Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] Le Tribunal refuse d’accorder une prorogation du délai prévu pour présenter une demande de permission d’en appeler.

[2] Le Tribunal refuse la permission d’interjeter appel devant la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale.

Introduction

[3] Le 30 octobre 2003, un tribunal de révision a déterminé qu’une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada n’était pas payable au demandeur. Ce dernier a déposé une demande de permission d’en appeler (la « demande ») à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale le 14 mars 2014.

Question en litige

[4] Le Tribunal doit décider s’il consent à accorder une prorogation du délai prévu pour présenter une demande de permission d’en appeler.

[5] S’il accorde une prorogation du délai prévu pour présenter la demande de permission d’en appeler, le Tribunal doit également déterminer si l’appel en question a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[6] Tel qu’il est prévu aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi »), « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[7] Au paragraphe 58(1) de la Loi, il est indiqué que les seuls motifs d’appels sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] La décision du tribunal de révision est considérée comme une décision de la division générale.

[9] Le paragraphe 58(2) de la Loi prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[10] Le paragraphe 57 de la Loi porte que la division d’appel peut proroger le délai pour présenter la demande de permission d’en appeler d’au plus un an suivant la date à laquelle la décision a été communiquée au demandeur.

Observations

[11] Le demandeur soutient qu’on devrait lui accorder une prorogation du délai prévu pour présenter une demande de permission d’en appeler pour les raisons suivantes :

  1. a) Même s’il a été avisé qu’il avait le droit d’interjeter appel devant la Commission d’appel des pensions lorsqu’il a reçu la décision du tribunal de révision, il n’avait pas bien compris de quoi il en retournait;
  2. b) Ce n’est qu’une fois qu’il a épuisé les prestations d’invalidité de longue durée versées par son employeur qu’il a vu la nécessité de présenter une demande;
  3. c) Il n’a pas été en mesure de retenir les services d’un représentant avant 2013;
  4. d) Il a présenté une deuxième demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada et a cherché à obtenir de l’aide ailleurs.

[12] Le demandeur a invoqué les arguments suivants à l’appui de sa demande de permission d’en appeler :

  1. a) Le Tribunal a le pouvoir discrétionnaire de proroger le délai prévu pour présenter une demande;
  2. b) Sa demande renferme une cause défendable en appel qui s’appuie des faits nouveaux pertinents et des erreurs commises par le tribunal de révision dans sa décision;
  3. c) Il avait l’intention persistante de poursuivre son appel.

[13] L’intimé n’a présenté aucune observation.

Analyse

Prorogation du délai

[14] L’article 57 de la Loi est clair. Le délai pour présenter une demande de permission peut être prorogé d’au plus un an suivant la date à laquelle la décision a été communiquée au demandeur. Le demandeur a écrit qu’il a reçu la décision du tribunal de révision le 31 octobre 2003. Il a présenté sa demande le 14 mars 2014. Il ne fait aucun doute qu’il a présenté sa demande bien après la période prévue.

[15] L’avocat du demandeur a fait valoir que l’on pouvait interpréter que l’article 57 de la Loi permettait de présenter une demande dans l’année suivant l’instauration du Tribunal. Même si la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable renfermait des dispositions transitoires qui permettaient de présenter certaines demandes plus d’un an suivant la date à laquelle la décision avait été communiquée au demandeur, ces dispositions ne s’appliquent pas en l’espèce. Le demandeur n’a pas présenté de demande avant l’instauration du Tribunal.

[16] L’avocat du demandeur a également soutenu que le Tribunal avait le pouvoir discrétionnaire de proroger ce délai encore davantage. Or, le Tribunal est un tribunal établi par la loi qui ne dispose pas de pouvoirs discrétionnaires. Par conséquent, malgré la sympathie que m’inspire la situation du demandeur, je ne peux lui accorder ce qu’il réclame en l’espèce, c’est-à-dire une prorogation du délai alors qu’il s’est écoulé plus d’un an depuis que la décision lui a été communiquée. La permission d’en appeler est refusée pour ce motif.

Permission d’en appeler

[17] Si je me trompe à ce sujet, je dois déterminer s’il y a lieu d’accorder au demandeur une prorogation de la période prévue. Le Tribunal s’appuie à cet égard sur des décisions rendues par la Cour fédérale. Dans Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 883, la Cour a conclu que les facteurs ci-après doivent être pris en considération et évalués au moment de trancher cette question :

  1. a) il y a intention persistante de poursuivre la demande ou l’appel;
  2. b) la cause est défendable;
  3. c) le retard a été raisonnablement expliqué;
  4. d) la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[18] Le poids qu’il faut accorder à chacun des facteurs variera selon les circonstances et, dans certains cas, d’autres facteurs aussi seront pertinents. La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice - Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204.

[19] Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[20] Le demandeur ne m’a pas convaincue qu’il avait une intention persistante de poursuivre l’appel. Il a reconnu qu’en 2003, on l’avait informé du fait qu’il avait le droit d’interjeter appel devant la Commission d’appel des pensions. Son avocat a fait valoir qu’il n’avait pas compris de quoi il en retournait. L’avocat n’a cependant pas plaidé que le demandeur était légalement incapable ou qu’il ne pouvait pas prendre de décisions entre le moment où il a reçu la décision du tribunal de révision et le moment où il a présenté sa demande.

[21] Dans sa demande, le demandeur s’appuie sur le fait que son assureur ne lui a pas demandé de faire des démarches à cet égard et sur le fait que son revenu demeurait le même qu’il touche ou non la pension d’invalidité. Cet argument contredit la déclaration du demandeur selon laquelle il avait l’intention persistante de poursuivre l’appel.

[22] L’avocat du demandeur a également fait valoir que ce dernier n’avait pas fait de démarches avant 2013 parce qu’il n’avait pas assez d’argent pour retenir les services d’un représentant. Cet argument n’est pas convaincant. Beaucoup de demandeurs poursuivent des appels sans représentant, ou avec des représentants qui ne sont pas des avocats. En fait, le demandeur a lui-même fait appel à son frère pour assister avec lui à l’audience devant le tribunal de révision.

[23] Je suis convaincue que le demandeur souhaitait bel et bien poursuivre l’appel une fois qu’il a épuisé ses prestations d’invalidité de longue durée. Toutefois, cela ne suffit pas à établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il avait l’intention persistante de poursuivre l’appel pendant toute la période de retard.

[24] Pour les raisons décrites ci-dessus, je ne suis également pas convaincue que le demandeur avait une explication raisonnable pour expliquer un retard de plus de dix ans.

[25] L’avocat du demandeur a fait valoir que la prorogation du délai ne causerait pas de préjudice à l’intimé en s’appuyant sur la décision Canada (Procureur général) c. Schneider, 2008 CF 764, dans laquelle la Cour a déterminé qu’il fallait présenter une preuve de préjudice réel et que des arguments juridiques étaient insuffisants. Je ne suis saisie d’aucune preuve de préjudice en l’espèce. Toutefois, les faits de la décision Schneider la distinguent de la présente affaire. Dans la décision Schneider, il était question d’un retard de deux ans, alors qu’on parle ici d’un retard de plus de dix ans. Après un délai aussi long, il est raisonnable de penser qu’il serait fort difficile pour l’intimé de récupérer les documents pertinents, de trouver les témoins, etc. J’estime qu’il serait très difficile de conclure que le fait d’instruire l’affaire aujourd’hui, après un aussi long retard, ne causerait aucun préjudice à l’intimé.

[26] Le dernier argument soulevé par le demandeur est qu’il a présenté une cause défendable en appel. Il soutient qu’en rendant sa décision, le tribunal de révision a commis des erreurs de fait dans son évaluation de la preuve dont il était saisi et qu’il n’a pas tenu compte de tous les faits qui lui ont été présentés. Dans la décision Oliveira c. Canada (Ministre du développement des ressources humaines), 2003 CAF 213, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’un tribunal n’est pas tenu de faire expressément mention dans ses motifs de l’ensemble de la preuve testimoniale et documentaire soumise. Il est présumé avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve qui lui était soumise.

[27] De plus, lorsqu’il doit déterminer s’il y a lieu d’accorder la permission d’interjeter appel, le Tribunal ne devrait pas refaire le procès des questions factuelles, mais seulement déterminer si l’issue était acceptable et justifiable au regard des faits et du droit (Gaudet c. Procureur général du Canada) 2013 CAF 254. Je ne suis pas convaincue que les conclusions de fait que le tribunal de révision a tirées dans sa décision sont inacceptables.

[28] L’avocat du demandeur a également fait valoir que le tribunal de révision avait fait erreur en n’ajournant pas l’audience pour permettre au demandeur de déposer de nouveaux éléments de preuve médicale. Cet argument est rejeté. Rien dans la décision du tribunal de révision ne laisse croire que l’une ou l’autre des parties souhaitait ajourner l’audience pour cette raison. Le tribunal de révision ne peut pas avoir commis une erreur en n’accordant pas un ajournement qui n’a jamais été demandé. De plus, l’avocat du demandeur a soutenu que le tribunal de révision avait mal appliqué la Loi en s'appuyant sur la décision Ministre des Ressources humaines c. Scott 1998 LNCCAP 4 (CAP). Cette décision traite de l’attente d’un demandeur pour retourner au travail. L’énoncé de droit formulé dans la décision du tribunal de révision est acceptable. Par conséquent, cet argument aussi est rejeté.

[29] Pour toutes ces raisons, je ne suis pas convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur a présenté des questions défendables à soumettre en appel.

[30] Le demandeur ne m’a pas convaincue qu’il y a lieu d’accorder une prorogation du délai sur la foi de l’un ou l’autre des facteurs présentés ci-dessus, ou de l’ensemble de ces facteurs. Le demandeur n’a présenté aucun autre facteur qu’il conviendrait de prendre en compte pour déterminer s’il y a lieu d’accorder une prolongation du délai. Par conséquent, la demande de prorogation du délai prévu pour présenter une demande de permission d’en appeler est rejetée.

[31] Finalement, le demandeur a cherché à déposer de nouveaux éléments de preuve médicale à l’appui de sa demande de prestations d’invalidité. Or, l’article 58 de la Loi énonce des moyens d’appel très stricts. Aux termes de cette loi, la présentation de nouveaux éléments de preuve ne constitue pas un moyen d’appel. Par conséquent, un appel fondé sur cet argument n’a pas une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[32] Pour les motifs mentionnés ci-dessus, la demande est rejetée.

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