Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Comparutions

  1. S. O. : appelant
  2. Jose Carlos Macedo : représentant de l’appelant
  3. A. O. : épouse de l’appelant

Décision

[1] Le Tribunal conclut qu’une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) est payable à l’appelant.

Introduction

[2] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité du RPC de l’appelant le 14 mars 2011. L’intimé a rejeté la demande initiale et la demande de révision, puis l’appelant a interjeté appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR).

[3] Le présent appel a été instruit par vidéoconférence pour les raisons énoncées dans l’avis d’audience daté du 25 août 2014.

Droit applicable

[4] L’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012 prévoit qu’un appel qui a été présenté devant le BCTR avant le 1er avril 2013 et qui n’a pas été instruit par le BCTR est réputé avoir été présenté devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada (la Loi) énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à cette pension, le demandeur :

  1. a) doit avoir moins de 65 ans;
  2. b) ne doit pas toucher de pension de retraite du RPC;
  3. c) doit être invalide;
  4. d) doit avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité.

[6] Le calcul de la période minimale d’admissibilité (PMA) est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

[7] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) de la Loi, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité n’est prolongée que si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[8] Le Tribunal constate que la PMA de l’appelant a pris fin le 31 décembre 2011.

[9] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer s’il est plus probable qu’improbable que l’appelant ait été atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

Contexte

[10] L’appelant avait 54 ans le 31 décembre 2011, date de la fin de sa PMA; il a maintenant 57 ans. Il est né au Honduras et a immigré à Toronto en 1987. Il avait terminé sa 12e année au Honduras, ce qui équivaut à une 10e année au Canada. À Toronto, il a travaillé comme préposé à l’entretien ménager, comme paysagiste et travailleur de la construction. En 1989, il s’est fracturé une cheville en travaillant et a présenté une demande à la CSPAAT. Il a arrêté de travailler pendant quatre ou cinq ans et a participé à des programmes de la CSPAAT pour apprendre l’anglais et acquérir des compétences en informatique et en comptabilité. Il a trouvé un emploi de deux à trois mois à l’aide d’un service de placement, mais son anglais n’était pas assez bon et il n’avait pas les compétences pour faire le travail. Il a finalement repris son travail de préposé à l’entretien ménager.

[11] En 1999, il a eu deux accidents de la route (il a été heurté deux fois en un mois); sa principale blessure était au dos et il a suivi des traitements de physiothérapie et d’autres traitements. Il n’a pas travaillé pendant plusieurs années et en 2005, il a lentement réintégré le marché du travail. En 2008, il a commencé à travailler à temps plein comme travailleur de la construction.

[12] En septembre 2009, une lumière ultraviolette a « brulé » ses yeux qui sont devenus « secs et irrités ». L’appelant a présenté une demande à la CSPAAT, mais étant donné qu’il ne s’était pas absenté du travail et qu’il n’avait pas souffert d’handicap permanent, la demande a été rejetée. Le 16 janvier 2010, alors qu’il retirait des clôtures de chantier temporaires, il est tombé par en arrière sur une plaque de glace noire sur le trottoir. Il a heurté le béton avec son cou et son dos. Il n’a pas perdu connaissance, mais a été étourdi pendant quelques heures. L’appelant a été transporté à l’urgence du Southlake Regional Health Centre. Il a repris le travail et a assumé des tâches adaptées, et sa dernière journée de travail a été le 27 mai 2010. Il n’a jamais retravaillé depuis. Le 25 octobre 2011, il a été impliqué dans un accident automobile.

Documents relatifs à la demande

[13] Dans son questionnaire sur les prestations d’invalidité du RPC estampillé par l’intimé le 14 mars 2011, l’appelant a indiqué qu’il avait un niveau d’études de dixième année du Honduras et qu’il a travaillé pour Carillion Construction de mai 2008 au 27 mai 2010. Il a cessé de travailler en raison du traumatisme lié à un accident de travail survenu le 16 janvier 2010. Il a aussi déclaré qu’il devait faire des travaux légers depuis le 16 janvier 2010, mais que la gravité de ses problèmes l’en empêchait aujourd’hui.

[14] Il a affirmé qu’il avait présenté des demandes à la CSPAAT, qui sont en appel présentement, pour des blessures aux yeux survenues en 2009 et des blessures à la tête, au cou et au dos en 2010. L’appelant n’a pas mentionné la date à laquelle il prétend être devenu invalide, mais il indique que ses principales maladies et invalidités sont les suivantes :  douleurs aiguës au cou et au dos, maux de tête sévères et étourdissements, douleurs du côté gauche de la cage thoracique en raison d’une fracture, sensation de brûlure dans les yeux, douleurs aux épaules, dépression et anxiété, manque de sommeil, fatigue. Il a ajouté que ses activités quotidiennes étaient très limitées.

[15] Pour décrire ses difficultés ou limitations fonctionnelles, il explique qu’il est incapable de rester assis ou debout pendant plus de cinq minutes, qu’il ne peut marcher pendant plus de dix minutes et qu’il ne peut rien soulever et a de la difficulté à se pencher ou s’étirer; en ce qui a trait à ses besoins personnels, il dépend de l’aide de sa partenaire pour boire en raison de ses douleurs au cou et à la gorge, il souffre de constipation en raison de ses médicaments et il est incapable de s’occuper de l’entretien de la maison; il a une vision trouble, il a une tendance à l’oubli et est incapable de se concentrer sur une tâche; il dort mal, il a du mal à respirer et a le souffle court; il ne conduit pas et il est capable d’utiliser le transport en commun lorsque sa femme ou son fils l’accompagne. 

[16] Un rapport daté du 22 février 2011, du Dr Fernandez, le médecin de famille de l’appelant, est joint à la demande de prestations du RPC. Le rapport fait état de maux de tête et d’étourdissements, de douleur au dos de nature mécanique, de douleurs myofasciales cervicales, d’anxiété et de trouble d’adaptation et de dépression majeure. Le pronostic indique que l’appelant souffre d’une invalidité grave, sévère et importante qui l’empêche de trouver un emploi réellement rémunérateur de quelque sorte que ce soit, que son état est chronique et permanent et qu’il est peu probable que sa santé s’améliore.

Preuve oral

Preuve présentée par l’appelant

[17] Dans sa preuve orale à l’audience, l’appelant a expliqué en détail ses antécédents en matière d’études et de travail, tant au Honduras qu’au Canada. Il a également expliqué ses nombreux accidents d’automobile et de travail. En décrivant l’accident de travail qui a eu lieu en janvier 2010, il a déclaré qu’il avait glissé sur une plaque de glace noire et était tombé sur la tête. Après l’accident, il se sentait étourdi, il a tenté un retour au travail pour quelques heures, mais a commencé à vomir et à se sentir encore plus étourdi. Il a été conduit à l’urgence de l’hôpital. Il a déclaré [traduction] «  tout mon corps était endolori. » On lui a donné des analgésiques et on l’a renvoyé chez lui. L’accident a eu lieu un samedi et il a repris le travail le lundi suivant.

[18] Son employeur l’a assigné à des tâches plus légères, c’est-à-dire à l’installation de moquette, mais il était incapable de faire cela pendant huit heures d’affilée et devait constamment aller se reposer dans sa voiture. Après deux semaines, on l’a envoyé sur un chantier de construction au nouvel immeuble CAMH, dans une petite cabine non chauffée, pour ouvrir et fermer la barrière qui permettait aux véhicules de construction d’entrer sur le site et d’en sortir. Il devait constamment aller s’allonger dans sa voiture parce qu’il était étourdi et nerveux, le bruit le dérangeait, il entendait un bourdonnement, il vomissait et son dos et son cou le faisaient beaucoup souffrir. En mars, il est tombé en se rendant à sa voiture et a une fois de plus été conduit à l’hôpital. Il a reçu son congé au bout de cinq heures et il est retourné au travail le lendemain au même poste. Il a demandé un autre poste, mais on lui a répondu que c’était tout ce qu’il y avait de disponible.

[19] Il a suivi des traitements de physiothérapie et des traitements chiropratiques au laser. Il continuait à souffrir énormément et à subir des étourdissements. Il a cessé de travailler le 27 mai 2010 après que le Dr Kirwin l’ait ausculté pendant deux heures et lui ait dit qu’il devait cesser de travailler en raison de sa douleur, de sa nervosité et de son stress. Il a poursuivi ses traitements au laser après avoir cessé de travailler, mais ceux-ci n’étaient pas efficaces. En mai 2010, le Dr Fernandez l’a envoyé consulter le Dr Kirwin, physiatre, le Dr Picard, neurologue et le Dr Hanick, psychiatre. Il a aussi consulté un autre psychiatre, le Dr Arbitman, en janvier 2011. Il a revu le Dr Hanick en octobre 2012. Les notes de bureau du Dr Hanick confirment que l’appelant a consulté le Dr Hanick tous les mois d’octobre 2012 à décembre 2013.

[20] Il n’a pas cherché de travail depuis mai 2010. Il a indiqué qu’il était incapable de reprendre le travail parce qu’il n’arrivait pas à dormir plus de trois ou quatre heures par nuit, qu’il souffre constamment, qu’il prend de nombreux médicaments, qu’il est confus et nerveux et qu’il vomit fréquemment. Il a déclaré [traduction] « J’ai beaucoup de souffrance dans ma vie ». Le seul traitement qu’il suit présentement est la prise de médicaments. La CSPAAT lui a envoyé une évaluation régionale du Dr Malcolm en décembre 2010, et celui-ci recommandait que l’appelant soit traité dans une clinique de la douleur. Toutefois, la CSPAAT a refusé de payer un programme ou des traitements contre la douleur. La CSPAAT n’a pas autorisé de programme de rétablissement des capacités fonctionnelles ni de programme de réintégration au marché du travail. Elle a rejeté sa responsabilité en se fondant sur les évaluations de mai 2011 (voir paragraphes 38 à 43 ci-après). L’appelant a reçu des injections à la clinique de la douleur du Dr Wilderman en 2013, mais en vain.

[21] L’appelant a conclu sa preuve en expliquant l’impact que l’accident survenu en janvier 2010 avait eu sur sa vie. Il a déclaré qu’il reste à la maison et ne sort jamais, il est incapable de faire des tâches ménagères, il conduit uniquement pour aller consulter son médecin ou pour aller voir son fils au centre-ville et parfois il va faire des courses cinq minutes au magasin au coin de la rue. Il ne peut regarder la télévision parce que ses yeux le dérangent et il ne peut lire parce que ça lui cause des maux de tête. Il a déclaré [traduction] « mon humeur s’enfonce de plus en plus, je n’ai aucune énergie et je suis toujours fatigué. »

Preuve présentée par Mme A. O.

[22] Elle a rencontré l’appelant dans une salle d’exercice en 2006. À cette époque il était musclé, il soulevait des poids et veillait à sa santé. L’accident de janvier 2010 a eu un effet majeur. En décrivant la période jusqu’en mai 2010 pendant laquelle l’appelant faisait des tâches adaptées, elle a déclaré [traduction] « C’était horrible…il n’arrivait pas à dormir…il avait mal…il ne voyait pas bien à cause de ses blessures aux yeux…il était malade…il était complètement épuisé quand il revenait du travail et il devait se coucher en arrivant…il était vidé et s’inquiétait de faire une crise cardiaque ...il avait l’impression de tout devoir faire selon les conseils de ses médecins…finalement un spécialiste l’a fait arrêter de travailler. »

[23] L’appelant a été victime d’un accident de la route en octobre et a subi d’autres blessures. Elle se souvient qu’il était allé en physiothérapie pour son genou et qu’il avait aussi été opéré au genou. L’accident de voiture d’octobre 2011 a exacerbé son état de santé.

[24] Après le mois de mai 2010, ils avaient espoir qu’avec la physiothérapie et du repos il irait mieux. Le fait de se présenter à tous ses rendez-vous avec les médecins l’occupait à temps plein. Il se reposait, mais rien ne fonctionnait. Elle se rappelle que l’appelant consultait un psychiatre en mai 2010 parce qu’il était très déprimé et se sentait toujours fatigué. Elle a déclaré qu’il n’y a eu aucune amélioration depuis que l’appelant a cessé de travailler et qu’en fait la situation se dégrade. Elle a l’impression qu’il est incapable de travailler en raison de la douleur et de la fatigue.

Preuve médicale

[25] Le Tribunal a examiné soigneusement toute la preuve médicale au dossier d’audience. Voici les extraits que le Tribunal trouve les plus pertinents.

Rapports avant l’arrêt de travail de l’appelant

[26] Un formulaire de détermination des capacités fonctionnelles (FDCF), daté du 5 février 2010 et rempli par Roya Salehoun de la clinique Physiotherapy Fix, indique que l’appelant est incapable de faire un travail répétitif et recommande des heures modifiées.

[27] Un FDCF daté du 25 février 2010, rempli par le Dr Fitz-Rison, chiropraticien, indique que l’appelant souffre de douleur au cou et de maux de tête et que ses tâches doivent être allégées. Un rapport du Dr Fitz-Rison daté du 26 février 2010 montre que l’appelant souffre des symptômes suivants : insomnie, étourdissement, maux de tête, douleur au cou et au dos, amplitude réduite de la colonne cervicale et de la colonne lombaire et irradiation dans la jambe droite. Le diagnostic est un coup de fouet cervical post traumatique de niveau 2 avec hernie discale à la colonne cervicale. Le 28 avril 2010, le Dr Fitz-Rison a recommandé que l’appelant cesse de travailler.

[28] Le 10 mai 2010, le Dr Hanick, psychiatre, a rapporté que l’appelant souffrait d’un trouble d’adaptation chronique, avec des caractéristiques de dépression et de trouble postcommotionnel/syndrome post-traumatique. Le rapport indique qu’une grande partie de la détresse de l’appelant est liée à ses blessures physiques et qu’il requiert un traitement agressif, une réadaptation et possiblement des analgésiques plus puissants; compte tenu de la nature réactive de son invalidité, il ne sera probablement pas réceptif aux traitements et à la médication tant que sa situation ne se sera pas améliorée.

[29] Le 17 mai 2010, le Dr Kirwin, physiatre, a déclaré que l’appelant souffrait de douleurs au cou, au bas du dos, à la jambe droite et de maux de tête suite à une chute en milieu de travail survenue le 16 janvier 2010. Le rapport indique qu’après cet accident l’appelant n’était pas en mesure de reprendre son travail régulier et qu’il a été transféré dans une cabine où il était responsable d’ouvrir et de fermer la barrière du Centre de toxicomanie et de santé mentale. À ce poste, l’appelant devait rester dans une cabine non chauffée. La tâche s’avérait difficile en raison des multiples douleurs dont il souffrait.

[30] Le Dr Kirwin a conclu que l’appelant souffrait de douleurs cervicales, thoraciques et lombaires et d’une paresthésie principalement du côté droit non spécifique, de faiblesses non spécifiques dans la jambe et le bras droits, de vertige post-traumatique, de problèmes d’audition, de céphalées cervicogéniques, d’arthralgie non spécifique à la cheville droite et de tendinite bilatérale de la coiffe des rotateurs. Le Dr Kirwin a recommandé que l’appelant soit exempté de travail jusqu’à ce qu’il ait subi une scintigraphie du corps entier ainsi que d’autres examens par son neurologue et spécialiste en ORL.

[31] Le 18 mai 2010, le Dr Picard, neurologue, a déclaré au Dr Fernandez que l’appelant se plaignait de maux de tête, d’acouphènes, de phonophobie, de douleur au torse et de la sensation de sentir son cœur battre, de tremblements dans tout le corps, de sensation de gorge enflée et de perte d’appétit. L’appelant prenait de l’Oxycocet, de l’amitriptyline, du meloxicam et de la ranitidine. Le Dr Picard a déclaré que l’examen a été difficile et qu’il a été marqué par un niveau de douleur de plus en plus élevé chez l’appelant. Ils ont dû s’arrêter plusieurs fois parce que l’appelant était incapable de supporter les manœuvres. Au moment d’examiner les réflexes, presque tous les endroits étaient douloureux. De façon presque prophétique, le neurologue a déclaré : 

[Traduction]
Comme vous le savez sans doute, les troubles douloureux post-traumatiques de ce type sont difficiles à traiter et sont souvent réfractaires à toute forme de thérapie : médicaments, thérapies psychologiques et physiques.

Il est de pratique courante d’envoyer ces patients participer à des thérapies physiques de longue durée, mais les résultats sont souvent décevants pour tous. 

Les dossiers semblables à celui-ci soulèvent souvent la controverse.

[32] Le 25 mai 2010, le Dr Kirwin a déclaré au Dr Fernandez que les symptômes de l’appelant n’avaient subi aucun changement et que celui-ci était revenu pour remplir son FDCF. Le médecin a ajouté que l’appelant avait été rappelé au travail la semaine précédente, mais qu’il n’avait pu y aller parce que la marche faisait augmenter ses douleurs au dos, qu’il se sentait toujours étourdi et que le bruit au travail le faisait souffrir davantage, produisait un tintement dans ses oreilles et lui causait des maux de tête. Le Dr Kirwin a rempli le FDCF exemptant l’appelant d’un retour au travail jusqu’à ce que les résultats de la scintigraphie osseuse et des autres examens soient connus. Le FDCF indique que l’appelant est incapable physiquement de reprendre le travail à ce moment-là.

Rapports après l’arrêt de travail de l’appelant

[33] Le 23 septembre 2010, le Dr Kirwin a déclaré qu’il avait examiné toutes les notes des autres spécialistes qui avaient traité l’appelant. Ils n’avaient trouvé aucun problème et tous ces spécialistes lui diagnostiquaient un syndrome de douleur chronique. Le Dr Kirwin en a conclu que l’appelant souffrait fort probablement d’un syndrome de douleur chronique et qu’il semblait avoir subi un étirement du ligament talo-fibulaire antérieur. Il a ajouté que l’appelant pouvait officiellement cesser sa physiothérapie.

[34] Le 7 janvier 2011, le Dr Arbitman, psychiatre, a diagnostiqué un trouble douloureux avec anxiété et dépression, et a affirmé que l’état de l’appelant ne lui permettait pas de travailler pour le moment. Le Dr Arbitman a indiqué que l’appelant prenait déjà des antidépresseurs et des tranquillisants, et ne souhaitait pas modifier la médication de celui-ci.

[35] Le 10 décembre 2010, le Dr Malcolm, chirurgien orthopédiste, a remis son rapport du Centre d’évaluation régionale à la CSPAAT. Il avait examiné les détails concernant la blessure de l’appelant subie au travail en janvier 2010 et les traitements médicaux subséquents. Le Dr Malcolm a souligné que l’appelant avait commencé des traitements de physiothérapie à la fin de février 2010, à raison de trois à quatre fois par semaine pendant trois à quatre semaines. Il a suivi des traitements d’acuponcture et de neurostimulation électrique transcutanée (TENS), ainsi que des exercices d’amplitude de mouvements actifs, mais souffrait d’étourdissement pendant ces exercices et il était incapable de les faire. Il a alors reçu des traitements chiropratiques trois fois par semaine pendant deux mois qui comprenaient des traitements au laser, mais ceux-ci augmentaient la douleur. L’appelant a alors tenté une nouvelle fois la physiothérapie de mai à juin 2010 pendant environ sept semaines; il a reçu différentes modalités de traitement, notamment de la chaleur ainsi que des directives pour un programme  d’exercices à faire à la maison.

[36] L’appelant fait état de douleurs constantes dans les régions de l’occiput, du cou, du thorax et dans la partie supérieure de la colonne lombaire, d’engourdissement dans le bras droit et d’étourdissements intermittents. Il a déclaré que l’amplitude de ses mouvements cervicaux lui causait de l’anxiété, des tremblements et des étourdissements, que la toux augmentait la douleur, que ses étourdissements étaient accompagnés de bourdonnements dans les oreilles, qu’il avait eu de la difficulté à avaler pendant un mois; il lui arrive parfois que ses jambes se dérobent après qu’une douleur aiguë à la cuisse droite se manifeste, qu’il ait un trouble de la démarche suite à des douleurs et à une boiterie du côté droit, que parfois il voit double et qu’il a d’autres problèmes probablement liés à une blessure à l’œil survenue en octobre 2009.

[37] Le Dr Malcolm a fait valoir qu’il est clair que les étourdissements et la douleur chronique de l’appelant sont la constellation principale de symptômes qui empêchent un rétablissement physique. Ses diagnostics comprenaient les affections suivantes : traumatisme crânien fermé, entorse cervicale, entorse probable de l’épaule droite et douleur chronique. Il a recommandé d’orienter l’appelant vers un programme de rétablissement fonctionnel ou un programme équivalent.

Évaluations de la CSPAAT des mois de mai/juin 2011

[38] Le 3 mai 2011, le Dr Ranali, neurologue, a remis à la CSPAAT son évaluation neuro-ophtalmologique de l’appelant. Le Dr Ranali a examiné les radiographies faites jusqu’à ce jour et a noté que la tomographie axiale du cerveau du 16 janvier 2010 était normale, l’IRM du cerveau datant du 16 avril 2010 a révélé des changements non spécifiques à la matière blanche liés à l’âge et l’IRM de la colonne cervicale a révélé des changements dégénératifs à plusieurs niveaux. Les problèmes et les symptômes actuels de l’appelant, sont entre autres, des étourdissements, des douleurs au cou et à la tête, des palpitations intermittentes, de l’insomnie, une douleur à l’oreille droite et une sensation persistante de sécheresse et de picotement dans les yeux. Le rapport indique que l’appelant a manifesté des comportements douloureux et une amplification des symptômes durant la rencontre et l’examen. Le Dr Ranali a diagnostiqué un syndrome chronique de l’œil sec non lié à l’accident en milieu de travail et a conclu à un examen neuro-ophtalmologique normal. Il a déclaré que d’un point de vue neuro-ophtalmologique rien n’empêchait le retour au travail de l’appelant.

[39] Le 19 mai 2011, Mme S. C., pharmacienne, a présenté à la CSPAAT son évaluation pharmacologique. Elle a fait valoir que les maux de tête de l’appelant pouvaient être causés par des médicaments. Elle a souligné que la médication prescrite à l’appelant comptait de l’Oxycocet, du clonazepam, du meloxicam, de la quetiapine, de la venlafaxine et de l’oméprazole. Elle a remis en question l’efficacité de cette médication et s’est inquiétée de la dépendance psychologique et physique possible qu’elle pouvait créer. 

[40] Le 19 mai 2011, le Dr Farewell a présenté à la CSPAAT, son évaluation psychiatrique de l’appelant. Le Dr Farewell a déclaré que l’état de l’appelant ne correspondait plus au diagnostic de trouble d’adaptation ni de trouble de l’humeur et que le diagnostic précédent de trouble d’adaptation avec humeur dépressive et anxiété se résorbait et que la dépression majeure était en voie de rémission. Le Dr Farewell a indiqué que le trouble douloureux associé aux facteurs psychologiques et à l’état de santé général devait être écarté et que les troubles cognitifs devaient faire l’objet d’une référence à un nouveau neuropsychologue. Le Dr Farewell a fait valoir que l’appelant se montrait vague dans ses réponses surtout en ce qui avait trait aux périodes d’invalidité avant l’accident et sur les raisons qui l’ont poussé à quitter le Honduras. Il a souligné que l’appelant avait eu un comportement douloureux tout au long de la consultation, mais que le type de douleur variait et que les grimaces qu’il faisait au début s’étaient estompées pendant l’évaluation. Le Dr Farewell a également souligné que les mouvements fluides de l’appelant lorsqu’il exécutait des pas de danse ne cadraient pas avec son comportement douloureux. Il a ajouté que l’appelant insistait sur la vision qu’il avait de lui-même en tant qu’invalide et qu’il se concentrait sur ses symptômes. De l’avis du Dr Farewell, d’un point de vue psychiatrique et relativement à l’humeur et à l’anxiété, le pronostic pour le retour au travail de l’appelant était bon. 

[41] Le 26 mai 2011, le Dr Sourkes, neurologue, a présenté à la CSPAAT son évaluation neurologique. Ses diagnostics comprenaient : blessure à la tête, atteinte cérébrale légère/commotion cérébrale peu probable et jugée résorbée malgré les maux de tête non spécifiques, possibles maux de tête causés par une surconsommation de médicaments, entorse cervicale résorbée, interrogation au sujet de l’utilisation inappropriée d’opiacés, interrogation sur un trouble somatoforme, suspicion de la simulation des symptômes, possibilité de sécheresse des yeux.

[42] Le 2 juin 2011, le Dr Slonim, psychologue, a présenté à la CSPAAT son évaluation neuropsychologique. Son diagnostic comprend les éléments suivants : un dysfonctionnement neurocognitif possiblement simulé et un dysfonctionnement psychiatrique probablement simulé. Il écarte le possible trouble d’adaptation avec humeur dépressive et anxiété. Le Dr Slonim a expliqué que l’appelant présente de nombreux symptômes extrêmes et atypiques qui sont tout à fait disproportionnés par rapport aux paramètres de l’accident et aux études objectives subséquentes. Il a ajouté que son évaluation neuropsychologique a révélé un éventail de preuves empiriques, notamment l’exagération des symptômes cognitifs, psychiatriques et somatiques ainsi qu’un certain niveau d’invalidité. Le Dr Slonim n’a fait aucune recommandation de traitement neuropsychologique ni psychologique.

[43] Dans le résumé d’une conférence de cas daté du 9 juin 2011, le Dr Massanic s’exprime au nom des médecins évaluateurs de la CSPAAT et indique que les diagnostics définitifs sont les suivants : une blessure directe à la tête, sans dommage au cerveau, des maux de tête non spécifiques, de possibles maux de tête causés par la surconsommation de médicaments, une entorse cervicale résorbée avec une douleur au cou constante et non spécifique sans indication de radiculopathie ou de myélopathie cervicale, un dysfonctionnement neurocognitif probablement simulé, un dysfonctionnement psychiatrique probablement simulé; l’appelant ne satisfait plus au diagnostic de trouble d’adaptation et de l’humeur. On ne peut écarter une possible lésion aiguë au système vestibulaire.

Observations cliniques du Dr Fernandez avant la PMA

[44] Les observations cliniques du Dr Fernandez du mois de février 2010 au mois de décembre 2011 ont été versées au dossier d’audience.

[45] Les observation datées du 4 février 2010 indiquent que la date de l’accident était le 16 janvier 2010 et que l’appelant subissait une exacerbation aiguë de la douleur au bas du dos et de la raideur, qu’il avait de la difficulté à rester longtemps assis, à rester debout, à se pencher et à soulever des charges et qu’il suivait des séances de physiothérapie. Le rapport fait état d’un trouble de l’anxiété et indique que l’appelant nécessite une restructuration cognitive pour traiter ses sentiments de détresse et d’anxiété.

[46] Les observations datées du 20 mai 2010 indiquent des douleurs lombaires de nature mécanique, des douleurs myo-fasciales cervicales, une tendinite de la coiffe des rotateurs droits, un trouble anxieux et une dépression. Elles indiquent que l’appelant a beaucoup de difficulté à rester au travail, que son travail est très superficiel et qu’il sera incapable de justifier une présence à un réel emploi. Le Tribunal a souligné que les observations cliniques ne correspondent pas à la date à laquelle l’appelant a cessé de travailler.

[47] Les observations datées du 19 juillet 2011 font état d’une douleur aiguë au cou et au bas du dos avec raideur, d’anxiété, d’insomnie et de stress. Le Dr Fernandez a déclaré que l’appelant a [traduction] « depuis longtemps atteint le plus haut degré de rétablissement qu’il pouvait atteindre, qui reste un niveau dysfonctionnel. » Le Tribunal a souligné que ces observations cliniques correspondent aux évaluations de la CSPAAT figurant aux paragraphes 38 à 43, ci-dessus.

[48] Les observations datées du 1er octobre 2011 font référence à une lettre de la CSPAAT accusant l’appelant de simulation. Le Dr Fernandez a expliqué qu’il existe une barrière culturelle et que l’appelant [traduction] « semble relater ses problèmes de manière très sincère et cohérente » et qu’il « est inquiet en ce qui a trait à son avenir et son incapacité de travailler. » Ces observations concluent que l’appelant ne peut effectivement pas travailler.

[49] Les observations datées du 13 décembre 2011indiquent une douleur lombaire chronique et de la raideur, une douleur et de la raideur au cou, l’absence de travail et une dépression importante. Les observations expliquent également que l’appelant semble abattu, dysphorique, manifestement souffrant et mal à l’aise. On note une douleur myo-fasciale cervicale lombo-sacrée, des maux de tête chroniques, un trouble anxieux post-traumatique, un trouble de l’adaptation avec dépression. Une psychothérapie a été suivie. Le Tribunal a souligné que ces observations cliniques coïncident avec la date de la fin de la PMA.

Rapports produits après la PMA

[50] Le 11 octobre 2012, le Dr Hanick a expliqué au Dr Kirwin qu’au cours des six derniers mois, l’appelant est devenu déprimé et a eu des idées suicidaires. Le Dr Hanick a déclaré que l’appelant souffre maintenant d’épisodes de dépression majeure avec des caractéristiques de trouble postcommotionnel/syndrome post-traumatique. Le diagnostic posé selon l’axe II indique qu’il pourrait y avoir des caractéristiques plus graves et même histrioniques. Selon l’axe III, l’appelant continue de souffrir de maux de tête cervicogéniques et peut-être vasculaires, de syndromes dysfonctionnels du cou et du bas du dos de nature mécanique, d’une névralgie sciatique du côté droit et d’une blessure au genou gauche. L’appelant en est venu à se percevoir comme inutile et son évaluation globale du fonctionnement (EGF) lui accorde une note entre 50 et 55. Le Dr Hanick prévoyait traiter la dépression de l’appelant de manière plus agressive et de suivre son cas pendant cette période tumultueuse.

[51] Les notes de bureau du Dr Hanick confirment que l’appelant l’a consulté une fois par mois du 11 octobre 2012 au 12 décembre 2013.

[52] Les notes de bureau du Dr Hanick datant du 12 décembre 2013 indiquent que la douleur de l’appelant persiste, mais qu’il est soulagé par de l’oxycodone à libération contrôlée et que d’autres médicaments soignent son humeur. Le médecin a noté que, l’appelant a expliqué de manière non spécifique, qu’il ne se sentait « pas bien » et a également décrit son sommeil et ses signes végétatifs comme n’allant « pas bien », sans donner de précisions. L’appelant ne croyait plus qu’il était suivi, mais il a admis qu’il avait quand même l’impression d’être suivi. Il prétend entendre son nom quand il s’endort et il se demande ce que cela signifie. Il reste inactif, ne faisant « absolument rien ». L’appelant n’était pas rasé, il chancelait de manière contrôlée et s’est tout simplement écroulé sur sa chaise.
Les diagnostics selon l’axe I faisaient état d’une interrogation au sujet d’un trouble délirant émergent, d’un trouble dépressif majeur, d’un trouble de l’adaptation chronique et d’un trouble postcommotionnel/syndrome post-traumatique. Les diagnostics selon l’axe III comprennent un trouble douloureux chronique, un trouble de symptôme somatique persistent avec douleur prédominante, des maux de tête cervicogéniques/vasculaires mixtes graves, un dysfonctionnement du cou et du dos, une névralgie de la sciatique droite sévère et une interrogation au sujet de l’apnée du sommeil. Le Dr Hanick a accordé une note entre 50 et 55 à l’EGF. Les médicaments de l’appelant comprennent de la sertraline, de la mirtazapine, de la rispéridone, du clonazépam, de l’oxycodone et de l’olanzapine.

[53] Le 11 décembre 2013, le Dr. Wilderman, un consultant en douleur et dépendance, a déclaré que l’appelant avait reçu les diagnostics suivants : névralgie occipitale, fibromyalgie, discopathie dégénérative et arthrose de la colonne vertébrale. Le médecin a indiqué qu’à ce moment là, l’appelant n’était pas en mesure de participer à toute forme d’emploi rémunérateur en raison de la détresse et des douleurs physiques et psychologiques actuelles ou anticipées résultant de ses blessures. 

[54] Le 5 janvier 2014, le Dr Kirwin a déclaré qu’il diagnostiquait à ce jour, un syndrome de douleur chronique (se manifestant surtout par des douleurs lombaires, thoraciques, cervicales mécaniques chroniques et des maux de tête cervicogéniques), de la fibromyalgie ainsi que de l’anxiété et de la dépression. Il était d’avis que l’appelant était totalement invalide et qu’il ne pouvait occuper un emploi véritablement rémunérateur.  Le Dr Kirwin a souligné que la douleur chronique sévère ressentie par l’appelant à différents endroits limitait sa capacité de plier, de tordre et d’allonger sa colonne cervicale et thoracique, et que la douleur chronique sévère au bas du dos limitait sa capacité de s’asseoir, de rester debout ou de marcher pendant une période prolongée. Le médecin n’envisageait aucune amélioration significative dans le futur proche. Il a ajouté qu’à aucun moment après avoir arrêté de travailler, soit le 25 mai 2010, l’appelant n’a été en mesure d’occuper un type d’emploi véritablement rémunérateur.

Observations

[55] M. Macedo a déclaré que l’appelant était admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. a) Il a été victime d’un accident très traumatisant lié au travail le 16 janvier 2010, en raison duquel il a souffert de multiples blessures physiques et développé de multiples affections psychologiques invalidantes;
  2. b) il a tenté de poursuivre le travail avec des tâches modifiées, mais n’a pas été capable de continuer après le mois de mai 2010 et a arrêté de travailler par ordre de ses médecins traitants;
  3. c) l’effet cumulatif de ses nombreuses affections physiques et psychologiques a causé de grands bouleversements dans sa vie; il dépend maintenant de sa femme pour de nombreuses activités quotidiennes de subsistance;
  4. d) il est inapte à occuper un quelconque emploi rémunérateur, et ce, de manière significative et permanente;
  5. e) ses caractéristiques personnelles (notamment son âge, son éducation et sa compétence en anglais limitées ainsi que ses antécédents professionnels qui sont principalement liés à des travaux physiques exigeants) et les nombreux obstacles causés par ses multiples affections le rendent incapable d’occuper un emploi rémunérateur de manière régulière et constante;
  6. f) les rapports des médecins traitants de l’appelant ainsi que l’évaluation du Dr Malcolm pour la CSPAAT datée de décembre 2010, confirment les affections invalidantes de longue date de l’appelant et le fait qu’il a suivi tous les traitements qui lui ont été recommandés. Ces rapports devraient avoir préséance sur les évaluations de mai/juin 2011 produites par les spécialistes engagés par la CSPAAT, qui pourraient avoir un parti pris et qui n’ont jamais participé aux soins de l’appelant. M. Macedo a insisté sur le fait qu’aucun des médecins traitants n’a remis en question l’intégrité de l’appelant et la véracité de ses symptômes et que leur diagnostic de douleur chronique est le même que celui du Dr Malcolm.

[56] L’intimé considère que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. a) Les évaluations du Toronto Rehabilitation montrent que rien n’indique la présence d’un trouble de stress post-traumatique ni d’une invalidité psychotraumatique, que l’appelant ne répond pas aux critères de trouble d’adaptation, de trouble d’anxiété ni de trouble de l’humeur, que même s’il a souffert d’un traumatisme cérébral léger/de commotion, les symptômes en découlant devraient être résorbés, que ses maux de tête persistants ne sont pas persistants et qu’ils sont probablement dus à sa médication, que d’un point de vue neurologique, il pouvait travailler et que son entorse cervicale était guérie;
  2. b) selon ses évaluations, les symptômes de l’appelant ont probablement été exagérés et laissent croire à des comportements douloureux, à une amplification des symptômes et à une simulation;
  3. c) même si l’appelant est limité, la preuve médicale n’appuie pas une condition médicale invalidante qui l’empêche de travailler;
  4. d) l’invalidité de l’appelant ne satisfait pas au critère concernant le caractère « grave et prolongé » de la Loi.

Analyse

[57] L’appelant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2011 ou avant cette date.

Invalidité grave

[58] Les exigences auxquelles il faut satisfaire pour obtenir une pension d’invalidité figurent au paragraphe 42(2) de la Loi, où il est mentionné qu’une invalidité (physique ou mentale) doit être à la fois « grave et prolongée ». Une invalidité n’est « grave » que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une personne doit non seulement être incapable d’occuper son emploi habituel, mais également tout emploi qu’il aurait été raisonnable de s’attendre qu’il occupe. Une invalidité n’est prolongée que si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

[59] Les affaires suivantes ont permis d’aider le Tribunal à trancher les questions relatives à cet appel.

[60] Il incombe à l’appelant d’établir selon la prépondérance des probabilités que le 31 décembre 2011, ou avant cette date, il était invalide au sens de la loi. Le critère de la gravité doit être évalué dans un contexte réaliste : Villani c. Canada (Procureur général) 2001 CAF 248. Le Tribunal doit tenir compte du contexte particulier de l’appelant et de son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie pour déterminer l’employabilité d’une personne en rapport avec son invalidité.

[61] Toutes les détériorations du demandeur ayant une incidence sur son employabilité sont examinées, pas seulement les détériorations les plus importantes ou la détérioration principale : Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47. Bien que chaque problème de santé de l’appelant, examiné séparément, peut ne pas entraîner une invalidité grave, l’effet collectif des diverses maladies peut rendre l’appelant gravement invalide : Barata c. MDRH (17 janvier 2001) CP 15058 (CAP).

[62] L’appelant doit non seulement démontrer qu’il a de sérieux problèmes de santé, mais où il y a des preuves de capacité de travail, il doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé : Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117.

[63] L’appelant n’a pas à trouver un employeur philanthrope, compréhensif et souple qui est prêt à s’adapter à son invalidité. L’expression « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice », contenue dans la loi, est basée sur la capacité de l’appelant de se rendre sur les lieux de travail chaque fois et aussi souvent qu’il doit le faire; cette possibilité est la condition essentielle de la régularité : MDRH c. Bennett (10 juillet 1997) CP 4757 (CAP).

[64] Aucune définition de la douleur chronique ne fait autorité. Toutefois, l’on considère généralement qu’il s’agit d’une douleur persistant au-delà de la période normale de guérison d’une lésion ou disproportionnée à cette lésion, et caractérisée par l’absence, à l’emplacement de la lésion, de symptômes objectifs permettant d’attester l’existence de cette douleur au moyen des techniques médicales actuelles. Malgré cette absence de symptômes objectifs, il ne fait aucun doute que les personnes éprouvant de la douleur chronique souffrent physiquement et moralement et que leur incapacité est réelle : Nouvelle-Écosse (Worker’s Compensation Board) c. Martin [2003] CSC 54.

[65] L’évaluation de la crédibilité d’un témoin est plus un art qu’une science selon R c. S. (R.D) [1997] 3 R.C.S.484, paragraphe 128. Un comportement peut être trompeur et il ne s’agit que d’un des facteurs utilisés pour évaluer la crédibilité. La meilleure façon d’évaluer la crédibilité est par le sens commun, la constance inhérente et la cohérence avec des documents concomitants et non contestés. Le Tribunal a conclu que la preuve orale de l’appelant était parfois vague et imprécise, cependant, la description qu’il a faite de ses symptômes et de la manière dont ceux-ci affectaient sa vie et sa capacité de travailler était tout à fait cohérente avec la documentation très exhaustive de ses traitements médicaux. En outre, sa description correspondait aux symptômes révélés lors de sa visite au bureau du Dr Fernandez en février 2010 et lors de ses consultations avec les différents spécialistes avant son arrêt de travail en mai 2010. L’appelant a fait une bonne impression devant le Tribunal en tant que témoin honnête qui, malgré des troubles de mémoire évidents, tentait sincèrement de décrire ses symptômes et ses affections du mieux qu’il pouvait.

[66] Le Tribunal s’est fondé principalement sur les rapports médicaux des médecins et spécialistes traitants de l’appelant; ils ont tous confirmé les symptômes présents depuis longtemps et les efforts de l’appelant pour améliorer son état de santé. Celui-ci a continué à travailler du mieux qu’il pouvait jusqu’en mai 2010, et n’a pas arrêté avant que le Dr Kirwin ne le lui conseille. À ce moment-là, il prenait déjà beaucoup de médicaments, il avait déjà participé à des séances de physiothérapie et de traitements au laser et avait consulté de nombreux spécialistes, notamment le Dr Picard, neurologue, le Dr Hanick, psychiatre et le Dr Kirwin, physiatre. Les premiers diagnostics semblent avoir été un syndrome de douleur chronique et des troubles psychologiques associés. Aucun des médecins traitants n’a suggéré que l’appelant feignait ou exagérait ses symptômes. La décision Martin, précitée, indique qu’« il ne fait aucun doute que les personnes éprouvant de la douleur chronique souffrent physiquement et moralement et que leur incapacité est réelle. » Malgré l’absence de constatations objectives, le Tribunal est d’avis que l’appelant souffre et que son incapacité est réelle. 

[67] Le Tribunal a aussi accordé beaucoup de poids à l’évaluation du Dr Malcolm en décembre 2010 qui a été exécutée pour le compte de la CSPAAT. Les diagnostics du Dr Malcolm ressemblaient fort à ceux des médecins traitants de l’appelant et il a recommandé à la CSPAAT d’orienter l’appelant vers un programme de rétablissement fonctionnel ou à un programme équivalent. Malheureusement, cette recommandation a été rejetée par la CSPAAT.

[68] L’intimé se fonde sur les évaluations produites par les spécialistes embauchés par la CSPAAT (voir paragraphes 38 à 43 ci-dessus); toutefois, le Tribunal préfère les opinions et les diagnostics de l’appelant du médecin de famille et des spécialistes qui s’occupent de l’appelant depuis longtemps, notamment les Drss Fernandez, Kirwin et Hanick. Ces médecins ont vu et traité l’appelant sur une période prolongée et leurs rapports appuient tous la demande d’invalidité de l’appelant. Ils connaissent l’appelant beaucoup mieux que les spécialistes de la CSPAAT, qui ne l’ont rencontré qu’à des fins d’évaluation. Le Tribunal accorde aussi beaucoup d’importance au fait que les diagnostics et les traitements recommandés par le Dr Malcolm, dans son rapport de décembre 2010 pour le compte de la CSPAAT, correspondent à ceux des médecins traitants.

[69] Le Tribunal a tenu compte de toutes les affections physiques et psychologiques de l’appelant et conclut qu’il ne possède pas la capacité résiduelle d’occuper un emploi rémunérateur de manière régulière et constante (voir les décisions Bungay, Barata et Bennett précitées). Le Tribunal a aussi tenu compte de ses caractéristiques personnelles notamment son âge, son éducation et sa compétence en anglais limitées ainsi que ses antécédents professionnels qui sont principalement liés à des travaux physiques exigeants.

[70] Après un examen attentif et minutieux de l’ensemble de la preuve, le Tribunal est convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant souffre d’une invalidité grave aux termes de la Loi.

Invalidité prolongée

[71] Ayant conclu que l’invalidité de l’appelant était grave, le Tribunal doit aussi déterminer si elle est prolongée.

[72] Les affections invalidantes de l’appelant se sont poursuivies après qu’il soit tombé en janvier 2010, et malgré des traitements poussés aucune amélioration n’a été notée. Malheureusement, la santé de l’appelant semble se détériorer.

[73] L’invalidité de l’appelant dure depuis longtemps et aucune amélioration n’est à prévoir dans le futur proche.

Conclusion

[74] Le Tribunal conclut que l’appelant souffrait d’une invalidité grave et prolongée en mai 2010, alors qu’il était incapable de continuer à travailler en occupant des fonctions modifiées. Aux termes de l’article 69 de la Loi, les versements commencent quatre mois après la date de l’invalidité. Ils commencent donc en septembre 2010.

[75] L’appel est accueilli.

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