Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] Le membre de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal) accorde la permission d’en appeler.

Contexte

[2] Le demandeur demande la permission d’interjeter appel de la décision du tribunal de révision qui a été rendue le 3 juillet 2013. Le tribunal de révision a déterminé que l’intimée avait droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada et que le versement des prestations devait commencer en juin 2009. Le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler (la demande) au Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal) le 4 octobre 2013, soit à l’intérieur du délai prévu par la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la Loi).

Question en litige

[3] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable

[4] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi, « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[5] Le paragraphe 58(2) de la Loi prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

Observations du demandeur

[6] Le demandeur affirme que le tribunal de révision a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Plus particulièrement, le tribunal de révision a tiré sa conclusion [traduction] « malgré la preuve que l’intimée était capable de travailler et qu’elle ne s’est pas conformée aux traitements suggérés. »

[7] Le demandeur a ajouté que, dans l’éventualité où la permission d’en appeler serait accordée, l’intimée ne devrait pas se voir accorder une pension d’invalidité puisqu’elle ne satisfait pas au critère d’invalidité grave et prolongée aux termes du Régime de pensions du Canada.

Observations de l’intimée

[8] L’intimée n’a pas présenté d’observations écrites.

Analyse

[9] Bien qu’une demande d’autorisation d’interjeter appel soit un premier obstacle que le demandeur doit franchir - et un obstacle inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond - il reste que la demande doit soulever un moyen défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) [1999] A.C.F.no 1252 (CF).

[10] Dans Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique.

[11] Au paragraphe 58(1) de la Loi, il est indiqué que les seuls motifs d’appels sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[12] Aux fins de la présente demande, la décision du tribunal de révision est considérée comme une décision de la division générale. Avant d’accorder la permission, je dois être convaincue que les motifs d’appel du demandeur s’inscrivent dans les moyens d’appel prévus et qu’un appel en vertu de l’un ou l’autre de ces motifs a une chance raisonnable de succès.

[13] Le demandeur affirme que le tribunal de révision a tiré différentes conclusions de fait erronées. Aux fins de la présente demande de permission, je n’exige pas qu’il y ait une véritable erreur démontrée de la part du tribunal de révision, mais pour évaluer le moyen d’appel soulevé par le demandeur, je dois vérifier si le tribunal de révision a tiré ou non une conclusion comme le prétend le demandeur et, le cas échéant, si cette conclusion est bien celle que le demandeur affirme (que le tribunal de révision) a tirée.

A) capacité de travail

[14] Le demandeur affirme que le tribunal de révision a fondé sa décision, en partie, sur la constatation que les médecins de l’intimée [traduction] « étaient d’avis, de manière unanime, qu’elle était incapable d’un quelconque travail. » Le demandeur soutient qu’à part le médecin de famille de l’intimée, aucun autre médecin n’a fourni d’opinion sur sa capacité de travailler. Ils ont simplement recommandé différentes solutions de traitement. Le demandeur mentionne particulièrement les rapports des spécialistes, les Drs Mahar, Yeboah et Harth.

[15] À première vue, il appert que le demandeur nous demande d’évaluer et de soupeser de nouveau la preuve médicale. Bien que le demandeur ait examiné les rapports des spécialistes et qu’il estime qu’ils devraient avoir préséance sur le rapport du médecin de famille, sa demande va bien au-delà d’une simple demande de réévaluation de la preuve. C’est-à-dire que le tribunal de révision a peut-être fondé sa décision sur la conclusion que les avis médicaux étaient « unanimes » alors qu’ils ne l’étaient peut-être pas. Si les avis médicaux ont été qualifiés d’« unanimes » de façon erronée, il est possible que le tribunal de révision ait conclu que l’appelante souffrait d’une invalidité grave alors qu’il ne l’aurait pas fait autrement.

[16] Je souligne également le fait que le tribunal de révision a écrit que le témoignage de l’intimée était [traduction] « entièrement appuyé par la preuve médicale. » Les avis médicaux qualifiés d’« unanimes », même s’ils ne l’étaient peut-être pas, ont pu avoir une incidence sur la façon dont le tribunal de révision a réagi au témoignage de l’intimée.

[17] Compte tenu de ces éléments, le demandeur m’a convaincue que ce motif laisse entrevoir une cause défendable. Je ne prétends pas déterminer si les avis médicaux étaient unanimes ou non à cette étape de la demande de permission, ni si le tribunal de révision a accordé plus de poids à l’avis du médecin de famille qu’à ceux des spécialistes puisque cela nécessiterait un examen plus rigoureux et, jusqu’à un certain point, une analyse des avis médicaux. Ce serait aller au-delà de la portée d’une demande de permission. L’intimée a bien sûr le droit de répondre à ces observations et de réfuter les allégations du demandeur selon lesquelles, dans leurs avis médicaux, les spécialistes ne se sont pas prononcés sur son incapacité ni sur son invalidité.

B) conformité au traitement

[18] Le tribunal de révision a conclu que l’intimée avait pleinement respecté les solutions de traitement qui étaient disponibles, mais qu’aucun traitement n’avait réussi à la soulager. Le tribunal de révision en a conclu que l’intimée souffrait d’une invalidité prolongée.

[19] Le demandeur déclare que la conclusion du tribunal de révision selon laquelle l’intimée avait [traduction] « suivi tous les traitements recommandés qui étaient disponibles » (je souligne), n’est pas étayée par la preuve dont le tribunal a été saisi puisque certains traitements n’ont pas été suivis par l’intimée, pour différentes raisons. Le demandeur a souligné qu’un des médecins avait proposé qu’elle participe à un programme de traitement de la fibromyalgie.

[20] Le demandeur mentionne aussi l’explication fournie par l’intimée concernant le fait qu’elle n’avait toujours pas participé à un programme de traitement de la fibromyalgie. Le tribunal de révision ne s’est pas prononcé sur le fait que cette situation soit raisonnable ou non dans les circonstances.

[21] Le demandeur se fonde sur un certain nombre de décisions, notamment Lalonde c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2002 CAF 211, Butler c. Canada (Ministre du Développement social), 2007 LNCCAP 60 et Kambo c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2005 CAF 353. Le demandeur soutient que pour qu’une personne soit réputée souffrir d’une invalidité grave et prolongée, elle doit suivre les recommandations de son médecin en matière de traitement. Un demandeur qui refuse, de manière déraisonnable, de se conformer aux recommandations de son médecin n’est pas admissible à une pension d’invalidité. Un demandeur peut être dispensé de l’obligation de se conformer aux recommandations de traitement pourvu que la non-conformité soit jugée raisonnable.

[22] Le demandeur m’a convaincu que ce motif laisse entrevoir une cause défendable. Je ne me prononce pas sur les recommandations de traitement qui ont été faites, ni sur le fait que l’intimée s’y soit conformée ou non, non plus sur le caractère raisonnable de sa non-conformité. Toutefois, si le tribunal de révision a tiré une conclusion de fait erronée fondée sur le fait que l’intimée a suivi toutes les recommandations, il est possible que le tribunal de révision ait conclu que l’appelante souffrait d’une invalidité prolongée alors qu’il ne l’aurait pas fait autrement.

Conclusion

[23] La demande est accueillie.

[24] La présente décision sur la demande de permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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