Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Comparutions

  • D. M.: appelante
  • Diane Larose: représentante de l’appelante
  • J. P. M.: époux de l’appelante
  • Dr. Bertrand Proulx: (retraité) – témoin

Décision

[1] Le Tribunal estime qu’une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) doit être payée à l’appelante.

Introduction

[2] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité du RPC de l’appelante le 24 janvier 2011. L’intimé a rejeté la demande initiale ainsi que la demande de reconsidération, et l’appelante a interjeté appel de ces décisions devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR).

[3] Pour préserver l’intégrité des documents préparés en anglais, certaines sections de ce document sont rédigées en anglais.

[4] La première audience de cette cause, prévue le 20 septembre 2012, a été ajournée.

[5] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience, comparution en personne, pour les raisons énoncées dans l’Avis d’audience daté du 6 août 2014.

Question préliminaire

[6] Le Tribunal a reçu un document de l’appelante le 30 octobre 2014, soit 4 jours avant l’audience. Ce document comporte la chronologie de rendez-vous médicaux datés du 26 mars 2014 jusqu’au 20 octobre 2014, un rapport IRM daté du 31 août 2014 et un rapport d’une physiothérapeute daté du 3 septembre 2014. Le court délai entre la réception du document et la tenue de l'audience ne donne pas à l’intimé le temps nécessaire pour évaluer la nouvelle information. Ce document était pertinent mais ne contenait pas de l’information significative qui aiderait le Tribunal à prendre une décision juste et impartiale conformément à la loi. Le Tribunal a décidé de ne pas considérer ce document.

Droit applicable

[7] L’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité économique de 2012 prévoit que tout appel déposé auprès du BCTR avant le 1er avril 2013 qui n’a pas été instruit par celui-ci est considéré comme ayant été déposé auprès de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[8] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne touche pas de pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité.

[9] Le calcul de la période minimale d’admissibilité est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au plus tard à la fin de sa période minimale d’invalidité.

[10] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée être atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[11] La date de la période minimale d’invalidité n’est pas contestée, puisque les parties conviennent et que le Tribunal conclut que la période minimale d’invalidité de l’appelante a pris fin le 31 décembre 2013.

[12] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer si l’appelante était vraisemblablement atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de la période minimale d’admissibilité ou avant cette date.

Preuve

[13] L’appelante avait 61 ans à la date de la PMA. Elle a originalement atteint la 10e année mais plus tard a atteint la 12e année au niveau secondaire. Elle demeure avec son mari à X, au nord de l’Ontario.

[14] Elle a travaillé pendant 37 ans, du mois de mars 1974 jusqu’au mois de juillet 2010, pour Columbia Forest Products à X. Durant cette période elle a travaillé dans presque tous les départements de la compagnie et a enseigné certaines tâches aux nouveaux employés. Son emploi faisait une grande partie de sa vie. Elle a dû quitter son emploi parce qu’elle avait « une grosse bosse au poignet droit et une enflure de l’épaule droite. » Avant de quitter, elle avait travaillé pendant 6 mois aux travaux légers.

[15] Un rapport daté du 21 juin 2012 préparé pour une audience devant le WSIB décrit de façon plus détaillée l’histoire de l’appelante. Elle a travaillé les 16 dernières années de son emploi à la « putty line » [traduction] « ligne de production d’application de mastic », où il fallait remplir les trous et les fentes dans le bois contreplaqué. Il s’agissait d’une tâche très physique et répétitive. Dans le questionnaire RPC, l’appelante a décrit que ses problèmes se sont développés progressivement au cours des 5 dernières années à cause des mouvements répétitifs qu’elle devait effectuer durant son travail.

[16] Dans le document du 29 mars 2014, elle a ajouté d’autres détails au sujet des blessures au poignet et à l’épaule. Normalement on ne travaillait qu’une journée sur le « corstock » (bois plein de trous et de fentes) et ensuite on effectuait un travail moins exigeant. Mais à cause d’une commande urgente on n’a pas suivi cette règle et elle a travaillé sur le « corstock » 5 jours de suite. Quatre mois avant que l’appelante ait souffert sa blessure la compagnie avait réduit leur personnel et elle devait faire beaucoup plus de travail qu’auparavant. À l’audience l’appelante a montré la méthode utilisée pour remplir les trous et porter les chaudières de « putty  » [traduction] « mastic » qui pesaient environ 60 livres. Après avoir signalé sa blessure à son employeur, elle a commencé à faire du travail modifié pendant 4 heures par jour et son travail régulier pendant 4 heures par jour. En mars 2009, sa blessure est réapparue. Elle n’a pas travaillé du 9 mars au 3 mai 2009. Elle est retournée au travail modifié jusqu’au mois de mars 2010 quand il y avait une autre réapparition de la blessure. Lors de l’audience, elle a expliqué qu’elle pouvait accomplir le travail modifié parce qu’elle pouvait le faire à son rythme. Elle a discuté d’un retour au travail modifié avec son employeur, mais il ne pouvait pas offrir un travail permanent approprié aux restrictions physiques de l’appelante. La lettre écrite par l’employeur lors de son départ a noté que l’appelante était une employée exemplaire qui s’est absentée très rarement durant ses 37 ans de travail.

[17] Un plan de formation en commis d’administration a été proposé malgré l’opinion de sa docteure qui a écrit dans une lettre à WSIB (13 janvier 2011) que l’appelante « develops worsening pain with any use of her right arm including writing and using a mouse at the computer. It is my professional opinion that this lady cannot perform in a school setting for medical reasons.  » [traduction] « subit une aggravation de sa douleur lorsqu’elle se sert de son bras droit pour faire quoi que ce soit, y compris écrire ou manipuler une souris d’ordinateur. Mon avis professionnel est que cette dame ne peut fonctionner dans un cadre scolaire pour des raisons d’ordre médical. » L’appelante a tenté de retourner aux études. Cet effort a duré une heure et elle a dû quitter à cause de la douleur. La lettre de la coordinatrice du centre d’éducation des adultes (9 janvier 2012) a indiqué que l’appelante s’est présentée 2 fois à la formation, soit le 10 et le 12 janvier 2011, mais n’y est plus retournée. Le rapport du professeur a noté que l’appelante a fait beaucoup d’effort mais que son état physique et sa condition émotive ne lui permettaient pas d’être productive et elle a dû quitter le programme.

[18] Elle a dû cesser de faire son jardinage et ses activités bénévoles. Par exemple, elle ne pouvait plus pousser des patients en chaise roulante. Elle a expliqué qu’elle devait porter une écharpe en marchant pour empêcher son bras de bouger. Elle ne la porte plus parce qu’elle cause une irritation au cou. Maintenant elle supporte son bras en utilisant la fermeture de son manteau. Elle ne peut rien lever avec son bras droit. Elle n’est pas capable de couper sa viande. C’est son mari qui prépare la nourriture et qui fait la plupart des tâches ménagères. Elle fait les petites tâches légères.

[19] L’appelante a très bien décrit sa situation quotidienne dans sa lettre de demande de reconsidération, dans la lettre qui accompagnait les documents additionnels déposée le 29 mars 2014 et aussi lors de l’audience. Elle doit s’asseoir croche pour que son épaule droite ne touche pas la chaise. Les tâches ménagères et les soins personnels sont accomplis avec beaucoup de difficulté parce qu’elle ne peut pas utiliser le bras droit. Elle a de la difficulté à dormir et réussit à dormir dans une seule position. Elle se réveille 3 ou 4 fois durant la nuit le bras engourdi. Certains matins elle se lève avec un torticolis et elle ne peut pas se redresser jusqu’à ce qu’elle applique la glace et ensuite la chaleur. Le matin elle écoute la messe en direct. Elle fait une promenade, téléphone au père âgé d’une amie pour s’assurer que tout va bien chez lui, fait des petites courses à la pharmacie ou au bureau de poste. Elle est capable de conduire mais ne peut pas attacher la ceinture de sécurité. En hiver elle doit démarrer l’auto 30 minutes avant de partir parce qu’elle ne peut pas gratter les vitres. Elle prend Cymbalta, Elavil et Tylenol#3. Elle ne prend plus les anti-inflammatoires à cause des effets secondaires. Elle est obligée de prendre des médicaments pour être capable de passer sa journée à la maison. Si elle devait aller sur le marché du travail, elle devrait doubler la médication, ce qui la rendrait très inefficace. Elle fonctionnerait au ralenti et elle aurait l’air intoxiquée. Sa santé mentale est aussi affectée. Elle pleure souvent et elle est très découragée. C’est une bonne amie qui a écrit cette lettre à l’ordinateur parce qu’elle n’est pas capable de l’utiliser.

[20] Lors de l’audience, l’appelante a indiqué que vers la fin de l’année 2010 elle a cherché du travail dans un magasin de vêtements et au «  Dollar Store » [traduction] « Dollorama ». Quand les gérants de ces magasins lui ont expliqué les tâches qu’il faudrait effectuer pour combler les postes vacants, elle s’est rendu compte qu’elle n’en serait pas capable parce qu’elle ne peut rien faire avec le bras droit.

Rapports médicaux

[21] Le rapport d’un examen radiographique daté du 17 juin 2008 a indiqué « moderate calcific tendinitis. » [traduction] « une ténosite ossifiante modérée »

[22] En novembre 2008, un examen IRM de l’épaule droite a révélé ce qui suit: « bursitis, some tendinopathy of the supraspinatus tendon and degenerative changes in the humeral head and the acromioclavicular joint. » [traduction] « une bursite, une certaine tendinopathie du tendon du sus-épineux et des changements dégénératifs de la tête humérale et de l’articulation acromio-claviculaire » L’impression générale était qu’il y avait des changements dégénératifs. Un examen IRM de l’épine cervicale, effectué en novembre 2011, a identifié « The significant finding is that this patient has multilevel moderate to advanced cervical degenerative disease. Early central canal stenosis due to a large osteochondral bar at the C4-5 level. » [traduction] « La constatation clinique importante est que cette patiente a une maladie dégénérative de la région cervicale multi-niveaux de modérée à avancée. Sténose précoce du canal central en raison d’une barre ostéophytique importante au niveau de C4‑5. »

Dre. Smith

[23] Le rapport médical RPC (janvier 2011) a été complété par la docteure Smith qui connaissait l’appelante depuis 24 ans. Elle a commencé à traiter l’appelante pour son état pathologique principal en 2008. Le diagnostic était « diffuse soft tissue pathology shoulder area and rotator cuff tendonitis. » [traduction] « pathologie diffuse des tissus mous dans la région de l’épaule et tendinite de la coiffe des rotateurs » Elle a aussi indiqué : « Prior to first visit for problem, 5 years of progressive shoulder pain made worse with increasing physical stress at work 2 years prior to presenting.  » [traduction] « Avant sa première consultation pour le problème, cinq années de douleur progressive à l’épaule aggravée par une augmentation du stress physique au travail deux ans avant que le problème ne soit énoncé. » Elle a décrit les observations physiques et limitations fonctionnelles comme suit : « decreased range of motion right and left shoulder and neck. Unable to perform overhead work, lift or use right arm. Difficulty writing and doing computer work. » [traduction] « réduction de l’amplitude articulaire, côté droit et côté gauche des épaules et du cou. Incapacité à travailler avec charge au-dessus de la tête, à soulever le bras droit ou à s’en servir. Difficulté à écrire et à travailler à l’ordinateur. » Comme médicaments l’appelante prenait Celebrex et Tylenol #3. L’appelante a essayé la physiothérapie sans succès. Selon la docteure, il était peu probable que la condition de l’appelante s’améliorerait.

[24] Le 27 avril 2012, Dre. Smith a écrit une lettre à WSIB. Dans cette lettre, elle a résumé la condition de l’appelante et a noté que l’appelante avait été évaluée à une clinique spécialisée en conditions de douleur, mais que pour des raisons financières elle ne pouvait pas suivre les traitements suggérés. La docteure a ajouté que « Her posture has changed to adapt to her pain causing other complications including activation of trigger points resulting in intractable headaches and neck pain.  » [traduction] « sa posture a changé pour s’adapter à la douleur, lui occasionnant d’autres complications dont l’activation de zones gâchettes avec, comme résultat, des céphalées et une douleur cervicale réfractaires. » La docteure a exprimé l’opinion que la condition de l’appelante a progressé à « myofascial pain syndrome » [traduction] « un syndrome de douleurs myofasciales ». Elle souffrait maintenant de maux de tête presque chroniques.

Dr. Graham

[25] Le 23 septembre 2008, l’appelante a assisté à une évaluation multidisciplinaire par le Dr. Graham, physiatre. Le rapport multidisciplinaire du Dr. Graham a décrit comme suit le type de travail de l’appelante : « she has been exposed to increased work demands puttying, patching and turning plywood sheets. » [traduction] « elle a été exposée à un travail de plus en plus dur consistant à boucher des trous et des fentes dans des panneaux de contreplaqué avec du mastic et à retourner les panneaux. » Le rapport a indiqué que le problème au poignet s’était beaucoup amélioré avec la physiothérapie mais la douleur à l’épaule persistait. Le docteur a clarifié que «  Her pain is localized mostly in the scapula, however, rather than the shoulder tip. She really does not have any neck pain. » [traduction] « Sa douleur est localisée surtout dans l’omoplate, plutôt que dans le sommet de l’épaule. Elle n’a pas vraiment de douleur au cou.  » Elle ne pouvait pas se coucher sur cette épaule ni lever le bras droit. Il a recommandé d’autres examens, plusieurs restrictions physiques et une continuation de la physiothérapie.

Dr. Mckee

[26] À trois reprises, l’appelante a visité la clinique spécialisée en épaules et coudes à Sunnybrook Health Sciences Centre pour voir l’orthopédiste Dr. McKee. Le 4 juin 2009, le Dr. McKee a diagnostiqué « rotator cuff tendinopathy in the right shoulder. I do think that in the absence of any obvious tearing or defects she would be a reasonable candidate for non-operative treatment. I am recommending an aggressive course of strengthening for her shoulder which I do think was helping her significantly.  » [traduction] « une tendinopathie de la coiffe des rotateurs à l’épaule droite. Je crois bien qu’en l’absence de déchirure ou de défectuosités manifestes, elle serait une candidate raisonnable pour un traitement non-chirurgical. Je recommande un programme actif de renforcement pour son épaule, qui je crois l’avait beaucoup aidée .» Il voulait la revoir dans 6 mois et évaluerait le succès du programme de traitement. Il a énuméré plusieurs restrictions physiques: « In the meantime, restrictions would include no overhead work, no repetitive resisted flexion/extension of the shoulder and no heavy lifting. » [traduction] « Entretemps, les restrictions seraient notamment aucun travail au-dessus de la tête, aucun mouvement répétitif de flexion/extension de l’épaule avec résistance et aucune lourde manipulation. »

[27] Le 14 janvier 2010 le Dr. McKee a noté que la condition de l’appelante était plus ou moins pareille et qu’elle continuait à avoir les mêmes symptômes assez diffus. Pour cette raison, il considérait que la chirurgie aurait un taux de succès assez faible. Il a recommandé qu’elle continue à travailler aux tâches modifiées et qu’elle continue chez elle un programme d’exercices. Il voulait la revoir dans 6 mois.

[28] Au rendez-vous du 20 mai 2010, l’appelante a indiqué au Dr. McKee que sa douleur était tellement sévère qu’elle a dû visiter l’urgence à l’hôpital. On lui a conseillé d’arrêter de travailler. Le docteur McKee a indiqué que son problème est chronique et plutôt difficile. Son diagnostic était «  diffuse soft tissue pathology in and around the shoulder with a probable underlying mild to moderate degree of rotator cuff tendinosis. » [traduction] « une pathologie diffuse des tissus mous de l’épaule et de la région de l’épaule avec une probable tendinose sous-jacente d’intensité légère à modérée de la coiffe des rotateurs. » Il a exprimé l’opinion qu’une intervention chirurgicale ne l’aiderait pas parce que ses symptômes sont très diffus et parce que cette situation existe depuis longtemps. Il croyait qu’un retour à son emploi antérieur était peu probable parce qu’elle n’était pas capable de supporter même les tâches très légères. Il a recommandé une formation pour un emploi léger avec des restrictions physiques permanentes concernant son épaule droite.

[29] Dans un document préparé par l’appelante à la demande de son représentant, l’appelante a résumé ses propres impressions de ses 3 visites avec le Dr. McKee. À la première consultation, le 4 juin 2009, une physiothérapeute lui a fait faire des exercices pendant une vingtaine de minutes. Le docteur a posé des questions à la physiothérapeute en anglais sans traduction. Il n’a pas parlé à l’appelante. La durée de l’examen était de 5 minutes au maximum. Il voulait la revoir dans 6 mois.

[30] À la deuxième consultation, le 14 janvier 2010, on ne lui a pas fait faire des exercices. Il lui a demandé comment elle allait. Quand elle a répondu « pas bien », il lui a dit de continuer avec la physiothérapie. Elle a répondu que les physiothérapeutes ont conclu qu’elle devait cesser la physiothérapie parce qu’il n’y avait pas de progrès. Il lui a tapé à l’épaule et lui a dit de continuer les exercices chez elle et qu’il enverrait une nouvelle série d’exercices au physiothérapeute. Il n’a pas posé de questions au sujet des exercices proposés au dernier rendez-vous. L’appelante a expliqué que ces exercices lui ont causé beaucoup de douleur et elle a dû abandonner cette thérapie. Le docteur lui a dit de revenir dans 6 mois si sa situation n’allait pas mieux. La durée de la visite était de 10 minutes. Elle était très frustrée car elle avait voyagé une longue distance (plus de 900 km) pour un rendez-vous de 10 minutes. Elle a aussi expliqué que son mari avait dû s’absenter au travail pour l’accompagner.

[31] La 3e consultation a eu lieu le 20 mai 2010. La physiothérapeute lui a posé des questions au sujet de la physiothérapie à X. Elle a posé ces questions dans le corridor, ce qui rendait l’appelante mal à l’aise. Dans le bureau, le docteur lui a dit « Je n’ai plus rien à faire avec toi. Je ne recommande pas l’opération. Tu as 58 ans et ton « light duty » [traduction] « travail léger » est trop dur. Tu ne désenfles pas. Je vais faire un rapport à Columbia et à ton médecin. Tu ne recevras pas de nouvelles avant 15 jours. Bonjour et bonne chance. » La durée de la visite était d’environ 5 minutes.

[32] La Dre. Smith a écrit une lettre au Dr. McKee le 19 janvier 2011 pour lui expliquer le résultat négatif obtenu par l’appelante, malgré l’effort que l’appelante avait fait pour assister aux cours. Elle lui a demandé de l’aider à expliquer la situation de l’appelante à WSIB.

[33] Dans une réponse à cette lettre de la Dre. Smith, le Dr. McKee a écrit  :

I have reviewed your letter of January 19, 2011 regarding the above named patient. While I agree with you that she does feel significant pain, I am unable to find any objective diagnosis which would preclude her, for example, from using a computer mouse or keyboard. She has little objective evidence of an anatomic or physiological problem in or around her shoulder or neck that would support the degree of disability that she is reporting. I do think that, rather than being completely disabled for anything (school or work), she is capable of light physical activities I have outlined in my previous notes. [traduction] « J’ai lu votre lettre du 19 janvier 2011 au sujet de la patiente susmentionnée. Bien que je convienne avec vous qu’elle ressent une douleur importante, je suis incapable de trouver un quelconque diagnostic objectif qui l’empêcherait, par exemple, d’utiliser une souris ou un clavier d’ordinateur. Elle présente peu d’éléments probants objectifs d’un problème anatomique ou physiologique de l’épaule ou du cou ou de ces deux régions pouvant étayer le degré d’invalidité qu’elle rapporte. Je pense que, plutôt que d’être complètement inapte à tout (études ou travail), elle est capable de faire des activités physiques légères comme celles que j’ai énoncées dans mes notes précédentes. »

[34] Dans une lettre datée du 28 novembre 2012, la Dre Smith a énuméré plusieurs critiques concernant les 3 consultations de l’appelante à la clinique à Sunnybrook. Selon la Dre Smith, le Dr. McKee a passé très peu de temps avec l’appelante, ne l’a jamais examinée physiquement et a omis de poser plusieurs questions pertinentes concernant ses limitations. Selon la Dre. Smith, la condition de l’appelante était le résultat de dommage répétitif au travail. Elle a exprimé l’opinion que l’appelante ne serait pas capable de suivre une formation en vue d’effectuer une autre forme de travail. Elle ne peut pas utiliser un ordinateur, ni écrire, ni rester assise pendant longtemps.

Dr. Simon

[35] Le 5 avril 2011, l’appelante a vu le Dr. Simon dans la clinique spécialisée à Hearst. Durant ce rendez-vous, l’appelante était très émotionnelle. Tout en pleurant, elle a décrit la douleur dans son épaule, cou, et bras jusqu’aux doigts. « There is nothing particularly localizing about her descriptions. » [traduction] « Ses descriptions ne permettent pas très bien de situer sa douleur. » Le docteur a noté « I do again note generalized tenderness, in fact probably hypersensitivity to touch throughout the right proximity particularly around the shoulder region. She has restricted active range of motion in all planes. » [traduction] « Je remarque à nouveau une sensibilité généralisée, en fait probablement une hypersensibilité au toucher dans la région proximale droite, surtout dans la région de l’épaule. L’amplitude active des mouvements est limitée, et ce, pour tous les plans de mouvement. » Dans le rapport, il a indiqué qu’il ne croyait pas que l’appelante avait mis un effort complet durant l’examen et pour cette raison les résultats n’étaient pas entièrement précis. Il a examiné le IRM de 2008 et n’a rien vu durant son examen qui indiquerait un changement depuis ce temps. Selon son rapport, ils ont discuté des risques et bénéfices d’une injection de Depo-Medrol et elle a accepté l’injection. Sa propre description de cette visite est un peu différente. Selon elle, elle lui a dit qu’elle n’avait pas mal sur le dessus de l’épaule mais il l’avait piquée là quand même. Cela l’avait laissée fâchée et frustrée et la piqûre ne lui « avait donné aucun résultat par après. »

Dr. Mauguin

[36] La Dre. Smith a recommandé qu’elle consulte un conseiller au Services de Counselling de Hearst. Après 5 sessions, son conseiller, Stéphane Larose, a suggéré un rendez-vous avec un psychiatre.

[37] L’appelante a rencontré le Dr. Mauguin, psychiatre consultant, au mois d’octobre 2011 pour une raison qu’elle n’a pas voulu discuter avec son conseiller Stéphane Larose. Elle a décrit sa douleur, ses problèmes de sommeil et sa peine d’avoir été rejetée par la « compensation » [traduction] « l’indemnisation des accidents du travail ». Il a conclu que l’appelante avait beaucoup de frustration concernant ses efforts à obtenir la « compensation » [traduction] « l’indemnisation des accidents du travail » et «  en conséquence elle avait tendance à dramatiser et rechercher des suggestions pour essayer de pouvoir avoir les bénéfices qu’elle dit avoir besoin pour vivre confortablement ». Le docteur avait recommandé une augmentation de Cymbalta et Elavil.

[38] Dans un rapport écrit le 8 mai 2012 par le Dr. Mauguin, il a indiqué que l’appelante avait des difficultés à dormir depuis quelque temps, ce qui affectait son humeur entre autres choses. L’appelante avait de la difficulté à accepter ses limites et elle en avait même honte car auparavant elle était très fonctionnelle et très autonome. Il a noté aussi qu’elle avait beaucoup de plaisir à faire du bénévolat au foyer des pionniers où elle allait 2 fois par semaine pour lire aux patients. Il a conclu qu’elle devrait augmenter Elavil, continuer avec Cymbalta et aussi « s'affirmer beaucoup plus avec les choses qui lui sont demandées et qui ne sont pas toujours raisonnables et qu'elle doit travailler aussi sur l’acceptation de ses nouvelles limites ».

Dr. Remus

[39] Au mois de décembre 2011, l’appelante a visité le Dr. Remus, spécialiste en chirurgie orthopédique. Le Dr. Remus a considéré les rapports du Dr. Simon et Dr. McKee. Il acceptait la plupart des opinons de ces spécialistes mais n’était pas d’accord avec la recommandation du Dr. McKee quant à la capacité de l’appelante de participer dans un programme de formation qui visait un retour au travail. Le Dr. Remus croyait que l’âge, et les restrictions physiques de l’appelante ne permettraient pas un tel retour.

[40] Le Dr. Remus a écrit une lettre (1er février 2013) à la Dre. Smith décrivant un rendez-vous avec l’appelante le 5 décembre 2012. Il a répété l’opinion du Dr. McKee et a ajouté que l’appelante était maintenant déprimée et consultait un psychiatre. Il a exprimé l’opinion que la dépression était basée sur des ennuis financiers. Il a suggéré qu’elle présente une demande auprès de WSIB pour d’autres prestations, qu’elle prenne sa retraite ou qu’elle demande à son psychiatre de l’aider à prouver qu’elle est admissible à une pension d’invalidité en vertu du RPC.

[41] Le 6 juin 2013, le Dr. Remus a vu l’appelante accompagnée du Dr. Proulx (retraité) comme interprète. Le Dr. Proulx a demandé si le Dr. Remus pensait que l’appelante serait admissible à des prestations du RPC. Le Dr. Remus a répondu :

but I have advised him and the patient that to be eligible for Canada Disability Pension Benefits, medical documentation must prove that mentally and physically the person is so significantly disabled that they cannot look after themselves or their family, cannot participate in community activities, cannot obtain gainful employment and that likely their condition will lead to death. [traduction] «  mais je lui ai dit ainsi qu’à la patiente que pour être admissible aux prestations de pension d’invalidité du Canada, la documentation médicale doit prouver que, mentalement et physiquement, la personne a une invalidité si importante qu’elle ne peut pas s’occuper d’elle‑même ou de sa famille, ne peut pas participer à des activités communautaires, ne peut détenir une occupation rémunératrice et qu’il est probable que sa pathologie entraînera son décès. »

[42] Le Dr. Remus a continué :

no further activities by WSIB are indicated as she finds these to be very anxious and stressful. Indeed she may have a degree of chronic pain disorder, but of course this would be a psychiatric diagnosis. I am sure that she has been thoroughly investigated when she was at the Sunnybrook Surgical treatment assesment program. [traduction] « aucune autre activité de la CSPAAT n’est indiquée, car elle les trouve très anxiogènes et stressantes. En effet, il se pourrait qu’elle ait, dans une certaine mesure, un trouble de douleur chronique, mais ce serait bien entendu un diagnostic psychiatrique. Je suis sûr qu’elle a fait l’objet d’examens rigoureux lorsqu’elle a été vue par le programme d’évaluation du traitement chirurgical de l’établissement Sunnybrook. »

Dr. Shapero

[43] Le 23 janvier 2012, l’appelante a consulté le Dr. Shapero, spécialiste en problèmes de douleur et maux de tête. Elle lui a dit qu’elle avait des maux de tête sévères 5 fois par semaine et qu’elle prenait jusqu’à 4 Tylenol #3 par jour pour soulager la douleur. Elle lui a aussi décrit la douleur au cou et à l’épaule. Il a donné son impression :

Cervical myofascial pain syndrome secondary to degenerative changes in her cervical spine query facet joint mediated pain. Chronic migraine headaches. Adhesive capsulitis right shoulder …It is my opinion she would benefit from cervical and or lumbar facet joint testing. [traduction] « Syndrome de douleurs myofasciales cervicales secondaires à des changements dégénératifs dans sa colonne cervicale avec douleur cervicale facettaire possible. Migraines chroniques. Capsulite rétractile à l’épaule droite … J’estime qu’elle pourrait bénéficier d’examens des articulations facettaires cervicales et ou lombaires. »

[44] Le 7 mai 2012 il a ajouté :

She completed her cervical facet joint diagnostic investigations as described above and had a negative response. Based on this it is my opinion she would not be a good candidate for percutaneous radiofrequency rhizotomy as described above and I would suggest a short trial therapeutic myofascial trigger point injections and/or occipital nerve blocks which could either be done in this office or in some place closer to where she lives. [traduction] « Elle a effectué au complet les examens diagnostiques de ses articulations facettaires cervicales tels que décrits précédemment et le résultat a été négatif. Compte tenu de ceci, je suis d’avis qu’elle ne serait pas une bonne candidate pour la rhizotomie percutanée par radiofréquence que nous avons décrite précédemment, et je suggérerais un essai thérapeutique bref d’injections dans les zones gâchettes et/ou de blocage nerveux occipital, qui pourraient lui être administrés soit dans ce cabinet, soit plus près de son lieu de résidence. »

[45] Lors de l’audience, l’appelante a indiqué qu’elle a subi 4 injections par jour, 3 jours de suite pour lesquelles elle a payé 4,000 $. Ces injections ont aidé un peu avec les maux de tête.

Physiothérapie

[46] Le rapport final daté du 1er décembre 2009 de la physiothérapeute de l’hôpital Notre Dame a résumé les traitements et résultats pour l’appelante. Elle a assisté à la clinique 2 fois par semaine pendant 11 semaines. Le rapport précise ce qui suit :

Treatment included a home exercise program, in clinic exercises, mobilizations, release of trigger points, ultrasound and interferrential current. Improvements were noted in range of motion and strength although restrictions are still noted in flexion, abduction and internal rotation. … has reached a plateau in her physical recovery, and is not at a level to allow her to safely return to her previous job. [traduction] « Le traitement comprenait un programme d’exercices à faire à la maison, des exercices à faire en clinique, des mobilisations, la libération des zones gâchettes, les ultrasons et le courant interférentiel. Des améliorations ont été constatées dans l’amplitude des mouvements et dans la force, mais des restrictions sont toujours présentes en ce qui a trait aux flexions, abductions et rotations internes. … a atteint un plateau dans son rétablissement physique, et n’est pas à un niveau lui permettant de retourner à son ancien emploi. »

[47] Dans une lettre datée du 21 décembre 2010, la physiothérapeute a résumé l’historique des consultations avec l’appelante. L’appelante a consulté la physiothérapeute en août 2008 et a continué avec des traitements sur son épaule droite jusqu’au mois de février 2009. Elle a recommencé en septembre 2009 et a poursuivi jusqu’à novembre 2009. Durant cette période l’appelante faisait les mouvements de renforcement suggérés par le Dr. McKee. Selon l’appelante cette démarche a empiré sa condition. Selon la physiothérapeute, l’appelante a assisté régulièrement et était motivée. Malheureusement il n’y avait pas beaucoup de succès. L’appelante continuait à avoir « limited shoulder range of motion, pain, weakness in the shoulder joint ascending to the cervical area as well as the scapular area. » [traduction] « amplitude de mouvement limitée à l’épaule, douleur, faiblesse dans l’articulation de l’épaule montant dans la région cervicale ainsi que dans la région de l’omoplate. » Puisqu’elle était droitière, elle avait de la difficulté avec ses tâches de travail et aussi avec ses activités quotidiennes. Selon la physiothérapeute, l’appelante n’était capable physiquement de retourner à aucun emploi rémunérateur qui exige l’emploi de l’extrémité droite supérieure.

[48] Le dossier contient une note écrite par la physiothérapeute de la clinique de physiothérapie Notre Dame à Hearst. Le 9 mai 2012, elle a écrit que l’appelante a de la douleur à l’épaule droite mais surtout à la région scapulaire. Elle a l’épaule arrondie et semblait souffrir de « myofascial syndrome to several different muscles of the shoulder, neck and scapular areas.  » [traduction] « syndrome myofascial à plusieurs différents muscles de la région de l’épaule, du cou et de l’omoplate. » Elle a recommandé la massothérapie.

Massothérapie

[49] La massothérapeute a écrit une lettre le 5 mai 2011 et une autre lettre le 22 décembre 2011 décrivant ses traitements et ses impressions de l’appelante. Le 25 février 2010 elle a remarqué que la région de l’omoplate droite était trop sensible et elle devait passer ses mains très doucement. Le 27 septembre 2010 l’appelante était très émotionnelle parce qu’elle avait tellement de restrictions et devait se fier à son conjoint pour effectuer les tâches ménagères. Le 28 janvier 2011, la massothérapeute a remarqué la même sensibilité à la région de l’omoplate et aussi a noté un changement de posture. Son dos commence à dévier vers l’avant. Le 22 mars 2011, l’appelante pleurait souvent et exprimait beaucoup de frustration parce que «  certaines personnes ne croit (sic) pas à son mal qui est tenace. » Le 31 mai 2011 elle a remarqué les rougeurs apparaissant dans la région de l’omoplate droite. Le 2 août 2011 la mobilité du côté droit avait des raideurs à cause de la douleur. Le 17 octobre 2011, l’appelante exprimait sa frustration et son découragement. Le 13 décembre 2011, la massothérapeute a noté les rougeurs qui surgissaient en frottant la région affectée et aussi une bosse d’enflure directe sur l’omoplate droite. Selon elle, l’appelante endurait beaucoup de «  mal ».

Rapport du dr. Proulx

[50] Dans son rapport daté du 29 mars 2014, le Dr. Proulx, médecin retraité, a indiqué que le but du rapport était d’aider l’appelante dans ses efforts visant à faire reconnaître à l’intimé qu’elle souffre d’une invalidité grave et prolongée au sens du RPC. Il a examiné les rapports médicaux et a présenté, par écrit et oralement lors de l’audience, ses commentaires sur ces rapports.

[51] Dans le dossier il y a un document daté du 12 novembre 2012 écrit par le Dr. Proulx. Le Dr. Proulx a premièrement donné son explication concernant la douleur ressentie par l’appelante. Il a expliqué que la douleur et l’incapacité de l’appelante de lever son bras droit proviennent de problèmes scapulaires. Dr. Proulx a indiqué que le rapport de Dr. Graham a noté les mêmes symptômes : « Tenderness over the right interscapular muscles and she withdraws to palpation ». [traduction] « Sensibilité le long des muscles interscapulaires droits et elle a un mouvement de retrait à la palpation. »

[52] Il a, de façon très détaillée (avec photos à l’appui), décrit le travail de l’appelante pour expliquer sa théorie concernant la cause des problèmes physiques de l’appelante.

[53] Il a aussi fourni son opinion relative à l’évaluation de l’appelante effectuée à la clinique à Sunnybrook. Le Dr. Proulx était d’avis que le Dr. McKee n’avait pas passé assez de temps avec l’appelante pour bien apprécier sa situation et reconnaître les limitations physiques imposées par sa douleur chronique. Selon le Dr. Proulx, le manque d’interprétation a causé certains malentendus entre Dr. McKee et l’appelante. Par exemple, Dr. McKee a indiqué que l’appelante « had some physiotherapy which seemed to have a good effect, but apparently this has been stopped. » [traduction] « a fait de la physiothérapie qui semble avoir eu un bon effet, mais apparemment il y a été mis fin. » En fait, l’appelante a participé à 69 sessions de traitement (août 2008 à février 2009) et ne s’est pas améliorée du point de vue de douleur ni de capacité physique.

[54] Il a inclus dans son rapport un commentaire sur une visite de l’appelante à l’urgence le 26 février 2009. L’évaluation a indiqué « pain in the back of right shoulder blade, pain radiating from shoulder up to neck right side, unable to hold or raise arm higher than 90 …repetitive work strain ». [traduction] « une douleur derrière l’omoplate droite, douleur irradiant de l’épaule jusqu’au cou du côté droit, incapable de tenir le bras élevé ni de le lever à un angle de plus de 90… microtraumatismes répétés liés au travail ». Le Dr. Proulx a fait le commentaire suivant :

A medical student was able to obtain an accurate history despite being busy in an Emergency Room. This medical student grasped the location of (Appellant's) main complaint (scapular region) and the fact that … cannot raise her right arm above 90°. Naturally, it is normal to expect at least the same from Physio/McKee. [traduction] « Un étudiant en médecine a été capable d’obtenir une anamnèse exacte malgré qu’il était occupé dans une salle d’urgence. Cet étudiant en médecine a su cerner l’endroit (région de l’omoplate) de l’affection principale de (l’appelante) et le fait que … ne peut lever le bras droit plus haut qu’à un angle de 90 degrés. Naturellement, il est normal de s’attendre à au moins la même chose de la part du physio/de McKee. »

[55] Le Dr. Proulx a aussi critiqué l’interprétation de Dr. McKee du IRM. Le radiologiste a écrit dans son rapport « some tendinopathy » [traduction] « une certaine tendinopathie » alors que le Dr. McKee a écrit « significant tendinopathy » [traduction] « une importante tendinopathie ». Selon le Dr. Proulx, cette fausse interprétation a mené le Dr. McKee à traiter l’appelante pour une condition qui n’existait pas de façon significative.

[56] Lors de la deuxième visite, Dr. McKee a dit « She is working full time although it is only on light duties » [traduction] « Elle travaille à temps plein, mais ne fait que des travaux légers ». Il n’a pas demandé une description de ses tâches, alors il ne savait pas qu’il y avait plusieurs tâches qu’elle n’était pas capable d’effectuer de façon régulière, c.-à-d. écrire, taper, utiliser l’ordinateur à l’aide de la souris. Il n’a pas interrogé l’appelante au sujet des exercices donnés lors de la première visite alors il ne savait pas qu’elle ne les tolérait pas.

[57] L’appelante avait perdu confiance en Dr. McKee et voulait revoir Dr. Graham, mais WSIB a refusé parce qu’il l’avait déjà évaluée en septembre 2008.

[58] Dr. Proulx a écrit une liste de 34 questions que, selon lui, Dr. McKee aurait dû poser à l’appelante. Il s’interroge sur la crédibilité de l’opinion du Dr. McKee concernant l’impact de la condition de l’appelante sur sa capacité de fonctionner. Il cite le Dr. Mckee : « I think she has the physical capability for performing the duties that I have outlined in my previous notes.  » [traduction] « Je pense qu’elle est capable de faire les tâches que j’ai énoncées dans mes notes précédentes » Le Dr. Proulx continue en disant :

With all due respect to Dr. McKee, a reputed orthopedic surgeon, he has NEVER outlined in his previous notes ANY physical capabilities of D… nor, for that matter, her incapacities, i.e. activities that she is unable to do because of her scapular pain going into the right arm, on motion of her right arm. There is no mention of these capabilities in his previous notes. [traduction] « Sauf tout le respect que je dois au Dr McKee, chirurgien orthopédiste réputé, il n’a JAMAIS énoncé dans ses notes précédentes AUCUNE des capacités physiques de D… ni, d’ailleurs, ses incapacités, c’est‑à‑dire les activités qu’elle est incapable d’accomplir en raison de sa douleur scapulaire irradiant dans le bras droit, lorsqu’elle bouge le bras droit. Ces capacités n’ont nullement été mentionnées dans ses notes précédentes. »

Observations

[59] La représentante de l’appelante soutient que l’appelante est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. a) L’appelante est droitière mais n’est pas capable d’utiliser son bras droit.
  2. b) Elle a suivi la recommandation de WSIB et a essayé sans succès un programme pour lui fournir des habiletés pour retourner à un travail convenable.
  3. c) Elle a participé pour une longue période dans des programmes de physiothérapie sans amélioration de sa condition.
  4. d) Elle a travaillé pendant 37 ans pour la même compagnie et son employeur a indiqué qu’elle était une employée exemplaire. Elle n’aurait pas quitté si elle n’était pas en douleur extrême.
  5. e) À cause des problèmes de langue et la courte période de temps qu’il a passé avec l’appelante, elle croit que le Dr. McKee a mal diagnostiqué la condition physique de l’appelante et par conséquent lui a fait des recommandations inappropriées.

[60] L’intimé soutient que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. a) Les médicaments n’ont pas changé depuis le mois d’avril 2011 ce qui indique qu’ils permettent de contrôler les symptômes de l’appelante.
  2. b) Après avoir considéré les rapports du Dr. Proulx, l’intimé suggère que le Tribunal devrait accorder plus de poids aux rapports des spécialistes comme le Dr. McKee, dont la spécialité est épaules et coudes.
  3. c) Les évaluations des spécialistes ont déterminé que l’appelante a la capacité de détenir un emploi approprié.

Analyse

[61] L’appelante doit prouver selon la prépondérance des probabilités qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2013 ou avant cette date.

Caractère grave

[62] La gravité de l’invalidité doit être évaluée dans un contexte «  réaliste » (Villani c. Canada (P.G.), 2001 CAF 248). Cela signifie que pour évaluer la capacité de travailler d’une personne, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie.

[63] L’appelante avait 61 ans à sa PMA. Elle avait travaillé pendant 37 ans pour la compagnie Columbia Forest Products. Elle avait travaillé dans presque toutes les sections de la compagnie et avait fini sa carrière en travaillant sur la « putty line » [traduction] « ligne de production d’application de mastic », où les tâches étaient très exigeantes physiquement. Sa langue maternelle est le français et sa compréhension de l’anglais est assez faible. Elle a atteint la 12e année au niveau d’éducation secondaire. À l’âge de 61 ans, il serait très difficile pour l’appelante de suivre des cours dans un autre domaine de travail mais elle a fait un effort de retourner à l’école. Cet effort n’a pas réussi parce que la douleur qu’elle ressentait l’empêchait de continuer. Le Tribunal est d’avis que selon les critères établis dans Villani l’appelante est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[64] La décision MSNBS c. Densmore (2 juin 1993) CP2389 (CAP) porte sur la question de douleur chronique et le Tribunal s’y réfère à titre d’indication. À la page 4, la Commission d’appel des pensions a écrit :

La question est difficile parce que la réponse dépend de 1'opinion que se fait quant à l'authenticité de symptômes strictement subjectifs. De fait, la décision rendue, qui ne peut généralement s'appuyer sur des signes cliniques objectifs, revient chaque fois à déterminer si l'intensité des douleurs évoquées est plausible. Comme elle l'a maintes fois exprimé dans d'autres affaires, la Commission est d'avis qu'il ne suffit pas ici de prouver l'existence d'un syndrome de douleur chronique. La douleur doit être telle qu'elle rend la personne incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[65] Le Tribunal estime que l’appelante, par la description de sa vie journalière, par la loyauté qu’elle a démontrée à son employeur, par son effort de trouver un autre emploi et par son effort de retourner à l’école, n’aurait pas arrêté de travailler si elle n’avait pas souffert de douleur intense.

[66] L’intimé suggère que le Tribunal doit donner plus de poids aux opinions des spécialistes comme le Dr. McKee. Le Tribunal accepte le témoignage de l’appelante qui a expliqué que les rendez-vous avec le Dr. McKee n’ont duré que 5 à 10 minutes, qu’il ne l’a pas examinée lui-même, ne lui a pas posé des questions concernant l’effet des exercices qu’il avait suggérés et que les conversations entre le Dr. McKee et la physiothérapeute qui avaient eu lieu en présence de l’appelante étaient en anglais, sans interprétation. Le Tribunal note aussi que le Dr. Graham, lui aussi spécialiste, a noté que la douleur de l’appelante se situe dans la région scapulaire, non pas à la pointe de son épaule. Le Dr. Remus, autre spécialiste, était d’accord avec la plupart des opinions de Dr. McKee mais il n’acceptait pas que l’appelante serait capable de participer dans un programme qui visait un retour au travail. Le médecin de famille de l’appelante la connaissait depuis 24 ans et elle n’était pas satisfaite de la procédure ni des résultats des consultations avec le Dr. McKee. Le Tribunal donne plus de poids à l’opinion du médecin de famille et accepte que l’appelante est incapable régulièrement de détenir une occupation véritablement rémunératrice

[67] Le Tribunal a noté que les praticiens médicaux n’étaient pas tous d’accord au sujet du diagnostic. « La question principale dans ce cas n’est pas la nature ou le nom de la condition médicale, mais plutôt son effet fonctionnel sur la capacité de travailler de la demanderesse » (Ferreira c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 81). Le Dr. McKee a diagnostiqué « rotator cuff tendinopathy » [traduction] « une tendinopathie de la coiffe des rotateurs ». Le Dr. Graham a expliqué que « Her pain is localized mostly in the scapula. » [traduction] « Sa douleur se situe principalement à l’omoplate. » Le Tribunal accepte que même si les symptômes de l’appelante ont mené à des conclusions différentes, elle n’a pas la capacité de poursuivre aucun emploi véritablement rémunérateur.

[68] Le Tribunal accepte que le but du témoignage et des documents préparés par le Dr. Proulx était d’appuyer la position de l’appelante. Cependant, il a de façon très détaillée mis en question la diagnostique du Dr. McKee et a démontré à l’aide de photos sa théorie sur la cause de la blessure et son effet sur la vie quotidienne de l’appelante. Le Tribunal trouve que son témoignage est important pour une compréhension complète des capacités de l’appelante.

[69] L’intimé indique que, puisque les médicaments de l’appelante n’ont pas changé depuis 2011, ils suffisent à contrôler sa douleur. Le Tribunal ne donne pas de poids à cet argument et accepte que les médicaments donnent à l’appelante la capacité de passer la journée chez elle et de fonctionner à son rythme.

[70] Le Tribunal trouve que selon la prépondérance de probabilités, l’appelante était atteinte d’une invalidité grave en juillet 2010 quand elle a dû quitter son travail.

Caractère prolongé

[71] Le médecin de famille de l’appelante a commencé à la traiter pour les problèmes de douleur à l’épaule en 2008. L’appelante a continué à travailler jusqu’au mois de juillet 2010. Elle a été évaluée par plusieurs spécialistes et a suivi plusieurs programmes de physiothérapie et massothérapie. Tous les traitements qu’elle a essayés n’ont pas réussi à diminuer sa douleur. Son médecin de famille n’a prévu aucune amélioration dans sa condition.

[72] Le Tribunal accepte que la condition de l’appelante a duré pendant une période longue et durera pendant une période continue et indéfinie.

Conclusion

[73] Le Tribunal conclut que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en juillet 2010 lorsqu’elle a quitté son emploi à Columbia Forest Products. Selon l’article 69 du RPC, la pension d’invalidité est payable à compter du quatrième mois qui suit la date du début de l’invalidité. Les paiements commenceront en novembre 2010.

[74] L’appel est accueilli.

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