal une lettre du demandeur non datée de demande de prorogation du délai prévu. Le 13 mars 2014 ou vers cette date, ce deuxième représentant a cessé d’agir au nom du demandeur.

Question en litige

[7] La division d’appel devrait-elle proroger le délai prévu pour la présentation de la demande?

[8] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable

[9] Aux termes du paragraphe 57(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social,la division d’appel peut proroger d’au plus un an le délai pour présenter la demande de permission d’en appeler.

[10] Selon les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission, et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[11] Aux termes du paragraphe 58(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Observations du demandeur

Présentation tardive de la demande

[12] Le demandeur a été informé du fait que sa demande était en retard. Il l’a appris vers le 22 janvier 2014. Le 26 février 2014 ou vers cette date, il a envoyé une lettre dans laquelle il fournit les raisons de sa demande tardive. Il n’a toutefois pas expliqué pourquoi il avait attendu plus d’un mois avant de se justifier. Il explique avoir présenté sa demande en retard pour les raisons suivantes :

[Traduction] « Vous pouvez déduire de cette lettre que j’ai l’intention de poursuivre la demande d’appel. Ma cause est défendable. Le retard est dû à l’avocate qui s’occupait de l’affaire à ce moment-là et qui a assisté à l’audience avec moi. Je n’ai cessé de lui rappeler qu’il fallait présenter la demande de permission d’en appeler au plus vite, mais elle me répétait que nous avions encore du temps. Elle a procédé le 9 mai 2013 plutôt que le 22 avril 2013 ou avant cette date. Vous pouvez aussi constater, dans la télécopie qu’elle vous a envoyée, qu’elle a agi par courtoisie et non en tant que représentante, chose que j’ignorais jusqu’à ce que mon représentant actuel, M. Riadh Saleh, me lise cette lettre le 16 janvier 2014 parce que mon anglais est limité – il s’agit d’ailleurs d’une autre raison expliquant le retard.

Personne ne subira de préjudice dans cette affaire, car j’ai demandé des prestations d’invalidité du RPC, et j’estime que mon état de santé m’empêche de travailler, chose que j’aimerais beaucoup faire pour subvenir à mes besoins. J’ai de nombreux rapports de médecins qui appuient ma demande et expliquent mon état de santé. »

[13] De cette lettre, je comprends que le demandeur s’en est remis à une personne qu’il croyait à l’époque être sa représentante légale pour présenter les documents requis dans les délais prescrits. Il a demandé à cette personne de présenter sa demande au plus tard le 22 avril 2013, mais elle lui aurait apparemment indiqué que la demande pouvait être présentée jusqu’au 9 mai 2013.

Demande de permission

[14] Dans sa demande de permission d’en appeler, le demandeur invoque les moyens d’appel suivants :

  1. le tribunal de révision n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. le tribunal de révision a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. le tribunal de révision a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[15] Le demandeur soutient que son appel a une chance raisonnable de succès pour les motifs suivants :

  1. Il souffre d’une invalidité prolongée et le tribunal de révision n’a pas accordé suffisamment de poids aux rapports médicaux et aux conclusions médicales objectives de tous ses médecins et de tous les professionnels de la santé qui l’ont traité, et il n’en a pas dûment tenu compte.
  2. Le tribunal de révision a conclu à tort que l’invalidité du demandeur n’était pas grave parce que celui-ci n’était pas incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.
  3. Le tribunal de révision n’a pas accordé suffisamment de poids et d’attention à la nature chronique des problèmes du demandeur.
  4. Le tribunal de révision n’a pas tenu compte du témoignage du demandeur et n’a pas dûment tenu compte des facteurs personnels qui l’ont empêché d’occuper tout type de travail.
  5. Le demandeur présentera d’autres éléments de preuve détaillés concernant son éducation, sa formation et ses capacités fonctionnelles à la date de fin de sa période d’admissibilité afin que suffisamment de poids puisse être accordé à sa situation personnelle. Selon le demandeur, cela prouvera que son invalidité est grave, dans la mesure où il ne sera pas capable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

Observations de l'intimé

[16] L’intimé n’a présenté aucune observation écrite.

Analyse

Présentation tardive de la demande

[17] Je n’ai pas à me pencher sur cette question, car j’estime que le demandeur a effectivement présenté sa demande dans le délai de 90 jours prévu à l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, bien qu’on lui ait indiqué le contraire.

Demande de permission

[18] La demande de permission d’en appeler est un premier obstacle que le demandeur doit franchir – inférieur à celui auquel elle devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond. Toutefois, pour que la demande soit recevable, elle doit présenter un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel (Kerth c. Canada [Ministre du Développement des ressources humaines], [1999] A.C.F. no 1252 [CF]).

[19] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[20] Dans la présente affaire, la décision du tribunal de révision est considérée comme une décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[21] à mon sens, le demandeur n’a pas décrit adéquatement ou précisément les erreurs qu’a, selon lui, commises le tribunal de révision. Un demandeur doit éviter les généralités et indiquer clairement les erreurs que pourrait avoir commises le tribunal de révision.

1. Le tribunal de révision n’a pas accordé suffisamment de poids aux rapports médicaux et aux conclusions médicales objectives de tous ses médecins et de tous les professionnels de la santé qui l’ont traité, et il n’en a pas dûment tenu compte.

[22] Il n’est pas suffisant, dans le cas d’une demande de permission d’en appeler, de faire de simples observations sans fondement. Le demandeur soutient que le tribunal de révision n’a pas accordé suffisamment de poids aux rapports médicaux et aux conclusions médicales objectives de tous ses médecins et de tous les professionnels de la santé qui l’ont traité, et qu’il n’en a pas dûment tenu compte, mais il ne précise pas quels rapports médicaux ni quelles conclusions médicales objectives ne se sont pas vu accorder suffisamment de poids ou n’ont pas été dûment pris en compte.

[23] Divers rapports médicaux ont été portés à la connaissance du tribunal de révision, y compris des rapports du médecin de famille du demandeur, le Dr Fadia Hermiz, des rapports de consultation des psychiatres T.R. Shenava et N.R. Malempati, des rapports de diagnostic et des rapports d’analyse. Le tribunal de révision a fait référence à bon nombre de ces rapports médicaux dans les sections de sa décision consacrées à la preuve médicale et à l’analyse, même s’il ne les a pas tous énumérés (p. ex. les rapports de consultation d’un oto-rhino-laryngologiste, un compte-rendu opératoire daté du 7 février 2012, ou le dossier de traitement d’urgence de l’Hôpital régional de Windsor).

[24] Les tribunaux fédéraux se sont déjà penchés sur ce genre d’observations dans d’autres cas où les tribunaux de révision ou la Commission d’appel des pensions n’avaient apparemment pas tenu compte de toute la preuve médicale. Dans la décision Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82, l’avocate de la demanderesse fait mention de plusieurs rapports médicaux qui, à son avis, n’ont pas été pris en compte, se sont vu accorder trop de poids, ont été mal compris ou ont été mal interprétés par la Commission d’appel des pensions. La Cour d’appel a rejeté la demande de révision judiciaire de la demanderesse et s’est exprimée ainsi :

Premièrement, un tribunal n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve. Deuxièmement, le poids accordé à la preuve, qu’elle soit orale ou écrite, relève du juge des faits. Ainsi, une cour qui entend un appel ou une demande de contrôle judiciaire ne peut pas en règle générale substituer son appréciation de la valeur probante de la preuve à celle du tribunal qui a tiré la conclusion de fait contestée.

[25] Je présume que le tribunal de révision a tenu compte de tous les éléments de preuve portés à sa connaissance, même s’il n’a pas fait référence à chacun d’entre eux. Le demandeur a le droit de réfuter la présomption selon laquelle un tribunal de révision a tenu compte de l’ensemble de la preuve, mais il doit faire référence à des rapports ou à des dossiers en particulier, ce qu’il n’a tenté pas de faire en l’espèce.

[26] Selon la décision Simpson,ilest loisible au tribunal de révision d’examiner les faits pertinents, d’évaluer la qualité de la preuve, de déterminer quels éléments de cette preuve il choisit d’accepter ou de rejeter, s’il y a lieu, et de décider du poids qu’il leur accorde. Il a le droit d’examiner les éléments de preuve qui lui ont été présentés et d’y accorder, s’il y a lieu, le poids qu’il juge approprié pour ensuite rendre une décision en fonction de son interprétation et de son analyse.

[27] Si le demandeur demande que nous réévaluions la preuve médicale et que nous rendions une décision en sa faveur, je ne peux pas le faire; mon devoir est de déterminer si les moyens d’appel qu’il invoque sont admissibles et si l’un ou l’autre d’entre eux a une chance raisonnable de succès. La demande de permission d’en appeler n’est pas une occasion de réévaluer la preuve médicale ni d’instruire à nouveau une affaire pour déterminer si le demandeur est invalide au sens du Régime de pensions du Canada.

[28] Ce motif d’appel ne me permet pas d’accorder la permission d’en appeler.

2. Le tribunal de révision a conclu à tort que l’invalidité du demandeur n’était pas grave parce que celui-ci n’était pas incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

[29] Cette observation ne présente pas un moyen d’appel que je peux prendre en considération.

3. Le tribunal de révision n’a pas accordé suffisamment de poids et d’attention à la nature chronique des problèmes du demandeur.

[30] Comme le tribunal de révision avait conclu que l’invalidité du demandeur n’était pas grave au sens du Régime de pensions du Canada, il n’a pas jugé nécessaire de tirer de conclusion quant à son caractère prolongé. Pour les motifs susmentionnés, je ne peux pas accorder la permission d’en appeler pour ce moyen d’appel. Même si le tribunal de révision avait tiré une conclusion quant à la nature chronique des problèmes de santé du demandeur, il lui aurait été loisible d’examiner les éléments de preuve, de déterminer ceux qu’il jugeait bon d’accepter ou de rejeter, et de décider du poids qui devait leur être accordé.

4. Le tribunal de révision n’a pas tenu compte du témoignage du demandeur et n’a pas dûment tenu compte des facteurs personnels qui l’ont empêché d’occuper tout type de travail.

[31] Cette observation aurait pu être prise en compte si le demandeur avait précisé de quel témoignage ou de quels facteurs personnels le tribunal de révision a omis de tenir compte. Quoi qu’il en soit, il semble que le tribunal de révision n’ait pas cru nécessaire de prendre en compte les facteurs personnels invoqués par le demandeur puisqu’il a conclu 1) que la preuve médicale était insuffisante pour démontrer qu’il souffrait d’une invalidité grave et prolongée le rendant incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice et 2) que les éléments de preuve se rapportant à ses efforts pour trouver un emploi et à ses possibilités étaient insuffisants. à cet égard, le tribunal de révision a cité la décision Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248 au paragraphe 47 de sa décision.

5. Le demandeur présentera d’autres éléments de preuve détaillés concernant son éducation, sa formation et ses capacités fonctionnelles à la date de fin de sa période d’admissibilité afin que suffisamment de poids puisse être accordé à sa situation personnelle. Selon le demandeur, cela prouvera que son invalidité est grave, dans la mesure où il ne sera pas capable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

[32] Le demandeur aurait dû faire toutes ses observations à propos de son éducation, de sa formation et de ses capacités fonctionnelles lors de l’audience devant le tribunal de révision ou, à tout le moins, dans sa demande de permission d’en appeler. Cela dit, même si le demandeur avait fourni des éléments nouveaux ou additionnels, pertinents ou non, dans sa demande, les dispositions strictes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social ne m’auraient pas permis de les examiner.

Conclusion

[33] Même si je reconnais que le demandeur s’en est remis à son avocat pour préparer les documents appropriés en son nom, il n’en demeure pas moins qu’il s’est retrouvé responsable de la gestion de son appel à quelques reprises et qu’alors, il ne tenait qu’à lui de fournir des explications supplémentaires. Il l’a d’ailleurs fait dans la lettre où il demande une prorogation du délai prévu pour la présentation d’une demande de permission d’en appeler, mais dans une mesure très limitée, ne faisant référence qu’aux rapports produits par son médecin étayant sa position. La division d’appel ne peut pas décider d’entendre à nouveau la preuve qui a été présentée au tribunal de révision, car seuls les trois moyens d’appel mentionnés précédemment peuvent être invoqués pour justifier un appel.

[34] Pour démontrer que le tribunal de révision n’a pas observé un principe de justice naturelle, qu’il a rendu une décision entachée d’une erreur de droit ou qu’il a tiré une conclusion de fait erronée, il ne suffit pas de faire référence de manière générale à la preuve dont le tribunal de révision a été saisi et de laisser entendre qu’il aurait dû en tirer des conclusions autres que celles qu’il a tirées.

[35] Le demandeur n’a pas indiqué avec précision les erreurs de droit ou les conclusions de fait erronées sur lesquelles le tribunal de révision aurait fondé sa décision, ni précisé en quoi ce même tribunal n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence. Comme les raisons fournies par le demandeur ne présentent pas de moyens d’appel que je peux prendre en considération, je ne suis pas en mesure de conclure que son appel a une chance raisonnable de succès. En conséquence, la permission d’en appeler est refusée.

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