Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] Le Tribunal conclut qu’aucune pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) n’est payable à l’appelant.

Introduction

[2] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité du RPC de l’appelant le 6 août 2010. L’intimé a rejeté la demande initiale et la demande de révision, puis l’appelant a interjeté appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR).

[3] Le présent appel a été instruit par comparution en personne pour les raisons indiquées dans l’avis d’audience daté du 26 août 2014.

Droit applicable

[4] L’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012 prévoit qu’un appel qui a été présenté devant le BCTR avant le 1er avril 2013 et qui n’a pas été instruit par le BCTR est réputé avoir été présenté devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada (la Loi) énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à cette pension, le demandeur :

  1. a) doit avoir moins de 65 ans;
  2. b) ne doit pas toucher de pension de retraite du RPC;
  3. c) doit être invalide;
  4. e) doit avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[6] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

[7] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) de la Loi, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité n’est prolongée que si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[8] Le litige ne concerne pas la PMA, car les parties conviennent que cette période prend fin le 31 décembre 2009, ce qu’a également conclu le Tribunal.

[9] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer s’il est plus probable que le contraire que l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

Preuve

[10] L’appelant a 58 ans, une huitième année et a travaillé comme monteur de charpentes métalliques syndiqué. Les principales affections dont se plaint l’appelant en date de sa demande concernent une douleur dans le bas du dos, la jambe et l’avant‑bras droits et le genou gauche.

[11] L’appelant a des antécédents de travail diversifiés. Il a déclaré dans son témoignage que de 1980 à 1983, il a travaillé comme monteur de charpentes métalliques dans l’Ouest canadien. Après être retourné vivre en Ontario, il a rénové et vendu des maisons, a acheté une station-service en 1986 avec les profits. Toutefois, un membre de la famille a détourné des fonds dans l’entreprise et l’a jeté à la rue.

[12] L’appelant a affirmé qu’en 1988, il est tombé au travail, se cassant le poignet et se blessant au dos. Il touche donc une pension de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT), et la moitié est payable à son ex-épouse. Une lettre de la CSPAAT à l’intention de l’appelant confirme le versement de prestations mensuelles à ce dernier (GT1-63).

[13] L’appelant a subi des blessures dans un accident de voiture en mai 1993, principalement une fracture de la rotule gauche et du fémur droit, selon le rapport médical daté du 15 février 2011 du Dr R.J. Lachowski, chirurgien orthopédiste (GT1‑65ff). L’appelant a précisé qu’au cours de cet accident, il s’est aussi fracturé la cheville et le tibia. Il a suivi un traitement de physiothérapie à ce moment, et par la suite il a fait des exercices à la maison. En 1996, il était assez bien pour travailler pour un entrepreneur à X afin d’accomplir un travail temporaire impliquant le réaménagement d’une usine de construction d’automobiles au cours d’un arrêt des activités. Ce type de travail, réalisé temporairement pendant des arrêts d’activités de l’usine, semble avoir été son principal moyen de subsistance après 1996. En outre, l’appelant a aussi exploité un restaurant et a exécuté des travaux de construction concernant de l’« acier de construction ».

[14] Le registre des gains (RDG) de l’appelant montre des gains ouvrant droit à pension en 1996-1997, de 2002 à 2005, en 2007-2008 et en 2012. Pendant ces années, le montant le moins élevé qu’il a touché était de 4 517 $, en 2002, et le plus élevé était de 22 945 $, en 2008. Au cours des années pendant lesquelles il avait des gains ouvrant droit à pension après 1996 (excluant 2012), son revenu annuel moyen était de 14 000 $ (GT3‑1).

[15] L’appelant a indiqué qu’il a vécu dans la rue de 2003 à 2011 ou 2012, dormant dans des maisons abandonnées et mangeant dans soupes populaires. Pendant trois mois en 2011, il a vécu à l’Armée du Salut. Il a indiqué qu’il avait fait une demande de prestations dans le cadre du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées, mais sa demande n’a pas été acceptée était donné qu’il touche une pension de la CSPAAT. Il n’a pas dit aux autorités provinciales que son ex-épouse recevait la moitié de la pension.

[16] Selon un questionnaire daté du 6 août 2010 (GT1-69FF), l’appelant a cessé de travailler en 2008 en raison d’une douleur aux jambes. Il a indiqué que c’était à la suite d’un accident de travail dans lequel une cornière lui a frappé le côté du genou. Il a dit que l’entreprise l’avait payé pendant un certain temps pour faire des travaux légers – où il pouvait demeurer assis dans une roulotte. Le seul médicament qu’il a déclaré prendre en août 2010 était une injection occasionnelle de cortisone. Il a aussi affirmé qu’il avait besoin d’une canne et qu’il était difficile de travailler. Au cours de l’audience, il a mentionné qu’après son accident l’ayant blessé en 2008, il ne pouvait plus vraiment marcher, et que lorsqu’on est monteur de charpentes métalliques au cours d’un arrêt des activités d’une usine, il faut beaucoup marcher : devant un chariot élévateur à fourche, par exemple.

[17] Le témoin de l’appelant, un cousin, a affirmé qu’il l’avait connu toute sa vie, mais qu’il n’avait pas été en contact avec lui de 2000 à 2010 environ.

[18] Aucun rapport médical lié à l’appelant datant d’avant 2011 ne figure au dossier. Le Dr Lachowski, qui l’a vu en 1993, a indiqué en février 2011 que l’appelant continuait de souffrir de douleur chronique aux deux jambes, mais était capable de marcher malgré la douleur. Il a affirmé qu’il recevait des injections de cortisone à intervalles de quelques années dans le genou gauche et qu’il prenait parfois du Percocet pour gérer la douleur; il se pourrait qu’il ait besoin dans l’avenir d’un remplacement du genou et de l’enlèvement d’un clou dans le fémur. Le plan visait à continuer de traiter les affections de l’appelant de manière conservatrice (GT1-65ff). À l’audience, l’appelant a affirmé que le Dr Lachowski lui avait conseillé de ne pas travailler.

[19] L’appelant a affirmé qu’en 2011, il a trébuché sur le trottoir et s’est disloqué l’épaule, en plus de se fracturer le bras. Deux semaines plus tard, il a encore trébuché sur le trottoir et s’est fracturé de nouveau le bras.

[20] En décembre 2011, le Dr Khurram Khan, gastroentérologue et hépatologue, a rempli un rapport médical au nom de l’appelant. Le Dr Khan a indiqué que l’appelant souffrait d’une cirrhose du foie liée à la consommation d’alcool et d’une fracture du fémur droit, d’une luxation de l’épaule et d’anémie. Il a été admis à l’hôpital au moins quatre fois en 2011, et une dérivation portosystémique intrahépatique par voie transjugulaire (procédure TIPS) a été pratiquée sur son foie pour réduire le risque de saignement. L’appelant prenait du Prevacid et jusqu’à huit Percocet par jour. Le Dr Khan a noté qu’il est possible que les affections de l’appelant s’aggravent dans l’avenir et qu’elles pourraient nécessiter une évaluation en vue de transplantation. Bien que l’affection de l’appelant relative à son foie soit grave, il semble qu’elle se soit manifestée après la fin de sa PMA, ce qui n’est donc pas pertinent pour rendre une décision en l’espèce.

[21] L’appelant a affirmé qu’il n’avait pas consulté d’autres spécialistes outre les Drs Khan et Lachowski. Il a déclaré qu’il suit toujours les traitements recommandés (GT1-7 ff).

[22] L’appelant a déclaré dans son témoignage qu’il a commencé à boire quand il était adolescent. Il a continué de boire pendant toute sa vie professionnelle; il a affirmé que cela ne lui a jamais causé de problème au travail. Après avoir subi ses blessures, il se servait de l’alcool comme analgésique. Il a arrêté de boire en 2011 sans aller chez les Alcooliques anonymes.

[23] En 2012, l’appelant a travaillé comme monteur de charpentes métalliques à Mississauga, mais a cessé de travailler après quelques mois parce que sa douleur était trop importante. Selon le registre des gains, ses gains étaient de 10 132 $ pour 2012. Il a, en outre, déclaré dans son témoignage que la dernière fois où il avait été en mesure de travailler était en 2014 (plus tôt en cours d’année). Il a indiqué qu’il a travaillé pendant 16 jours en 2014; son témoin a déclaré qu’il faisait 75 $ ou 150 $ par jour pour ce travail. L’appelant a indiqué qu’il avait laissé cet emploi parce qu’il souffrait trop.

[24] L’appelant a déclaré qu’il a maintenant un médecin de famille, qui lui a dit qu’il n’y a rien qu’il pouvait faire, sauf prendre des analgésiques. Il prend du Percocet parce qu’il dit que ses idées sont plus claires que lorsqu’il prend de l’Oxycontin.

[25] Le témoin de l’appelant a déclaré dans son témoignage qu’il avait travaillé avec ce dernier à un projet lié au poste de monteur de charpentes métalliques plus tôt en 2014. Il a aussi donné de l’information sur les conditions de vie actuelles de l’appelant. L’appelant a déménagé dans l’ancienne maison de sa mère dans la réserve il y a environ trois mois. La demeure est chauffée et éclairée, mais il n’y a pas de cusinière, ni de réfrigérateur, ni d’eau courante. L’appelant vit seul et compte sur des membres de sa famille pour s’occuper de lui et lui offrir un transport lorsqu’il en a besoin puisqu’il n’a pas de voiture. Le témoin a affirmé que l’appelant est incapable de soulever quoi que ce soit. Il avait essayé de couper du bois quelques jours avant l’audience, et le résultat a été qu’il s’est mis à vomir du sang; il hésitait à manger parce qu’il avait peur de vomir encore.

[26] Lors de l’audience, l’appelant n’était manifestement pas bien. Il utilisait une marchette et a fréquemment changé de position durant l’audience en raison de sa douleur au dos. Il s’est fatigué rapidement. Son témoin a indiqué qu’il l’emmenait immédiatement à l’hôpital pour le traitement de son problème d’estomac.

Observations

[27] L’appelant soutient qu’il est admissible à une pension d’invalidité du RPC parce qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA.

[28] L’intimé soutient que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité du RPC pour les raisons suivantes :

  1. a) Rien n’indique qu’il a essayé d’exécuter des travaux légers ou des tâches modifiées en tant que monteur de charpentes métalliques ou dans le cadre d’un autre poste;
  2. b) Sa rémunération était de plus de 10 000 $ en 2012, après la fin de sa PMA;
  3. c) Aucun rapport médical n’étaye une douleur intense au dos, ni un problème à l’avant-bras droit;
  4. d) Aucun renseignement médical n’étaye des limitations graves résultant de fractures de l’appelant au genou gauche et à la cuisse droite en mai 1993;
  5. e) La cirrhose de l’appelant date d’après sa PMA;
  6. f) Aucune information n’indique que des changements importants aux épaules en 2009 auraient empêché de l’appelant d’accomplir tout type de travail (GT2).

Analyse

[29] L’appelant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2009 ou avant cette date.

Invalidité grave

[30] Le critère de la gravité doit être évalué dans un contexte réaliste (Villani c. Canada [P.G.], 2001 CAF 248). Cela signifie que pour déterminer si l’invalidité d’une personne est grave, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que « l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie ».

[31] Comme l’a indiqué le tribunal dans l’arrêt Villani, cela ne signifie pas que « quiconque éprouve des problèmes de santé et des difficultés à trouver et à conserver un emploi a droit à une pension d’invalidité. Les requérants sont toujours tenus de démontrer qu’ils souffrent d’une “invalidité grave et prolongée” qui les rend “régulièrement incapables de détenir une occupation véritablement rémunératrice”. Une preuve médicale sera toujours nécessaire […] » (arrêt Villani, aux paragraphes 38 et 50).

[32] En l’espèce, la prépondérance de la preuve a convaincu le Tribunal qu’une pension d’invalidité du RPC n’est pas payable à l’appelant.

[33] Le Tribunal reconnaît que l’appelant a fait un gros effort pour assister à l’audience. Il n’était toutefois pas un témoin entièrement crédible. Il n’a pas été clair dans de nombreux détails concernant ses antécédents de travail. En outre, il a initialement nié avoir travaillé en 2014. Et même si l’appelant a affirmé qu’il avait suivi tous les traitements recommandés, il a également dit que le Dr Lachowski lui avait dit de ne pas travailler en 2011, alors qu’il a bel et bien travaillé en 2012. Le témoin de l’appelant était crédible, mais n’était pas capable de fournir d’information de première main sur l’état de santé de l’appelant entre 2000 et 2010.

[34] Une question clé consiste à déterminer si l’appelant a subi une blessure en 2008, laquelle l’aurait empêché par la suite de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Il n’y a aucun renseignement médical ni aucun autre type de renseignement qui figure au dossier pour étayer cette allégation. Tel que nous l’avons mentionné précédemment, il n’y a aucun renseignement médical qui date d’avant 2011, trois ans après que l’appelant soutient avoir été blessé et deux ans après la fin de sa PMA. Aucun des médecins qui ont rédigé des rapports pour lui en 2011 n’ont mentionné de blessure subie en 2008. Cela est particulièrement surprenant venant du Dr Lachowski, chirurgien orthopédiste. S’il était au courant que l’appelant avait subi une blessure grave à la jambe en plus de ses blessures en 1993, il aurait été raisonnable de s’attendre à ce qu’il le mentionne dans ses notes. En prenant en compte toutes les circonstances, le Tribunal n’est pas d’avis que l’appelant s’est acquitté du fardeau de prouver que selon la prépondérance des probabilités, sa blessure à la jambe de 2008 était grave au point de le rendre incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. En outre, aucune information médicale au dossier n’indique qu’il était incapable de travailler en 2009 ni qu’il a subi une autre blessure après 2008 et avant la fin de sa PMA.

[35] Le Tribunal remarque également que l’appelant avait des gains de 10 132 $ en 2012, c’est-à-dire trois ans après la fin de sa PMA. Il convient de rappeler la proposition selon laquelle chaque cas est un cas d’espèce. Dans l’affaire qui nous occupe, le montant représente environ 70 % du revenu moyen de l’appelant pendant les années où il travaillait entre 1999 et 2008. La question consiste à savoir si la somme de 10 132 $ correspond à la notion d’occupation « véritablement rémunératrice ». Une décision de la Commission d’appel des pensions, même si elle n’est pas contraignante pour ce tribunal, est utile sur ce point. Elle définit une occupation « véritable » où l’indemnité reflète une récompense appropriée pour la nature du travail effectué (Boles c. MEI, (30 juin 1994) CP 02794). En l’espèce, le montant pour les services que l’appelant offrait en tant que monteur de charpentes métalliques n’était pas un montant nominal.

[36] Une décision de la Cour d’appel fédérale fait la lumière sur la question de l’incapacité par rapport à une occupation véritablement rémunératrice :

« Comme nous l’avons noté ci-dessus, le critère pour déterminer si une invalidité est “grave”, ce qui est la question en litige en l’espèce, est défini dans la Loi comme étant le fait que cette invalidité rend la personne “régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice”. […] C’est l’invalidité, et non l’emploi, qui doit être “régulière” et l’emploi peut être toute “occupation véritablement rémunératrice” » (MDRH c. Scott, 2003 CAF 34).

Dans le cas de l’appelant, son invalidité ne l’a aucunement empêché de détenir une occupation temporaire, mais véritablement rémunératrice, après la fin de sa PMA. Un emploi de ce genre était conforme à ses antécédents professionnels constitués d’une série d’emplois à court terme.

[37] Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal estime, selon la prépondérance des probabilités que l’invalidité de l’appelant n’était pas grave à la date de sa PMA, laquelle se terminait le 31 décembre 2009.

[38] Bien qu’il soit clair pour le Tribunal que l’appelant n’était pas en bonne santé le jour de l’audience, le Tribunal n’a pas le pouvoir discrétionnaire d’accorder une pension d’invalidité du RPC pour des raisons d’ordre humanitaire.

Invalidité prolongée

[39] Puisque le Tribunal a déterminé que l’invalidité n’était pas grave, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur le caractère prolongé de l’invalidité.

Conclusion

[40] L’appel est rejeté.

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