Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La demande de permission d’en appeler présentée devant la division d’appel est accueillie.

Introduction

[2] Le demandeur a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada il y a quelques années. Il a interjeté appel du rejet de sa demande devant un tribunal de révision. En 2004, le tribunal de révision a rejeté son appel.

[3] Le demandeur n’a pris aucune autre mesure pour faire avancer sa demande avant octobre 2012, date à laquelle il a essayé de faire annuler ou de modifier sa demande en présentant des faits nouveaux. À ce moment, la procédure s’appliquant à une telle demande était régie par le paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada. Cette procédure a été changée dans la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable. Cette loi a abrogé le paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada et a établi que de telles demandes pour lesquelles aucune décision n’avait été prise avant le 1er avril 2013 étaient considérées comme ayant été présentées en vertu de l’article 66 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi »). Comme aucune décision n’a été prise concernant la demande se rapportant à des faits nouveaux, la demande est considérée comme ayant été faite le 1er avril 2013.

[4] La Loi prévoit aussi qu’une demande visant à faire annuler ou à modifier une décision antérieure en présentant des faits nouveaux doit être faite dans un délai d’un an suivant la date à laquelle la décision initiale a été communiquée au demandeur. La division générale du Tribunal a rejeté la demande d’annulation ou de modification de la décision du tribunal de révision présentée par le demandeur parce que la demande a été présentée plus d’un an après que la décision du tribunal de révision lui ait été communiquée.

[5] Le demandeur demande la permission d’interjeter appel de la décision de la division générale en s’appuyant sur trois motifs fondamentaux : la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que sa demande était frappée de prescription à la suite du changement apporté à la législation; la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que les documents supposés contenir des faits nouveaux ne répondaient pas au critère juridique pertinent; et la division générale n’a pas respecté les principes de justice naturelle lorsqu’elle a accordé la préférence à certains rapports médicaux, car une telle détermination aurait plutôt dû être fondée sur la crédibilité des auteurs.

[6] L’intimé a déclaré que la demande de permission d’en appeler doit être rejetée parce qu’elle est frappée de prescription et que le critère juridique s’appliquant aux faits nouveaux n’a pas été respecté. La division générale n’a commis aucune erreur à cet égard. En outre, l’intimé a indiqué que le demandeur n’avait dûment invoqué aucun argument concernant un manquement aux principes de justice naturelle.

[7] Avant d’accorder la décision, j’ai demandé aux deux parties de présenter des observations écrites. Le délai accordé pour présenter les observations a été prolongé deux fois à la demande de l’intimé. L’intimé a présenté de longues observations sur les questions en litige. Le demandeur n’a présenté aucune observation. J’ai examiné la demande de permission d’en appeler et les observations de l’intimé afin de parvenir à une décision en l’espèce.

Question en litige et analyse

[8] Pour que la demande de permission d’en appeler soit accueillie, le demandeur doit présenter un motif défendable permettant de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. Canada (Ministre du Développement), [1999] ACF no 1252 (CF). La Cour d’appel fédérale a également conclu qu’une cause défendable en droit revient à se demander si un demandeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[9] L’article 58 de la Loi énonce les seuls moyens d’appel qui peuvent être pris en considération pour accueillir une demande de permission d’interjeter appel d’une décision de la division générale. Ces moyens d’appel peuvent être utilisés si la division générale a commis une erreur de droit, a commis une erreur de fait de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, ou n’a pas respecté les principes de justice naturelle (voir l’annexe contenant les dispositions législatives).

La demande est-elle frappée de prescription?

[10] L’article 58 de la Loi indique qu’un des moyens d’appel est lié au fait que la division générale a commis une erreur de droit. En l’espèce, le demandeur a affirmé que la division générale avait interprété l’article 66 de la Loi comme s’il avait un effet rétroactif, d’une telle manière que sa demande, qui a été présentée avant le 1er avril 2013 mais pour laquelle aucune décision n’avait été rendue à cette date, a été frappée de prescription. Il soutient, en se fondant sur une décision de la Cour suprême du Canada, que les pouvoirs législatifs ne sont pas destinés à supprimer des droits dont une partie bénéficiait avant l’entrée en vigueur d’une nouvelle législation. L’intimé a contredit cet argument en se fondant sur de nombreux cas de jurisprudence et des documents universitaires portant sur l’interprétation de la législation. L’intimé a indiqué que l’intention du législateur était claire, et que bien qu’elle soit rude, la Loi avait un effet rétroactif qui mettait fin au droit du demandeur à faire réexaminer la décision du tribunal de révision. Par conséquent, la division générale n’a commis aucune erreur de droit.

[11] J’estime que la loi n’est pas claire à cet égard. L’avocat a fait valoir auprès de moi le contenu de décisions de la Cour suprême du Canada et de cours d’appel, ainsi que de documents universitaires. Toutes ces sources confirment que si la législation est claire et met fin à des droits antérieurs, il faut accepter la situation. Cependant, ce n’est pas la fin de l’enquête. Le principe de circonstances spéciales établi en common law peut s’appliquer en l’espèce, bien que ce ne soit pas certain. Il n’est pas clair non plus s’il est approprié, en l’espèce, de mettre fin aux droits du demandeur ou de les lui retirer par l’entrée en vigueur d’une nouvelle législation. Ainsi, je dois conclure que ce moyen d’appel donne une chance raisonnable de succès à l’appel interjeté.

La preuve respecte-t-elle le critère relatif aux faits nouveaux?

[12] Le demandeur a également fait valoir que les rapports qu’il avait présentés comme des faits nouveaux respectaient ce critère juridique, que la division générale avait commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’ils ne respectaient pas ce critère juridique, et que cette erreur était liée à l’article 58 de la Loi. Son argument est fondé sur le fait qu’il n’est pas d’accord avec le poids accordé par la division générale aux divers rapports médicaux qui lui ont été présentés. En outre, le demandeur demande essentiellement au Tribunal de réévaluer et d’apprécier de nouveau la preuve présentée à la division générale. Cela relève du juge des faits. Le Tribunal doit décider s’il accueille la demande de permission d’en appeler et ne doit pas substituer son point de vue concernant le caractère convaincant de la preuve à celui du tribunal qui a pris la décision antérieure – Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82. Cet argument ne constitue pas un moyen d’appel qui pourrait avoir une chance raisonnable de succès et ne relève pas une erreur que la division générale aurait commise.

[13] Le demandeur a ajouté que la nouvelle preuve entraînait un diagnostic médical différent. Cela est insuffisant pour respecter le critère juridique se rapportant aux faits nouveaux. Ce n’est pas un diagnostic relatif à un état de santé, mais plutôt l’effet de ce diagnostic sur la capacité du demandeur à travailler qui est pertinent pour déterminer si une personne est invalide. Par conséquent, cet argument ne constitue pas un moyen d’appel qui pourrait donner une chance raisonnable de succès à l’appel interjeté.

[14] De plus, le demandeur a soutenu qu’il fournirait d’autres éléments de preuve provenant de ses spécialistes de la médecine pour appuyer sa demande à l’audience. La promesse de présenter de nouveaux éléments de preuve ne constitue pas un moyen d’appel dont on peut tenir compte en vertu de l’article 58 de la Loi. Par conséquent, cet argument ne donne pas de chance raisonnable de succès à l’appel interjeté.

Les principes de justice naturelle ont-ils été respectés?

[15] Finalement, le demandeur a affirmé que les principes de justice naturelle n’ont pas été respectés car la crédibilité doit être le seul facteur à prendre en considération pour déterminer à quels rapports médicaux il faut accorder le plus de poids. L’intimé a prétendu que cela n’avait pas permis de soulever convenablement une question quelconque liée aux principes de justice naturelle. Un manquement aux principes de justice naturelle constitue un moyen d’appel dont on peut tenir compte en vertu de l’article 58 de la Loi. Toutefois, je ne suis pas persuadée que le demandeur a montré que la division générale n’avait pas respecté les principes de justice naturelle. Comme il est indiqué ci-dessus, il revient à la division générale, en tant que juge des faits, d’accorder un poids à la preuve présentée et de parvenir à une conclusion après avoir évalué et apprécié la preuve. Le fait que la division générale ait procédé ainsi n’indique en aucun cas un manquement aux principes de justice naturelle. Par conséquent, cet argument ne présente aucun moyen d’appel qui pourrait donner une chance raisonnable de succès à l’appel interjeté.

Conclusion

[16] La demande de permission d’en appeler est accueillie car le demandeur a soulevé au moins un argument qui pourrait donner une chance raisonnable de succès à l’appel interjeté.

[17] La présente décision d’accueillir la demande de permission d’en appeler ne présume pas du résultat de l’appel sur le fond du litige.

Annexe

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

58. (1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants  :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

66. (1) Le Tribunal peut annuler ou modifier toute décision qu’il a rendue relativement à une demande particulière :

  1. a) dans le cas d’une décision visant la Loi sur l’assurance-emploi, si des faits nouveaux lui sont présentés ou s’il est convaincu que la décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel ou a été fondée sur une erreur relative à un tel fait;
  2. b) dans les autres cas, si des faits nouveaux et essentiels qui, au moment de l’audience, ne pouvaient être connus malgré l’exercice d’une diligence raisonnable lui sont présentés.

Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable

261. (1) Toute demande présentée au titre du paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 229, et non tranchée avant le 1er avril 2013 est réputée être une demande présentée le 1er avril 2013 au titre de l’article 66 de la Loi sur le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences et viser :

  1. a) dans le cas où elle porte sur une décision rendue par un tribunal de révision, une décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale;
  2. b) dans le cas où elle porte sur une décision rendue par la Commission d’appel des pensions, une décision rendue par la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale.
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