Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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L. E. : Appelant

Décision

[1] Le Tribunal conclut qu'une pension d'invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) est payable à l'appelant.

Introduction

[2] L'appelant a présenté une demande de pension d'invalidité du RPC, que l'intimé a estampillé le 14 décembre 2011. L'intimé a rejeté la demande initiale et la demande de réexamen, puis l'appelant a interjeté appel au Bureau du commissaire des tribunaux de révision (BCTR).

[3] Le présent appel a été instruit dans le cadre d'une téléconférence pour les raisons indiquées dans l'avis d'audience daté du 9 avril 2014.

Droit applicable

[4] L'article 257 de la Loi sur l'emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012 prévoit qu'un appel qui a été présenté au BCTR avant le 1er avril 2013 et qui n'a pas été instruit par le BCTR est réputé avoir été présenté à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L'alinéa 44(1)b) de la Loi sur le Régime de pensions du Canada (la Loi) énonce les critères d'admissibilité à une pension d'invalidité du Régime de pensions du Canada. Une pension d'invalidité doit être payée à un cotisant qui

  1. a) n'a pas atteint l'âge de 65 ans;
  2. b) ne touche pas de pension de retraite du Régime de pensions du Canada;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au Régime de pensions du Canada pendant au moins la période minimale d'admissibilité (PMA).

[6] Le calcul de la PMA est important puisqu'une personne doit établir qu'elle était atteinte d'une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa période minimale d'admission ou avant cette date.

[7] Aux termes de l'alinéa 42(2)a) de la Loi, pour être invalide, une personne doit être atteinte d'une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée être atteinte d'une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[8] Le litige ne concerne pas la PMA, et le Tribunal est d'avis que la date de fin de la PMA est le 31 décembre 2014.

[9] Étant donné que cette date est à venir, le Tribunal doit déterminer si l'appelant était vraisemblablement atteint d'une invalidité grave et prolongée à la date de l'audience ou avant cette date.

Preuve

[10] L'appelant est âgé de 55 ans. Il a terminé une douzième année d'études et possède des certificats de soudeur et d'opérateur de machinerie. Il a d'abord subi une blessure au cou, alors qu'il travaillait comme chauffeur de bétonnière, en octobre 2005. Il s'est blessé à nouveau le 14 février 2011. L'appelant n'a pas travaillé depuis cette date et reçoit des prestations d'invalidité de longue durée (ILD) de la Sun Life.

[11] Dans son questionnaire sur les prestations d'invalidité du RPC, estampillé le 4 décembre 2011, l'appelant indique que la dernière période durant laquelle il a travaillé comme chauffeur de bétonnière pour l'entreprise Ontario Redimix était du 6 novembre 2006 au 14 février 2011. Il ajoute qu'il a cessé de travailler parce qu'il s'est blessé une nouvelle fois au cou et a souffert de maux de tête violents et d'étourdissements. Il affirme aussi qu'il s'est d'abord blessé au cou en octobre 2005. Il déclare être invalide depuis le 15 février 2011 et établit la liste des maladies qui l'empêchent de travailler, entre autres de gros maux de tête, des douleurs au cou et une dysphagie/sensation d'étouffement. Il indique qu'il a dû accroître sa prise d'analgésiques parce que ses douleurs sont toujours intenses. Il établit la liste des médicaments qu'il prend : Percocet (2 comprimés aux six heures), de l'aspirine, du Crestor et parfois de l'OxyContin.

[12] Dans son témoignage à l'audience, l'appelant décrit en détail la première blessure subie au travail en octobre 2005, et la seconde blessure au cou en février 2011; les deux fois l'appelant s'est blessé pendant qu'il travaillait comme chauffeur de bétonnière. Après l'accident d'octobre 2005, il a cessé de travailler pendant 3 mois et demi. En février, il a repris le travail avec des fonctions modifiées et des heures de travail réduites, et quelques mois plus tard il a repris ses pleines fonctions. Il a continué à prendre des analgésiques et, à quelques reprises, il a dû arrêter de travailler en raison de violents maux de tête. Il s'est à nouveau blessé alors qu'il a dû sauter dans l'échelle (« crow's nest ») de la bétonnière, courir et entrer dans la cabine pour interrompre le versement de béton gelé.

[13] L'appelant déclare que lorsqu'il s'est penché sur le siège pour atteindre l'interrupteur plus bas, il s'est senti tout à coup [Traduction] « très malade » dans l'ensemble de son corps, surtout à la tête et au cou. Tout le monde criait que le béton était froid. Il a pu ramener le chargement dans la cour. Sa femme était venue le chercher et en l'apercevant elle lui a dit qu'il avait l'air très malade et l'a reconduit à la maison. Cette nuit-là, il est tombé de son lit, il était incapable de se relever et sa femme a dû l'amener à l'hôpital. L'appelant n'a pas travaillé depuis. Il déclare qu'il n'a pas encore réussi à se rétablir et qu'il a passé la majeure partie de l'année qui a suivi, au lit.

[14] L'appelant affirme qu'il a dû se désintoxiquer pour se sentir mieux. Il mentionne avoir consulté une clinique du sommeil pour subir une évaluation et obtenir un appareil de VPPC. Il dit que lorsque le clinicien a installé l'appareil, des tonnes d'air sont sorties et il s'est réveillé en ayant froid. Il croit que le clinicien a tenté de le tuer. L'appelant relate également deux incidents qui sont survenus alors qu'il travaillait comme chauffeur de bétonnière. Il affirme que l'entreprise a tenté de l'empoisonner parce qu'elle voulait se débarrasser de lui. Il ajoute que lorsqu'il a commencé à se rapprocher de l'Église catholique romaine, on l'a amené dans un sous-sol pour l'attaquer spirituellement. Il déclare [Traduction] « chaque fois que j'essaye d'améliorer ma santé, quelqu'un me fait du mal ». L'appelant ajoute qu'il a souvent été trahi et blessé et que les Justes sont attaqués. Il déclare qu'il a maintenant vu la lumière, qu'il a vécu de nombreuses expériences et discussions avec Dieu et que Dieu lui a promis qu'il s'en sortirait.

[15] En expliquant pourquoi il était incapable de travailler, il déclare qu'il [Traduction] « éprouve beaucoup de difficultés » depuis qu'il est malade. Il a de la difficulté à apprendre quoi que ce soit, s'il écrit un mot aujourd'hui, il ne saura plus comment l'écrire demain. Il souffre constamment de douleurs aiguës dans le cou, les bras, l'épaule, le dos et les jambes. Il a des maux de tête intenses. L'appelant déclare qu'il avait appris au cours des années à se dépasser, mais que depuis que son employeur l'avait empoisonné, il n'avait plus l'énergie de se dépasser physiquement. Il ajoute que la douleur s'est intensifiée depuis sa blessure et qu'il a [Traduction] « trop de problèmes ».

[16] L'appelant témoigne qu'il a terminé douze années d'études. Il affirme qu'à huit ans il a été frappé par une voiture, à douze ans par un camion de lait et qu'à seize ans sa maison a été détruite par un incendie. Il affirme avoir vécu comme un vagabond pendant quelques années après l'incendie. Il s'est engagé dans la Marine après l'école secondaire et y a travaillé comme électricien. Il a dû quitter la Marine après deux ans parce qu'il souffrait du mal de mer. L'appelant a ensuite dirigé une entreprise de scellement d'entrée de cour pendant trois ans et une entreprise de ramonage pendant un an. Il a été surveillant d'immeubles à logement et a travaillé comme syndiqué dans une usine de fabrication d'équipement de distribution électrique. Il a commencé au poste d'assembleur, mais s'est blessé au dos lorsqu'il est tombé d'une cellule de transformateur. Il a été affecté aux travaux légers et a travaillé avec des transformateurs jusqu'à la fermeture de l'usine en 2002. L'appelant a ensuite conduit des camions pour de l'aménagement paysager puis est devenu chauffeur de bétonnière. Il a gardé ce poste jusqu'à ce qu'il se blesse de nouveau en février 2011.

[17] Lorsqu'on lui demande s'il a envisagé d'autres possibilités d'emploi, l'appelant répond [Traduction] « La façon dont les gens m'ont traité est une honte… mon seul soulagement est mon appétit pour la parole de Dieu… l'étude de la Bible…et comprendre pourquoi je souffre autant. » Il souhaite devenir pasteur et commencer un cours à l'automne, mais il doit trouver quatre mille dollars pour couvrir les frais. Il ajoute qu'il n'a pas cherché d'autre travail parce que [Traduction] « J'en suis incapable… Je vais m'effondrer… Mon seul espoir est de travailler pour Dieu, parce que ce ne serait pas du travail… C'est le Christ qui travaillerait. » L'appelant a déclaré qu'il espérait s'inscrire dans un centre de réadaptation avec l'aide de l'église, où on pourrait l'aider avec des séances individuelles. Il espère qu'en participant à un tel programme il pourrait peut-être trouver un travail au sein de l'église. Il témoigne [Traduction] « Je n'ai pas suffisamment d'énergie pour me relever seul…mon seul espoir est Dieu…J'ai 55 ans…il n'y a rien à tirer d'un homme à terre. »

[18] Il consulte le Dr Jailall pour ses médicaments contre la douleur. Il prend maintenant six comprimés de Percocet par jour; à l'hiver il en prenait huit. Lorsqu'on lui demande s'il consulte un psychiatre, comme l'a recommandé le Dr Jailall le 15 mai 2012, il répond que non et qu'il ne sait pas pourquoi le suivi n'a pas été fait à ce sujet. Il affirme qu'il n'a jamais refusé de voir un psychiatre. Il déclare qu'il y a environ un an, il s'est présenté à l'urgence de l'Hôpital civique de Brampton parce qu'il ne se sentait pas bien. Il a alors dit qu'il souhaitait parler à quelqu'un, qu'il était malade et qu'il devait constamment se battre pour obtenir des médicaments. Il indique qu'on lui a alors administré 2000 mg d'Ativan et que ça l'a complètement sonné. Il est demeuré à l'urgence pendant 12 heures et on l'a ensuite transféré à l'« aile psychiatrique ». Le psychiatre a dit à sa femme qu'il voulait supposément rester à Lac Bear et y être mangé par les ours. L'appelant affirme que ce n'est pas du tout ce qu'il a dit; qu'il voulait simplement demander un rendez-vous et que tout d'un coup on avait appelé le centre de crise. Il devait rester au centre de crise pendant 72 heures, mais lorsqu'il a refusé de prendre ses médicaments, ils ont demandé à ce qu'il reste pour encore quelques semaines. Il n'est resté à l'hôpital que 24 heures parce que sa femme est venue le chercher.

[19] Il dort sous respirateur et se couvre d'un châle de prière. Bien qu'il dorme pendant de longues heures, il est fatigué au réveil. En général, sa femme lui amène du café et un muffin lorsqu'il se réveille pour qu'il puisse prendre ses médicaments. Une fois que les médicaments commencent à faire effet, il s'habille, ce qui lui prend beaucoup de temps. Il sort alors son chien et marche de trente minutes à une heure et consacre ce temps à la prière. Lorsqu'il arrive à la maison, il boit un autre café, prend d'autres médicaments et doit alors s'allonger de trente minutes à une heure. L'appelant lit ensuite la Bible et regarde des émissions chrétiennes à la télévision. Il ne peut s'assoir devant un ordinateur en raison de ses douleurs au cou et de son incapacité à se concentrer. Il habite dans une maison en rangée avec sa femme et deux de ses enfants qui ont 21 et 23 ans. Il ne mange pas beaucoup et sa famille et lui n'ont pas d'habitudes alimentaires régulières. Ses enfants s'occupent de la lessive, de la vaisselle et de l'entretien de la maison. Parfois l'appelant fait les achats à l'épicerie et il affirme qu'il peut s'occuper de tâches simples du moment que cela ne prenne pas trop de temps et que ce ne soit pas répétitif. Après avoir déneigé ou être allé magasiner, il doit généralement s'allonger. Il affirme qu'il est toujours fatigué.

[20] Dans un rapport médical daté du 12 septembre 2011, joint à la demande de prestations du RPC, le Dr Jailall, médecin de famille de l'appelant, diagnostique une entorse/lésion du rachis cervical et une douleur chronique. Il indique que l'appelant a subi une blessure au cou lorsqu'il est tombé dans le cadre de son travail en 2005, que son affection était jugée inopérable et qu'il devait gérer sa douleur depuis l'incident. Le Dr Jailall indique également que l'amplitude des mouvements du cou de l'appelant est limitée; que l'appelant souffre parfois de sensations d'étouffement, qu'il souffre de douleurs chroniques au dos et au cou et qu'il requiert des médicaments contre la douleur pour fonctionner. Dans son diagnostic, le Dr Jailall est d'avis que l'état de l'appelant est très difficile à traiter, que sa douleur est débilitante et que l'anxiété qui en découle cause beaucoup de stress.

[21] Dans un renvoi à un psychiatre, daté du 15 mai 2012, le Dr Jailall indique que l'appelant entretient des idées de persécution et que s'est une personne foncièrement soupçonneuse. Il souligne qu'il a récemment souffert d'« épisodes d'étouffement » durant lesquels il a l'impression de manquer d'air. Le Dr Jailall a cherché à savoir si l'appelant souffrait d'un trouble panique ou d'un trouble d'anxiété.

[22] Le 15 mai 2012, le Dr Jailall établit dans son rapport au RPC que concernant la douleur chronique, l'appelant était incapable de reprendre le travail. Le médecin souligne que la mobilité de l'appelant est extrêmement limitée en raison de la diminution de l'ampleur des mouvements de son dos, de son genou droit et de son cou, que le Percocet qu'il doit prendre a un effet sédatif et qu'il ne conduit plus en raison d'épisodes de syncope.

[23] Le 13 juin 2011, le Dr Marmor, neurochirurgien, établit qu'aucune preuve clinique ne démontrait une importante radiculopathie ou myélopathie; que les études d'imagerie ne présentaient rien de particulier; que l'histoire de l'appelant était très inhabituelle; que malgré tout le temps passé avec lui, le médecin avait de la difficulté à obtenir des clarifications et tous les détails. Le Dr Marmor prescrit alors une IRM et une tomographie par ordinateur, et devait revoir l'appelant une fois que les examens étaient faits. Il conclut qu'il est peu probable que l'appelant nécessite une intervention chirurgicale.

[24] Le 12 août 2011, le Dr Marmor rencontre l'appelant pour un rendez-vous de suivi. Il note que l'IRM de la colonne cervicale ne révèle que des changements dégénératifs diffus légers et que la tomographie par ordinateur du cerveau est normale. Le Dr Marmor fait valoir les éléments suivants : l'appelant présente une grande variété de symptômes, notamment des maux de tête, des douleurs au cou, des faiblesses aux bras et aux jambes, dans l'ensemble son état reste stable, l'examen neurologique ne présente rien de particulier et les études d'imagerie ne dévoilent rien d'inquiétant. Le Dr Marmor conclut qu'il n'est pas certain de la cause des symptômes de l'appelant, mais qu'il est clair qu'aucune intervention chirurgicale n'est indiquée.

[25] Dans un questionnaire sur l'emploi, daté du 19 avril 2012, Dana McNeely, conseillère en ressources humaines chez Ontario Redimix, indique que l'appelant était incapable de répondre aux exigences de son poste à titre de chauffeur de camion-malaxeur et de livrer des chargements de ciment sur des chantiers.

Observations

[26] L'appelant soutient qu'il est admissible à une pension d'invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Il souffre de douleurs chroniques aiguës constantes à la tête, au cou, à la gorge et aux épaules;
  2. les médicaments le soulagent, mais n'éliminent pas complètement la douleur et le sentiment d'étouffement;
  3. la douleur a une incidence sur tous les aspects de sa vie, elle cause notamment un manque de concentration.

[27] L'intimé soutient que l'appelant n'est pas admissible à une pension d'invalidité pour les raisons suivantes :

  1. même s'il n'est pas en mesure de reprendre son travail de chauffeur de bétonnière, il n'a pas tenté de revenir sur le marché du travail dans d'autres fonctions;
  2. la preuve clinique et radiologique ne permet pas d'identifier de maladie grave qui aurait pour effet d'empêcher l'appelant de trouver un emploi qui tienne compte de ses limites;
  3. la douleur de l'appelant peut être prise en charge par des moyens conservateurs dont plusieurs n'ont toujours pas été appliqués.

Analyse

[28] L'appelant doit prouver selon la prépondérance des probabilités qu'il était atteint d'une invalidité grave et prolongée à la date de l'audience ou avant cette date.

Caractère grave

[29] Les exigences de la Loi auxquelles il faut satisfaire pour obtenir une pension d'invalidité figurent à l'alinéa 42(2)a), où il est indiqué qu'une invalidité doit être à la fois « grave et prolongée ». Une invalidité n'est « grave » que si elle rend la personne concernée régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une personne doit non seulement être incapable d'occuper son poste habituel, mais aussi tout poste qu'elle pourrait raisonnablement occuper. Une invalidité est « prolongée » si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

[30] Il incombe à l'appelant d'établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'avant ou à la date de l'audience, il était invalide au sens de la définition. Le critère de gravité doit être analysé selon une approche réaliste : Villani c. Canada (Procureur général) 2001 CAF 248. Le Tribunal doit tenir compte de facteurs comme l'âge, le niveau d'instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l'expérience de la vie, au moment de déterminer l'« employabilité » d'une personne à l'égard de son invalidité.

[31] Le Tribunal doit évaluer si le refus de l'appelant de suivre un traitement recommandé est déraisonnable et s'il a une incidence sur l'état d'invalidité de l'appelant le cas échéant : Lalonde c. Canada (MDRH), 2002 CFA 211. Chaque cas doit être évalué en fonction de ses propres faits particuliers et il s'agit de déterminer, dans chaque cas, si l'appelant a agi de façon raisonnable et en fonction des circonstances et des capacités qui lui sont propres : Bulger c. MDRH (18 mai 2000), CP 9164 (CAP). La question à trancher consiste à déterminer si, dans le contexte et les circonstances particulières, il était raisonnable pour l'appelant de ne pas avoir suivi les recommandations médicales.

[32] Il n'existe aucune définition faisant autorité en matière de douleur chronique. Toutefois, l'on considère généralement qu'il s'agit d'une douleur persistant au-delà de la période normale de guérison d'une lésion ou disproportionnée à cette lésion, et caractérisée par l'absence, à l'emplacement de la lésion, de symptômes objectifs permettant d'attester l'existence de cette douleur au moyen des techniques médicales actuelles. Malgré cette absence de symptômes objectifs, il ne fait aucun doute que les personnes éprouvant de la douleur chronique souffrent physiquement et moralement et que leur incapacité est réelle : Nouvelle-Écosse (Workers' Compensation Board) c. Martin [2003] CSC 54.

[33] L'appelant travaille depuis longtemps et il possède manifestement une éthique de travail solide. Sa formation et ses antécédents en matière de travail démontrent qu'il est une personne apte qui possède de nombreuses compétences transférables. Le Tribunal garde à l'esprit les observations de l'intimé selon lesquelles l'appelant n'a pas essayé d'autres emplois moins exigeants; toutefois, le Tribunal est d'avis que l'appelant en était incapable compte tenu de l'effet cumulatif de ses problèmes physique et psychologique.

[34] Les principales limites physiques de l'appelant sont des douleurs aiguës constantes, des maux de tête intenses, de la fatigue et des sensations d'étouffement. Bien qu'aucune constatation objective ne vienne expliquer ces affections, elles sont réelles et il ne fait aucun doute que l'appelant [Traduction] « souffre d'une réelle détresse ». À cet égard, le Tribunal retient la décision Martin (précitée). Ces problèmes physiques sont aggravés par les problèmes évidents d'ordre psychiatrique et psychologique de l'appelant.

[35] Le Tribunal s'appuie largement sur les rapports du Dr Jalaill, médecin de famille de l'appelant, qui confirment les problèmes physiques et psychologiques de l'appelant. Le rapport du 12 septembre 2011 indique que l'appelant souffre de douleurs chroniques au cou et au dos, qu'il souffre à l'occasion d'étouffement et qu'il requiert des médicaments contre la douleur pour fonctionner. Le Dr Jalaill affirme que la douleur de l'appelant est débilitante. Le renvoi à un psychiatre du Dr Jalaill, daté du 15 mai 2012, indique que l'appelant entretient des idées de persécution et qu'il s'agit d'une personne foncièrement soupçonneuse. Le renvoi souligne également qu'il souffre d'« épisodes d'étouffement ».

[36] Le Tribunal a également étudié les observations de l'intimé indiquant que l'appelant n'avait pas exploré de traitements possibles comme un programme de traitement de la douleur chronique ou des interventions psychiatriques. À cet égard, le Tribunal s'est appuyé sur la décision Bulger (précitée). Compte tenu de la situation et des capacités particulières de l'appelant, ainsi que de sa perception et de sa réaction aux traitements médicaux, comme le démontre son passage à la clinique du sommeil et à l'urgence de l'Hôpital civique de Brampton, il n'est pas réaliste d'envisager que l'appelant soit en mesure de participer avec succès à ce type de programme ou d'intervention. Il est difficile d'imaginer que cette personne, qui croit que quelqu'un lui fait du mal à chaque fois qu'il tente de se rétablir, puisse participer à un programme ou à une intervention avec succès.

[37] Le Tribunal est convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l'appelant souffre d'une invalidité grave conformément aux critères du RPC.

Caractère prolongé

[38] Maintenant que la gravité de l'invalidité de l'appelant est déterminée, le Tribunal doit établir le caractère prolongé de l'invalidité.

[39] L'invalidité de l'appelant persiste depuis au moins le mois de février 2011 et, malheureusement, tant ses symptômes invalidants physiques et que psychologiques s'intensifient.

[40] L'invalidité de l'appelant va vraisemblablement durer pendant une période longue et il n'y a aucune perspective raisonnable d'amélioration dans un avenir prévisible.

Conclusion

[41] Le Tribunal conclut que l'appelant était atteint d'une invalidité grave et prolongée en février 2011, au moment où il s'est blessé une deuxième fois au cou. Aux termes de l'article 69 de la Loi, les versements commencent quatre mois après la date de l'invalidité. Les paiements commenceront en juin 2011.

[42] L'appel est accueilli.

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