Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Comparutions

  1. A. Y. : Appelant
  2. Martin Zatoeknuk : Représentant de l’appelant
  3. L. S. : Témoin (cousin de l’appelant)

Décision

[1] Le Tribunal conclut qu’une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) n’est pas payable à l’appelant.

Introduction

[2] Selon la date estampillée par l’intimé sur la demande de pension d’invalidité du RPC présentée par l’appelant, la demande a été reçue le 14 juin 2011. L’intimé a rejeté la demande initiale ainsi que la demande de réexamen, et l’appelant a interjeté appel auprès du Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR).

[3] Le présent appel a été entendu par vidéoconférence pour les motifs énoncés dans l’avis d’audience daté du 27 août 2014.

Droit applicable

[4] L’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012 indique que les appels interjetés auprès du BCTR avant le 1er avril 2013 et qui n’ont pas été entendus par le BCTR sont considérés comme ayant été interjetés auprès de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada (la « Loi ») énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Un demandeur est admissible à une pension d’invalidité :

  1. a) s’il n’a pas atteint l’âge de soixante-cinq ans;
  2. b) si aucune pension de retraite du PRC ne lui est payable;
  3. c) s’il est invalide;
  4. d) s’il a versé des cotisations valides pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[6] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

[7] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) de la Loi, une personne n’est considérée comme invalide que si elle est atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité n’est prolongée que si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie, ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[8] Le Tribunal conclut que la PMA a pris fin le 31 décembre 2010.

[9] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer s’il est plus probable qu’improbable que l’appelant avait une invalidité grave et prolongée à la date de la fin de sa PMA ou avant cette date.

Contexte

[10] L’appelant avait 41 ans à la date marquant la fin de sa PMA, soit le 31 décembre 2010. Il est maintenant âgé de 45 ans. Il est né en Iraq, où il a suivi des études secondaires. Il a travaillé comme soudeur en Iraq et a immigré au Canada en 1989. Au Canada, il a travaillé comme soudeur, paysagiste et, dans son dernier emploi, conducteur de dépanneuse. Il a été impliqué dans deux accidents de la route, le premier en septembre 2002 et le second en août 2009. Il affirme que ses principales affections incapacitantes sont un syndrome de douleur chronique, une dépression (difficultés à maîtriser sa colère), des douleurs chroniques au dos et à la hanche gauche, des migraines et des troubles du sommeil.

Documents relatifs à la demande

[11] Dans son questionnaire sur la pension d’invalidité du RPC sur lequel la date estampillée par l’intimé était le 14 juin 2011, l’appelant a indiqué qu’il avait travaillé pour la dernière fois en tant que propriétaire et conducteur de dépanneuse du 23 avril 2008 au 29 septembre 2009. Il a déclaré qu’il avait cessé de travailler pour cette entreprise en raison des douleurs découlant d’un accident de la route. Il a précisé qu’au cours des cinq dernières années, il avait travaillé pour les entreprises UTC Landscaping, SMR Landscaping et T. G. Il a affirmé qu’il était invalide depuis le 29 septembre 2009. Il a noté qu’il recevait des traitements de physiothérapie pour son cou et sa hanche trois fois par semaine, et qu’il consultait un psychiatre chaque mois.

[12] Un rapport du Dr Cooper, psychiatre, daté du 14 juin 2011, était annexé à la demande du RPC. Le diagnostic inscrit dans le rapport est le suivant : syndrome de douleur chronique, trouble de l’adaptation chronique, problèmes socioéconomiques et problèmes avec les autorités judiciaires. Le Dr Cooper a attribué à l’appelant une note de 50 à 55 à l’évaluation globale de fonctionnement (EGF). Concernant les antécédents médicaux pertinents de l’appelant, le Dr Cooper a noté que ce dernier était dépressif et irritable, et qu’il avait des accès de colère; qu’il n’était plus lui‑même depuis l’accident de la route du 29 août 2009; qu’il souffrait de maux de dos et de douleur à la hanche et à la jambe gauches, de maux de tête et de problèmes de sommeil en raison de la douleur. Le rapport souligne que les médicaments pour les troubles psychiatriques ne sont pas utiles en raison des effets secondaires. Le traitement comprenait des séances de psychothérapie de soutien et un programme de gestion de la colère.

Preuve orale

Témoignage de l’appelant

[13] Dans son témoignage à l’audience, l’appelant avait de grandes difficultés à se rappeler des détails et des dates des événements. Il n’arrivait pas à se rappeler des circonstances entourant son immigration au Canada, ni s’il était venu au pays en tant que demandeur du statut de réfugié. Il se souvenait qu’il était venu au Canada parce qu’il avait été impliqué dans des bagarres en Iraq à cause du fait qu’il était chrétien. Il se rappelait avoir travaillé au Canada comme soudeur, puis comme paysagiste, mais il ne se rappelait pas quand il avait commencé à travailler comme conducteur de dépanneuse. Il ne réussissait pas à se rappeler s’il avait occupé d’autres emplois au Canada. Il se souvient qu’il était propriétaire de sa propre entreprise de remorquage, et il croit qu’il avait deux camions. Il travaillait de très longues heures, sept jours par semaine, de 5 h à 21 h.

[14] Il a affirmé qu’il n’a pas été capable de travailler depuis l’accident de la route survenu en août 2009 parce qu’il éprouve toujours beaucoup de douleurs. Il a des douleurs au cou, au dos et à la tête; il ne peut pas dormir; il ne se souvient de rien; il ne peut penser qu’à ses douleurs; et il ne peut pas marcher en raison de ses douleurs à la hanche et au bas du dos. Son état s’est aggravé. Parfois, il ne peut pas dormir pendant des jours d’affilée. Il lui arrive aussi parfois de sortir de chez lui et de ne pas réussir à retrouver son chemin; la police le ramène alors chez lui dans une voiture de police ou le renvoie chez lui en taxi. La seule chose qu’il peut faire, c’est vivre avec sa mère – il ne sort jamais et reste simplement à la maison avec sa mère. Lorsqu’on lui demande pourquoi il vit avec sa mère, il répond [traduction] « J’ai tout perdu… J’ai perdu mon entreprise… Mes cartes de crédit… Personne ne pouvait s’occuper de moi… Personne ne pouvait m’aider… Je n’avais pas d’argent… Je vis avec ma mère parce que j’ai besoin de son aide. »

[15] Lorsque le Tribunal lui a cité un extrait du rapport du Dr Cooper d’avril 2011 indiquant qu’il s’était disputé avec un homme qui avait dit à l’appelant qu’il était sur son territoire, l’appelant a déclaré qu’il ne travaillait pas et qu’il essayait simplement de récupérer son camion de la personne qui l’utilisait sans en payer la location. Cette personne l’a menacé, et la police a été dépêchée sur les lieux. Il a raconté ce qui s’était passé au Dr Cooper, et le ce dernier lui a dit de laisser la police s’occuper de cette affaire. Finalement, il a réussi à récupérer la dépanneuse et l’a retournée à l’entreprise de location.

[16] Il consulte son médecin de famille chaque semaine pour y recevoir des injections contre la douleur, mais ces dernières ne le soulagent pas si la douleur est trop vive. Il se rappelle qu’il a été à la Rothbart Clinic pour y recevoir des injections pour traiter ses douleurs au dos, aux épaules et au cou. Les injections ont eu de bons effets seulement pendant quelques jours, puis les responsables de la Rothbart Clinic lui ont dit qu’ils ne pouvaient plus lui donner d’injections car ces dernières ne l’aidaient pas. Après l’accident de la route, il a fait des séances de physiothérapie; il en a suivi chaque jour, mais les séances ont pris fin lorsque la société d’assurances a refusé de continuer à payer le traitement. Il a soutenu que les séances de physiothérapie avaient permis d’améliorer un peu son état.

[17] Il ne pouvait pas se rappeler s’il avait essayé de continuer à travailler après l’accident de la route. Lorsque le Tribunal lui a cité le contenu du rapport du 24 janvier 2013 rédigé par le Dr Cooper indiquant que l’appelant pouvait travailler seulement pendant deux ou trois heures par jour lorsqu’il l’a vu pour la première fois en octobre 2009, l’appelant ne pouvait pas se rappeler s’il avait essayé de retourner au travail pendant trois heures par jour après l’accident. Il a soutenu qu’il n’avait pas cherché un emploi moins exigeant physiquement parce qu’il avait énormément de douleur et qu’il devait suivre des traitements. Il consulte encore le Dr Cooper une ou deux fois par mois. Le Dr Cooper lui a dit qu’il pouvait venir de consulter sans rendez‑vous, et l’appelant n’a jamais manqué un rendez-vous avec le Dr Cooper. Ce dernier aide l’appelant en lui disant comment essayer de prendre un peu de sommeil et comment composer avec la douleur. L’appelant a déclaré : [traduction] « Le Dr Cooper prend soin de moi, il me calme. »

[18] L’appelant a déclaré qu’il avait perdu sa vie, qu’il avait tout perdu. Personne n’est là pour le soutenir, sauf le Dr Cooper. Il passe tout simplement ses journées chez lui avec sa mère; parfois, un de ses cousins l’amène faire un tour. Habituellement, il parle seulement avec sa mère et essaie de regarder un peu la télévision. Il ne sort pas. Il a déclaré : [traduction] « Je ne fais plus confiance aux gens… Je suis confus… Parfois je me rends à un endroit, puis je ne sais plus comment retourner chez moi… La police me renvoie chez moi en voiture de police ou en taxi. » Un de ses cousins le conduit à ses rendez‑vous médicaux.

[19] Ses problèmes de mémoire ont commencé juste après l’accident de la route. Après l’accident, il ne pouvait plus se contrôler… il ne se rappelle pas s’il a eu des problèmes avec la police. Parfois, il est tellement découragé de lui‑même qu’il ne sait plus quoi faire. Il a affirmé : [traduction] « Si ma mère n’était pas là, je ne saurais pas quoi faire… Je ne saurais pas quoi manger. »

Témoignage de L. S.

[20] Dans son témoignage, L. S. indiqué qu’il connaissait l’appelant depuis 15 ans. Par le passé, l’appelant était propriétaire de dépanneuses, et il travaillait plus de 12 heures par jour. Il n’avait aucun problème à travailler avant l’accident de la route.

[21] Depuis l’accident, l’appelant oublie des choses, et il a une très mauvaise mémoire. Parfois, celui-ci l’appelle pour lui demander de le conduire quelque part, mais il ne sait même pas où se trouve l’endroit où il est supposé aller. L’appelant reste toujours chez lui avec sa mère, et il sort rarement. L. S. conduit l’appelant au lieu de ses rendez‑vous pour y recevoir ses injections. D’autres personnes lui font faire des sorties. Lorsque l’appelant a des problèmes de colère ou de stress chez lui, sa mère appelle quelqu’un pour qu’il amène son fils prendre un café à l’extérieur. L. S. ne croit pas que l’appelant pourrait occuper un emploi quelconque de façon convenable en raison de ses problèmes de mémoire. Parfois, il ne se souvient de rien, et d’autres fois, il se rappelle de choses qui sont arrivées il y a 20 ans. Il se maîtrise maintenant un peu mieux qu’avant; il est un peu plus calme et se sent bien mieux qu’il y a quelques années.

Preuve médicale

[22] Le Tribunal a examiné soigneusement l’ensemble de la preuve médicale se trouvant dans le dossier de l’audience. Ci-dessous figurent les extraits que le Tribunal juge les plus pertinents.

Rapports antérieurs à l’accident de la route

[23] Le 13 décembre 2005, le Dr Gotkind, psychiatre, a diagnostiqué chez l’appelant un trouble anxieux chronique accompagné d’accès d’irritabilité, de dépression et de terribles maux de tête causés par la tension.

[24] Le 7 mars 2006, le Dr Angilletta, médecin de famille, a noté que l’appelant souffrait de dépression et de douleur diffuse aux genoux et aux jambes. L’appelant a été mis en arrêt de travail immédiatement jusqu’à nouvel ordre.

[25] Le 21 août 2006, le Dr Amba, rhumatologue, a évalué l’inconfort à la hanche gauche de l’appelant. Le Dr Amber a noté qu’il n’y avait absolument rien à signaler à la suite de l’examen de l’appelant.

Rapports antérieurs à la date de la fin de la PMA

[26] Le 7 octobre 2009, le Dr Cooper a établi un rapport de sa première évaluation de l’état de l’appelant. L’appelant a indiqué qu’il était en bonne santé jusqu’à ce qu’il soit impliqué dans un accident de la route le 29 août 2009, et que sa vie avait changé par la suite. Il est devenu dépressif, irritable et tendu. Le rapport indique qu’au cours des dernières années, l’appelant a travaillé comme conducteur de dépanneuse, qu’il avait l’habitude de travailler 16 heures par jour et qu’il travaillait maintenant deux ou trois heures par jour. L’appelant se plaignait qu’il avait des maux de dos et, parfois, qu’il avait de la douleur à la hanche et à la jambe gauches. L’appelant a déclaré qu’il se sentait fatigué et épuisé; qu’il avait des scènes de rappel du passé où il revoyait l’accident de la route; et qu’il se sent très affaibli. L’appelant a également indiqué qu’il entendait un bourdonnement du côté gauche et qu’il avait des céphalées bitemporales. Le rapport conclut que l’appelant est atteint d’un syndrome de douleur et de nombreux aspects d’un trouble de stress post­traumatique. L’appelant avait aussi un trouble de l’adaptation qui, selon le Dr Cooper, serait chronique; l’appelant montrait également qu’il avait des aspects d’une dépression réactionnelle majeure.

[27] Le 10 novembre 2009, le Dr Cooper a signalé que l’appelant se sentait beaucoup mieux et qu’il dormait mieux. Le Dr Cooper a indiqué que [traduction] « en général, il va plutôt bien ». L’appelant a informé le Dr Cooper au sujet d’un incident survenu avec un autre conducteur de dépanneuse en avril 2008, pour lequel il a été accusé de voies de fait avec une arme dangereuse; l’appelant a déclaré qu’il s’était tout simplement disputé et qu’il avait utilisé un tournevis. Le Dr Cooper a compris que l’appelant allait suivre un programme de gestion de la colère.

[28] Le 31 mai 2010, le Dr Chaiton, spécialiste en gestion de la douleur, a rencontré l’appelant qui s’est plaint de douleurs à la hanche gauche qui semblaient apparaître et disparaître, et qui n’étaient pas systématiquement liées à un moment de la journée, à une posture ou à une activité en particulier. Le rapport souligne que l’appelant travaille actuellement comme conducteur de camion et qu’il est en arrêt de travail depuis plusieurs mois. L’appelant a dit qu’il n’avait pas de douleur radiculaire. Le Dr Chaiton a conclu que la cause des symptômes de l’appelant n’était pas claire, et que des radiographies récentes du bassin et de la hanche gauche n’avaient rien révélé.

[29] Il y a des notes cliniques manuscrites du Dr Cooper datées du 10 novembre, du 6 décembre et du 9 décembre 2010. Ces notes sont, en grande partie, illisibles. Elles semblent se rapporter aux difficultés que l’appelant éprouvait avec son agente de probation et avec la volonté de cette dernière de lui faire suivre un programme de gestion de la colère. La note du 6 décembre est rédigée dans une écriture plus lisible. Cette note indique qu’un responsable de Blackwell Probation a téléphoné pour connaître la fréquence des rendez-vous de l’appelant et a fait savoir que l’appelant hurle et crie lorsqu’il rencontre des responsables de l’entreprise.

Rapports ultérieurs à la date de la fin de la PMA

[30] La note clinique suivante du Dr Cooper est datée du 12 mai 2011 et est illisible.

[31] Le 20 avril 2011, le Dr Birnbaum, neurologue, a rapporté que l’appelant avait fréquemment de graves migraines sans aura. Le 13 juillet 2011, le Dr Birnbaum a indiqué que l’appelant avait de longs antécédents de migraine sans aura et que, selon ce que rapporte l’appelant, la fréquence et la gravité de ses maux de tête avaient augmenté après l’accident de la route. Le médecin a noté que l’appelant n’avait pas utilisé la nortriptyline et le frovatriptan selon la posologie indiquée; toutefois, il pouvait tolérer les deux médicaments. Le 30 novembre 2011, le Dr Birnbaum a indiqué qu’il ne semblait pas que la nortriptyline avait donné une réponse adéquate. Il suggérait d’essayer d’autres médicaments.

[32] Le 21 avril 2011, le Dr Cooper a indiqué que l’appelant semblait être bouleversé et qu’il lui avait raconté un incident survenu le 7 février 2011, alors qu’il s’était disputé avec un homme qui lui avait dit qu’il était sur son territoire et qu’il devait travailler pour lui. Le Dr Cooper a précisé que cet incident était survenu une semaine après une autre altercation au cours de laquelle l’appelant a été battu; l’appelant avait ensuite appelé la Police provinciale de l’Ontario, qui l’a accompagnée aux services d’urgence de l’hôpital. Le Dr Cooper a fait le commentaire suivant : [traduction] « Cet homme est très fier et souhaite obéir aux lois, mais il veut également subvenir à ses besoins, et le voilà dans une situation difficile, ce qui est frustrant pour lui. »

[33] Le 17 juin 2011, le Dr Amba, rhumatologue, a déclaré qu’il avait rencontré l’appelant en 2006 pour traiter un inconfort à la hanche gauche, et qu’à ce moment, ses symptômes étaient principalement localisés à la hanche. De plus, l’appelant avait de la difficulté à marcher sur une base épisodique. L’appelant avait à présent une symptomatologie plus étendue à la colonne vertébrale inférieure, à l’articulation sacro‑iliaque, au genou et au pied du côté gauche. L’appelant a décrit une douleur constante qui est pire lorsqu’il se tient debout ou marche pendant une période prolongée; un engourdissement à la jambe gauche lorsqu’il demeure en position assise pendant 40 minutes; et un craquement au genou gauche lorsqu’il se lève après s’être agenouillé. Les antécédents médicaux de l’appelant comprennent des migraines et des douleurs chroniques au cou. Un examen n’a révélé aucune trace d’arthrite séronégative ou séropositive, de psoriasis, de changements au niveau des ongles, de nodule ou de lésions vasculaires. Le dos de l’appelant était en excellent état, et l’appelant pouvait se pencher vers l’avant et toucher ses orteils sans aucune difficulté.

[34] Le 27 juin 2011, le Dr Amba a rencontré l’appelant à l’occasion d’un rendez-vous de suivi et a noté que les radiographies de l’articulation sacro-iliaque et du genou donnaient des résultats normaux. Il a aussi noté qu’il n’y avait aucun signe de changement inflammatoire. Il a suggéré de faire d’autres examens concernant un taux accru de protéine C-réactive.

[35] Le 13 octobre 2011, le Dr Cooper a fait rapport au médecin de famille de l’appelant. Le rapport indique que le Dr Cooper connaît l’appelant depuis sa consultation initiale d’octobre 2009, et que l’appelant a essayé de son mieux de travailler, mais qu’il avait beaucoup de douleurs et ne pouvait pas faire un travail exigeant sur le plan physique. Le Dr Cooper a noté qu’il avait essayé de traiter la dépression de l’appelant et que bien que son état dépressif se soit amélioré, l’appelant éprouve encore de la douleur et poursuit sa vie du mieux qu’il peut. Il a ajouté que l’appelant souffre aussi d’un syndrome de douleur chronique qui empire lorsqu’il devient bouleversé.

[36] Le 8 novembre 2011, le Dr Chaiton a déclaré qu’il n’avait pas vu l’appelant depuis plus d’un an et demi, et que ce dernier n’était pas retourné au travail depuis son accident de la route de 2009. Il a indiqué que l’appelant avait un comportement d’amplification de la douleur et des signes physiques non biologiques. Le Dr Chaiton a également noté que les examens réalisés jusqu’à maintenant avaient été nombreux et n’avaient révélé aucune pathologie précise à la région lombo-sacrée de la colonne vertébrale, au bassin ou aux jambes. Le Dr Chaiton n’a recommandé aucun traitement précis, car il soupçonnait que des facteurs psychologiques étaient utilisés par l’appelant pour promouvoir ses symptômes courants et son invalidité perçue.

[37] Le 24 février 2012, le Dr Olah, spécialiste du soulagement de la douleur, a rencontré l’appelant au sujet de sa principale plainte concernant ses douleurs lombaires chroniques. Dans le rapport, il est écrit que la physiothérapie et la chiropractique n’avaient pas aidé et que l’appelant n’avait suivi aucun autre traitement. Le diagnostic différentiel était le suivant : douleurs lombaires dues à une foulure. Le Dr Olah a recommandé la prise de médicaments et un essai d’intervention diagnostique/thérapeutique.

[38] Le 7 février 2013, le Dr Motlani, anesthésiste, a procédé à une injection bilatérale de stéroïdes dans l’articulation sacro-iliaque.

[39] Le 24 janvier 2013, le Dr Cooper a fait rapport à l’avocat de l’appelant. Le Dr Cooper a indiqué qu’il avait rencontré l’appelant pour la première fois le 7 octobre 2009, à la demande de son médecin de famille, et que l’appelant manifestait des signes d’anxiété, de tension et de dépression. L’appelant avait travaillé comme conducteur de dépanneuse, et il lui était arrivé parfois de travailler 16 heures par jour. L’appelant ne pouvait travailler que deux ou trois heures par jour lors de sa première rencontre avec le Dr Cooper. Celui-ci a indiqué qu’il rencontrait l’appelant régulièrement, et que son plus récent rendez‑vous remontait au 23 janvier 2013. Le Dr Cooper a affirmé qu’il semble que l’accident de la route du 29 août 2009 au cours duquel l’appelant a été impliqué avait entraîné un changement de personnalité qui a fait en sorte que les accès de colère et les traits de personnalité antérieurs de l’appelant ont été amplifiés. Il a ajouté que l’appelant avait rencontré un psychiatre afin de gérer son stress trois ans avant sa première rencontre avec le Dr Cooper, après avoir été impliqué dans un accident de la route mineur. Le Dr Cooper a aussi indiqué qu’il n’y avait chez l’appelant aucun signe de trouble de la pensée ni de trouble de la perception et a ajouté que l’appelant [traduction] « a des troubles de la mémoire et des difficultés à se concentrer, et qu’il a parfois encore ces problèmes, mais son fonctionnement cognitif s’est amélioré avec le temps. Sa mémoire est à présent légèrement altérée, alors qu’elle l’était fortement lorsque je l’ai vu le 7 octobre 2009 […] ».

[40] Le Dr Cooper est d’avis que l’appelant était incapable d’exercer un emploi rémunéré quelconque dans un contexte concurrentiel et que son pronostic concernant la réadaptation professionnelle de l’appelant était sombre. Le Dr Cooper conclut que l’appelant ne peut pas effectuer un travail exigeant sur le plan physique ni ne peut faire un travail nécessitant un bon fonctionnement cognitif. Le Dr Cooper a estimé qu’en conséquence, l’appelant est inapte au travail en raison de l’accident de la route survenu en août 2009. Le Dr Cooper a diagnostiqué un syndrome de douleur chronique, un trouble dépressif majeur (qui s’améliore), un trouble anxieux généralisé et un trouble de l’adaptation chronique. Il lui a attribué une note de 50 à 55 à l’EGF.

[41] Le Dr Cooper ajoute ensuite ce qui suit :

[Traduction]
En raison de ses sautes d’humeur et de son tempérament incontrôlable depuis l’accident de la route du 29 août 2009, des incidents sont survenus pour lesquels la police l’a accusé de voies de fait. Ces incidents sont peut-être mineurs; néanmoins, ils semblent être liés à l’accident de la route du 29 août 2009. Il affirme qu’il a toujours été un citoyen respectueux des lois. Cependant, il est impliqué dans des altercations et des disputes, alors qu’il m’a dit que les seuls problèmes qu’il avait eus en Iraq étaient d’avoir été persécuté parce qu’il était chrétien et de toujours avoir à se défendre, et il pouvait alors maîtriser son tempérament. Apparemment, il a un tempérament incontrôlable depuis l’accident de la route du 29 août 2009. Il est ensuite entré dans un cercle vicieux, a toujours des douleurs et ne peut pas dormir. Il est irritable et tendu.

[42] Un rapport d’évaluation de la déficience invalidante permanente préparé pour une société d’assurances, daté du 8 novembre 2013 et rédigé par le Dr Meikle, physiatre, le Dr Mehdiratta, neurologue, le Dr Sue-A-Quan, chirurgien orthopédiste, Susan Javosky, ergothérapeute, et le Dr Spivak, psychiatre, a conclu que l’appelant répondait aux critères de déficience invalidante permanente en raison d’un trouble de l’adaptation marqué se rapportant à des problèmes mentaux et comportementaux. L’appelant ne répondait à aucun autre critère relatif à la déficience invalidante permanente.

[43] Dans son rapport d’examen daté du 8 novembre 2013, le Dr Spivak a diagnostiqué un trouble dépressif majeur – de modéré à grave – et un trouble cognitif, sans autre indication. Il a attribué à l’appelant une note de 40 à l’EGF, et il a estimé qu’il aurait eu tout au plus, au cours de la dernière année, une note de 41 à 50. Dans l’évaluation des déficits de l’appelant en utilisant le Guide to the Evaluation of Permanent Impairment de l’AMA, le Dr Spivak a écrit ce qui suit :

[Traduction]
Je vais maintenant évaluer les déficits de Monsieur A. Y. en utilisant le Guide to the Evaluation of Permanent Impairment de l’AMA. A. Y. a de légers déficits en ce qui concerne les activités de la vie quotidienne. Il décrit des jours où il ne s’occupe pas de son hygiène et où il a besoin d’aide pour certaines activités, par exemple pour faire l’épicerie. Si on prend sa description au pied de la lettre, et aucun document ne contredit ce qu’il raconte, on peut présumer que ses déficits à cet égard sont légers (catégorie 2). De même, en ce qui a trait à ses déficits sur le plan social, il est difficile d’obtenir des renseignements clairs de Monsieur A. Y.  Il fait valoir qu’avant son accident de la route, il avait l’habitude de jouer au soccer et de sortir dans des clubs régulièrement. Il note également qu’il aurait eu l’habitude de rendre visite à son fils. Il n’a pas rendu visite à ce dernier depuis plus d’un an et affirme que l’unique raison pour laquelle il rencontre des amis est qu’ils viennent le chercher pour sortir. Il ajoute qu’il ressent peu ou pas de plaisir à avoir des interactions avec les autres. Dans ce domaine, ses déficits peuvent être considérés comme étant de légers à modérés (catégorie 3).

A. Y. a des déficits marqués sur le plan de l’adaptation. Il décrit un fonctionnement limité où ses activités sont essentiellement dictées par le fait que des amis viendront ou non le prendre pour l’amener à un rendez-vous ou pour aller prendre un café. Il décrit un sentiment chronique de désespoir. En outre, j’ai eu l’impression qu’il avait des symptômes qui atteignaient des proportions psychotiques si on considère que le fait qu’il croyait que sa société d’assurances pourrait être en train de l’empoisonner serait une illustration réelle de son état émotionnel. Il n’y a aucune raison de remettre en question la véracité de cette déclaration, et je n’avais pas l’impression qu’il posait cette question pour essayer de compliquer la situation, mais qu’il s’agissait plutôt d’une véritable croyance qu’il avait. Compte tenu de ces déficits, sa déficience dans ce domaine peut être considérée comme marquée (catégorie 4).

Il m’est difficile d’évaluer l’appréciation qu’il a de sa concentration, de sa persévérance et de son rythme. Il était certainement incapable de donner un récit temporel de toute situation qui lui est arrivée. Toutefois, j’ai eu l’impression qu’il s’agissait principalement d’un problème psychologique attribuable à un manque d’effort général. Ainsi, en attribuant une note de la façon la plus généreuse possible, j’évaluerais ses déficits dans ce domaine comme étant légers (catégorie 2). Je recommande qu’un neuropsychologue effectue d’autres examens afin d’évaluer de façon plus précise ses déficits cognitifs, car je ne crois pas qu’il existe un moyen de les évaluer de façon exacte en se fondant sur ses propres déclarations concernant ses troubles de la mémoire.

Compte tenu des niveaux de déficience dans les quatre domaines susmentionnés, la déficience globale de Monsieur A. Y. peut être considérée comme modérée (catégorie 3). En me fondant sur le Guide for the Assessment of Emotional or Behavioral Impairment de l’AMA, je peux déclarer que Monsieur A. Y. semble avoir une déficience de 25 %, ce qui le classe dans la catégorie des limitations modérées.

[44] Le 1er décembre 2014, le Dr Cooper a indiqué que l’appelant continuait de ressentir de l’anxiété et de la douleur; qu’il était incapable d’exercer un travail exigeant sur le plan physique; et qu’il est certainement incapable d’occuper un emploi nécessitant un bon fonctionnement cognitif. Le Dr Cooper a déclaré ce qui suit : [traduction] « Cet homme est incapable d’avoir une occupation véritablement rémunératrice, peu importe la capacité professionnelle exigée, et le pronostic relatif à toute capacité professionnelle et à toute réadaptation professionnelle est sombre. »

Observations

[45] M. Zatoeknuk soutient que l’appelant est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. a) Bien que son invalidité soit principalement d’ordre psychologique, il est également atteint de déficiences physiques importantes;
  2. b) Les rapports du Dr Cooper confirment qu’il est incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Ses limitations physiques l’empêchent d’occuper tout emploi exigeant sur le plan physique, et ses limitations cognitives l’empêchent d’occuper un autre emploi;
  3. c) Les rapports d’évaluation de la déficience invalidante de novembre 2013 préparés pour une société d’assurances confirment les déficiences psychologiques et physiques de l’appelant. M. Zatoeknuk a mis un accent particulier sur l’évaluation psychiatrique du Dr Spivak du 8 novembre 2013, qui indiquait que l’appelant souffrait d’un trouble dépressif majeur et de déficits marqués en ce qui concerne sa faculté d’adaptation. Il a ajouté que ces constatations d’un psychiatre dont les services avaient été retenus par la société d’assurances étaient conformes aux constatations du Dr Cooper et étaient confirmées par ces dernières.

[46] L’intimé soutient que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. a) La preuve médicale n’établit pas que tous les traitements médicaux raisonnables ont été explorés;
  2. b) Les examens de l’état mental réalisés par le Dr Cooper n’appuient pas l’hypothèse d’une invalidité grave, et la preuve médicale ne soutient pas l’hypothèse selon laquelle l’appelant ne pourrait pas occuper une autre forme d’emploi rémunéré;
  3. c) L’appelant n’avait que 41 ans à la date de la fin de sa PMA, et il avait la capacité résiduelle d’occuper un emploi moins exigeant sur le plan physique; la preuve montre qu’il a omis de prendre des mesures pour suivre une nouvelle formation et/ou trouver un emploi correspondant à ses capacités;
  4. d) Les rapports d’évaluation de la déficience invalidante ont été préparés presque trois ans après la date de la fin de la PMA et n’abordent pas la question de l’état de l’appelant à la date de la fin de la PMA; de plus, les critères relatifs à la déficience invalidante ne sont pas les mêmes que les critères du RPC.

Analyse

[47] L’appelant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2010 ou avant cette date.

Invalidité grave

[48] Les exigences à remplir pour étayer une demande de pension d’invalidité sont définies au paragraphe 42(2) de la Loi, qui indique essentiellement que pour être considéré invalide, il faut avoir une invalidité « grave » et « prolongée ». Une invalidité n’est « grave » que si la personne concernée est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La personne doit non seulement être incapable d’occuper son emploi habituel, mais également tout emploi qu’il aurait été raisonnable de s’attendre qu'elle occupe. Une invalidité n’est « prolongée » que si elle est déclarée devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès.

Principes directeurs

[49] Les affaires suivantes ont fourni une orientation et une aide au Tribunal afin de l'aider à trancher les questions relatives au présent appel.

[50] Le fardeau de la preuve incombe à l’appelant, qui doit établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’en date du  31 décembre 2010 ou avant cette date il était invalide comme le définit la Loi. L’exigence concernant la gravité de l’invalidité doit être évaluée dans un « contexte réaliste » : Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248. Le Tribunal doit tenir compte de facteurs particuliers liés à l’appelant comme son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents professionnels et son expérience de la vie pour déterminer son « employabilité » en rapport avec son invalidité.

[51] Cependant, cela ne signifie pas que quiconque éprouve des problèmes de santé et des difficultés à trouver et à conserver un emploi a droit à une pension d'invalidité. Un requérant est toujours tenu de démontrer qu’il est atteint d’une invalidité grave et prolongée qui le rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une preuve médicale sera toujours nécessaire, de même qu’une preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l’existence des possibilités d’emploi.

[52] La détermination de la gravité de l’invalidité de l’appelant ne dépend pas de son incapacité d’occuper son emploi régulier, mais plutôt de son incapacité d’exécuter quelque travail que ce soit, c.-à-d. « une occupation véritablement rémunératrice » : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Scott, 2003 CAF 34. Il incombe à la personne qui demande une pension d’invalidité du RPC de démontrer qu’elle est atteinte d’une déficience fonctionnelle qui, en réalité, l’empêche d’occuper un emploi rémunéré et, en plus, que la déficience en question, à un niveau plus objectif, fera en sorte que le Tribunal conclura que les capacités fonctionnelles de l’appelant l’empêchent de détenir une occupation véritablement rémunératrice : Buckley c. Ministre du Développement des ressources humaines (29 novembre 2001), CP 15265 (CAP).

[53] L’appelant doit non seulement démontrer qu’il a un grave problème de santé, mais en outre, dans les cas où il y a des preuves de capacité de travail, le demandeur doit démontrer que les efforts pour trouver et conserver un emploi ont été infructueux pour des raisons de santé : Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117.

[54] Il ne suffit pas de constater qu’il y a un syndrome de douleur chronique; la douleur doit être telle qu'elle empêche la personne qui en souffre de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Il incombe aussi à la personne qui a demandé des prestations de prouver qu'elle a cherché à obtenir un traitement et qu'elle a fait des efforts pour gérer sa douleur : Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social c. Densmore (2 juin 1993), CP 2389 (CAP).

[55] Les facteurs socioéconomiques, comme les conditions du marché du travail, ne sont pas pertinents au moment de déterminer si une personne est invalide au sens de la Loi. (Canada (MDRH) c. Rice, 2002 CAF 47).

Application des principes directeurs

[56] L’appelant s’est montré vague dans ses réponses, et il avait beaucoup de difficulté à se rappeler des faits concernant des événements importants et à en fournir. Le Tribunal reconnaît que cela est, dans une large mesure, imputable à son état de santé actuel et que l’appelant n’essayait pas de répondre de manière évasive et/ou d’éviter ce qu’il aurait pu considérer comme des questions troublantes. Toutefois, cette situation rend la tâche du Tribunal plus difficile, et dans de telles circonstances, le Tribunal doit se fier davantage sur la preuve médicale et la preuve présentée par le témoin. Le Tribunal doit également tenir compte du fait que l’audience a eu lieu plus de quatre ans après la date de la fin de la PMA, et que l’état de l’appelant à la date de l’audience ne correspond pas nécessairement à son état à la date de la fin de la PMA.

[57] M. Zatoeknuk s’est appuyé en grande partie sur les rapports d’évaluation de la déficience invalidante de novembre 2013 qui confirmaient les rapports du Dr Cooper, et au vu de l’ensemble des éléments de preuve, le Tribunal est convaincu que l'appelant était probablement gravement invalide en novembre 2013. Par contre, cette date étant ultérieure de presque trois ans à la date de la fin de la PMA et, pour les motifs énoncés ci‑dessous, le Tribunal n’est pas convaincu qu’à la date de la fin de la PMA l’appelant était atteint d’une invalidité grave selon les critères du RPC.

[58] L’appelant avait seulement 41 ans à la date de fin de sa PMA, et il possède des antécédents professionnels variés et beaucoup de compétences transférables. Bien que l’appelant n’avait pas la capacité de reprendre son emploi de conducteur de dépanneuse, qui était exigeant sur le plan physique et stressant, il n’a fait aucun effort pour suivre une nouvelle formation et/ou trouver un autre emploi moins exigeant. La preuve n’établit pas qu’il n’avait pas la capacité résiduelle de le faire à la date de fin de sa PMA, et en conséquence, l’appelant n’a pas satisfait au critère établi dans la décision Inclima, précitée.

[59] En outre, il n’est pas clair dans quelle mesure l’appelant a continué de travailler après l’accident de la route survenu en août 2009. Dans son témoignage, l’appelant a d’abord affirmé qu’il n’avait pas été capable de travailler depuis l’accident de la route survenu en août 2009. Le rapport du Dr Cooper daté du 7 octobre 2009 indique que l’appelant avait continué à travailler à raison de deux à trois heures par jour. Lorsqu’on lui a parlé de ce rapport pendant l’audience, l’appelant a déclaré qu’il était incapable de se rappeler s’il avait essayé de travailler après l’accident de la route. Le rapport du Dr Chaiton du 31 mai 2010 indique que l’appelant travaillait alors comme conducteur de camion et qu’il était en arrêt de travail depuis plusieurs mois. Plus important encore, le rapport du Dr Cooper d’avril 2011 indique qu’un incident est survenu le 7 février 2011 (c’est-à-dire après la date de fin de la PMA) au cours duquel l’appelant s’est disputé avec un homme qui était sur son territoire. Lorsqu’on lui a parlé de ce rapport pendant l’audience, l’appelant a déclaré qu’il ne travaillait pas à ce moment, mais qu’il essayait de récupérer son camion d’une personne qui l’utilisait sans payer la location. Cette explication donnée par l’appelant ne semble pas correspondre au commentaire contenu dans le rapport du Dr Cooper selon lequel [traduction] « […] il doit également gagner sa vie […] ». Ce commentaire laisse entendre que l’appelant avait conservé au moins une certaine capacité de travailler résiduelle en avril 2011.

[60] M. Zatoeknuk s’est appuyé fortement sur les rapports du Dr Cooper, et le Tribunal a examiné attentivement ces rapports. Le Tribunal reconnaît que le Dr Cooper est un psychiatre très expérimenté. Cependant, la tâche du Tribunal consiste à en arriver à sa propre conclusion en se fondant sur l’ensemble de la preuve qui lui est présentée, et il n’assumerait pas convenablement cette responsabilité s’il se contentait d’entériner, sans une analyse appropriée, les opinions exprimées dans les rapports d’un des médecins traitants. En l’espèce, le Tribunal hésitait à accepter les opinions du Dr Cooper, du moins dans la mesure où elles font état de la capacité de l’appelant à  travailler à la date de fin de la PMA :

  • - Le Tribunal était préoccupé par les conclusions du Dr Cooper dans son évaluation initiale du 7 octobre 2009 selon lesquelles l’appelant était atteint d’un « syndrome de douleur » et son trouble de l’adaptation serait « chronique ». C’était seulement six semaines après l’accident de la route, et l’appelant n’avait encore commencé à recevoir de traitement de la part du Dr Cooper. Il semble que de telles constatations étaient, du moins à ce moment, prématurées. De plus, le Dr Cooper n’est pas un spécialiste de la douleur chronique.
  • - Il semblerait que le Dr Cooper aurait assumé le rôle de plaideur en plus de son rôle de psychiatre traitant. Un grand nombre de rapports et de rendez‑vous ont trait à des demandes liées à l’accident de la route ou à la pension d’invalidité, ou ont pour objet les problèmes découlant du comportement de l’appelant. Rien n’indique que l’appelant aurait été traité régulièrement par le Dr Cooper au cours de la période de novembre 2009 au 31 décembre 2010, date de fin de la PMA. Les seules notes au dossier d’audience pour cette période datent de novembre et de décembre 2010, et elles semblent porter, non pas sur un traitement quelconque, mais sur les difficultés qu’a connues l’appelant avec son agente de probation.
  • - Le rapport du Dr Cooper du 21 avril 2011 semble porter sur deux incidents dans lesquels l’appelant a été impliqué; il s’agissait d’altercations ayant mené à une intervention de la police. Le rapport de juin 2011 avait trait à la demande de prestations du RPC. Le rapport de novembre 2012 portait sur un incident au cours duquel l’appelant a perdu son sang‑froid alors qu’il était soumis à des interrogatoires préalables. D’autres rapports semblent avoir été préparés à des fins médico‑légales pour l’accident de la route ou pour la demande de pension d’invalidité du RPC.
  • - Bien que, dans son rapport du 10 novembre 2009, le Dr Cooper indique qu’il comprenait que l’appelant allait suivre un programme de gestion de la colère et bien que ses notes manuscrites portent sur le fait que l’agente de probation voulait que l’appelant suive un programme de gestion de la colère, aucun élément de preuve dans le dossier d’audience n’indique que l’appelant aurait suivi un tel programme.
  • - Le rapport du Dr Cooper de juin 2011 qui accompagnait la demande de prestations du RPC pose également problème. Le Dr Cooper a diagnostiqué un syndrome de douleur chronique, un trouble de l’adaptation chronique, des problèmes socioéconomiques et des problèmes avec les autorités judiciaires. Les problèmes socioéconomiques et les problèmes avec les autorités judiciaires ne constituent pas des problèmes de santé; de même, ils ne constituent pas des considérations valables pour une demande de pension d’invalidité du RPC (voir la décision Rice, précitée). En outre, les problèmes de l’appelant avec les autorités judiciaires ont commencé avant l’accident de la route. Le rapport du Dr Cooper de novembre 2009 en fournit d’ailleurs la confirmation. Dans ce rapport, il est écrit que l’appelant a été accusé de voies de fait avec une arme dangereuse en avril 2008.

[61] Le Tribunal remarque, en outre, que le dossier d’audience ne renferme aucun élément de preuve datant d’avant la date de fin de sa PMA au sujet d’un traitement régulier de l’appelant pour soulager sa douleur chronique. Aucune note ni aucun rapport du Dr Angilletta ne couvre la période entre la date de l’accident de la route et celle marquant la fin de la PMA. Le 31 mai 2010, l’appelant a rencontré le Dr Chaiton au sujet de la gestion de la douleur, mais il n’y a aucune preuve d’un suivi quelconque avant que l’appelant le rencontre de nouveau le 8 novembre 2011. Le rapport du Dr Chaiton du 28 novembre 2011 indique que le médecin n’avait pas vu l’appelant depuis plus d’un an et demi et que l’appelant avait [traduction] « un comportement d’amplification de la douleur et des signes physiques non biologiques ».

[62] Le fardeau de la preuve incombe à l’appelant, et après un examen minutieux de l’ensemble de la preuve, le Tribunal a déterminé que l’appelant n’avait pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’à la date marquant la fin de sa PMA, soit le 31 décembre 2010, il était atteint d’une invalidité grave selon les critères du RPC.

Invalidité prolongée

[63] Ayant conclu que l’appelant n’a pas une invalidité grave, je n’ai pas à me prononcer sur le caractère prolongé de l’invalidité.

Conclusion

[64] L’appel est rejeté.

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