Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Comparutions

  • Appelant : M. H.
  • Avocate de l’intimé : Daniel Willis
  • Témoin de l’intimé : Dr Francois Mai
  • Observatrice : W. Z.

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] Le 28 juin 2012, un tribunal de révision a déterminé qu’une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (la « Loi ») n’était pas payable à l’appelant.

[3] L’appelant avait originalement présenté à la Commission d’appel des pensions (« CAP ») une demande de permission d’interjeter appel de la décision du tribunal de révision (« Demande de permission d’en appeler ») le 13 septembre 2012.

[4] Le 15 janvier 2013, la CAP a accordé la permission d’interjeter appel. En application de l’article 259 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012, la division d’appel du Tribunal est réputée avoir accordé la permission d’en appeler le 1er avril 2013.

[5] Le présent appel a été instruit selon le mode d’une audience par comparution en personne des parties pour les raisons énoncées dans l’avis d’audience daté du 30 août 2013.

Droit applicable

[6] Afin de garantir l’équité, le présent appel sera examiné en fonction des attentes légitimes de l’appelant au moment du dépôt de sa demande de permission d’en appeler devant la CAP. Pour cette raison, la décision relative à l’appel sera rendue sur la base d’un appel de novo en application du paragraphe 84(1) du Régime de pensions du Canada (la Loi) dans sa version antérieure au 1er avril 2013.

[7] L’alinéa 44(1)b) de la Loi énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans ;
  2. b) ne touche pas de pension de retraite du Régime de pensions du Canada ;
  3. c) est invalide ;
  4. d) a versé des cotisations valides au Régime de pensions du Canada pendant au moins la période minimale d’admissibilité.

[8] Le calcul de la période minimale d’admissibilité est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la fin de sa période minimale d’invalidité ou avant cette date.

[9] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) de la Loi, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée comme étant atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Question préliminaire

[10] L’appelant s’est présenté à l’audience, et a proposé que son épouse, Mme W. Z., soit son interprète de l’anglais au chinois et vice versa. L’avocat de l’intimé s’est objecté à ce que Mme Z. agisse comme interprète, invoquant le fait qu’il ne connaît pas ses compétences en la matière et que, puisqu’elle a un intérêt dans l’issue de l’audience, il existe une apparence de partialité puisqu’elle n’est pas perçue comme étant impartiale comme interprète. Après discussion, l’appelant a convenu de poursuivre l’audience sans aucune interprétation de la part de Mme Z. Il s’est vu offrir la possibilité d’ajourner l’audience ou de la suspendre afin de discuter de cette question. Il a décliné l’offre, déclarant qu’il voulait poursuivre l’audience sans interprète. Il a également déclaré qu’il comprenait que le fait de ne pas avoir d’interprète pouvait être un motif d’appel, et a renoncé à son droit d’en appeler au motif qu’il ne comprenait pas l’audience.

Question en litige

[11]La date de la période minimale d’invalidité n’est pas contestée, puisque les parties conviennent et que le Tribunal conclut que la période minimale d’invalidité de l’appelant a pris fin le 31 décembre 2009.

[12] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer si l’appelant était vraisemblablement atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de la période minimale d’admissibilité ou avant cette date.

Preuve

[13] L’appelant est né le 26 août 1953, en Chine. Il y a fait un baccalauréat en histoire et une maîtrise en philosophie. Il enseignait la philosophie en Chine et a dû fuir ce pays, en 1990, pour des raisons d’ordre politique. Il a ensuite travaillé comme enseignant en France pendant environ deux ans avant de déménager à Hamilton, en Ontario, en 1992. Dans son témoignage, l’appelant a indiqué qu’à son arrivée au Canada, il a suivi des cours d’anglais langue seconde avant de trouver du travail. Il a ouvert une franchise de café à Brantford, en Ontario, mais il a cependant dû fermer le café lorsqu’il s’est avéré non rentable en raison de la concurrence. Il a ensuite travaillé dans un laboratoire de biochimie à l’université McMaster. Le 7 février 2007, son poste à l’université ayant été déclaré excédentaire, il a été mis à pied. L’appelant n’a pas cherché de travail depuis.

[14] L’appelant a reçu un diagnostic d’hépatite B en juillet 2007. Il souffre également de dorsalgie intermittente, de cervicalgie constante et de douleur dans le quadrant supérieur droit qui, selon ce qu’il soutient, le rendent invalide tel que le définit la Loi. Des notes cliniques rédigées par le médecin de famille de l’appelant confirment que l’appelant a consulté son médecin pour ces affections avant la fin de sa période minimale d’admissibilité.

[15] Dans son témoignage, l’appelant a déclaré qu’il a commencé à avoir des maux de dos en 2007. Il a dit qu’environ quatre à cinq fois par année, son dos le lâche alors qu’il éternue, qu’il tousse ou qu’il ramasse quelque chose sur le plancher. Son dos lui fait alors mal pendant un mois ou deux. L’appelant a déclaré dans son témoignage qu’en raison de sa maladie hépatique, il est limité dans le type d’analgésiques qu’il peut prendre. Pour ses maux de dos, il prend de l’Advil, du Tylenol extra fort ou, parfois, du Tylenol 3. Il a suivi des traitements de massothérapie, mais cela ne soulage pas sa douleur.

[16] L’appelant a également une douleur constante au cou. En raison de cette cervicalgie, il ne peut ni lever les bras au-dessus de la tête ni tourner la tête complètement vers la droite. Il ressent, de plus, un certain engourdissement dans les doigts de la main gauche.

[17] L’appelant souffre d’anxiété. Dans son témoignage, il a déclaré que l’anxiété a commencé à se manifester lorsqu’il a reçu un diagnostic d’hépatite B. En raison de ce diagnostic, il est devenu isolé. Ses amis ne veulent pas, s’ils sont au courant de sa maladie, socialiser avec lui par crainte de la contracter.

[18] L’appelant a déclaré qu’il prenait des médicaments pour son anxiété il y a plusieurs années de cela. Comme cela n’améliorait pas son état, il a cessé de les prendre. Il n’a pas cherché à obtenir de soins en santé mentale, puisque cela ne se fait pas dans la culture chinoise. À l’automne 2013, l’appelant a recommencé à prendre des anxiolytiques, mais il n’a pas été adressé à un spécialiste en santé mentale.

[19] L’appelant est vu régulièrement par son médecin de famille, le Dr Agarwal. Celui-ci a rempli le rapport médical joint à la demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada de l’appelant. Le Dr Agarwal connaît l’appelant depuis 2006. Il a posé un diagnostic d’hépatite B chronique, de neuropathie et de radiculopathie. Il a déclaré que l’appelant a des douleurs dans le quadrant supérieur depuis que le diagnostic d’hépatite a été posé, et qu’il continue de se sentir fatigué. Une neuropathie cervicale a été diagnostiquée en 2006 et demeure non guérie. L’appelant ne peut utiliser ses mains ou ses bras pour effectuer un travail de précision pendant une quelconque durée sans que cela ne lui occasionne de la douleur. Il est traité à l’aide d’Advil et de Tylenol, et il répond peu au traitement de physiothérapie.

[20] Le 19 juin 2006, l’appelant a subi un examen IRM de la colonne vertébrale. L’IRM a révélé des changements dégénératifs multi-étagés et une spondylose, avec un rétrécissement du canal rachidien modéré et un rétrécissement foraminal léger à modéré.

[21] Dans son témoignage, l’appelant a déclaré s’être entretenu au sujet d’une chirurgie vertébrale cervicale avec son médecin mais que celui-ci lui a dit qu’il avait 50 pour cent de chances de voir son état s’améliorer après la chirurgie, 25 pour cent de ne voir aucune amélioration et 25 pour cent de connaître une dégradation de son état. L’appelant a refusé la chirurgie.

[22] Pour son hépatite B, l’appelant est traité et suivi par la Dr Witt-Sullivan, une interniste. Celle-ci a diagnostiqué cette affection en juillet 2007. Le 30 juillet 2007, elle a aussi indiqué que la douleur au dos de l’appelant avait disparu.

[23] La Dr Witt-Sullivan a recommandé que l’appelant entreprenne une thérapie antivirale le 2 janvier 2008. Le 26 novembre 2008, les analyses sanguines relatives à l’hépatite B étaient dans les limites de la normale. L’affection continue d’être bien contrôlée depuis ce temps par une thérapie pharmacologique.

[24] La Dr Witt-Sullivan a également indiqué, le 26 novembre 2008, que l’appelant ressent une douleur dans le quadrant supérieur depuis plus de dix ans. Aucun traitement précis n’a été recommandé à ce sujet.

[25] L’appelant a déclaré dans son témoignage qu’il souffre de fatigue, un problème qu’il attribue à l’hépatite B. Avant le diagnostic d’hépatite B, il était capable d’effectuer environ 50 % des tâches domestiques et de la cuisine ; maintenant, il en fait très peu. Il passe le plus clair de son temps à lire (en chinois) ou sur Internet.

[26] Le Dr Mai a témoigné au nom de l’intimé. Il a été accepté comme témoin expert en médecine générale et en psychiatrie. Le Dr Mai n’a pas vu ni examiné l’appelant. Son opinion se fonde sur son examen approfondi des dossiers médicaux figurant à la pièce 1. Dans son témoignage, le Dr Mai fait valoir qu’aucun avis médical ne mentionne que l’appelant ne pouvait effectuer quelque travail que ce soit avant la fin de sa période minimale d’admissibilité. L’appelant souffre d’hépatite B, une affection qui est contrôlée à l’aide de médicaments. Il a aussi des douleurs au dos, au cou et dans le quadrant supérieur, lesquelles sont gérées à l’aide d’un traitement conservateur. Le Dr Agarwal a discuté avec l’appelant de la possibilité d’une chirurgie vertébrale cervicale, mais ne pouvait en garantir le résultat.

[27] L’appelant a commencé à avoir des douleurs aux genoux et des problèmes de santé mentale, mais ces problèmes n’étaient pas manifestes avant la fin de sa période minimale d’admissibilité.

Observations

[28] L’appelant soutient qu’il est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. a) Il souffre de douleurs constantes et d’hépatite B;
  2. b) Il est isolé en raison du fait qu’il a une hépatite B.

[29] L’intimé soutient que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. a) Aucun élément de preuve médicale n’indique que l’appelant avait une affection médicale grave à la date à laquelle sa période minimale d’admissibilité a pris fin;
  2. b) L’appelant n’a fait aucun effort pour obtenir ou pour conserver un emploi approprié et tenant compte de ses limitations physiques;
  3. c) L’appelant est fort instruit et il possède bon nombre de compétences qu’il pourrait mettre en valeur dans un emploi qui tiendrait compte de ses limitations.

Analyse

[30] L’audience a été tenue en présence de Mme Z., à titre d’observatrice. Celle-ci n’a pas fourni de service d’interprétation. À aucun moment au cours de l’audience l’appelant a indiqué ne pas comprendre la procédure, les éléments de preuve ou les observations qui étaient présentés. L’appelant a pu témoigner en anglais sans difficulté.

[31] L’appelant doit prouver selon la prépondérance des probabilités qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2009 ou avant cette date.

Caractère grave

[32] La gravité de l’invalidité doit être évaluée dans un contexte « réaliste » (Villani c. Canada (P.G.), 2001 CAF 248 (CanLII)). Cela signifie que pour évaluer la capacité de travailler d’une personne, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie. L’appelant avait 56 ans à la date à laquelle sa période minimale d’admissibilité a pris fin. Il est très instruit et possède de nombreuses compétences. Détenteur d’une maîtrise, il a une expérience de travail comme enseignant en Europe et en Chine. Ayant exploité un café, il a donc acquis de nombreuses compétences en affaires. Il possède aussi une expérience de travail dans un laboratoire à l’université McMaster. Malgré le fait que l’anglais n’est pas sa langue première, il peut communiquer efficacement dans cette langue sans l’aide d’un traducteur. Il a réussi à travailler dans un environnement anglais en Ontario pendant plus de dix ans. En conséquence, j’en conclus que l’appelant possède des compétences et des capacités qui pourraient lui servir dans un nouveau domaine de travail.

[33] Il est bien clair que l’appelant a des limitations d’ordre médical. Il a une hépatite B, qui est contrôlée à l’aide de médicaments, et ce, depuis déjà un bon moment. Il continue de traiter cette affection chronique par une pharmacothérapie.

[34] L’appelant est aussi limité en raison de douleurs au dos, dans le quadrant supérieur et au cou, et il ne peut lever les bras au-dessus de la tête. Il ressent un certain engourdissement dans les doigts de la main gauche, ce qui, selon son médecin, limite sa capacité à effectuer un travail nécessitant un contrôle de la motricité fine pendant des périodes prolongées.

[35] L’appelant souffre de fatigue ; toutefois, il n’a pas indiqué dans son témoignage que cette fatigue l’empêche de s’occuper de ses soins personnels. Il peut encore effectuer des tâches ménagères légères, faire un peu de cuisine, faire des recherches sur Internet et lire. La douleur de l’appelant est gérée par des moyens conservateurs. Aucun élément de preuve n’indique que la douleur ou la fatigue de l’appelant l’empêchent de faire des choses. Bien que sa maladie hépatique entraîne des limitations quant au choix de médicaments qu’il peut prendre, il n’a pas été adressé à un spécialiste de la douleur ni ne s’est fait enseigner des techniques de gestion de la douleur chronique.

[36] Pour ces motifs, je conclus que l’appelant avait une capacité d’effectuer du travail sédentaire à la date à laquelle sa période minimale d’admissibilité a pris fin. Dans l’arrêt Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117 (CanLII), la Cour d’appel fédérale a affirmé que dans les cas où il y a des preuves de capacité de travail, la personne doit démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé. L’appelant ne l’a pas fait. Il a perdu son emploi à l’université McMaster en février 2007, lorsque son poste a été déclaré excédentaire. Il n’a pas cherché à occuper un autre emploi depuis ce temps.

[37] Pour ces motifs, je conclus que l’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave au sens de la Loi à la date à laquelle sa période minimale d’admissibilité a pris fin.

Caractère prolongé

[38] Ayant conclu que l’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave, je n’ai pas à tirer de conclusion relativement au caractère prolongé de l’invalidité.

Conclusion

[39] L’appel est rejeté.

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