Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Comparutions

  1. Avocate de l’appelant : Ketia Calix
  2. Témoin de l’appelant : Dre Violet Gonsalves
  3. Intimé : C. B.

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Introduction

[2] Le 9 août 2012, un tribunal de révision a déterminé que la décision du Ministre de mettre fin à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada n’était pas correcte et que la pension d’invalidité était payable à l’intimé.

[3] L’appelant a initialement présenté à la Commission d’appel des pensions (la « CAP ») une demande de permission d’interjeter appel de la décision du tribunal de révision (« demande de permission d’en appeler ») le 8 décembre 2011 (sic).

[4] Le 15 janvier 2013, la CAP a accordé la permission d’interjeter appel. En application de l’article 259 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012, la division d’appel du Tribunal est réputée avoir accordé la permission d’en appeler le 1er avril 2013.

[5] Cet appel a été instruit par comparution des parties pour les raisons énoncées dans l’avis d’audience daté du 7 février 2014.

Droit applicable

[6] Afin de garantir l’équité, le présent appel sera examiné en fonction des attentes légitimes de l’appelant au moment du dépôt de sa demande de permission d’en appeler devant la CAP. Pour cette raison, la décision visant à déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès sera rendue sur la base d’un appel de novo en application du paragraphe 84(1) du Régime de Pensions du Canada (la Loi) dans sa version antérieure au 1er avril 2013.

[7] L’alinéa 44(1)b) de la Loi énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne touche pas de pension de retraite du Régime de pensions du Canada;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au Régime de pensions du Canada pendant au moins la période minimale d’admissibilité.

[8] Le calcul de la période minimale d’admissibilité est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la fin de sa période minimale d’invalidité ou avant cette date.

[9] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) de la Loi, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée être atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

[10] L’alinéa 70(1)a) de la Loi dispose qu’une pension d’invalidité cesse d’être payable avec le paiement qui concerne le mois au cours duquel le bénéficiaire cesse d’être invalide.

[11] L’article 70.1 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada dispose que si la personne déclarée invalide aux termes de la Loi recommence à travailler, elle doit en informer sans délai le ministre.

Question en litige

[12] Le Tribunal doit déterminer s’il a le pouvoir de réduire ou d’annuler un trop-payé d’une pension d’invalidité.

[13] Le Tribunal doit décider si l’intimé a cessé d’être invalide au sens de la Loi.

Preuve

[14] L’intimé souffre de schizophrénie de type paranoïde. Il s’est également fracturé un coude et une cheville, ce qui entraîne une certaine limitation fonctionnelle sur le plan physique. Il a été déclaré invalide au sens de la Loi et a commencé à toucher une pension d’invalidité du RPC à compter d’avril 2000. En 2009, l’appelant a réévalué sa pension et a déterminé qu’il n’était plus invalide. L’appelant a mis fin à la pension d’invalidité du RPC de l’intimé en date d’avril 2009.

[15] L’intimé a déclaré dans son témoignage qu’il a commencé à travailler en 2009. Il a travaillé chez Swiss Chalet puis chez Sobey’s. Il a débuté un emploi chez Sobey’s en 2009 et, en 2012 lorsque le magasin où il travaillait a fermé ses portes, il a été embauché par un autre magasin Sobey’s. Il y occupe un emploi occasionnel à temps partiel. Son travail actuel consiste à préparer des emballages de fruits frais. Il travaille normalement entre 28 et 32 heures par semaine. Son horaire de travail est affiché toutes les semaines et varie d’une semaine à l’autre selon les besoins du magasin et les horaires de travail de ses coéquipiers.

[16] L’intimé a déclaré dans son témoignage qu’il a demandé de ne pas travailler plus de 32 heures par semaine puisque c’est le maximum d’heures qu’il peut travailler tout en recevant des prestations d’invalidité du régime de sa province.

[17] L’intimé a été invité à examiner le registre des gains qui figure à la pièce 4. Lorsqu’on lui a demandé de confirmer son revenu gagné pour chacune des années allant de 2009 à 2012, il ne pouvait pas confirmer s’il s’agissait là du montant exact de ses gains pour chacune de ces années. Il a cependant confirmé que le salaire horaire indiqué par chacun de ses employeurs dans les questionnaires de l’employeur était exact.

[18] Dans son témoignage, l’intimé a soutenu vigoureusement qu’il n’a jamais travaillé pour les entreprises Second Cup ou Canada Safeway; tout revenu qui lui a été attribué en provenance de ces entreprises l’a donc été par erreur.

[19] L’intimé a déclaré dans son témoignage qu’il est capable de travailler à raison d’un horaire à temps partiel. Il peut faire des travaux légers modifiés. Il n’est pas capable de travailler à plein temps. Il souffre d’une maladie mentale grave et chronique. En outre, il souffre de séquelles de la fracture qu’il a subie au coude et à la cheville. Son état se dégrade et il se pourrait qu’à l’avenir il ne puisse pas travailler comme il le peut actuellement. Il a fait une recherche sur Internet au sujet de son état et croit qu’il commence à avoir des symptômes de démence et de la maladie d’Alzheimer.

[20] L’intimé a indiqué dans son témoignage qu’il voit actuellement son psychiatre tous les trois ou six mois. Il passe quelques minutes avec lui afin de faire vérifier ses médicaments. À chacun des rendez-vous, le psychiatre détermine dans combien de temps il reverra à nouveau son patient en fonction de ce que celui-ci lui signale.

[21] L’intimé a aussi déclaré dans son témoignage qu’il n’avait pas compris que le Programme d’invalidité du RPC exigerait qu’il rembourse tout trop-payé reçu de sa part en raison du fait qu’il pouvait travailler à temps partiel. Il croit fermement que quelqu’un devrait être tenu responsable de ne pas lui avoir expliqué cela. En effet, il croyait qu’il pouvait travailler à temps partiel, puisque le régime provincial de prestations d’invalidité le lui permettait.

[22] En outre, il est frustré que le trop-payé n’ai pas été porté à son attention dès qu’il a commencé à s’accumuler. Si oui, il l’aurait remboursé en entier et se serait retiré du Programme d’invalidité du RPC.

[23] La Dre Gonsalves a témoigné pour l’appelant. Elle a été acceptée comme témoin expert en médecine générale. Elle n’a pas examiné l’intimé et ses opinions se fondent sur son examen approfondi de la preuve médicale.

[24] La Dre Gonsalves a indiqué dans son témoignage que l’intimé est traité par le Dr Gandemann, psychiatre, depuis 1992, année où il a reçu pour la première fois un diagnostic de schizophrénie de type paranoïde. Il a été hospitalisé à ce moment-là puis a reçu son congé assorti d’une prescription de médicaments. Il continue d’ailleurs de prendre ces mêmes médicaments aujourd’hui.

[25] La Dre Gonsalves a résumé les rapports rédigés par le Dr Gandemann qui figurent à la pièce 1. Le 10 avril 2001, le Dr Gandemann a indiqué que l’intimé avait reçu un diagnostic de schizophrénie chronique, de type paranoïde. Le pronostic était sombre, avec dégradation probable de son état.

[26] Le 30 juillet 2010, le Dr Gandemann a confirmé le même diagnostic. Il voyait alors l’intimé toutes les six à huit semaines. La Dre Gonsalves a indiqué que l’état de l’intimé doit être stable, puisque le Dr Gandemann voit maintenant l’intimé tous les trois à six mois.

[27] Le 12 juillet 2011, le Dr Gandemann a indiqué dans un rapport que l’intimé était capable de faire de menus travaux à raison d’un horaire à temps partiel pour suppléer son revenu provenant du régime provincial de prestations d’invalidité.

[28] La Dre Gonsalves a également déclaré dans son témoignage que l’intimé se conforme au traitement qu’il reçoit. Les questionnaires de l’employeur indiquent que l’intimé a une assiduité satisfaisante, qu’il travaille sans mesures d’adaptation et qu’il a un rendement satisfaisant. Cela démontre, à son avis, que l’état de santé de l’intimé continue d’être stable et que celui-ci est capable de travailler à temps partiel.

Observations

[29] L’appelant soutient que l’intimé n’est plus invalide pour les raisons suivantes :

  1. a) depuis 2009, il a été capable d’occuper un emploi régulier à temps partiel;
  2. b) le psychiatre de l’intimé n’exclut pas la capacité de ce dernier de travailler à temps partiel;
  3. c) l’emploi à temps partiel de l’intimé constitue une occupation véritablement rémunératrice;
  4. d) l’appelant n’avait aucune obligation de rappeler à l’intimé qu’il était tenu de déclarer son retour en emploi.

[30] L’intimé soutient qu’il continue d’être invalide et ne devrait pas avoir à rembourser un trop-payé pour les raisons suivantes :

  1. a) son état de santé se dégrade;
  2. b) il peut travailler à temps partiel actuellement, mais pourrait ne pas être en mesure de le faire à l’avenir;
  3. c) il n’avait pas compris que s’il recommençait à travailler, il devait le signaler, et qu’il aurait à rembourser tout trop-payé reçu de sa part.

Analyse

[31] L’appelant doit prouver selon la prépondérance des probabilités que l’intimé n’est plus invalide.

[32] Il n’y a pas de véritable contestation quant à la preuve. Il est clair à la lumière du témoignage de l’intimé, des questionnaires de l’employeur présentés à la pièce 1 et des rapports médicaux que l’intimé a recommencé à travailler en 2009. Il a travaillé pour l’entreprise Cara Operations (Swiss Chalet) puis chez Sobey’s, entreprise pour laquelle il travaille encore, quoique dans un magasin différent depuis 2012.

[33] Selon la preuve présentée, il est également clair que le travail qu’accomplit l’intimé est jugé satisfaisant. Il ne nécessite aucune mesure d’adaptation particulière. Il n’a pas un nombre indu d’absences du travail ni n’a besoin de supervision supplémentaire pour s’acquitter de ses tâches.

[34] La Loi est claire. Pour qu’une personne soit déclarée invalide au titre du Régime de pensions du Canada, elle doit être atteinte d’une invalidité grave et prolongée qui la rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. L’intimé n’a pas soutenu que son emploi à temps partiel n’était pas véritablement rémunérateur. La Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Ferreira c. Procureur général du Canada 2013 CAF 81 a conclu que, dans certains cas, le travail à temps partiel peut constituer une occupation véritablement rémunératrice. La Commission d’appel des pensions a également tiré cette même conclusion dans l’arrêt G.L. c. Ministre du Développement social (17 octobre 2007 CP24673).

[35] Bien que chaque affaire soit un cas d’espèce, je suis convaincue, à la lumière de ces décisions, qu’un emploi à temps partiel peut constituer une occupation véritablement rémunératrice. La Commission d’appel des pensions a régulièrement conclu que le terme véritablement rémunératrice comprend les emplois pour lesquels la rémunération offerte pour services rendus n’est pas une compensation modique, symbolique ou illusoire, mais plutôt une compensation qui correspond à une rémunération appropriée selon la nature du travail effectué (Poole c. Le Ministre du Développement des ressources humaines CP20748, 2003).

[36] Je conclus que l’intimé a une occupation véritablement rémunératrice. Il reçoit une rémunération correcte pour un travail satisfaisant. Il ne s’agit pas d’un travail symbolique ou illusoire. Il mérite des félicitations pour le fait qu’il travaille malgré ses limitations physiques et mentales.

[37] Je conclus que l’intimé a commencé à avoir une occupation véritablement rémunératrice au début de 2009. Il travaille régulièrement depuis ce temps. L’appelant soutient que l’intimé a cessé d’être invalide trois mois après avoir commencé à travailler, soit en avril 2009. J’en conviens. En conséquence, l’intimé n’était plus admissible à toucher une pension d’invalidité du RPC à partir d’avril 2009.

[38] L’article 70.1 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada est clair et dispose que la personne qui touche une pension d’invalidité doit, si elle recommence à travailler, en informer sans délai le ministre. Le formulaire de demande de pension d’invalidité du RPC renferme également une déclaration de reconnaissance de cette obligation de la part de l’intimé. Ni la Loi ni son règlement d’application ne confèrent au ministre le devoir de rappeler cette obligation à une personne qui touche une pension d’invalidité.

[39] L’intimé a demandé que j’annule ou que je réduise le montant des prestations d’invalidité qu’il a reçues en trop. Je n’ai aucune autorisation légale pour ce faire. Le Tribunal de la sécurité sociale est un tribunal établi par une loi. Il ne dispose que des pouvoirs qui lui sont conférés par sa loi habilitante, en l’occurrence la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social. L’article 64 de cette loi énonce les questions que peut trancher le Tribunal de la sécurité sociale en matière d’invalidité. Ces questions ne comprennent pas le pouvoir de réduire ou d’annuler un trop-payé. En conséquence, je ne rends aucune décision sur cette question.

Conclusion

[40] L’appel est accueilli pour les motifs susmentionnés.

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