Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] Le membre de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal ») accorde au demandeur la permission d’en appeler.

Contexte

[2] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’appeler de la décision rendue par un tribunal de révision le 21 janvier 2013. Ce dernier avait déterminé qu’une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada n’était pas payable au demandeur parce que lorsque sa période minimale d’admissibilité (PMA) avait pris fin, celui-ci n’était pas invalide au sens du Régime de pensions du Canada. Le ou vers le 10 avril 2013, le demandeur a rempli une demande de permission d’en appeler (la « demande ») à la Commission d’appel des pensions (CAP). Le Tribunal a reçu la demande initiale le 8 avril 2013. La demande a été complétée le ou vers le 12 décembre 2013, une fois que le demandeur a fourni au Tribunal les renseignements supplémentaires qu’il lui avait demandés.

[3] Les problèmes de santé dont dit souffrir le demandeur et qui se soldent d’après lui par une invalidité grave et prolongée découlent d’un accident de la route survenu en avril 2008. Le demandeur, qui était alors travailleur autonome, se plaint de douleurs au dos, de maux de tête, de douleurs cervicales associées au coup de fouet et de sommeil non réparateur. Il n’a pas repris son emploi précédent dans le domaine des télécommunications depuis 2009, car il trouvait ce travail à la fois exigeant sur le plan physique et trop difficile.

[4] Le demandeur a présenté une demande de prestations d’invalidité du RPC le 12 août 2010. Il a été convenu que sa période minimale d’admissibilité (PMA) avait pris fin le 31 décembre 2009.

Motifs de la demande

[5] Les motifs de la demande sont que le tribunal de révision a mal compris les faits en ce qui concerne le refus du demandeur de prendre des médicaments. Voici comment ce dernier formule son objection : [traduction] « Dans ses conclusions de fait, le Tribunal semble insister sur le fait que je refuse de prendre des médicaments pour traiter mes problèmes de santé. Or, ces affirmations sont complètement fausses. Je prends de l’Oxycocet et de la cyclobenzaprine quand la douleur est insoutenable. Je prends 3 comprimés de 75 mg de Lyrica chaque soir. J’ai essayé les antidépresseurs à plusieurs reprises, mais j’ai éprouvé de graves effets secondaires chaque fois. De plus, on m’accuse de ne pas chercher à obtenir d’aide médicale ou de traitement… rien ne pourrait être plus loin de la vérité. Je consulte constamment des spécialistes et j’ai des rendez-vous fréquents en acupuncture et en chiropractie ».

[6] De l’avis du Tribunal, le demandeur affirme que le tribunal de révision a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] la question que le tribunal doit trancher consiste à savoir si l’appel du demandeur a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[8] Les dispositions législatives pertinentes qui s’appliquent à la demande de permission sont les paragraphes 56(1), 58(1), 58(2) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’emploi et du développement social. Le paragraphe 56(1) prévoit qu’« [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » tandis que le paragraphe 58(3) indique que la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ». Il est donc clair qu’il n’existe aucun droit d’appel automatique. Un demandeur doit d’abord demander et obtenir la permission de présenter son appel devant la division d’appel, et c’est cette dernière qui doit lui accorder ou lui refuser cette permission.

[9] Le paragraphe 58(2) de la Loi prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

Analyse

[10] La demande de permission d’en appeler représente un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond. Toutefois, pour que cette permission lui soit accordée, le demandeur doit montrer que sa cause est défendableNote de bas de page 1 ou soulever un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel. Dans l’arrêt St-LouisNote de bas de page 2, le juge Mosley a affirmé que le critère à appliquer pour accorder une autorisation d’appel est maintenant bien établi. En s’appuyant sur l’arrêt CallihooNote de bas de page 3 , il a répété que le critère consiste à « établir s’il existe un motif défendable permettant de croire que l’appel sera accueilli ». Il a également insisté sur l’importance de ne pas décider, dans une demande de permission, si l’appel sera accueilli ou non.

[11] Au paragraphe 58(1) de la Loi, il est indiqué que les seuls motifs d’appels sont les suivants :

  1. a. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[12] Aux fins de la présente demande, la décision du tribunal de révision est considérée comme une décision de la division générale.

[13] Avant d’accorder la permission, le Tribunal doit déterminer si les motifs d’appel du demandeur s’inscrivent dans les moyens d’appel prévus et si un appel en vertu de l’un ou l’autre de ces motifs a une chance raisonnable de succès.

[14] Le Tribunal a examiné la décision du tribunal de révision et les documents médicaux dont ce dernier a été saisi afin de vérifier si le tribunal de révision avait commis une erreur dans son appréciation du refus du demandeur de prendre des médicaments. Au paragraphe 31 de la décision, le tribunal de révision décrit le contenu d’un rapport médical de mai 2009, qui comprend une déclaration du demandeur selon laquelle [traduction] « il ne prenait aucun médicament contre la douleur de façon régulière ».

[15] Au paragraphe 32, le tribunal de révision fait référence à un rapport d’évaluation de la douleur chronique préparé en août 2009, dans lequel le Dr Nimni, neurochirurgien, a indiqué que le demandeur lui avait fait savoir qu’il était réticent à prendre des médicaments qui entraîneraient une obnubilation de sa conscience. En fait, le Dr Nimni s’est exprimé en ces termes : [traduction] « Je crois que ses douleurs [celles du demandeur] sont en partie neuropathiques et nociceptives. Je crois qu’il aurait avantage à essayer un ATC comme l’amitriptyline. Il était très réticent à le faire et il affirme qu’il va y réfléchir parce qu’il n’est pas très enthousiaste à l’idée de prendre des médicaments qui entraîneraient une obnubilation de sa conscience. Nous avons eu une longue discussion aujourd’hui sur les effets secondaires des médicaments que nous envisagerions ici au centre. Une fois de plus, il est très réticent à prendre des médicaments qui entraîneraient une obnubilation de sa conscience ».

[16] Au paragraphe 33, le tribunal de révision fait une fois de plus allusion à un rapport du Dr Nimni dans lequel ce dernier affirme que le demandeur refusait catégoriquement de prendre des médicaments. Ce rapport précisait que le Dr Nimni avait décidé de confier de nouveau le demandeur aux soins de son médecin de famille. Il s’agissait en fait d’une note de fin de traitement adressée par le Dr Nimni au Dr Joza. Le Dr Nimni informe le Dr Joza au sujet des soins reçus par le demandeur et explique sa décision de cesser son traitement en ces termes : [traduction] « Je vois R. P. chaque semaine depuis le 25 août 2009. Il a reçu une série de cinq anesthésies tronculaires paravertébrales dans la région des vertèbres thoraciques T6 à T9. Ces injections ont eu un succès mitigé. Il a indiqué que ces anesthésies tronculaires lui procuraient un soulagement pendant un ou deux jours, mais que la douleur revenait ensuite graduellement à son niveau habituel, ce qui me porte à croire que la douleur émane des racines nerveuses. Le type et le cycle de ces douleurs m’amènent aussi à penser qu’il s’agit de douleurs neuropathiques. À ce stade-ci, après cinq séances d’anesthésies tronculaires, il n’éprouve toujours de soulagement que pendant un à deux jours, de sorte que je ne crois pas qu’il soit utile de continuer. Il s’oppose encore beaucoup à prendre des médicaments pour soulager ses douleurs neuropathiques. J’ai longuement discuté de cette question avec R. P. à plusieurs reprises et encore aujourd’hui, il refuse catégoriquement de prendre des médicaments… De mon point de vue, il n’y a plus rien que je puisse offrir à R. P. Je le renvoie donc à vos soins ». Cette note de fin de traitement est datée du 6 octobre 2009. La [traduction] « date de la consultation » qui y figure est le 6 octobre 2009.

[17] Au paragraphe 41 de la décision, le tribunal de révision commente le traitement pharmacologique du demandeur en ces termes : [traduction] « pendant le jour, dans la période où il est le plus actif, il ne prend aucun médicament contre la douleur ». Il ajoute alors que [traduction] « même si cet élément n’est pas entièrement déterminant du niveau de douleur éprouvée par le demandeur, il donne une idée du degré de tolérance de celui-ci dans le cadre de ses activités quotidiennes ».

[18] Le tribunal de révision a ensuite abordé la gestion de la douleur du demandeur, son état psychologique et son aptitude à l’emploi. Dans les paragraphes qui suivent, il souligne que le demandeur n’a jamais été traité pour détresse psychologique, qu’il a conservé une certaine aptitude au travail et qu’il n’a pas essayé d’obtenir un autre type d’emploi :

[Traduction]

[42] En décembre 2008, le demandeur a consulté le Dr D. Corey (spécialiste de la gestion de la douleur) pour discuter de ses symptômes de douleur, qui laissaient alors soupçonner la présence d’un trouble de douleur chronique. Certains éléments laissaient également croire que ses symptômes de douleur comportaient un élément psychosocial sous-jacent. Le tribunal a tenu compte de l’affirmation de Monsieur R. P. selon laquelle il était dépressif, mais en est venu à la conclusion que cette dépression n’était pas gravement invalidante en soi, même si elle contribuait à la difficulté du demandeur à tolérer la douleur. Avant son accident de voiture, le demandeur n’a jamais souffert de trouble psychiatrique. Après son accident, il n’y a rien au dossier qui laisse croire qu’il a reçu un traitement intensif, quel qu’il soit, pour détresse psychologique. De plus, à ce jour, la dépression du demandeur n’est pas traitée.

[43] Le tribunal reconnaît l’argument de l’intimé, qui affirme que même si Monsieur R. P. a des limitations physiques, il n’est pas gravement invalide au point où il est incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Le tribunal s’appuie sur l’affaire Villani, qui fournit des critères pour déterminer l’aptitude au travail d’une personne dans un contexte réaliste. En l’espèce, Monsieur R. P. est jeune et instruit et il maîtrise bien l’anglais. À l’audience, il était bel et bien alerte : il comprenait les questions et a fourni des réponses éclairées et cohérentes. Le tribunal n’a pas été convaincu que l’appelant était incapable de suivre un recyclage professionnel ou d’occuper un emploi plus sédentaire.

[44] Malheureusement, l’appelant n’a pas essayé de trouver un autre type d’emploi. Le tribunal est disposé à accepter que le demandeur est incapable d’exercer son emploi habituel, mais il n’est pas convaincu que ce dernier est incapable d’exercer régulièrement tout autre type d’emploi véritablement rémunérateur. Lorsqu’un demandeur conserve une certaine aptitude à l’emploi, établir que son état correspond à la définition d’une invalidité grave, il doit démontrer qu’il souffre d’un problème de santé grave et que ses efforts pour obtenir et conserver un emploi ont échoué à cause de son état de santé (Inclima c. Canada (P. G.), 2003 CAF 1.17).

[19] Le demandeur a présenté deux rapports médicaux pour appuyer et authentifier sa demande. Il y est indiqué que contrairement à ce que prétend le tribunal de révision, il prend bel et bien des médicaments et que sa demande repose sur un problème physiologique, à savoir de l’œdème ou une enflure de la moelle osseuse à la hauteur des vertèbres T7 et T8. Les deux rapports sont datés du 26 novembre 2013. Ces deux documents produits après l’audience sont des rapports de suivi auprès du médecin de famille du demandeur, le Dr Joza. Le premier rapport aborde le traitement pharmacologique du demandeur et souligne entre autres qu’[traduction] « il prend actuellement du Lyrica 150 mg b.i.d. pour l’aider à dormir. Il prend occasionnellement de l’Advil, de la clyclobenzaprine et du rabeprazole ». Toutefois, le Tribunal n’arrive pas à déterminer avec exactitude à quel moment le demandeur a commencé à prendre ces médicaments et à quelles doses, alors que c’est ce qui est au cœur de la plainte du demandeur.

[20] Si le demandeur prenait bel et bien des médicaments pour ses divers problèmes de santé à cette époque et que le tribunal de révision a indiqué le contraire, une erreur a bel et bien été commise. Que le tribunal de révision ait commis cette erreur ou non, il demeure pertinent de s’interroger sur son importance : cette erreur est-elle suffisamment grave pour que la seule façon de la corriger soit de tenir une nouvelle audience, auquel cas il conviendrait d’accorder la permission d’interjeter appel?

[21] Même s’il est clair que d’autres facteurs ont joué un rôle dans la décision du tribunal de révision, la question de savoir si un demandeur prend des médicaments peut avoir une importance cruciale, car c’est là un indicateur du degré de douleur éprouvé par ce dernier et de sa capacité à travailler. Pour cette raison, sur la base de ce motif restreint, le Tribunal accorderait la permission d’en appeler.

Conclusion

[22] La demande est accueillie.

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