Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est accueillie en partie.

Introduction

[2] Dans une décision rendue le 12 avril 2013, un tribunal de révision a déterminé que la demanderesse n’avait pas droit à une pension d’invalidité du Régime de pension du Canada. Dans sa décision, le tribunal de révision a conclu que la demanderesse ne souffrait pas d’une invalidité grave selon la définition qu’en donne l’alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada, à la date de la fin de sa période minimale d’admissibilité, le 31 décembre 2010.

Motifs d’appel

[3] La demanderesse a présenté une demande de permission d’appeler de cette décision (la « demande »). Au nom de la demanderesse, sa représentante cite, comme motifs de la demande, des erreurs de droit et une erreur d’appréciation de la preuve.

[4] La représentante de la demanderesse a énuméré de façon détaillée les erreurs que le tribunal de révision aurait commises. Des erreurs auraient été commises concernant des déclarations et/ou des constatations figurant aux paragraphes 10, 16, 17, 19, 22, 23, 27, 30, 31 et 34 de la décision. Selon les observations présentées par la représentante de la demanderesse, ces erreurs constitueraient un fondement suffisant pour convaincre le Tribunal de la sécurité sociale (« le Tribunal ») d’accorder la permission d’en appeler.

[5] La demande a été dûment déposée devant le Tribunal, puisqu’elle a été reçue le 17 mai 2013, soit dans le délai prévu pour présenter une demande conformément à l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi »).

Question en litige

[6] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable

[7] Les dispositions législatives régissant la permission d’appel sont les paragraphes 56(1), 58(1), 58(2) and 58(3) de la Loi. Le paragraphe 56(1) est ainsi libellé : « Il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission », tandis que le paragraphe 58(3) porte que la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ». Il n’existe clairement aucun droit d’appel automatique. Un demandeur doit d’abord demander à la division d’appel la permission d’interjeter appel et celle-ci doit accorder ou refuser cette permission.

[8] Le paragraphe 58(2) de la Loi énonce ainsi le critère juridique à appliquer à une demande de permission : « La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[9] Le paragraphe 58(1) de la Loi énonce que les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Une demande de permission d’en appeler est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais un obstacle inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond. Cependant, pour avoir gain de cause, le demandeur doit établir qu’il existe un motif défendableNote de bas de page 1 de donner éventuellement gain de cause à l’appel. Dans la décision St-LouisNote de bas de page 2, le juge Mosley a déclaré que le critère à appliquer pour évaluer une demande de permission d’en appeler est maintenant bien établi. Se fondant sur l’arrêt Callihoo,Note de bas de page 3 il a confirmé que le critère consiste à « établir s’il existe un motif défendable permettant de croire que l’appel sera accueilli ». Le juge Mosley a également souligné l’importance de ne pas décider, dans une affaire de demande de permission d’en appeler, la question de savoir si l’appel peut avoir gain de cause.

[11] Aux fins de la présente demande, la décision du tribunal de révision est considérée comme une décision de la division générale.

Analyse

[12] Tel qu’indiqué précédemment, la représentante de la demanderesse soutient que le tribunal de révision a commis des erreurs de droit et a tiré des conclusions de fait erronées. Ces erreurs figurent aux paragraphes 10, 16, 17, 19, 22, 23, 27, 30, 31 et 34 de la décision du tribunal de révision.

Erreurs dans la décision du tribunal de révision

[13] La première erreur que le tribunal de révision aurait commise se trouve au paragraphe 10, où le tribunal dit de la demanderesse qu’elle souffre d’une « entorse à la colonne cervicale ». La représentante de la demanderesse fait valoir que la preuve médicale objective ne mentionne pas cette affection, ce qui est effectivement le cas. Les seules mentions d’une pathologie à la colonne figurent dans un rapport d’imagerie par résonnance magnétique (IRM) datant du 13 février 2009, qui indique la présence d’une discopathie dégénérative au niveau C5-C6, ainsi que dans le rapport préparé par le médecin de famille de la demanderesse. Ce rapport énumère les pathologies de la demanderesse, dont une [traduction] « ostéoarthrite (OA) de la colonne cervicale ».

[14] Un examen plus poussé de la déclaration contestée montre que le tribunal de révision, au paragraphe 10 de sa décision, ne faisait que relater le témoignage de la demanderesse, par opposition à tirer ses propres conclusions de fait. En conséquence, le Tribunal est convaincu que la déclaration ne soulève aucune erreur quelle qu’elle soit et qu’elle ne saurait constituer un fondement pour la demande.

[15] La deuxième erreur alléguée, au paragraphe 16, serait due au fait que le tribunal de révision mentionne le refus, par la demanderesse, de participer à une thérapie de groupe. La représentante de la demanderesse soutient que le tribunal de révision n’a pas tenu compte de l’explication raisonnable donnée par la demanderesse pour justifier son refus. En fait, au paragraphe 20 de la décision, le tribunal de révision mentionne l’explication fournie par la demanderesse pour ne pas avoir pris part à la thérapie de groupe. De plus, il n’y a rien dans la décision qui indique que le refus, par la demanderesse, de participer à une thérapie de groupe a constitué un facteur déterminant dans la décision du tribunal de révision.

[16] Ensuite, la représentante juridique de la demanderesse se questionne sur le fait que le tribunal de révision a mentionné la tentative infructueuse de la demanderesse d’obtenir des prestations du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées. La représentante allègue que le tribunal de révision se montrait incrédule à l’égard de la déclaration de la demanderesse selon laquelle sa situation financière l’empêchait d’obtenir les traitements et médicaments appropriés à son état. Le Tribunal n’en est pas convaincu. De l’avis du Tribunal, le fait de mentionner que la demanderesse avait fait une demande de prestations ne peut être séparé du paragraphe précédent, qui portait sur les difficultés financières de la demanderesse et son incapacité à se procurer des médicaments sur ordonnance. Le tribunal de révision ne fait que relater le témoignage de la demanderesse et faire une déclaration de fait. En l’occurrence, il m’est difficile de voir en quoi cette mention pourrait constituer une quelconque irrégularité ou un parti pris de la part du tribunal de révision.

[17] La représentante de la demanderesse ajoute que le tribunal de révision a évalué de manière contradictoire un élément de la preuve médicale en déclarant que la demanderesse « n’a jamais été adressée à une clinique multidisciplinaire pour la gestion de sa douleur », alors qu’il a fait référence, au par. 23 de sa décision, à une évaluation d’une équipe de soins de santé multidisciplinaire datée du 26 octobre 2009. Le Tribunal a examiné le document en question. L’évaluation a été effectuée afin de préparer un rapport à soumettre à la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail. L’objet de l’évaluation avait été expliqué à la demanderesse, qui comprenait que l’évaluation allait consister en un examen et qu’il se ferait sans relation thérapeutique.

[18] Les professionnels de la santé formulent une seule recommandation au sujet de l’humeur dépressive de la demanderesse. Ils recommandent que son médecin de famille demande une évaluation psychosociale pour aborder le volet émotionnel de la blessure de la demanderesse. Par conséquent, la déclaration du tribunal de révision selon laquelle la demanderesse n’a jamais été adressée à une clinique multidisciplinaire pour la gestion de sa douleur demeure non contredite.

[19] La représentante de la demanderesse soutient ensuite que le tribunal de révision a commis une erreur en déclarant, au paragraphe 19, que la demanderesse avait subi une IRM de routine de son poignet gauche, étant donné que les résultats de l’IRM n’étaient pas de routine. Le Tribunal a examiné le rapport en question et il appert que l’expression « de routine » est une description de la technique utilisée par University Health Networks plutôt qu’une description des résultats de la procédure. En fait, tous les aspects examinés à l’IRM se révèlent normaux, sauf pour une [traduction] « déchirure du complexe du fibrocartilage triangulaire du carpe (TFCC) non communicante de faible niveau se prolongeant au niveau périphérique radial ». Par conséquent, le Tribunal est d’avis que l’allégation selon laquelle le tribunal de révision n’aurait pas bien saisi l’importance de l’IRM n’est pas avérée.

[20] La représentante de la demanderesse soutient également qu’au paragraphe 22, le tribunal de révision n’a pas tenu compte du rapport diagnostique d’IRM du Hamilton Health Services Network. Au paragraphe 22, le tribunal de révision aborde les consultations de la demanderesse avec le Dr Walter Kean. Ces consultations concernaient la douleur que la demanderesse avait au bras et poignet gauches ainsi que sa douleur au dos, pour laquelle le Dr Kean lui a prescrit de l’indométacine. Bien que d’autres rapports soient mentionnés, ce rapport d’IRM précis ne l’est pas. L’arrêt OliveiraNote de bas de page 4 appuie le principe selon lequel un tribunal n’est pas tenu de faire expressément référence à toute la preuve testimoniale et documentaire dont il est saisi; toutefois, en l’espèce, le tribunal de révision a dit avoir fait état de toute la preuve documentaire alors même qu’il omettait le rapport d’IRM. De prime abord, il s’agit d’une erreur.

[21] Le Tribunal a évalué l’importance de cette omission sur la décision rendue par le tribunal de révision. De l’avis du Tribunal, l’importance de cette omission est minime puisque la pathologie que le rapport d’IRM révélait était déjà mentionnée dans le rapport médical qui accompagnait la demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada de la demanderesse. En outre, la décision du tribunal de révision repose, non pas sur l’examen des pathologies de la demanderesse mais plutôt sur leur gravité tel que le démontrent les régimes de traitement prescrits ou suivis. Pour ces motifs, le Tribunal n’est pas convaincu que l’erreur du tribunal de révision est suffisamment importante pour entacher l’intégralité de la décision.

[22] Deux erreurs auraient été commises au paragraphe 24. La première est que le tribunal de révision a mal cité la note de séance de Fran Buchanan, dans laquelle elle décrit la demanderesse comme étant d’apparence soignée, de bonne humeur et cohérente. En fait, la demanderesse y est décrite comme étant « en pleurs, en colère, d’apparence soignée et cohérente ». De toute évidence, il s’agit d’une erreur. La seconde est que le tribunal de révision n’a pas bien saisi les efforts que doit déployer la demanderesse pour avoir une « apparence soignée ». Elle ne peut le faire sans aide. La représentante fait valoir que le document renfermant cette description n’était qu’une note de séance. Il ne s’agissait ni d’une appréciation globale de l’état de la demanderesse ni d’une évaluation complète selon le DSM-IV, ce qui laisse entendre que le tribunal de révision n’aurait pas dû accorder beaucoup de poids à cette note.

[23] En toute déférence, le tribunal de révision ne pouvait composer qu’avec la preuve et les documents présentés par la demanderesse. En deuxième lieu, en décrivant l’apparence physique de la demanderesse, le tribunal de révision ne faisait que relater ou résumer la preuve médicale. Il est difficile de voir quelle erreur en résulte; il reste néanmoins à se pencher sur l’erreur de description du tribunal de révision. Le Tribunal a appliqué, ici aussi, le critère qui consiste à se demander si le résultat aurait été différent si l’erreur n’avait pas été commise. Le Tribunal n’est pas convaincu que l’issue aurait été différente. Le fondement de la décision du tribunal de révision se trouve au paragraphe 31 de la décision, dans lequel le tribunal de révision a notamment « déterminé que l’appelante n’a pas atteint un rétablissement médical maximal (…) les rapports médicaux au dossier ne révèlent pas une pathologie grave au plan physique ou mental. À la lumière du motif de décision du tribunal de révision, le Tribunal est d’avis que le fait d’avoir décrit la demanderesse comme étant en colère et en pleurs n’aurait pas eu d’incidence significative sur la décision du tribunal de révision pas plus qu’il n’aurait changé la décision comme telle.

[24] La représentante de la demanderesse soulève également le fait que, contrairement aux déclarations énoncées au paragraphe 27(d), ni elle-même ni la demanderesse n’ont déclaré que la demanderesse acceptait son état et ne pouvait entreprendre d’autres traitements. S’il s’avère que ces déclarations n’ont jamais été faites, la question qui se pose est donc de déterminer si l’erreur est suffisamment importante pour entacher la décision tout entière. Même si le Tribunal acceptait que de telles affirmations n’ont pas été faites, ce que le Tribunal n’accepte pas, à la lumière du raisonnement sur lequel se fonde la décision, il est difficile de voir en quoi cela aurait des répercussions négatives sur la décision au point de fournir un motif d’appel. Le fait que la demanderesse souffre de certaines pathologies est, en effet, la raison de sa demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada. En outre, le tribunal de révision a toujours été conscient des difficultés financières de la demanderesse et de leur incidence sur sa réadaptation et ses traitements. Néanmoins, le tribunal de révision a fondé sa décision sur le fait que les rapports médicaux n’indiquent nullement que les pathologies de la demanderesse sont graves.

[25] La représentante de la demanderesse prétend aussi que le tribunal de révision n’a pas correctement appliqué les facteurs de l’affaire Villani. Dans ses observations, elle fait valoir que la demanderesse souffre de plusieurs invalidités qui font qu’elle ne peut détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. La représentante de la demanderesse énumère ses états invalidants ainsi : [traduction] « pleure fréquemment, baisse du niveau d’énergie et de la motivation, dépression, facilement contrariée, irritable, réveillée par la douleur, état d’épuisement et retrait social », qui conjointement la rendent non employable dans un marché concurrentiel. De l’avis du Tribunal, il s’agit d’une question de poids accordé aux éléments de preuve par le tribunal de révision. Il est bien établi que c’est au tribunal qui instruit l’affaire de déterminer le poids qu’il accorde à la preuve. Dans cette affaire, le tribunal de révision, en tant que juge des faits, semble avoir accordé plus de poids au fait qu’à la date où l’audience a été tenue, la demanderesse ne prenait aucun antidouleur et n’était pas traitée pour ses pathologies physiques ou mentales.

[26] Enfin, la représentante de la demanderesse conteste la conclusion du tribunal de révision énoncée au paragraphe 30, selon laquelle la demanderesse [traduction] « n’a pas atteint un rétablissement médical maximal ». Elle fait valoir que cette déclaration de même que la déclaration voulant que [traduction] « d’autres traitements psychiatriques, de pair avec une médication appropriée, pourraient probablement entraîner une amélioration importante de son état de santé » sont hypothétiques. La représentante fait valoir qu’il s’agit là d’un nouveau critère juridique non envisagé par la Loi. Elle soutient, en même temps, que la conclusion de fait du tribunal de révision selon laquelle la demanderesse n’a pas atteint un rétablissement médical maximal appuie la conclusion que l’invalidité est prolongée. Le Tribunal est d’avis que la dernière observation soulève une cause défendable en appel.

[27] En conséquence, le Tribunal accorde la permission d’en appeler, mais compte tenu des conclusions susmentionnées, limite l’appel aux aspects suivants :

  1. a) le rapport diagnostique d’IRM du Hamilton Health Services Network;
  2. b) la description erronée de la demanderesse comme étant [traduction] « d’apparence soignée, de bonne humeur et cohérente »;
  3. c) l’application des facteurs Villani;

d) l’incidence de la conclusion tirée par le tribunal de révision selon laquelle la demanderesse n’a pas atteint un rétablissement médical maximal.

Conclusion

[28] La demande de permission d’en appeler est accueillie en partie.

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