Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Comparutions

  1. H. M. : l’appelante
  2. S. M. : le mari de l’appelante

Décision

[1] Le Tribunal conclut qu’une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) est payable à l’appelante.

Introduction

[2] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité du RPC de l’appelante le 15 juillet 2010. L’intimé a rejeté la demande initiale et la demande de révision, puis l’appelante a interjeté appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR).

[3] Le présent appel a été instruit par téléconférence pour les raisons indiquées dans l’avis d’audience daté du 25 juillet 2014.

Droit applicable

[4] L’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012 prévoit qu’un appel qui a été présenté devant le BCTR avant le 1er avril 2013 et qui n’a pas été instruit par le BCTR est réputé avoir été présenté devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada (la Loi) énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à cette pension, le demandeur :

  1. a) doit avoir moins de 65 ans;
  2. b) ne doit pas toucher de pension de retraite du RPC;
  3. c) doit être invalide;
  4. d) doit avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité.

[6] Le calcul de la période minimale d’admissibilité (PMA) est important, car une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

[7] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) de la Loi, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité n’est prolongée que si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[8] La PMA n’est pas contestée, car les parties conviennent et le Tribunal estime que la PMA de l’appelante est en cours et, par conséquent, cette dernière respecte les exigences relatives à la PMA.

[9] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer s’il est plus probable qu’improbable que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de l’audience ou avant cette date, puisque la PMA est en cours.

Preuve

[10] L’appelante a 54 ans, elle est mère de deux enfants, et elle souffre de sclérose en plaques.

Documents

[11] L’appelante a travaillé au sein d’une compagnie de télécommunications de 1977 à 1992, en tant que préposée au service à la clientèle. Entre 1992 et 2005, elle a eu deux enfants, elle était mère au foyer et elle aidait son mari, qui est travailleur autonome. En octobre 2005, elle a commencé à travailler comme superviseure de salle à manger dans une école, et elle a toujours cet emploi. En 2005, l’appelante a aussi suivi un cours pour devenir réflexologue accréditée. Elle a déclaré qu’à cette époque, comme ses enfants étaient plus vieux, elle cherchait un emploi à temps plein.

[12] L’appelante a terminé une douzième année. Elle a aussi complété un cours à temps partiel en ressources humaines.

[13] Un examen d’imagerie par résonance magnétique (IRM) effectué le 12 septembre 2008 a révélé une discopathie dégénérative légère ainsi qu’une sténose neurale droite de modérée à grave dans L4-5, liée à une légère protrusion discale diffuse.

[14] En avril 2009, l’appelante a consulté le Dr Roussev, un neurochirurgien, et elle s’est plainte d’une dysfonction à la jambe ainsi que de symptômes d’anancurésie. Le Dr Roussev a remarqué que l’appelante avait de la difficulté à marcher, particulièrement sur la jambe droite, et qu’elle était incapable de faire la démarche en tandem les yeux fermés. Il a suggéré la présence d’une lésion excentrique de la moelle épinière et demandé un examen plus poussé. Après une deuxième consultation le 30 juillet 2009, le Dr Roussev a dit dans une lettre destinée au médecin de famille de l’appelante qu’il croyait que celle-ci souffrait de sclérose en plaques primaire, progressive et lente. L’examen d’IRM de l’appelante a révélé des lésions multiples au cerveau et quelques lésions à la moelle épinière.

[15] Dans un rapport daté du 10 août 2009, la Dre Hohol, une neurologue, a aussi diagnostiqué une sclérose en plaques chez l’appelante. Après une consultation de suivi le 2 février 2010, la spécialiste a indiqué dans un rapport que l’appelante avait continuellement une faiblesse à la jambe droite ainsi que de la raideur, et qu’elle avait un peu de difficulté dans la démarche en tandem, mais que son état de santé était stable. La Dre Hohol a signalé que, selon elle, les résultats de l’examen d’IRM ne montrent aucune augmentation du volume total des lésions. Elle a ajouté que l’état de santé de l’appelante était stable et qu’elle serait réévaluée dans six mois.

[16] Dans le rapport médical de Service Canada daté du 8 juillet 2010, le médecin de famille de l’appelante a diagnostiqué chez cette dernière une sclérose en plaques ainsi qu’une sténose foraminale droite à L4-5 due à une protrusion discale. Le Dr Magee a décrit les limites fonctionnelles de l’appelante ainsi : capacité limitée de se tenir debout et de marcher, parce que sa [traduction] « jambe est faible et a tendance à flancher ». Il a prescrit à l’appelante une consultation avec un neurochirurgien pour un essai d’injections dans la colonne vertébrale, et un suivi avec la Dre Hohol à la clinique de sclérose en plaques. Il est noté qu’à cette époque l’appelante prenait 200 mg de Celebrex chaque jour. Le médecin a aussi écrit que chez la plupart des patients atteints de sclérose en plaques, leur état de santé s’aggrave graduellement avec le temps. 

[17] Dans le questionnaire de Service Canada daté du 8 juillet 2010, l’appelante a noté qu’elle n’était plus capable de travailler depuis le 18 mai 2006. Elle a énuméré ainsi ses limites fonctionnelles : incapable de se tenir debout ou de marcher pendant plus de 10 minutes, incapable de rester assise durant plus de 50 minutes, incapable de transporter ou de soulever des objets, incontinence, très limitée dans l’entretien ménager, et problèmes de mémoire à court terme.

[18] Dans une lettre datée du 9 août 2012, le Dr Lee, un neurologue de Sunnybrook, a confirmé le diagnostic de sclérose en plaques primaire et progressive chez l’appelante. Il a indiqué que ses symptômes étaient principalement la fatigue, la raideur, la perte d’équilibre et l’instabilité. Tous les symptômes s’étaient progressivement aggravés au cours des quatre dernières années. Le spécialiste a mentionné que les limites physiques de l’appelante étaient [traduction] « un problème pour elle » et qu’elle a dit avoir de plus en plus de difficulté à travailler comme superviseure de salle à manger. Le Dr Lee a affirmé que l’appelante utilisait une canne pour mieux se soutenir, mais qu’elle n’avait pas encore besoin de fauteuil roulant ou de marchette. Il a aussi ajouté que l’appelante n’était pas une bonne candidate pour un essai clinique, car [traduction] « ses symptômes sont assez stables, et son état fonctionnel relativement bon ».

[19] Dans un rapport daté du 25 septembre 2014, le Dr Lee a écrit que l’appelante souffrait de sclérose en plaques primaire progressive avec déclin graduel. Il a prescrit une évaluation de la sécurité du domicile et assurera un suivi annuel.

Témoignage oral

[20] À l’audience, l’appelante a décrit son état de santé de la manière suivante : son premier symptôme était une perte d’équilibre en 2006. À cette époque, son médecin de famille, le Dr Bruce Magee, a entamé une enquête médicale. Il a d’abord demandé une échographie des jambes, et a conseillé à l’appelante de faire de l’exercice. Elle a dit être allée à Variety Village, un complexe sportif, afin de faire de l’exercice. En 2009, puisqu’il n’a vu aucune amélioration, le Dr Magee a dirigé l’appelante vers le Dr Roussev, un neurologue. Après avoir fait quelques tests, le Dr Roussev a dirigé l’appelante vers l’hôpital St-Michael, afin qu’elle consulte la Dre Hohol de la clinique de sclérose en plaques. L’appelante a dit dans son témoignage que la Dre Hohol soupçonnait un problème de dos, et elle l’a dirigée vers l’hôpital Sunnybrook. Après un an d’attente pour un rendez‑vous à Sunnybrook, le Dr Fazi a vu l’appelante et lui a dit qu’elle n’avait aucun problème de dos et qu’elle devait être redirigée à la clinique de sclérose en plaques. L’appelante a décrit l’enquête médicale comme un processus très long, pendant lequel personne [traduction] « ne savait quel était son problème », avec de longues périodes d’attente pour des rendez‑vous et des consultations avec un grand nombre de spécialistes différents. En 2012, l’appelante a vu le Dr Lee, neurochirurgien à la clinique de sclérose en plaques de l’hôpital Sunnybrook, qui assure son suivi à l’heure actuelle.

[21] L’appelante a déclaré qu’elle souffre de céphalées intenses, de maux de dos, de froideur intense dans les mains et les pieds, d’engourdissement dans ses mains et ses doigts, et de douleurs aux genoux. Elle a aussi indiqué être très peu tolérante à la chaleur. L’appelante a dit que sous le soleil, elle sent instantanément une faiblesse. Elle a des problèmes d’incontinence, et elle doit donc toujours courir à la salle de bain. Tout liquide ingéré passe [traduction] « tout droit ». De plus, elle souffre souvent d’infection des voies urinaires, car le muscle qui régule sa vessie est faible et empêche la vessie de se vider complètement. 

[22] L’appelante a déclaré qu’elle tombe tout le temps, dans la cuisine, la salle de bain, etc. Elle a besoin de l’aide de son mari pour se remettre debout. Elle utilise une canne pour marcher. Elle envisage maintenant d’utiliser une marchette, car elle dit que cela lui permettrait de reposer ses deux mains. L’utilisation d’une canne irrite son dos et ses hanches.

[23] Lorsqu’on lui demande de décrire une journée typique, l’appelante dit qu’elle se réveille, descend les escaliers [traduction] en « glissant sur son derrière », et prend un café. Elle a ajouté qu’elle peut encore faire certaines tâches dans la maison, mais qu’elle les fait beaucoup plus lentement qu’avant. L’appelante a affirmé que son mari l’aide beaucoup dans ses activités de la vie quotidienne. Il travaille à la maison, ce qui est très pratique. Elle a ajouté qu’ils ont modifié leur maison pour qu’elle soit adaptée à ses limites. Par exemple, ils ont installé une toilette surélevée, une douche de plain-pied au rez-de-chaussée, et des rampes à différents endroits de la maison. L’appelante a dit que son mari fait la plupart des tâches de cuisine et de nettoyage. Elle a indiqué que parfois, elle peut aider à couper les légumes, mais seulement si elle est assise. Autour de l’heure du dîner, elle se rend à l’école pour travailler comme superviseure de salle à manger. Elle travaille pendant environ une heure et 15 minutes. L’appelante a affirmé qu’elle ne peut pas se tenir debout ou en position assise durant plus de 15 à 20 minutes, à défaut de quoi elle devient très crispée. Par conséquent, des mesures d’adaptation ont été prises pour elle. Les enfants apportent une chaise pour elle, et elle peut s’asseoir et se tenir debout de façon intermittente durant son heure de travail. L’appelante a ajouté qu’elle souffre de fatigue extrême en permanence. Elle a indiqué qu’elle se sent fatiguée quand elle se lève le matin. Elle a décrit sa fatigue ainsi : [traduction] « comme un mur au‑dessus de ma tête ». L’appelante a ajouté que la dernière fois qu’elle a vu le Dr Lee, elle lui a dit tous les symptômes qu’elle avait et il a appelé cela un déclin graduel.

[24] Lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle a fait une demande de prestations d’invalidité du RPC seulement en 2010, l’appelante a déclaré que c’est à cette époque que ses symptômes apparaissaient de façon [traduction] « rapide et marquée » et qu’elle a senti qu’elle ne pourrait travailler nulle part. Elle a alors compris qu’elle ne serait même pas capable d’occuper l’emploi de réflexologue pour lequel elle s’était recyclée. Elle a ajouté qu’elle considérait les prestations d’invalidité du RPC comme sa seule option.

[25] Lorsqu’on lui a demandé de décrire en quoi son état de santé a changé sa vie, l’appelante a déclaré qu’elle avait l’habitude de partir en vacances et qu’elle ne peut plus le faire. Elle a ajouté qu’auparavant elle allait souvent à des congrès. C’est en 2007, au Texas, qu’elle a participé à son dernier congrès, avec sa famille. Elle a indiqué ceci : [traduction] « J’ai tout de suite été frappée par la chaleur, et j’ai cru que j’allais m’effondrer par terre. J’ai dû rester assise dans le hall d’entrée de l’hôtel pendant que ma famille visitait le musée. » Elle a ajouté qu’elle a raté des vols parce qu’elle était trop lente dans ses déplacements à l’aéroport et vers la porte d’embarquement. L’appelante a déclaré que, tout simplement, elle [traduction] « ne fait à peu près rien ». Elle socialise uniquement lorsqu’elle va travailler à l’école. Elle a affirmé qu’auparavant elle allait au YMCA environ quatre fois par semaine, pour participer au programme Get Fit, mais qu’elle ne peut plus y aller. L’appelante a ajouté ceci : [traduction] « J’étais une personne très active, et toute cette histoire est un exercice frustrant ».

[26] L’appelante a affirmé qu’elle aimerait travailler, mais qu’elle ne peut simplement pas. Elle a dit que ses problèmes durent [traduction] « toute la journée, tous les jours ». Elle arrive à peine à occuper son emploi actuel d’une heure et 15 minutes de travail par jour. Mais elle persiste à faire ce travail, car c’est sa seule chance de sortir de la maison, de voir des gens, et de ne pas rester tranquille chez elle.

Observations

[27] L’appelante a soutenu qu’elle est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. a) Elle aimerait travailler à temps plein, mais avec toutes ses limites fonctionnelles, elle est à peine capable de s’acquitter de ses tâches de superviseure de salle à manger pendant une heure et 15 minutes chaque jour, et ce, même si cet emploi est adapté.
  2. b) Elle estime que son problème de santé est grave et prolongé car il ne sera jamais guéri, elle souffre tous les jours et son état de santé ne fera qu’empirer.

[28] L’intimé a soutenu que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. a) Un examen de ses antécédents de travail révèle que l’appelante a travaillé pour quatre employeurs en 2011 et 2012. La capacité de travailler à temps partiel, de s’acquitter de fonctions modifiées, d’occuper un emploi sédentaire ou de suivre des cours indique l’existence d’une capacité de travailler et peut empêcher de conclure à l’existence d’une invalidité.
  2. b) Dans le dossier de l’appelante, aucun rapport de spécialiste et aucune information médicale ne montre qu’elle serait incapable d’occuper tout type d’emploi convenable durant sa PMA ou aux alentours de celle‑ci.
  3. c) D’après l’intimé, la sclérose en plaques de l’appelante était stable et son statut fonctionnel a été décrit comme étant relativement bon. 

Analyse

[29] L’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de l’audience ou avant cette date.

Invalidité grave

[30] Le sous-alinéa 42(2)a)(i) de la Loi indique que pour être admissible à des prestations d’invalidité, une personne doit être « incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice ».

[31] Le Tribunal est convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante était incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice à la date du dépôt de sa demande, soit en juillet 2010.

[32] Le critère de la gravité doit être évalué dans un contexte réaliste (Villani c. Canada (P.G.), 2001 CAF 248). Cela signifie que pour déterminer si l’invalidité d’une personne est grave, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau de scolarité, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie.

[33] En l’espèce, l’expérience de travail de l’appelante était dans le domaine du service à la clientèle. Bien qu’elle ait suivi une formation pour devenir réflexologue accréditée, l’appelante a déclaré qu’elle n’a jamais été capable de travailler dans ce domaine en raison de ses limites physiques. Le Tribunal juge que l’appelante a démontré que, dans un contexte réaliste, elle ne serait pas capable de satisfaire aux attentes liées à un emploi cadrant avec son expérience et son niveau de scolarité, par exemple un emploi de service à la clientèle. Le fait qu’elle ne puisse pas s’asseoir ou rester debout pendant plus de 15 minutes, combiné à ses céphalées intenses, sa fatigue, ses étourdissements et la nécessité constante de courir aux toilettes, convainc le Tribunal que l’appelante est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Le Tribunal estime aussi que même si elle souhaitait poursuivre sa carrière de réflexologue, les limites susmentionnées ne lui permettraient pas de faire de séances d’une heure, comme l’exige la profession. Le rapport médical au dossier indique clairement que la sclérose en plaques de l’appelante est permanente et incurable, et qu’elle s’aggravera avec le temps.

[34] Le Tribunal accorde un poids considérable au témoignage de l’appelante. Ce témoignage était crédible, et le Tribunal ne voit aucune raison de le mettre en doute. Le problème de santé de l’appelante est permanent et, par le fait même, elle aura toujours des symptômes et des limites. Conformément aux principes établis dans Chandler c. MDRH (25 novembre 1996), CP 4040 (CAP), le Tribunal juge qu’il y a un fondement probatoire crédible pour établir que l’appelante ne peut pas détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. De plus, le Tribunal accepte l’argument de l’appelante selon lequel elle serait incapable de satisfaire aux attentes d’un employeur, même s’il est très raisonnable et très accommodant, et ce, pour tout type d’emploi

[35] L’intimé soutient que l’appelante n’est pas invalide, car elle occupe actuellement un emploi de superviseure de salle à manger. Bien qu’il est vrai que la capacité de travailler à temps partiel, de s’acquitter de fonctions modifiées, d’occuper un emploi sédentaire ou de suivre des cours indique l’existence d’une capacité de travailler et peut empêcher de conclure à l’existence d’une invalidité, le Tribunal estime que cela ne s’applique pas à l’appelante en l’espèce. Le Tribunal est d’avis que son emploi de superviseure de salle à manger ne constitue pas une occupation véritablement rémunératrice. L’appelante a déclaré qu’en 2005, puisque ses enfants étaient plus vieux, et dans son effort constant de contribuer aux revenus familiaux, elle se préparait à retourner sur le marché du travail après avoir été mère au foyer à temps plein. Ce témoignage est corroboré par la formation de réflexologue qu’elle a suivie en 2005 et l’emploi qu’elle a commencé comme superviseure de salle à manger d’école. L’appelante a déclaré que son emploi de superviseure de salle à manger n’était qu’un début, car elle comptait retourner au travail à temps plein. Toutefois, son problème de santé débilitant l’a empêchée de concrétiser ce plan. C’est dans ce contexte que l’appelante a commencé son emploi à l’école. Dans la décision de la Commission d’appel des pensions MDS c. Schuurmans (15 janvier 2007) CP 23478 (CAP), qui est convaincante sans toutefois être exécutoire, il a été reconnu qu’une personne qui ne peut pas travailler régulièrement en raison de poussées actives, intermittentes et imprévisibles d’une maladie chronique peut être considérée invalide. Dans l’arrêt Chandler, le terme « régulièrement » a été défini comme le fait d’être capable de se rendre au travail aussi souvent que nécessaire, et la prévisibilité est essentielle à cette définition. En l’espèce, l’appelante a besoin de mesures d’adaptation de haut niveau en raison de ses déficiences physiques. Même avec les mesures d’adaptation qui sont fournies par son employeur actuel, l’appelante a de la difficulté à rester au travail pendant une heure et 15 minutes. Il est donc difficile d’imaginer qu’elle puisse occuper un emploi « rémunérateur », quel qu’il soit.

[36] Bien que l’appelante ait écrit dans sa demande qu’elle est devenue invalide en 2006, le Tribunal estime qu’elle est devenue invalide au sens de la Loi en juillet 2010. La preuve médicale objective ainsi que le témoignage de l’appelante démontrent, d’une part, que cette dernière ne s’est pas acquittée du fardeau de prouver qu’elle était invalide avant le dépôt de sa demande et, d’autre part, qu’elle avait une certaine capacité de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Même si la preuve démontre que sa sclérose en plaques a commencé en 2006 ou vers cette date, le Tribunal souscrit au témoignage de l’appelante selon lequel c’est seulement en juillet 2010, lorsque l’appelante a décidé de faire une demande de prestations du RPC, que son état de santé s’est détérioré jusqu’au point où elle n’était plus employable. Cette conclusion est appuyée par le témoignage de l’appelante ainsi que par le rapport médical de Service Canada déposé par son médecin de famille.

[37] En se fondant sur les limites fonctionnelles de l’appelante dues à sa sclérose en plaques, le Tribunal conclut qu’elle est « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice », conformément au sous‑alinéa 42(2)a)(i) de la Loi.

Invalidité prolongée

[38] Le sous-alinéa 42(2)a)(ii) de la Loi indique qu’une invalidité est prolongée si elle est déclarée « devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès ». Comme il est énoncé dans MDRH c. Scott (10 juillet 1998), CP 5741 (CAP), l’examen doit être axé non pas sur la période requise pour la guérison, mais plutôt sur l’attente d’une incapacité de retour au travail.

[39] Le témoignage de l’appelante, qui a été étayé par la preuve médicale, établit qu’elle a commencé à souffrir de symptômes liés à la sclérose en plaques en 2006 et que son état de santé s’est considérablement détérioré depuis. La sclérose en plaques est incurable, et l’état de santé des personnes qui en sont atteintes ne fait que se dégrader au fil du temps. Pour ces raisons, le Tribunal estime que l’invalidité de l’appelante est de durée indéfinie et continue, et qu’il n’y a aucun espoir de rétablissement.

[40] Par conséquent, le Tribunal conclut que l’invalidité de l’appelante est « prolongée », conformément à la définition de la Loi.

Conclusion

[41] Le Tribunal conclut que l’appelante souffrait d’une invalidité grave et prolongée en juillet 2010, lorsqu’elle a fait une demande de prestations d’invalidité du RPC. Aux termes de l’article 69 de la Loi, les prestations d’invalidité sont payables à compter du quatrième mois qui suit la date du début de l’invalidité. Les paiements commenceront donc en novembre 2010.

[42] L’appel est accueilli.

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