Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Comparutions

  • M. S.: Appelante
  • G. H.: Témoin
  • Dre E. Borins: Témoin

Décision

[1] Le Tribunal conclut qu’une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) est payable à l’appelante.

Introduction

[2] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité du RPC de l’appelante le 8 novembre 2010. L’intimé a rejeté la demande initiale et la demande de révision, puis l’appelant a interjeté appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR).

[3] Le présent appel a été instruit dans le cadre d’une téléconférence pour les raisons indiquées dans l’avis d’audience daté du 3 octobre 2014.

Droit applicable

[4] L’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012 prévoit qu’un appel qui a été présenté devant le BCTR avant le 1er avril 2013 et qui n’a pas été instruit par le BCTR est réputé avoir été présenté devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada (la Loi) énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à cette pension, le demandeur :

  1. a) doit avoir moins de 65 ans;
  2. b) ne doit pas toucher de pension de retraite du RPC;
  3. c) doit être invalide;
  4. d) doit avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité.

[6] Le calcul de la période minimale d’admissibilité (PMA) est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa période minimale d’admissibilité ou avant cette date.

[7] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) de la Loi, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité n’est prolongée que si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[8] Le litige ne concerne pas la PMA, car les parties conviennent que cette période prend fin le 31 décembre 2013, ce qu’a également conclu le Tribunal.

[9] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer s’il est plus probable qu’improbable que l’appelante ait été atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa période minimale d’admissibilité ou avant cette date.

Preuve

[10] L’appelante avait 51 ans lorsqu’a pris fin sa PMA. Elle a un diplôme obtenu après quatre années d’études en sociologie et en psychologie. Son historique professionnel a commencé dans le commerce au détail alors qu’elle travaillait chez La Baie pendant ses études au secondaire. Elle a ensuite travaillé aux services sociaux avec des enfants et des adultes ayant des besoins spéciaux au sein de foyers collectifs. Son emploi le plus récent était comme analyste de recherche affectée à du travail informatique dans un bureau de la ville de Toronto d’avril 1991 à octobre 2003. Elle a quitté cet emploi en raison de multiples sensibilités chimiques et d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT). À l’audience, elle a déclaré qu’avant de quitter son emploi, elle avait demandé à travailler à la maison, ce qui lui avait été refusé.

[11] Dans le questionnaire du RPC, elle a expliqué que les expositions communes quotidiennes causaient une fatigue débilitante, des maux de tête, de la confusion, une incapacité à se concentrer, à lire ou à réfléchir ainsi que des troubles d’élocution et de vision. Elle a eu plusieurs réactions physiques, notamment la gorge irritée, de la difficulté à respirer, des douleurs à la poitrine, etc. Elle prenait du Palafer et de l’Effexor et suivait une thérapie avec la Dre Borins pour son TSPT.

[12] Elle a graduellement cessé de nombreuses activités – aller au gym, nager, s’installer dans la voiture d’une autre personne, aller au restaurant ou au cinéma pendant une période achalandée et rendre visite à des gens. Elle ne peut entrer dans une boutique de bicyclette parce qu’elle est allergique au caoutchouc, elle ne peut toucher du papier journal. Utiliser les transports publics est problématique en raison des parfums et elle doit donc conduire son propre véhicule.

[13] Elle souffre de flashbacks et de cauchemars, revoyant sans cesse des épisodes très difficiles au travail et pendant le processus d’arbitrage des cinq dernières années. Ceux-ci sont souvent déclenchés par ses nombreuses communications avec sa compagnie d’assurance. Dans sa lettre d’appel datée du 28 janvier 2012, l’appelante explique ses cinq années de tractation avec la Commission ontarienne des droits de la personne, la CSPAAT, la Commission des relations de travail de l’Ontario et son expérience avec Loi sur la santé et la sécurité au travail. Tous ces événements étaient liés à l’accord d’arbitrage avec son employeur. Elle a déclaré à l’audience que l’arbitre était d’avis qu’elle ne serait en sécurité dans aucun lieu de travail. L’accord exigeait qu’elle quitte son emploi parce que l’employeur n’était pas en mesure de satisfaire à ses besoins.

Vie actuelle

[14] L’appelante a déménagé à X (Ontario) en mai 2011. Elle a dû cherche longtemps pour trouver un endroit qui pouvait répondre à ses besoins. Son voisin le plus proche se situe à environ 1 km. Elle n’est pas exposée aux produits chimiques qui émanent des évents des teinturiers et qui étaient à l’origine de certains de ses problèmes en ville. Personne ne se promène aux alentours et les voitures sont peu nombreuses. Il n’y a pas d’électricité, ni d’odeur d’origine agricole, ni d’éolienne. Elle utilise des produits nettoyants non toxiques, un aspirateur Dyson animal pour son filtre, un nettoyeur à vapeur et du vinaigre pour nettoyer. Si elle s’achète quelque chose de nouveau, notamment une pièce de vêtement, il doit rester à l’extérieur le temps de s’aérer et d’éliminer les gaz nocifs. Elle dispose d’une remise à cette fin. Elle cuisine surtout avec un barbecue, selon la saison. Si elle ne peut utiliser son barbecue, elle cuisine chez son voisin (G. H.) qui a l’électricité. Lui aussi utilise uniquement des produits non toxiques dans sa maison.

[15] Le témoin, G. H., a déclaré qu’il fait la plupart de ses achats pour elle parce qu’elle devient très désorientée dans une épicerie. Il l’accompagne lorsqu’elle doit faire des courses elle même afin de s’assurer que tout se passe bien. Il s’occupe de nombreux travaux d’entretien pour elle, comme tondre la pelouse. Il communique avec les entrepreneurs pour les travaux de rénovation, au besoin. Tous les produits utilisés pour la rénovation, comme la peinture et les revêtements de sol sont non toxiques. L’appelante est en sécurité dans sa maison.

[16] Elle participe rarement aux réunions de famille. Lorsqu’elle rend visite à son fils, à son frère ou à sa mère, ils doivent l’accueillir dehors. Elle ne peut participer à des événements communautaires à moins qu’ils ne se déroulent à l’extérieur. Elle a récemment tenté de joindre un groupe Weight Watchers, mais elle ne peut participer aux réunions. En raison du caractère invisible des produits chimiques auxquels elle est sensible, ses réactions sont imprévisibles.

Preuve médicale

[17] L’appelante a été vue le 16 avril 2002 au Sunnybrook and Women's College Health Sciences Centre, où on lui a diagnostiqué des sensibilités chimiques multiples. Elle a également reçu des diagnostics de rhinite allergique et d’allergies par inhalation multiples. Le rapport dresse l’historique de tous les problèmes vécus par l’appelante dans son milieu de travail. Une demande d’accommodement a été faite et elle a eu accès à son propre bureau loin des autres employés. Elle subissait alors occasionnellement une attaque de symptômes. En mars 2001, elle a été déplacée dans un autre bureau qu’elle devait partager avec 30 collègues. Elle a subi une exacerbation sévère de ses symptômes qui a été attribuée au dégagement gazeux du nouveau mobilier et de la moquette. Une enquête a pu déterminer que le système de ventilation ne fonctionnait pas adéquatement. À l’audience, elle a indiqué que plusieurs employés qui n’avaient pas besoin d’un ordinateur ont changé de secteur de travail. Ses symptômes persistaient de manière assez sévère pour qu’elle demande à partir plus tôt ou qu’elle prenne des congés. Ses demandes d’accommodement n’ont pas été satisfaites. Le rapport dressait une liste de recommandations générales dont trois visaient directement l’appelante.

[18] Un rapport de suivi, daté du 22 mai 2002 et modifié le 18 juin 2002, indiquait que les demandes de modifications de l’appelante avaient été rejetées et qu’elle recevait des commentaires négatifs de la part de ses collègues de travail et de ses employeurs. Elle a donné plus de détails à l’audience, expliquant le harcèlement en milieu de travail dont elle était victime, surtout de la part de son superviseur immédiat. Le rapport répétait l’importance d’un milieu de travail sans parfum et formulait plusieurs recommandations.

[19] Un rapport daté du 5 mars 2007, de la Dre Skotnicki-Grant qui a procédé à des tests épicutanés sur l’appelante, indique que l’appelante a développé une intolérance aux parfums dans l’air, mais qu’il ne s’agissait pas d’une allergie qui pouvait être révélée avec ce type de tests.

[20] Une lettre de la Dre Borins, psychiatre, datée du 8 avril 2008, a été rédigée en réponse à la demande de prestations d’invalidité du RPC précédente de l’appelante, qui avait été rejetée. Cette lettre fait état de [traduction] « difficultés psychologiques et psychiatriques graves, subséquentes à ses multiples sensibilités chimiques et à la perte de son emploi » et d’« une médiation sur une longue période qui a eu un effet d’extrême destruction sur l’appelante en ce qui a trait à son fonctionnement ». Ces audiences ont causé de l’anxiété et :

[Traduction]
des souvenirs envahissants d’entrevues précédentes hostiles et invalidantes ainsi que des effets de sevrage très importants à la suite des dates de médiation […] La question du travail à la maison est devenue de plus en plus théorique en raison de ses difficultés qui persistent. La capacité actuelle de l’appelante d’accomplir un travail productif et significatif s’est affaiblie jusqu’au niveau où il serait déraisonnable d’envisager un emploi, même à temps partiel. 

[21] Le rapport médical du RPC (2010) a été produit par la Dre Borins qui connaissait et traitait l’appelante pour ses affections principales depuis juillet 2004. Les diagnostics comprenaient une polysensibilité aux substances chimiques, un trouble de stress post-traumatique (grave, consécutif au harcèlement en milieu de travail), un trouble du sommeil marqué, une maladie dégénérative aux deux genoux, une anémie ferriprive modérément grave compliquée par une ménorragie sévère. L’anémie a été traitée par transfusion.

[Traduction]
La patiente souffre depuis longtemps de fatigue, de maux de tête, de problèmes de lecture, d’anxiété et de dépression, d’une faible capacité de concentration et d’une mémoire immédiate limitée. Elle souffre de sensibilité aux substances chimiques grave qui peut causer des réactions semblables à un choc anaphylactique à l’exposition de faibles doses de produits chimiques.

[22] Le pronostic de la Dre Borins concernant l’affection principale de sensibilité chimique multiple était très réservé. Ses difficultés semblaient s’aggraver. Concernant les difficultés arthritiques et hématologiques de l’appelante, son pronostic était plus optimiste même si certains éléments de l’anémie persistaient.

[23] Son autre affection est l’apnée du sommeil pour laquelle elle se sert d’un appareil CPAP depuis 1999. Elle a expliqué à l’audience, qu’elle portait un masque facial complet avec l’appareil parce que ses voies nasales enflaient. L’appareil a été ajusté au niveau maximum en 2011. Elle a déclaré qu’elle ne pouvait fonctionner sans cet appareil.

[24] La Dre Borins a expliqué lors de l’audience que l’appelante souffrait de sensibilité grave à de multiples substances chimiques et que cette sensibilité s’aggravait avec le temps. Elle a été témoin d’une de ces réactions dans son propre bureau alors que l’appelante a réagi à des produits nettoyants qui avaient été utilisés à peu près une semaine avant. Les symptômes suivants se manifestent, des maux de tête, de l’urticaire, de l’oppression au niveau thoracique et de la confusion mentale. Ce trouble de sensibilité aux substances chimiques a provoqué chez l’appelante un trouble de stress post-traumatique. L’appelante était auparavant une employée de la ville de Toronto hautement performante et était très indépendante. Ses sensibilités aux substances chimiques l’ont forcée à vivre une vie contraignante dans un secteur passablement isolé. Il lui est impossible de participer à sa communauté et elle dépend des autres dans plusieurs aspects de sa vie. La Dre Borins a expliqué que l’appelante aimerait bien travailler, mais qu’elle est incapable de se concentrer et d’avoir une attention soutenue. L’appelante a obtenu quelques résultats avec l’Effexor, mais elle se sentait complètement coupée du monde et a décidé de cesser la prise de ce médicament. Elle prend de l’Ativan contre l’anxiété, au besoin. L’appelante a des rendez-vous téléphoniques avec la Dre Borins toutes les deux semaines et à son bureau environ une fois aux trois mois.

[25] De nombreux rapports (2007 – 2010) du Dr Wang, hématologue, montrent que l’appelante souffre de problèmes menstruels, d’anémie et de carence en fer depuis longtemps.

[26] Une lettre de la Financière Manuvie, datée du 24 mai 2006, a confirmé qu’à ce moment, l’appelante était incapable d’exercer les fonctions d’un emploi quel qu’il soit.

[27] Il a été déterminé que l’appelante était admissible au Crédit d’impôt pour personnes handicapées de l’ARC de 2003 à 2017.

[28] Une lettre de la Dre Borins (avril 2013) indiquait que :

[Traduction]
Le trouble de stress post-traumatique est caractérisé par des souvenirs envahissants du harcèlement qu’elle subissait à son lieu de travail et du long processus d’arbitrage qui a suivi sa tentative de contrer les injustices dont elle a été victime. L’absence de reconnaissance concernant ses sensibilités aux substances chimiques qui, par la suite, ont été reconnues par différents intervenants du système de soins de santé, a largement contribué à ses problèmes. Elle a toujours de la difficulté à fonctionner et lorsqu’elle rend visite à sa famille elle est forcée de rester à l’extérieur en raison des odeurs, plus particulièrement dans la nouvelle maison de son fils, qui sont envahissantes et qui la rendent très malade. J’ai été témoin dans mon bureau de ses réactions aux produits nettoyants et ses problèmes s’accentuent rapidement et affectent sa respiration. 

[29] Une lettre de la Dre Borins (janvier 2014) indiquait que les premières difficultés de l’appelante ont commencé avec une sensibilité aux substances chimiques en milieu de travail pour laquelle elle n’a pas réussi à avoir d’accommodements. La Dre Borins a expliqué qu’au début des années 2000, c’était une situation qui posait un problème important pour les grandes institutions, mais que celles-ci comprennent mieux aujourd’hui. Le processus d’arbitrage lancé par l’employeur entre 2003 et 2008 a eu un effet très démoralisant et traumatisant sur l’appelante. La Dre Borins a déclaré qu’elle avait travaillé ces dernières années avec le TSPT et que pour l’instant il n’y avait pas de solution. Elle a expliqué que les survivants du TSPT ont de graves difficultés avec la concentration et la mémoire immédiate. [Traduction] « La mémoire traumatique est toutefois très active et représente un tout autre type de mémoire qui est constamment stimulée. » La Dre Borins est d’avis que si l’appelante avait bénéficié d’accommodements à son lieu de travail dès le départ, elle n’aurait pas eu à vivre tout le processus d’arbitrage qui a provoqué le TSPT. L’appelante est maintenant confinée à une vie isolée douloureuse pour elle. Elle a dû être transportée à l’urgence à quelques reprises où on lui a administré de l’adrénaline en raison de la gravité de ses symptômes.

Gains ultérieurs à la PMA

[30] En réponse aux observations de l’intimé de novembre 2013, l’appelante a présenté une preuve écrite montrant que les gains figurant sur le registre des gains de 2008 étaient des indemnités de vacance cumulées et que les gains et cotisations de 2012 et 2013 étaient des prestations d’invalidité de longue durée versées par sa compagnie d’assurance. Une lettre de son ancien employeur datée du 15 février 2013, indiquait qu’à partir d’avril 2012, la Financière Manuvie a commencé à retenir des cotisations au RPC et à l’AE des prestations mensuelles d’invalidité prolongée. Elle a aussi indiqué que, contrairement à ce que prétendent les observations de l’intimé, on lui avait prescrit des Epipens bien avant qu’elle ait dû quitter son travail, et qu’elle a dû se rendre aux services d’urgence en raison de réactions à son exposition aux substances chimiques.

Observations

[31] L’appelante affirme être admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. a) Elle préférerait travailler et contribuer, mais toutes ses énergies servent à l’aider à vivre une journée à la fois;
  2. b) l’arbitre affecté à son grief entre son employeur et elle ne pensait pas qu’il existait un endroit sécuritaire où elle pouvait travailler;
  3. c) les substances chimiques auxquelles elle est sensible sont invisibles et elle ne peut donc pas prévoir à quel moment une grave réaction sera déclenchée;
  4. d) son esprit fonctionne très lentement et tout lui prend beaucoup de temps à accomplir. Elle serait incapable d’avoir le rendement exigé par un employeur.

[32] L’intimé considère que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. a) Rien ne prouve que l’appelante nécessitait un traitement agressif pour ses réactions, comme la prescription d’Epipens ou l’hospitalisation;
  2. b) le principal traitement de son TSPT n’est ni agressif, ni exhaustif;
  3. c) rien n’indique que l’appelante a tenté d’assumer des tâches adaptées à ses besoins.

Analyse

[34] L’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2013 ou avant cette date.

Invalidité grave

[34] Un appelant doit fournir la preuve médicale de son invalidité L’appelante a été vue le 16 avril 2002 au Sunnybrook and Women's College Health Sciences Centre, où on lui a diagnostiqué des sensibilités chimiques multiples. La psychiatre de l’appelante, la Dre Borins a déclaré, dans ses rapports écrits et lors de son témoignage oral à l’audience, qu’elle traitait l’appelante depuis 2004 pour un TSPT lié à ses difficultés causées par ses sensibilités chimiques multiples, le harcèlement à son travail et le processus d’arbitrage long et pénible. Elle continue d’offrir des consultations à l’appelante par téléphone aux deux semaines. Le Tribunal conclut que l’appelante a fourni des preuves médicales satisfaisantes concernant ses deux principales invalidités.

[35] L’appelante a expliqué très clairement les efforts qu’elle a déployés pour être en mesure de vivre jour après jour. Elle a déménagé dans un endroit isolé, le plus loin possible des substances chimiques qui l’affectent. Elle a très peu de contacts avec les autres et dépend de son ami pour faire la plupart de ses courses. La décision MDRH c. Bennett (10 juillet 1997) CP 4757 (CAP) offre quelques indications pour cette affaire. L’appelant n’a pas à trouver un employeur philanthrope, compréhensif et souple qui est prêt à s’adapter à son invalidité. L’expression « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice  », contenue dans la loi, est basée sur la capacité de l’appelant de se rendre sur les lieux de travail chaque fois et aussi souvent qu’il doit le faire; cette possibilité est la condition essentielle de la régularité. Il est clair pour le Tribunal que l’appelante est incapable d’exercer un emploi véritablement rémunérateur pour lequel on ne peut lui garantir un environnement dans lequel elle serait complètement isolée des substances chimiques invisibles qui l’agressent.

[36] Il faut tenir compte de tous les handicaps possibles de l’appelante qui peuvent nuire à son employabilité et pas seulement des plus gros handicaps ou du handicap principal. L’approche qu’il convient d’adopter pour évaluer l’état de l’appelante dans son ensemble est compatible avec le paragraphe 68(1) du Règlement concernant l’application du Régime des pensions du Canada, lequel oblige l’appelant à fournir des renseignements très particuliers sur « toute détérioration physique ou mentale », pas seulement ce que le demandeur estime être la détérioration dominante : Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47.

[37] L’appelante souffre de deux handicaps majeurs – sensibilités chimiques multiples et trouble de stress post-traumatique. Le premier l’empêche de travailler dans un endroit qui n’est pas complètement isolé des produits chimiques en suspension dans l’air. Le second rend impossible un travail qui requiert de la concentration et/ou de respecter des délais. Le Tribunal conclut que ces deux affections combinées empêchent l’appelante de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[38] Lorsqu’il y a des preuves de capacité de travail, une personne doit démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé (Inclima c. Canada (P.G.), 2003 CAF 117).

[39] Le Tribunal est d’avis que l’appelante n’a pas la capacité de travailler et qu’il n’est donc pas nécessaire qu’elle démontre ses efforts pour obtenir un autre emploi. Son état de santé, résumé ci-haut, rend impossible le travail à l’extérieur de la maison. Comme l’indique son témoignage et la preuve de la Dre Borins, sa capacité de se concentrer est entravée et elle ne peut exécuter quoi que ce soit qu’à un rythme très lent.

[40] L’appelante a présenté à l’audience et versé à son dossier une prescription pour un Epipen. Cette prescription est datée du 2 avril 2013. L’appelante a déclaré qu’elle avait reçu des prescriptions d’Epipens avant de quitter son emploi. On trouve aussi un rapport du service d’urgence de l’hôpital de Huntsville, daté du 7 septembre 2012. Même si le rapport est illisible, le Tribunal accepte l’explication de l’appelante qui déclare qu’il est lié à sa sensibilité aux substances chimiques. L’appelante et la Dre Borins ont des rendez-vous téléphoniques aux deux semaines relativement à son TSPT. Le Tribunal n’accorde aucun poids aux arguments de l’intimé concernant les traitements contre les sensibilités aux substances chimiques et le TSPT. Bien que ces traitements ne semblent pas agressifs, ils sont constants.

[41] L’appelante a convaincu le Tribunal, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle souffrait d’une invalidité grave, telle que définie par la Loi, avant la fin de sa PMA.

Invalidité prolongée

[42] L’appelante a reçu un premier diagnostic de sensibilités chimiques multiples en 2002. Pendant cinq ans, elle a subi un processus d’arbitrage lié au refus de son employeur de reconnaître ce trouble et d’adapter son lieu de travail à ses besoins. Avant de quitter son emploi, l’appelante a été victime de harcèlement en milieu de travail sérieux et s’est absentée plusieurs fois de son travail en raison de son état de santé. Elle a dû déménager dans un endroit plutôt isolé afin d’éviter le plus possible les produits chimiques invisibles auxquels elle est sensible. Elle souffre encore de ces sensibilités et du TSPT causé par son état de santé et le long processus d’arbitrage très pénible lancé parce qu’elle tentait d’obtenir des accommodements à son lieu de travail.

[43] Le Tribunal estime qu’il est peu probable que l’état de santé de l’appelante s’améliorera dans un avenir rapproché, et reconnaît qu’elle souffre d’une invalidité de longue durée, continue et indéfinie.

Conclusion

[44] Le Tribunal conclut que l’appelante souffrait d’une invalidité grave et prolongée en octobre 2003 alors qu’elle était incapable de poursuivre son travail à la ville de Toronto. Aux fins du paiement, une personne ne peut être réputée invalide plus de quinze mois avant que l’intimé n’ait reçu la demande de pension d’invalidité – alinéa 42(2)b) de la Loi. Comme la demande a été reçue en novembre 2010, l’appelante est réputée être devenue invalide en août 2009. Aux termes de l’article 69 de la Loi, la pension d’invalidité est payable à compter du quatrième mois qui suit la date du début de l’invalidité. Les paiements doivent donc commencer en décembre 2009.

[45] L’appel est accueilli.

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