Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

[1] Le Tribunal refuse la permission d'en appeler devant la division d'appel du Tribunal de la sécurité sociale.

Contexte et historique des procédures

[2] La demanderesse présente une demande de permission d'en appeler de la décision rendue par le tribunal de révision le 24 mai 2013. Le tribunal de révision avait déterminé qu'une pension d'invalidité du Régime de pensions du Canada n'était pas payable à la demanderesse au motif que son invalidité n'était pas « grave » à la date de la fin de sa période minimale d'admissibilité, soit le 31 décembre 1997. La demanderesse a présenté une demande de permission d'en appeler (la « demande ») à la division d'appel du Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal ») le 22 août 2013, dans le délai prévu par la Loi sur le ministère de l'Emploi et du Développement social (la « Loi »).

Question en litige

[3] L'appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable

[4] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi, « il ne peut être interjeté d'appel à la division d'appel sans permission » et « elle accorde ou refuse cette permission ».

[5] Selon le paragraphe 58(2) de la Loi, « la division d'appel rejette la demande de permission d'en appeler si elle est convaincue que l'appel n'a aucune chance raisonnable de succès ».

Observations de la demanderesse

[6] Le représentant de la demanderesse a déposé une demande sous la forme d'une lettre datée du 22 août 2013. La demanderesse demande la permission d'en appeler pour les motifs suivants : 1) le tribunal de révision ne lui a pas accordé une audience complète et équitable, en ce sens que son représentant n'a pas reçu la [traduction] « preuve documentaire importante de l'intimé » et 2) le tribunal de révision a commis une erreur de droit en se conformant à la décision Canada (Procureur général) c. Causey, 2007 CF 422, et en n'accordant pas [traduction] « suffisamment de poids » à la preuve fournie par la demanderesse selon laquelle, en décembre 1997, elle était trop épuisée pour retourner au travail ou consulter un médecin pour son propre état de santé, étant donné qu'elle prenait soin de ses deux enfants gravement handicapés.

[7] Le représentant de la demanderesse affirme ce qui suit :

[Traduction]

Étant donné que le tribunal de révision a accordé beaucoup de poids à cet élément de preuve et qu'il s'en est servi comme fondement pour refuser d'accorder des prestations, je considère que le tribunal a commis une erreur de droit en accueillant l'élément de preuve en question, puisqu'il procurait ainsi à l'intimé un avantage injuste, et qu'il ne m'a pas donné la possibilité de disposer de cet élément de preuve pour pouvoir me préparer à la présente audience et présenter verbalement des observations concernant cette preuve.

Le fait de ne pas m'avoir fourni cet élément de preuve avant l'audience constitue une atteinte sérieuse au droit de Mme D. T. à une audience complète et équitable.

La représentante de l'intimé ne m'a pas fait savoir avant l'audience qu'elle s'appuierait sur la décision de la Cour fédérale Canada (Procureur général) c. Causey, 2007 CF 422, à titre de preuve documentaire.

[…]

Je considère que le tribunal de révision a commis une erreur de droit en déclarant que la décision Canada (Procureur général) c. Causey, 2007 FC 422 est directement applicable à la situation de Mme D. T. et qu'il était tenu de s'y conformer.

J'estime que le tribunal a commis une erreur de droit en n'accordant pas suffisamment de poids à son acceptation de la preuve présentée dans le témoignage de Mme D. T. selon laquelle elle était trop épuisée en décembre 1997 pour retourner au travail.

Cet état était attribuable à son obligation de prendre soin de ses deux enfants gravement handicapés. Selon son témoignage, elle n'avait pas le temps de consulter un médecin puisque ses enfants avaient besoin de soins en tout temps.

Le tribunal aurait dû accepter cet élément comme preuve que l'invalidité de la demanderesse était grave à la date de la fin de sa période minimale d'admissibilité.

Observations de l'intimé

[8] L'intimé n'a pas présenté d'observations écrites.

Analyse

[9] Bien qu'une demande de permission d'en appeler soit un premier obstacle que le demandeur doit franchir - et un obstacle inférieur à celui auquel il devra faire face à l'audition de l'appel sur le fond -, pour que cette demande soit recevable, il doit y avoir un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l'appel (Kerth c. Canada [ministre du Développement des ressources humaines], [1999] ACF no 1252 [CF]).

[10] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi, les seuls moyens d'appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[11] Aux fins de la présente instance, la décision du tribunal de révision est considérée comme étant une décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[12] Je suis tenue de déterminer si au moins un des motifs d'appel invoqués par la demanderesse soulève un des moyens d'appel recevables et présente une chance raisonnable de succès.

Manquement à la justice naturelle

[13] De prime abord, il semble que le tribunal de révision n'ait pas accordé à la demanderesse une audience complète et équitable s'il ne lui a pas fourni, ou n'a pas fourni à son représentant, une occasion adéquate d'examiner une partie de la preuve documentaire. Toutefois, la « preuve » que la demanderesse n'a pas reçue semble être une copie de la décision Causey. La jurisprudence ne constitue pas une preuve et une partie a le droit de se référer aux précédents jurisprudentiels et de se fonder sur ces précédents pour ses observations.

[14] Ni le Régime de pensions du Canada ni les règles de procédure régissant les tribunaux de révision n'exigent de l'intimé qu'il fournisse à l'avance au demandeur des copies de la jurisprudence. La divulgation et la transmission rapides de la documentation - qu'il s'agisse d'éléments de preuve ou de jurisprudence - faciliteraient sans doute l'instruction rapide d'une affaire et devraient donc être encouragées.

[15] J'ignore si la demanderesse ou son représentant ont demandé un bref ajournement de l'audience du tribunal de révision afin de prendre connaissance de la décision Causey, mais la demanderesse n'a pas indiqué que le tribunal de révision a refusé une telle demande, si elle a été faite. C'était une possibilité dont la demanderesse aurait peut-être pu se prévaloir.

[16] Bien que le tribunal de révision puisse s'être conformé à la décision Causey, il n'aurait pas pu appliquer cette décision s'il n'avait pas disposé d'une preuve suffisante pour ce faire. Autrement dit, avant de pouvoir tenir compte de la décision Causey, le tribunal de révision devait avoir établi qu'il était impossible de conclure que la demanderesse était invalide d'après la preuve médicale.

[17] Étant donné que la documentation en question était une décision faisant jurisprudence, le tribunal de révision pouvait présumer que les deux parties connaissaient bien la loi. Cela aurait été le cas même si l'une des parties voire les deux n'avaient pas de copie de la décision en main à l'audience. Dans ces circonstances, on ne saurait conclure que le tribunal de révision a enfreint un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence.

Erreur de droit - poids de la preuve

[18] La demanderesse soutient que le tribunal de révision a commis une erreur de droit en se conformant à la décision Causey et en n'accordant pas [traduction] « suffisamment de poids » à la preuve qu'elle a présentée selon laquelle en décembre 1997, elle était [traduction] « trop épuisée pour retourner au travail ». La demanderesse allègue que le tribunal de révision n'a pas tenu compte des raisons pour lesquelles elle était trop épuisée pour retourner au travail.

[19] Les cours fédérales se sont déjà prononcées, dans d'autres affaires, sur l'allégation que des tribunaux de révision ou la Commission d'appel des pensions n'avaient pas tenu compte de l'ensemble de la preuve et avaient accordé un poids excessif ou insuffisant à des éléments de preuve. Dans l'arrêt Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82, il est indiqué que l'avocate de la demanderesse a mentionné un certain nombre de rapports médicaux qui, à son avis, ont été ignorés, mal compris ou mal interprétés par la Commission d'appel des pensions, ou auxquels la Commission aurait accordé trop de poids. En rejetant la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse, la Cour d'appel a conclu ce qui suit :

« Premièrement, un tribunal n'est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais il est présumé avoir examiné l'ensemble de la preuve. Deuxièmement, le poids accordé à la preuve, qu'elle soit orale ou écrite, relève du juge des faits. Ainsi, une cour qui entend un appel ou une demande de contrôle judiciaire ne peut pas en règle générale substituer son appréciation de la valeur probante de la preuve à celle du tribunal qui a tiré la conclusion de fait contestée. »

(C'est moi qui souligne)

[20] En appliquant l'arrêt Simpson, un tribunal de révision peut examiner minutieusement tous les faits pertinents, évaluer la qualité des éléments de preuve, déterminer quels éléments il peut accepter ou rejeter, le cas échéant, et décider de leur importance. Le tribunal de révision peut, en examinant les éléments de preuve, décider du poids qu'il leur accorde, s'il y a lieu, avant de rendre une décision fondée sur son interprétation et son analyse de la preuve dont il disposait.

[21] En l'espèce, le tribunal de révision a souligné qu'aucun rapport médical n'avait été soumis pour la période visée. En effet, les rapports les plus anciens dont il disposait remontent à avril 2007 et à l'année 2008. Il s'agit essentiellement des résultats de diverses analyses de laboratoire et d'une échographie pelvienne. Le rapport médical daté du 1er janvier 2011, rédigé par le Dr P. Ziter, médecin de famille, indique que celui-ci a commencé à traiter la demanderesse pour son [traduction] « principal problème de santé » en 2010, soit bien après la date de la fin de sa période minimale d'admissibilité. Le Dr Ziter n'a pas précisé si, à son avis, l'invalidité de la demanderesse pouvait être considérée comme grave à la date de la fin de la période minimale d'admissibilité.

[22] Le tribunal de révision s'est fondé sur le témoignage de vive voix de la demanderesse pour déterminer si elle pouvait être considérée comme invalide à la date de la fin de sa période minimale d'admissibilité. Il a conclu ce qui suit :

[Traduction]

D'après la preuve présentée par l'appelante, il ne fait aucun doute qu'elle devait donner des soins extrêmement lourds, mentalement et physiquement, à ses enfants, et à d'autres membres de sa famille. Tout cela s'est produit avant la fin de sa période minimale d'admissibilité, et pendant longtemps après cette période.

[23] Il est clair qu'avant d'appliquer la décision Causey, le tribunal de révision était convaincu que, selon la preuve dont il disposait, la demanderesse ne pouvait pas être considérée comme « invalide » selon la définition du Régime de pensions du Canada.

[24] Bien que le représentant de la demanderesse considère que le tribunal de révision n'a pas accordé suffisamment de poids à la preuve présentée par la demanderesse selon laquelle celle-ci était trop épuisée pour retourner au travail ou consulter un médecin parce qu'elle s'occupait de ses deux enfants gravement handicapés, la question du lien de causalité n'est pas une considération pertinente lorsqu'il s'agit d'évaluer l'invalidité au sens du Régime de pensions du Canada.

Conclusion

[25] Je conclus que le motif invoqué par la demanderesse, à savoir que le tribunal de révision n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a commis une erreur de droit, n'est pas défendable. La demande de permission est rejetée.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.