Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Comparutions

  1. A. V. : Appelant
  2. Gary Newhouse : Représentant de l’appelant
  3. Maria Delatorre : Interprète de l’espagnol

Décision

[1] Le Tribunal a établi que l’appelant n’a pas droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Introduction

[2] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité du RPC de l’appelant le 1er juin 2011. L’intimé a rejeté la demande initiale et la demande de révision, puis l’appelant a interjeté appel auprès du Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR).

[3] L’audience de cet appel devait d’abord avoir lieu par vidéoconférence pour les raisons mentionnées dans l’avis d’audience du 12 septembre 2014. En raison de mauvaises conditions météorologiques et de problèmes techniques, le mode d’audience a été changé à une téléconférence.

Droit applicable

[4] L’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012 prévoit que les appels déposés auprès du BCTR avant le 1er avril 2013 mais qui n’ont pas été instruits par le BCTR sont réputés avoir été déposés auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada (la Loi) établit les conditions d’admissibilité à la pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à une pension d’invalidité, un demandeur doit :

  1. a) avoir moins de 65 ans;
  2. b) ne pas recevoir de pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[6] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

[7] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) de la Loi, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée comme ayant une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[8] Le Tribunal estime que la date marquant la fin de la PMA est le 31 décembre 2013.

[9] Dans la présente affaire, le Tribunal doit décider s’il est plus probable que le contraire que l’appelante avait une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

Contexte

[10] L’appelant avait 57 ans à la date marquant la fin de la PMA, soit le 31 décembre 2013. Il a maintenant 59 ans. Il est né au Pérou, où il a fait une année et demie d’études universitaires. Il a déménagé au Canada en 1984. Au Canada, il a d’abord travaillé pour un fabricant de chaussures pendant deux ou trois ans à coller des chaussures. En 1986, il a commencé à travailler pour un fabricant de matelas. Il y a travaillé pendant plus de 23 ans.

[11] Le 19 août 2009, il a subi une blessure au bras et à l’épaule du côté droit lorsqu’il est tombé à la renverse en tentant de soulever un matelas pour grand lit. Il s’est absenté du travail pendant quelques jours. Quand il y est retourné, on a modifié les tâches qu’il devait accomplir, il a été affecté à la fabrication de matelas pour lits d’enfant. Il a cessé de travailler en février 2010 parce que son bras enflé le faisait souffrir. Il n’est pas retourné travailler depuis.

Documents relatifs à la demande

[12] Dans le questionnaire sur les prestations d’invalidité du RPC, estampillé par l’intimé le 1er juin 2011, l’appelant a inscrit qu’il a travaillé chez Leggett & Platt Canada du 1er octobre 1986 au 19 août 2009; il a cessé d’y travailler en raison d’une douleur au cou et à l’épaule droite causée par un accident du travail. Il a écrit qu’après cet accident du travail, il a continué à travailler, mais qu’on avait modifié ses tâches et son horaire. Il dit être invalide depuis le 4 février 2010 et indique que les maladies et déficiences qui l’empêchent de travailler sont d’intenses douleurs à l’épaule droite et une rupture partielle des tendons supraépineux et sousépineux. Il mentionne qu’il éprouve une douleur chronique à l’épaule droite et qu’il n’est pas capable de bouger son bras.

[13] Le rapport du 5 mai 2011 du Dr Obaji, le médecin de famille de l’appelant, est joint à la demande de prestations du RPC. Selon le rapport, le diagnostic est une tendinopathie du muscle supraépineux de l’épaule droite et une rupture partielle des tendons supraépineux et sousépineux, un syndrome du canal carpien et un syndrome de la douleur chronique. Le rapport mentionne que l’appelant a subi une blessure à l’épaule droite au travail. Le pronostic est réservé.

Témoignage

[14] L’appelant a parlé de ses études et de ses antécédents professionnels. Le dernier emploi qu’il a occupé est opérateur de machine; il fabriquait des matelas. Il insérait les câbles dans l’appareil afin de fabriquer des cadres de métal, puis les soulevait afin de les déposer sur une plateforme. Il n’a suivi aucun cours de perfectionnement et n’avait pas à parler à des clients dans le cadre de ses fonctions. Il n’était pas tenu de parler anglais, parce que son patron parlait suffisamment bien l’espagnol, et ce dernier lui a montré comment accomplir ses tâches. Il n’avait pas de problèmes de santé importants avant l’accident de travail du 19 août 2009.

[15] L’appelant a signalé l’accident à son patron, qui lui a dit de consulter son médecin de famille. Après quelques jours d’absence, il est retourné travailler. On lui a confié des tâches moins exigeantes, comme la fabrication de matelas pour lits d’enfant. Il travaillait seulement quatre heures par jour parce qu’il devait s’absenter pour faire de la physiothérapie. Il précise qu’il a fait entre 50 et 60 séances de physiothérapie. Il a cessé de travailler en février 2010 et n’a pas recommencé depuis. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il a cessé de travailler, il a répondu [traduction] : « J’avais très mal au bras… il était enflé…Je ne pouvais pas travailler. » Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’a pas tenté de retourner travailler, il a répondu [traduction] : « J’ai trop mal au bras… Je n’arrive pas à le bouger. »

[16] Il a subi une chirurgie en mars 2012 et a suivi un traitement postopératoire. Il a affirmé que la chirurgie ne l’a pas aidé. Son bras était toujours enflé, il avait mal à l’épaule, et, parfois il avait mal à la tête tellement il souffrait. Il prend deux ou trois comprimés de Tylenol no 3 par jour, ce qui lui cause de maux d’estomac et provoque un état de somnolence. Son médecin lui a prescrit des comprimés de Pantoloc pour ses maux d’estomac. Il ne suit aucun traitement en ce moment.

[17] Il est droitier. Il ne peut pas bouger le bras droit, et ce dernier enfle. Il dit que son bras est dans le même état aujourd’hui qu’il l’était en novembre 2010, moment où a été rédigé le rapport de consultation initial en vue d’un retour au travail dans le cadre d’un programme spécialisé de rétablissement pour épaules et coudes de la CSPAAT. On a fait mention d’extraits du rapport en question (dossier d’audience : p. 83) indiquant que son employeur lui avait offert d’accomplir des tâches moins exigeantes, soit de produire des étiquettes numérotées en février 2010, et l’appelant a réfuté cette affirmation en ajoutant que toutes les tâches modifiées qu’on lui a offertes nécessitaient la manipulation de pièces de métal lourdes. Lorsqu’on lui a demandé s’il aurait été capable de faire cet autre genre de travail en utilisant principalement sa main gauche, l’appelant a dit qu’il n’aurait pas été capable de se concentrer en raison de la douleur et aurait eu de la difficulté à couper les étiquettes avec une seule main. Il reconnaît ne pas avoir cherché d’autres types d’emplois entre février 2010 et la décision de la CSPAAT de juillet 2013, et ne pas avoir suivi de cours d’anglais langue seconde pendant cette période. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi, il a répondu [traduction] « J’étais très dérouté… j’avais très mal à la tête… Je n’avais pas les idées claires. »

[18] En juin 2014, il a commencé à suivre des cours de perfectionnement en langue anglaise par l’intermédiaire de la CSPAAT. Il y allait six heures par jour tous les jours. Il a mentionné que sa connaissance de la langue anglaise s’est améliorée un peu, mais il ne sait pas pendant combien de temps la CSPAAT prévoit lui offrir des cours d’anglais ni pourquoi il suit ces cours. La CSPAAT n’a effectué aucune évaluation physique depuis la décision de juillet 2013. Il utilise un peu l’ordinateur à la maison afin d’obtenir des renseignements en anglais et en espagnol.

Preuve médicale

[19] Le Tribunal a étudié attentivement l’ensemble de la preuve médicale se trouvant dans le dossier d’audience. Les extraits que le Tribunal juge les plus pertinents sont présentés ci-dessous.

[20] Le 16 novembre 2009, le Dr Veidlinger, neurologue, a déclaré que l’appelant était opérateur de machine et qu’un gros cadre de métal pour matelas est tombé sur son épaule droite et son front il y a neuf semaines. L’appelant éprouvait de la douleur à l’épaule droite dans la région du muscle supraépineux et ne pouvait pas lever son bras complètement. L’appelant présentait toutes les caractéristiques d’une tendinite du muscle supraépineux. La force et les réflexes bicipitaux et tricipitaux étaient normaux, mais l’appelant ne pouvait pas utiliser son épaule facilement ni la bouger. Au toucher, il avait mal sur le dessus de la tête, du côté droit. Le Dr Veidlinger a indiqué que les observations concernant l’appelant étaient de nature organique et liées à la tendinite du muscle supraépineux. Selon les conclusions du rapport, l’appelant prend du mieux et continue de travailler, mais ses tâches ont été modifiées.

[21] Le 5 février 2010, le Dr Syed, chirurgien orthopédiste, a examiné l’appelant pour une douleur à l’épaule droite. L’appelant se plaignait d’une douleur interne constante à l’épaule droite irradiant jusque dans la partie droite du cou. Dans le rapport, on souligne que l’appelant a subi un accident de travail le 19 août 2009 et s’est blessé à l’épaule droite et qu’il a fait de la physiothérapie pendant quatre mois, mais que cela ne l’a pas aidé. Le Dr Syed a expliqué qu’il n’y a pas de procédure chirurgicale pour améliorer l’état de l’appelant et a indiqué qu’il demanderait à la CSPAAT de faire une évaluation clinique de la douleur.

[22] Le 13 mars 2010, le Dr Shakib, fellow en médecine clinique faisant partie de l’équipe du Dr Syed, a noté que l’appelant avait été dirigé vers une clinique de gestion de la douleur et qu’il attendait un appel de cette dernière. Le Dr Shakib a expliqué à l’appelant que sa douleur était principalement attribuable à une rupture partielle du muscle supraépineux de la coiffe des rotateurs et à une douleur chronique au haut du dos, et, qu’à ce moment il n’y avait pas de procédure chirurgicale qui était prévue.

[23] Le 16 mars 2010, le Dr Sehmi, chirurgien orthopédiste, a mentionné qu’il a examiné l’appelant pour la première fois le 18 décembre 2009 et qu’il lui a prescrit une IRM, qui a révélé une rupture partielle des tendons supraépineux et sousépineux en plus d’une tendinite du muscle supraépineux. Le Dr Sehmi a envoyé une copie du résultat de l’IRM au Dr Obaji et a indiqué qu’une injection de stéroïdes pourrait être bénéfique à l’appelant et atténuerait ses douleurs.

[24] Le 17 mai 2010, le Dr Veidlinger a fait rapport à la CSPAAT. Il a expliqué que l’appelant avait maintenant la main droite engourdie et enflée, surtout la nuit; qu’il maintenait tout le bras droit en position protégée; que l’IRM du 25 janvier 2010 fait état d’une rupture partielle des tendons supraépineux et sousépineux. Le Dr Veidlinger a également expliqué que l’appelant maintenait aussi tout le membre supérieur droit en position protégée et qu’il devrait subir un électrodiagnostic de stimulo-détection parce qu’il est en train de développer un syndrome du canal carpien.

[25] Le 8 septembre 2010, le Dr Sehmi a mentionné que la scintigraphie osseuse n’a révélé aucune fracture manifeste. Il a examiné l’appelant le 7 septembre, lequel éprouvait toujours des douleurs à l’épaule droite. Il avait presque l’épaule bloquée à la suite de la rupture partielle de coiffe des rotateurs et de la tendinite. Le Dr Sehmi a injecté du Depo-Medrol dans l’épaule et a recommandé à l’appelant de faire des exercices quotidiennement. Il a noté que l’appelant pourrait devoir recevoir une autre injection de stéroïdes dans six semaines.

[26] Le 3 novembre 2010, le Dr Gallay, chirurgien orthopédiste, et Bev Amey, physiothérapeute à la clinique spécialisée dans les problèmes d’épaules et de coudes de Sunnybrook (Shoulder and Elbow Specialty Clinic), une clinique spécialisée de la CSPAAT, ont déclaré qu’à la suite de son accident du travail du 19 août 2009, l’appelant a développé un comportement marqué de douleur chronique à l’épaule et au membre supérieur droits. L’examen clinique n’a pas été très utile parce que l’appelant ne pouvait pas bouger, ou faire bouger son épaule ni son bras; toute tentative d’évaluation provoquait une douleur intense. Dans le rapport, on conclut qu’un programme de rétablissement fonctionnel (PRF) serait bénéfique à l’appelant. Pour ce qui est d’un retour au travail, le rapport établit que l’appelant n’est en mesure d’accomplir aucune tâche avec son épaule et bras droits dominants.

[27] Dans un rapport d’évaluation initial aux fins d’un retour au travail du 3 novembre 2010, rédigé par une clinique spécialisée de la CSPAAT, on mentionne que l’appelant accomplit des tâches allégées, mais a cessé de travailler en février 2010 en raison de la douleur. Le rapport précise que, d’après la description de son emploi, ses tâches habituelles à titre d’opérateur de machine ne respectent pas les restrictions actuelles liées au travail. Dans le rapport, on note que l’équipe multidisciplinaire a recommandé qu’il soit dirigé vers un PRF. Il n’est pas prévu que l’appelant revienne à la clinique pour un suivi.

[28] Dans le rapport d’évaluation décrivant les tâches allégées accomplies, on mentionne ce qui suit :

  • - Il a effectué des tâches allégées pendant cinq mois, soit jusqu’en février 2010;
  • - Ses tâches allégées comprenaient la fabrication de matelas pour lits d’enfant. Il travaillait quatre heures par jour parce qu’il allait faire de la physiothérapie tous les jours.
  • - Les documents révèlent que l’employeur pouvait lui confier des tâches adéquates ou était disposé à en trouver d’autres, s’il était déterminé qu’elles ne convenaient pas.
  • - Le 23 février 2010, un spécialiste de la CSPAAT en matière de retour au travail a évalué les tâches afin de vérifier si elles étaient adéquates.
  • - L’employeur a offert à l’appelant une tâche moins exigeante, soit la production d’étiquettes numérotées. L’appelant a travaillé pendant une demi-journée. L’appelant explique qu’il était capable de continuer à travailler en raison de ses difficultés continues.
  • - Il n’a pas travaillé depuis le 24 février 2010.

[29] Le 5 avril 2011, le Dr Lee, rhumatologue, a affirmé que l’appelant semble avoir développé une douleur chronique pouvant limiter son rétablissement. Le Dr Lee a prescrit du Surgam, y ajoutant du Pariet aux fins de protection gastrique, a demandé une IRM ainsi que des analyses sanguines de routine.

[30] Le 16 décembre 2011, le Dr Rajamanickam, au nom du Dr Syed, a mentionné que le Dr Syed avait offert à l’appelant de l’opérer. Toutefois, puisqu’il aurait besoin de physiothérapie postopératoire et que son admissibilité aux prestations de la CSPAAT n’avait toujours pas été déterminée, il valait mieux attendre que sa situation auprès de la CSPAAT soit réglée pour que les protocoles postopératoires puissent être mis en place.

[31] Le 29 mars 2012, le Dr Syed a effectué une chirurgie complexe pour réparer la coiffe des rotateurs de l’épaule droite et un débridement par arthroscopie du bourrelet marginal et de la lésion labrale supérieure (lésion SLAP).

[32] Le Dr Syed a examiné l’appelant lors d’une visite de suivi le 12 avril 2012. L’appelant devait continuer d’utiliser une écharpe et commencer des séances de physiothérapie. Le 18 juin 2012, le Dr Laban, au nom du Dr Syed, a souligné que l’appelant se portait bien, mais ne pouvait pas élever son bras au-delà de 90 degrés.

Décision de la CSPAAT

[33] Le 31 juillet 2013, le Tribunal d’appel de la CSPAAT a rendu sa décision concernant l’appel interjeté par l’appelant à l’encontre de la décision du commissaire aux appels (ARO). L’appelant a retiré sa demande d’admissibilité liée à une invalidité due à une douleur chronique puisqu’il a fait valoir qu’il avait des problèmes de santé de cause organique, et il a aussi retiré sa demande visant à obtenir une ordonnance spéciale confirmant son admissibilité à un PRF. Le paragraphe 13 de la décision est rédigé ainsi :

[Traduction]
La CSPAAT a affecté un spécialiste en matière de retour au travail à ce dossier. Le 1er mars 2010, il y a eu une réunion dans les bureaux de l’employeur afin de discuter des tâches allégées offertes par l’employeur. Le travailleur, un interprète, le responsable des ressources humaines, le superviseur de l’employé et le spécialiste en matière de retour au travail ont assisté à la réunion. Au cours de celle-ci, l’employeur a affirmé que des tâches allégées pouvaient être faites par l’employé. Les tâches offertes étaient la production d’étiquettes numérotées et opérateur de machinerie pour la fabrication de matelas pour lits d’enfant. Le spécialiste en matière de retour au travail était d’avis que les tâches modifiées étaient adéquates.

[34] En déterminant que l’appelant n’était pas capable de continuer à travailler, le Tribunal de la CSPAAT a accordé peu de poids à la conclusion du spécialiste en matière de retour au travail concernant le caractère adéquat des tâches allégées et a précisé que cette conclusion contredisait les opinions de spécialistes qualifiés dans le domaine de la santé. Par exemple, dans sa lettre du 5 février 2010, le Dr Obaji, médecin de famille, rappelle que le Dr Syed était d’avis que l’appelant ne devait pas travailler; dans sa note du 19 février 2010, le Dr Obaji précise que le travailleur n’est pas capable d’accomplir quelque tâche que ce soit jusqu’à nouvel ordre; dans sa note du 4 mars 2010, le Dr Veidlinger mentionne que l’appelant n’est pas capable de travailler, et dans sa note du 3 mars 2010, le Dr Obaji indique qu’il est d’accord avec le Dr Veidlinger que l’appelant n’est pas en mesure de retourner travailler tant qu’une autre évaluation n’aura pas été faite. Ce Tribunal a constaté qu’aucun de ces documents n’avait été versé au dossier d’audience.

[35] La décision du Tribunal de la CSPAAT se conclut de la façon suivante :

[Traduction]
Compte tenu de la gravité du préjudice indemnisable du travailleur, de la barrière linguistique à laquelle se heurte le travailleur, du peu de compétences transférables dont il dispose, du manque d’emplois adéquats ou disponibles auprès de l’employeur où l’accident a eu lieu, j’estime qu’il était peu probable que le travailleur ait un revenu d’emploi après le 10 février 2010. Par conséquent, il est pleinement admissible aux prestations pour perte de gains, et ce, du 10 février 2010 jusqu’à la date de cette décision. Il est également admissible à une évaluation des possibilités de réintégration sur le marché du travail/transition professionnelle conformément à l’article 42 de la Loi.
Documents non inclus dans le dossier d’audience

[36] Lorsque Tribunal a demandé à M. Newhouse pourquoi le rapport de mars 2010 du spécialiste en matière de retour au travail (mentionné dans le dossier d’audience à la pièce GT2-20) n’avait pas été versé au dossier d’audience, il a répondu qu’il s’agissait d’une erreur commise par inadvertance. Quand on lui a demandé pourquoi l’appelant avait retiré sa demande d’ordonnance confirmant son admissibilité à un PRF (dossier d’audience, pièce GT2- 19), M. Newhouse a indiqué qu’il s’agissait d’une décision stratégique puisque cette question était comprise dans la demande d’évaluation aux fins de réintégration au marché du travail/de transition professionnelle et que la commission rendrait l’ordonnance dans le cadre de cette évaluation, si elle l’estimait nécessaire. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’y avait pas de rapports de la CSPAAT concernant le programme de réintégration au marché du travail dans le dossier d’audience, M. Newhouse a répondu que ces rapports n’étaient pas nécessaires parce que, dans son témoignage oral, l’appelant a déclaré suivre assidument un cours de perfectionnement d’anglais, et que la CSPAAT n’avait pas évalué les capacités physiques ou fonctionnelles de l’appelant depuis la décision de juillet 2013. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi les notes médicales (voir le paragraphe 34, précité) n’ont pas été versées dans le dossier d’audience, M. Newhouse a répondu que ces notes mentionnaient simplement que l’appelant ne devait pas travailler et que la preuve médicale qui avait été versée au dossier d’audience établit clairement que l’appelant n’était pas capable de travailler en 2010.

Observations

[37] M. Newhouse soutient que l’appelant est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. a) La preuve médicale établit clairement que l’appelant a perdu l’usage total de son épaule et de son bras droits dominants et qu’il est incapable de travailler depuis 2010;
  2. b) Le Tribunal doit tenir compte de la situation propre à l’appelant, comme son âge, les obstacles linguistiques auxquelles il se heurte, les quelques emplois qu’il a occupés et dans le cadre desquels il n’était pas tenu de communiquer en anglais et son manque de compétences transférables;
  3. c) La capacité de l’appelant à assister des cours d’anglais régulièrement n’équivaut pas à la capacité de travailler dans un contexte réaliste;
  4. d) En raison des effets cumulatifs relatifs à la perte de l’usage de sa main droite dominante et aux barrières créées par sa situation personnelle, il n’y a pas réellement de chance que l’appelant puisse détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[38] L’intimé soutient que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. a) Même si son appel visant la reconnaissance de son admissibilité continue aux prestations de la CSPAAT a été accueilli, cela ne signifie pas pour autant qu’il est admissible aux prestations du RPC, puisque chaque régime a ses propres critères législatifs;
  2. b) Même si la preuve médicale confirme que l’appelant ne peut pas retourner à son emploi antérieur, cela ne permet pas d’établir qu’il est incapable d’occuper toute forme d’emploi rémunérateur;
  3. c) Il n’y a aucun élément de preuve confirmant que l’appelant a tenté d’obtenir un autre emploi respectant les restrictions liées à sa situation.

Analyse

[39] L’appelant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2013 ou avant.

Invalidité grave

[40] Les exigences législatives appuyant une demande de prestations d’invalidité sont décrites au paragraphe 42(2) de la Loi. Ce paragraphe explique essentiellement que, pour être déclarée invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité qui est « grave » et « prolongée ». Une invalidité n’est « grave » que si la personne est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Non seulement une personne doit être incapable d’occuper son emploi habituel, mais elle doit aussi être incapable de détenir tout emploi qu’il est raisonnable de croire qu’une personne peut détenir. Une invalidité n’est « prolongée » que si elle est déclarée devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès.

Principes directeurs

[41] Les causes suivantes ont fourni des lignes directrices et de l’aide au Tribunal afin de déterminer les questions à trancher à l’égard du présent appel.

[42] Il incombe à l’appelant de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était invalide au sens de la Loi le 31 décembre 2013 ou avant. L’exigence concernant la gravité doit être évaluée dans un « contexte réaliste » : Villani c. Canada (Procureur général) 2001 CAF 248. Le Tribunal doit prendre en compte des facteurs comme l’âge d’une personne, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie au moment de déterminer « l’employabilité » de cette personne compte tenu de son invalidité.

[43] L’appelant doit non seulement prouver qu’il a un grave problème de santé, mais lorsqu’il y a des preuves de capacité de travail, il doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé : Inclima c. Canada (Procureur général) 2003 CAF 117.

[44] Le critère permettant d’évaluer si une invalidité est « grave » ne consiste pas à déterminer si le demandeur souffre de graves affections, mais plutôt à déterminer si son invalidité « l’empêche de gagner sa vie » : Granovsky c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [2001] 1 R.C.S. 703. C’est la capacité de travailler d’un appelant et non le diagnostic de sa maladie qui détermine la gravité de l’invalidité au sens de la Loi : Klabouch c. Canada (MSD), [2008] CAF 33.

[45] En présence de preuves de capacité de travail, la personne doit démontrer que ses efforts pour trouver et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santé : Inclima c. Canada (P.G.), 2003 CAF 117.

[46] Il ne suffit pas de constater qu’il y a un syndrome de douleur chronique; la douleur doit être telle qu’elle empêche la personne qui souffre de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. Il incombe aussi à la personne qui a demandé des prestations de prouver qu’elle a cherché à obtenir un traitement et qu’elle a fait des efforts pour gérer sa douleur : MSNBE c. Densmore (2 juin 1993), CP 2389 (CAP).

[47] Le Tribunal a pour devoir et responsabilité de s’appuyer sur des éléments de preuve crédibles et probants et non sur des spéculations : MRHD c. S.S. (3 décembre 2007) CP25013 (CAP).

Application des principes directeurs

[48] La preuve médicale établit que la blessure qu’a subie l’appelant à l’épaule droite l’empêche de détenir une occupation véritablement rémunératrice qui l’obligerait à utiliser très souvent son épaule et son bras droits. Cette situation l’empêche de reprendre son emploi d’opérateur de machine dans le cadre duquel il fabriquait des matelas, et le Tribunal est convaincu que cette situation l’a aussi empêché d’accomplir les tâches allégées qui lui ont été proposées, soit de fabriquer des matelas plus légers pour lits d’enfant.

[49] Le Tribunal doit déterminer si l’appelant a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’il lui est impossible de détenir toute occupation véritablement rémunératrice, et s’il a déployé les efforts nécessaires afin d’obtenir un autre emploi. Pour les raisons énoncées ci-dessous, le Tribunal a tranché ces questions en faveur de l’intimé.

[50] Le fardeau de la preuve repose sur l’appelant, et le Tribunal est troublé par le défaut de l’appelant de verser au dossier d’audience des documents essentiels qu’il a manifestement en sa possession et en son contrôle (voir paragraphe 36, précité). La nature des tâches allégées offertes par l’appelant, et le défaut de l’appelant d’accomplir les tâches modifiées offertes après février 2010 représentent un problème de taille dans cette affaire. Le Tribunal reconnaît que le Tribunal de la CSPAAT a déterminé que les tâches allégées offertes ne convenaient pas. Toutefois, la CSPAAT applique divers critères et n’a pas les mêmes visées que le RPC, et ce Tribunal n’est pas lié par cette décision.

[51] La décision de la CSPAAT sur cette question porte principalement sur l’examen du rapport du spécialiste en matière de retour au travail, qui était d’avis que les tâches offertes étaient adéquates, et sur les notes des divers médecins affirmant principalement que l’appelant était inapte à toute forme de travail (voir paragraphes 33 et 34, précités). L’appelant a décidé de ne pas fournir de copie de ces rapports au Tribunal, et le défaut de l’appelant de présenter ces rapports a été un facteur important dont le Tribunal a tenu compte pour en arriver à la décision que cet appel devait être rejeté. Les rapports médicaux qui ont été présentés pour l’année 2010 (voir paragraphes 21 à 28, précités) établissent que l’appelant n’était pas en mesure d’utiliser son épaule et son bras droits pour accomplir ses tâches, et les tâches qu’il avait à accomplir dans le cadre de son travail d’opérateur de machine ne respectaient pas cette restriction. Toutefois, cela n’exclut pas tous les types d’emploi, et les notes et rapports des médecins censés appuyer la position que l’appelant n’est pas en mesure d’occuper quelque emploi que ce soit n’ont pas été présentés.

[52] En ce qui a trait à la preuve présentée à l’audience, le Tribunal n’est pas convaincu que la perte de l’usage du bras droit dominant empêche l’appelant de détenir toute occupation véritablement rémunératrice. Le Tribunal n’est pas convaincu que l’appelant n’était pas en mesure d’accomplir des tâches allégées que son employeur semblait prêt à lui offrir (voir paragraphe 28, précité). La preuve laisse entendre que l’appelant n’a déployé aucun effort véritable afin d’accomplir les tâches allégées. De plus, dans son témoignage oral, l’appelant a reconnu qu’après février 2010, il n’a fait aucun effort pour obtenir un autre emploi ni pour développer sa connaissance de l’anglais jusqu’à ce qu’il commence des cours par l’intermédiaire de la CSPAAT, en juin 2014. Le Tribunal a également mentionné qu’aucun des documents sur la réintégration au marché du travail pour la période suivant la décision de la CSPAAT de juillet 2013 n’a été présenté. Le Tribunal doit donc compter seulement sur le témoignage oral de l’appelant concernant sa présence aux cours d’anglais puisque les documents manifestement pertinents relatifs au processus de réintégration au marché du travail n’ont pas été fournis. Comme on le mentionne dans la décision MRHD c. S.S., précitée, le Tribunal doit s’appuyer uniquement sur des éléments de preuve crédibles et probants et non sur des spéculations.

[53] Le Tribunal doit d’abord déterminer si l’incapacité de l’appelant d’accomplir des tâches avec son bras droit dominant constitue une invalidité grave au sens de la Loi. Lors de l’examen de cette question, le Tribunal s’est inspiré de la décision B.G. c. MRHSD (1er avril 2008) CP25254 (CAP) de la Commission d’appel des pensions, qui a déterminé, selon les faits propres à ce dossier, que la perte du plein usage du bras droit dominant ne constitue pas une invalidité grave. En examinant d’autres dossiers de la CAP portant sur cette question, la CAP a mentionné ce qui suit :

[TRADUCTION]
La Commission a souvent examiné des affaires où les requérants n’avaient pas le plein usage de leur main dominante. Dans les affaires ci-après, la Commission a soutenu qu’il ne s’agissait pas d’une invalidité « grave ».

  1. (a) Vaughn c. Ministre de la Santé et du Bien‑être social, CP 1971 (mai 1992) :

    Il est bien connu, de par l’observation et l’expérience humaines, qu’il n’est aucunement inhabituel pour une personne qui a perdu l’usage de sa main ou de son bras dominant, ou même de tout son membre dominant, par suite d’un accident ou d’une amputation, de rééduquer et de réadapter l’autre extrémité ou membre afin d’exécuter pratiquement toutes les fonctions physiques qu’elle était auparavant capable d’accomplir.
  2. (b) Brunet c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, CP 3476 (mars 1990) :

    Dans le monde du travail actuel, il n’est pas déraisonnable qu’il existe des emplois qu’un homme d’âge moyen normalement en forme, même s’il lui manque le plein usage de son bras dominant, aurait la capacité physique d’exercer.

    Kathy Bines c. Ministre du Développement des ressources humaines, CP 14261 (novembre 2001) :

    Aux termes de la Loi, le terme « grave » renvoie à la capacité de travailler de l’appelante. Il ne s’agit donc pas de la capacité de cette dernière d’accomplir son travail habituel, mais plutôt sa capacité d’accomplir n’importe quel travail. Puisqu’elle est capable de travailler à temps partiel, d’effectuer des tâches modifiées ou de vaquer à des occupations sédentaires, la notion de gravité ne peut s’appliquer en l’espèce. Nous sommes d’avis qu’une personne qui perd l’usage complet d’une main est malgré tout une personne non handicapée et qu’en réalité cette perte ne l’empêche pas de chercher et d’obtenir du travail.

[54] Même si l’appelant n’est pas capable d’effectuer des tâches avec sa main droite dominante, aucun élément ne laisse croire qu’il est autrement invalide. Le Tribunal reconnaît qu’il éprouve une douleur chronique à l’épaule droite, mais cette douleur n’est pas suffisante en soi, et la douleur doit être telle qu’elle empêche la personne qui souffre de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice (voir Densmore, précitée). L’appelant a déployé des efforts minimes pour se recycler ou trouver un autre emploi assorti de tâches allégées, et, en conséquence, ne remplit pas les critères établis dans Inclima (précité).

[55] Après avoir examiné attentivement tous les éléments de preuve, le Tribunal a déterminé que l’appelant n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était atteint d’une invalidité grave selon les critères définis dans la Loi.

Invalidité prolongée

[56] Puisqu’il a été déterminé que l’invalidité de l’appelant n’est pas grave, le Tribunal n’a pas à se prononcer sur la question de savoir s’il s’agit d’une invalidité prolongée.

Conclusion

[57] L’appel est rejeté.

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