Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Comparutions

  1. G. B. : l’appelant
  2. Kuldip Singh : le représentant de l’appelant
  3. Karen Singh : l’associée du représentant
  4. Qamar Farz : interprète pendjabi

Décision

[1] Le Tribunal conclut qu’une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) est payable à l’appelant.

Introduction

[2] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité du RPC de l’appelant le 10 janvier 2011. L’intimé a rejeté la demande initiale et la demande de révision, puis l’appelant a interjeté appel devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Le présent appel a été instruit en personne pour les raisons indiquées dans l’avis d’audience daté du 20 août 2014.

[4] L’audience du 1er décembre 2014 a été ajournée avant la réception des observations provenant du représentant de l’appelant. Le représentant n’avait pas de copie du dossier de l’appelant et a interrogé l’appelant sans divulguer ce fait au membre et à l’appelant. Le membre du Tribunal, après avoir appris que le représentant n’avait pas le dossier, a soulevé la question de savoir si l’appelant avait été suffisamment bien représenté, et ce dernier a eu l’occasion de déterminer comment il souhaitait procéder. L’appelant a avisé le Tribunal de la sécurité sociale après l’audience qu’il avait congédié son représentant et qu’il se représenterait lui-même.

[5] Au moment de l’audience du 1er décembre 2014, le représentant de l’appelant a présenté au Tribunal un rapport médical daté du 9 novembre 2007, qui était en lien direct avec la question dont est saisi le Tribunal. Bien qu’il n’eût pas été fourni dans les délais conformément aux politiques et aux procédures du Tribunal, le rapport a été accepté étant donné que l’appelant est analphabète et qu’il est possible qu’il ne connaisse pas la procédure du Tribunal de la sécurité sociale. En outre, le Tribunal était préoccupé par le caractère suffisant de la représentation de l’appelant et a choisi d’accorder à celui‑ci le bénéfice du doute. Après l’audience, le rapport médical a été transmis à l’intimé. Dans une pièce de correspondance datée du 5 décembre 2012, l’intimé a notamment fait valoir que [traduction] « puisque le rapport inclus date de 2007 et que rien dans la documentation ne laisse croire que cette information n’aurait pas pu être transmise avant la fin de la période de dépôt de documents, nous n’examinerons pas les documents supplémentaires ». Par conséquent, le Tribunal a pris en compte le document et a apprécié de manière appropriée la preuve dans la décision liée à cet appel, en tenant compte des observations de l’intimé.

[6] Après avoir examiné l’ensemble de la preuve et les observations écrites de l’intimé, le Tribunal est convaincu qu’il peut rendre une décision dans cette affaire sans convoquer de nouveau les parties.

Droit applicable

[7] L’alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada (la Loi) énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à cette pension, le demandeur :

  1. a) doit avoir moins de 65 ans;
  2. b) ne doit pas toucher de pension de retraite du RPC;
  3. c) doit être invalide;
  4. d) doit avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[8] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

[9] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) de la Loi, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité n’est prolongée que si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[10] Le litige ne concerne pas la PMA, car les parties conviennent que cette période prend fin le 31 décembre 2007, ce qu’a également conclu le Tribunal.

[11] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer s’il est plus probable que le contraire que l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

Preuve

[12] L’appelant avait 37 ans à la date marquant la fin de sa PMA, le 31 décembre 2007. Il a été employé par une entreprise de mobilier en tant que coupeur de tissu, de décembre 1991 à novembre 2005. Il a subi des accidents de voiture le 23 novembre 2005 et le 26 décembre 2007.

Témoignage

[13] L’appelant a affirmé qu’en plus de ses médicaments courants, il a pris du Tylenol 3 avant l’audience pour réduire sa douleur. Toutefois, ce médicament avait un effet sur ses facultés cognitives en ce sens qu’il se sentait « engourdi » et que cela lui causait des troubles de la mémoire.

[14] L’appelant est arrivé au Canada depuis son pays natal, l’Inde, en décembre 1991. En Inde, il a obtenu sa cinquième année, et il n’a pas poursuivi ses études au Canada. Il parle très peu l’anglais et ne peut lire ni écrire dans aucune langue. L’appelant travaillait comme fermier dans son pays d’origine.

[15] L’appelant a occupé un emploi peu de temps après la date de son arrivée au Canada jusqu’à son accident de voiture, en novembre 2005. Le jour de l’accident, l’appelant se rendait en voiture au travail (où il était coupeur de tissu) et y est bel et bien allé après l’accident de voiture, mais il n’y est resté environ qu’une demi-heure avant de se rendre à l’hôpital parce que tout son corps est devenu raide et que son dos a commencé à être douloureux. Par la suite, il a été traité par le Dr Garg, son médecin de famille, et ce dernier lui a prescrit des analgésiques et un traitement de physiothérapie. Il avait des blessures au dos, de l’engourdissement à la jambe gauche, des maux de tête, de la raideur et de la douleur à l’épaule droite, en plus de souffrir de dépression. Il est droitier et il n’est jamais retourné au travail depuis novembre 2005.

[16] Dans un rapport daté du 23 novembre 2007, le Dr Joshi, cardiologue interniste, a écrit que l’appelant marchait six kilomètres par jour. Lorsqu’on a demandé à l’appelant si cela était correct, il a affirmé qu’il [traduction] « croit qu’il a fait une erreur ».

[17] En décembre 2007, l’appelant a subi un second accident de voiture, qui a aggravé ses blessures préexistantes. Maintenant, il ne peut pas se servir de sa main droite en raison de picotements et d’engourdissement.

[18] Selon l’appelant, il souffre de dépression [traduction] « importante » et a [traduction] « tout le temps » peur. Parfois, il se dit qu’il serait préférable de mourir que de vivre cette vie. Sa relation avec son épouse et ses enfants s’est détériorée en raison de sa mauvaise santé. Même avec des somnifères, il ne peut dormir que trois ou quatre heures à la fois et fait souvent de [traduction] « mauvais rêves ». Par conséquent, il est agité toute la journée.

[19] Ses activités quotidiennes sont sévèrement limitées en raison de la douleur constante. Depuis les accidents de voiture, il n’a pas pu conduire pendant plus de cinq minutes à la fois. S’il marche sur deux pâtés de maison, ses jambes deviennent faibles et tremblantes. Il ne peut pas rester longtemps en position assise ni en position debout en raison de la douleur.

Preuve documentaire

[20] Le 23 septembre 2013, le Dr Pinto, rhumatologue, a écrit que l’appelant continue de souffrir d’une douleur chronique attribuable à l’accident de voiture de 2005. Le pronostic reste réservé, et l’invalidité est grave et prolongée.

[21] Dans un rapport du 31 juillet 2013, le Dr Joshi, psychiatre, a déclaré que l’appelant avait déjà reçu un traitement pour ses troubles physiques et 35 séances de psychothérapie au ACT Health Group, à Brampton. Il est établi que l’appelant a commencé à éprouver des problèmes physiques et émotionnels à partir de son accident de voiture survenu en 2005. Son pronostic était réservé, et il semblait que son état ne pourrait jamais revenir à un stade lui [traduction] « permettant d’occuper un emploi de quelque type que ce soit ».

[22] Dans un rapport daté du 21 juillet 2011, le Dr Joshi a écrit qu’il a commencé à traiter l’appelant le 21 juillet 2008. L’appelant avait subi un accident de voiture le 23 novembre 2005, puis un autre en décembre 2007. Le médecin a écrit que l’appelant souffrait d’une douleur intense au dos depuis son premier accident et qu’il lui était [traduction] « difficile de se pencher, et les activités physiques, comme marcher, se tourner le torse ou s’asseoir lui sont très douloureuses ». Le second accident de voiture a aggravé ses problèmes physiques. Le médecin a indiqué que c’est un cas très complexe, avec des diagnostics de névrose d’angoisse aiguë sévère, de trouble dépressif majeur, de trouble d’adaptation, de traits de personnalité obsessionnelle éventuellement non traitables, de douleur intense, de maux de tête, d’idées suicidaires et de stress extrême. Il a également indiqué que l’appelant avait une [traduction] « déficience grave prolongée qui se poursuivra probablement jusqu’à sa mort ». L’appelant avait atteint un stade de rétablissement maximal et est [traduction] « totalement inapte à tout emploi ». Le rapport faisait aussi état du faible niveau d’anglais de l’appelant.

[23] Dans un rapport médical qu’il a rempli le 6 janvier 2011 pour Service Canada, le Dr Joshi a indiqué qu’il a commencé à traiter l’appelant en juillet 2008. Les diagnostics étaient une dépression majeure (grave), une névrose d’angoisse et des crises de panique. Sur le plan physique, il avait de multiples régions douloureuses en raison de deux accidents de voiture, en 2005 et en 2007, et de problèmes cardiaques, en 2008. L’appelant ne réagissait pas au traitement et son état s’était [traduction] « détérioré davantage, il est plus triste, anxieux et isolé et a tendance à oublier des choses ». Le pronostic était réservé.

[24] Dans le Questionnaire relatif aux prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada daté du 30 décembre 2010, il est indiqué que l’appelant a une scolarité de cinquième année. Il a travaillé de décembre 1991 à décembre 2005 dans une entreprise de mobilier et n’a pas pu retourner au travail en raison de blessures subies lors d’accidents de voiture. Ses limitations fonctionnelles étaient extrêmes.

[25] Le 28 septembre 2010, le Dr Joshi a diagnostiqué une névrose d’angoisse avec des crises de panique fréquentes, une dépression majeure associée à une psychose légère et un trouble d’adaptation. Il y avait des stresseurs multiples et de l’« isolement ».

[26] Le 21 octobre 2008, le Dr Singh, cardiologue, a indiqué que l’appelant avait subi ce matin-là un infarctus du myocarde antérieur aigu. L’appelant a subi une angioplastie.

[27] Dans un rapport daté du 9 novembre 2007, la Bay Medical & Health Services Corporation a rédigé une [traduction] « évaluation indépendante » pour la compagnie d’assurances State Farm concernant l’état de santé de l’appelant. Le rapport a été rédigé par le Dr Elmpak, psychiatre. Le rapport indique qu’à la suite de l’accident de voiture de 2005, l’appelant a commencé à souffrir de douleur au cou, au bas du dos et à la jambe gauche et de maux de tête continus. Les plaintes de l’appelant liées à la douleur restaient importantes et le limitaient dans ses activités quotidiennes. Les diagnostics étaient les suivants : trouble dépressif majeur avec humeur anxieuse et trouble de douleur chronique. L’appelant souffrait d’une [traduction] « incapacité totale d’occuper tout emploi pour lequel il est qualifié de par ses études, sa formation ou son expérience selon une perspective psychologique et professionnelle ». Le médecin n’était pas en mesure d’établir si l’appelant était capable d’occuper tout emploi figurant dans une analyse des compétences transférables puisqu’aucune analyse de ce genre n’avait été réalisée.

[28] Une IRM n’ayant pas révélé de lésions objectives, le 7 février 2007 le Dr Corless, chirurgien orthopédique, a encouragé l’appelant à retourner au travail et lui a conseillé de consulter dans une clinique de la douleur. Le 20 septembre 2006, le Dr Corless a écrit que l’appelant s’était plaint d’une douleur très importante. Il a précisé que l’appelant ne pouvait pas prendre de médicament puisque cela lui causait des problèmes d’estomac. L’appelant avait surtout de la douleur au dos, mais il ressentait un peu d’engourdissement et des picotements dans les membres inférieurs. Une IRM a été demandée, mais elle n’a montré [traduction] « aucune anomalie importante ». Dans un rapport du 9 mars 2006, le Dr Corless a précisé que l’appelant suivait un traitement de physiothérapie, et que cela aidait. Les radiographies étaient normales. L’appelant n’avait pas besoin d’examen approfondi et devait poursuivre le traitement de physiothérapie jusqu’à son retour au travail.

[29] Le Dr Garg, le médecin de famille de l’appelant, a fourni des notes cliniques allant du 17 juin 2005 au 23 juillet 2008. Selon les notes du mois d’août 2008, l’appelant souffrait de dépression et de douleur dans le bas du dos irradiant jusque dans la jambe. Le 25 juillet 2008, il a consulté pour un suivi concernant la dépression et la douleur au bas du dos. Dans les notes du 24 juin et du 11 juillet 2008, on parle de spasmes dans le bas du dos, de dépression et de maux de tête. L’appelant a consulté trois fois en mai et une fois en juin 2008 en raison de douleur, de maux de tête, de spasmes dans le bas du dos, d’un sentiment de faiblesse, d’idées suicidaires et de dépression. Les notes des rendez-vous de janvier, de février, de mars et d’avril 2008 font état de douleur dans le bas du dos, de raideurs et de spasmes dans le bas du dos. Celles des rendez-vous d’octobre, de novembre et de décembre 2007 font état de douleur au cou et au bas du dos et de raideurs. Celles des rendez-vous de mars à juillet 2007, de douleur au bas du dos et du fait qu’il [traduction] « ne peut rien faire ». Douleur dans le bas du dos, raideurs, spasmes, maux de tête. Janvier et février 2007 : spasmes dans le bas du dos, sensibilité, besoin de consultation en psychologie. Septembre, octobre et décembre 2006 : sensibilité dans le cou et les trapèzes et douleur au bas du dos. De janvier à août 2006 : douleur dans le cou et au bas du dos, spasmes, sensibilité. Novembre et décembre 2005 : sensibilité et spasmes dans le bas du dos, entorse dans le cou et le haut et le bas du dos avec céphalées cervicogéniques.

Observations

[30] L’appelant n’a pas présenté d’observations.

[31] Dans des observations datées du 15 janvier 2013, l’intimé soutient que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. a) L’appelant n’a commencé à être traité par le Dr Joshi, psychiatre, qu’en juillet 2008, une date ultérieure à sa période minimale d’admissibilité. Aucun symptôme psychiatrique ne figure dans les notes cliniques du médecin de famille avant mai 2008. Jusqu’en décembre 2007, les notes médicales ne font référence qu’à une douleur au cou et au bas du dos en raison des deux accidents de voiture et à une pression artérielle élevée. Selon un rapport du 7 novembre 2007 du Dr Garg, l’appelant n’a pas d’antécédents psychiatriques, de maladie cardiaque ni de déficit neurologique. Le chirurgien orthopédique qu’il a vu le 7 février 2007 indique que les résultats d’IRM de l’appelant sont normaux pour son âge et il suggère que l’appelant consulte dans une clinique de la douleur. Un interniste qu’il a vu le 23 novembre 2007 a écrit qu’il marche six kilomètres par jour sans restriction et peut faire de l’exercice pendant 12 minutes pour le protocole de Bruce (tapis roulant). En décembre 2007, l’interniste a indiqué que la pression artérielle était normale et qu’une thérapie n’était pas recommandée. L’insuffisance cardiaque ne date que d’octobre 2008.

Analyse

[32] L’appelant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2007 ou avant cette date.

Invalidité grave

[33] En l’espèce, la prépondérance de la preuve a convaincu le Tribunal que l’appelant est effectivement atteint d’une invalidité grave. La preuve médicale objective établit que l’appelant d’abord a reçu de son médecin de famille un diagnostic d’entorse au cou et au haut et au bas du dos ainsi que de céphalées cervicogéniques découlant de son premier accident de voiture, en 2005. L’appelant a été vu par son médecin de famille environ une fois par mois, et ses plaintes de malaises physiques n’ont jamais varié.

[34] L’intimé a fait valoir que les notes du médecin de famille ne font état d’aucun symptôme psychiatrique avant mai 2008, ce qui est après sa PMA. L’intimé a omis, dans ses observations, la note clinique de février 2007 qui indique : [traduction] « il a besoin de consultation en psychologie ». En outre, le Tribunal a reçu à la date de l’audience un rapport médical de la compagnie d’assurance, ce qui laisse entendre qu’une preuve médicale supplémentaire était disponible mais n’a pas été présentée au Tribunal. Comme nous l’avons indiqué, l’appelant ne parle pas l’anglais, il n’est capable de lire ni d’écrire dans aucune langue, et il pourrait n’avoir pas été suffisamment bien représenté. Le rapport d’assurance provient d’un psychiatre et a été rédigé avant la date marquant la fin de la PMA. L’appelant a reçu un diagnostic de trouble dépressif majeur avec humeur anxieuse et de trouble de douleur chronique. Le psychiatre établit clairement un lien de causalité entre les troubles psychologiques de l’appelant et l’accident de voiture de 2005. En outre, l’intimé fait remarquer que le chirurgien orthopédiste a suggéré une consultation dans une clinique de la douleur, en février 2007. L’interniste qui a indiqué que l’appelant marchait six kilomètres par jour pourrait avoir fait une erreur, tel que l’a allégué l’appelant. Le Tribunal remarque que cet énoncé n’est pas compatible avec le reste des rapports médicaux et donne à l’appelant le bénéfice du doute à ce sujet. Le Tribunal accorde à la preuve provenant du psychiatre et du médecin de famille une importance substantielle.

[35] L’appelant avait 37 ans à la date marquant la fin de sa PMA, était analphabète et ne parlait pas l’anglais. Il a travaillé comme fermier et comme travailleur d’usine, et ces deux emplois ont constitué son unique expérience de travail. Ces facteurs doivent être pris en compte ainsi que ses affections médicales diagnostiquées. Dans l’affaire Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47, le tribunal a tranché qu’il ne faut pas évaluer l’employabilité dans l’abstrait, mais plutôt prendre en compte « toutes les circonstances », regroupées en deux catégories :

  1. a) Les antécédents de l’appelant (âge, niveau d’instruction, aptitudes linguistiques et antécédents de travail et expérience de vie), tel qu’établi dans l’arrêt Villani c. Canada (P.G.), 2001 CAF 248);
  2. b) L’état de santé de l’appelant (évalué dans son ensemble).

[36] Bien que l’appelant était jeune à la date marquant la fin de sa PMA, il a été établi dans des décisions antérieures de la Commission d’appel des pensions (CAP), bien qu’elles ne soient pas contraignantes pour la Cour mais qu’elles soient convaincantes, qu’un jeune âge ne constitue pas une raison pour exclure une personne à titre de demandeur d’une pension d’invalidité : Lewis c. MDRH (3 septembre 2002), CP 18177 (CAP). En outre, l’appelant a un faible niveau de scolarisation et de littératie, ce qui étaye une conclusion de non-employabilité. Lorsque l’on ajoute les problèmes médicaux, en particulier les troubles psychologiques, le Tribunal peut difficilement conclure que l’appelant serait en mesure d’occuper tout emploi étant donné son incapacité de s’asseoir, de se tenir debout ou de se concentrer en raison de la douleur. Le Tribunal estime donc que l’appelant est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[37] L’appelant a reçu un traitement continu et constant de son médecin de famille. Il a déclaré dans son témoignage qu’il avait suivi des traitements de physiothérapie, mais que cela ne l’avait pas aidé. Aucun élément de preuve ne donne à penser que l’appelant a refusé des modalités ou un traitement médical raisonnables. Par conséquent, le Tribunal est convaincu que l’appelant a respecté son obligation de chercher à obtenir un traitement, tel qu’établi dans l’arrêt MSNBS c. Densmore (2 juin 1993), CP 2389 (CAP).

[38] Étant donné la douleur permanente et les troubles psychologiques découlant des accidents de voiture de 2005 et de 2007, le Tribunal estime que l’appelant est « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice » aux termes du sous-alinéa 42(2)a)(i) de la Loi.

Invalidité prolongée

[39] Selon le sous-alinéa 42(2)a)(ii) de la Loi, une invalidité n’est prolongée que si « elle est déclarée, de la manière prescrite, devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès ». Tel qu’établi dans la décision MDRH c. Scott (10 juillet 1998), CP 5741 (CAP), « l’examen du traumatisme subi doit être axé non pas sur la période requise pour la guérison,[…], mais plutôt sur la capacité de retourner au travail et la nature indéfinie de l’invalidité ».

[40] Selon le témoignage de l’appelant, étayé par la preuve médicale, il a commencé à souffrir après son accident de voiture de novembre 2005, et son état s’est aggravé avec le second accident de voiture, en 2007. Il a également commencé à souffrir d’un trouble dépressif et d’un trouble de la douleur, deux affections chroniques. Selon les rapports médicaux du médecin de famille, du chirurgien orthopédique, du rhumatologue et du psychiatre, toutes les affections médicales sont de durée indéfinie, continues, et il n’y a aucun espoir de guérison. Le pronostic est plutôt sombre.

[41] Pour ces raisons, le Tribunal conclut que l’invalidité de l’appelant est « prolongée » conformément à la définition figurant dans la Loi.

Conclusion

[42] Le Tribunal conclut que l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée en novembre 2005, date de son premier accident de voiture. Aux fins du paiement, une personne ne peut être réputée invalide plus de quinze mois avant que l’intimé n’ait reçu la demande de pension d’invalidité (alinéa 42(2)b) de la Loi). Comme la demande a été reçue en janvier 2011, l’appelant est réputé être devenu invalide en octobre 2009. Aux termes de l’article 69 de la Loi, la pension d’invalidité est payable à compter du quatrième mois qui suit la date du début de l’invalidité. Les paiements doivent donc commencer en février 2010.

[43] L’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.