Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] L’appelante a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, en faisant valoir qu’elle était devenue invalide par suite d’une lacération grave à l’avant-bras droit, qui n’a retrouvé qu’une partie de sa motricité, même après de nombreuses opérations chirurgicales et séances de thérapie, qui se sont échelonnées sur une longue période. Elle n’a pas retrouvé toute la force qu’elle avait dans sa main et son bras. Sa demande a été rejetée par l’intimé une première fois, puis après un réexamen. L’appelante a interjeté appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision. Le 14 mai 2013, un tribunal de révision a rejeté sa demande. Le 29 juillet 2013, l’appelante a interjeté appel de la décision devant la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Avant d’accorder la permission d’en appeler, j’ai demandé que les deux parties présentent leurs observations au Tribunal. L’appelante n’a présenté aucune observation. L’intimé a présenté ses observations dans les délais prescrits.

[4] Le 10 décembre 2014, j’ai conclu que l’appelante avait été avisée convenablement qu’elle devait déposer des observations, au moyen d’un avis envoyé à l’adresse de courriel qu’elle avait fournie au Tribunal. J’ai accordé la permission d’en appeler pour les deux motifs suivants :

  1. Il est possible que le tribunal de révision ait commis une erreur en omettant d’examiner si l’emploi que l’appelante pouvait occuper était véritablement rémunérateur.
  2. Il est possible que le tribunal de révision ait commis une erreur en présentant des déclarations contradictoires quant à savoir s’il estimait que l’invalidité de l’appelante était prolongée.

[5] La décision d’accorder la permission d’en appeler a été envoyée à l’appelante à l’adresse de courriel qu’elle avait fournie, et le Tribunal a reçu une confirmation que le courriel avait bien été transmis. Pour les raisons qui figurent dans la décision d’accorder la permission d’en appeler, je suis convaincue que la décision a bien été transmise à l’appelante.

[6] Selon le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, les parties disposent de 45 jours à compter de la date de la permission d’en appeler pour déposer des observations relativement à l’appel. Or, l’appelante n’a présenté aucune observation. Pour sa part, l’intimé a déposé des observations fouillées, dans les délais prescrits. Pour rendre la présente décision, j’ai pris en considération tous les éléments présentés devant le Tribunal en vue d’étayer la demande de permission d’en appeler, ainsi que l’appel lui-même, de même que les éléments de preuve médicale déposés devant le tribunal de révision.

Norme de contrôle

[7] L'intimé a soutenu que la norme de contrôle applicable à la décision rendue par le tribunal de révision est celle de la décision raisonnable, en invoquant l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick (2008 CSC 9). Dans cette affaire, la Cour suprême du Canada a conclu que, lorsqu’un tribunal examine une décision concernant une question de fait, de droit ou mixte de fait et de droit se rapportant à sa propre loi constitutive, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, c’est-à-dire qu’il faut déterminer si la décision du tribunal fait partie des issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. L’appelante n’a présenté aucune observation sur la norme de contrôle à appliquer quant à la décision du tribunal de révision. Pour sa part, l’intimé a correctement cité le droit à cet égard. Je suis donc convaincue que la norme de la décision raisonnable doit être appliquée en l’espèce. Par conséquent, je dois déterminer si la décision du tribunal de révision était raisonnable.

Analyse

[8] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (ci-après nommée « Loi sur le MEDS ») régit le fonctionnement du présent tribunal. Elle prévoit un nombre restreint de moyens d’appel. Elle indique aussi que la division d’appel peut rejeter l’appel, confirmer la décision du tribunal de révision ou renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen, ou encore infirmer, confirmer ou modifier la décision du tribunal de révision (voir l’annexe de la présente décision). Ni l’une ni l’autre des parties n’a précisé le redressement attendu en l’espèce.

[9] Chaque moyen d’appel sera examiné séparément ci-dessous.

Occupation véritablement rémunératrice

[10] Le premier motif d’appel pour lequel la permission d’en appeler a été accordée était que le tribunal de révision avait commis une erreur en omettant d’examiner si l’occupation que l’appelante détenir était véritablement rémunératrice. L’appelante a fait valoir que le seul emploi qu’elle avait été en mesure d’occuper depuis sa blessure grave à l’avant-bras était à temps partiel et temporaire. Elle avait seulement effectué quatre jours de travail depuis sa blessure. En outre, ce travail avait lieu à l’extérieur et, en raison de sa blessure, elle ne pourrait pas travailler dans le froid ou d’autres conditions météorologiques difficiles. Par ailleurs, elle ne serait pas en mesure d’obtenir un autre emploi, car elle était une ressortissante étrangère vivant en Suisse, qui ne maîtrisait aucune des langues de ce pays. Ainsi, sa capacité à obtenir un emploi était très restreinte.

[11] Selon l’intimé, le fait que l’appelante ne travaillait pas n’amenait pas à conclure qu’elle était invalide. Par ailleurs, l’intimé a fait valoir que le tribunal de révision avait examiné si l’occupation était véritablement rémunératrice, car la décision reprenait le libellé du Régime de pensions du Canada (la «Loi») pour décrire l’occupation que l’appelante avait détenue, que l’appelante avait déclaré, durant son témoignage, qu’elle pourrait enseigner l’anglais, ce que ses médecins avaient confirmé par écrit, et que l’appelante avait ajouté, durant son témoignage, qu’elle pourrait aussi travailler dans un centre d’appels.

[12] Dans sa décision, le tribunal de révision a indiqué qu’un examen des conditions du marché, ou de la capacité de l’appelante à obtenir du travail, n’était pas pertinent dans cette affaire. Il s’agit d’une interprétation juste du droit applicable. Le tribunal de révision a correctement appliqué le droit aux faits dans la présente affaire lorsqu’il a décidé de ne pas prendre en compte, en vue de rendre sa décision, les difficultés que pourrait éprouver une ressortissante étrangère ne maîtrisant aucune des langues de la Suisse pour obtenir un emploi.

[13] En ce qui a trait à l’emploi temporaire, à temps partiel, que l’appelante a occupé, le tribunal de révision a conclu qu’il s’agissait d’une occupation véritablement rémunératrice. Toutefois, il n’a fourni aucun motif pour expliquer comment il en était arrivé à cette conclusion. Même si la preuve documentaire déposée devant le tribunal de révision contient des factures pour l’emploi en question, ce travail n’a pas été analysé par le tribunal de révision. Dans la demande de permission d’en appeler, l’appelante a fait valoir qu’elle ne touchait [traduction] « presque rien par rapport à ce qui était considéré comme un salaire raisonnable ». Malheureusement, rien dans la preuve à ma disposition ne me permet de déterminer si l’appelante était en mesure de toucher un [traduction] « salaire raisonnable ». Dans Poole c. Ministre du Développement des ressources humaines (2003, CP20748), la Commission d’appel des pensions a conclu que l’expression « véritablement rémunératrice » ne renvoyait pas à une compensation modique, symbolique ou illusoire, mais plutôt à une compensation qui reflète un montant adéquat pour le travail effectué. Or, cela n’a pas été pris en considération dans la présente décision. C’est pourquoi je conclus que le tribunal a commis une erreur.

[14] Cependant, malgré cette erreur, le tribunal de révision a examiné le témoignage de l’appelante selon lequel elle pouvait enseigner ou travailler dans un centre d’appels (ce qui a été décrit, à tort, comme du télémarketing). Ni l’une, ni l’autre des parties n’a soutenu qu’une telle occupation ne serait pas véritablement rémunératrice. Dans son rapport médical, le Dr Eyer, auquel les deux parties ont fait référence dans leurs arguments, a aussi déclaré que l’appelante serait en mesure d’enseigner l’anglais. Durant son témoignage, l’appelante a déclaré qu’elle avait effectué du tutorat, et qu’elle espérait que la pension d’invalidité du RPC l’aiderait à se recycler dans ce domaine. Ainsi, la décision du tribunal de révision selon laquelle l’appelante était en mesure de détenir une occupation véritablement rémunératrice faisait partie des issues acceptables et pouvait se justifier au regard des faits et du droit.

Invalidité prolongée

[15] Le second moyen d’appel pour lequel une permission d’en appeler a été accordée était que le tribunal de révision pouvait avoir commis une erreur en tirant sa conclusion relativement au caractère prolongé de l’invalidité de l’appelante. L’appelante a soutenu que son invalidité était prolongée, au sens où on l’entend dans le RPC, car elle devait composer avec des restrictions permanentes par suite de sa blessure. Par ailleurs, l’appelante a fait valoir que, durant l’audience, le tribunal de révision lui avait indiqué, de vive voix, qu’il était convaincu que son invalidité était prolongée. Or, dans sa décision, le tribunal de révision a déclaré qu’il n’avait pas à déterminer si l’invalidité de l’appelante était prolongée. Par ailleurs, il a ajouté que l’invalidité n’était pas prolongée.

[16] L’intimé a soutenu que le tribunal de révision n’avait pas commis d’erreur à cet égard. Pour qu’un demandeur soit considéré comme invalide au sens du RPC, il doit être atteint d’une invalidité grave et prolongée. Étant donné que le tribunal de révision a conclu que l’invalidité de l’appelante n’était pas grave, il n’était pas nécessaire de déterminer si l’invalidité était prolongée.

[17] À titre subsidiaire, l’intimé a fait valoir que l’invalidité de l’appelante n’était pas prolongée. Il a fait référence au rapport médical, selon lequel l’appelante avait été incapable de travail de novembre 2008 jusqu’en 2010. Comme il s’agissait d’une période définie, le tribunal ne pouvait conclure que l’appelante était atteinte d’une invalidité prolongée, qui doit avoir un caractère permanent. Enfin, l’intimé a ajouté que, comme l’appelante s’était remise jusqu’à un certain point de sa blessure, son invalidité ne pouvait être considérée comme prolongée.

[18] Après avoir examiné la preuve et les observations, je suis convaincue que l’appelante est atteinte d’une invalidité prolongée. Personne n’a contesté les éléments de preuve selon lesquels l’appelante s’est blessée gravement en novembre 2008, et qu’elle doit encore composer avec des restrictions par suite de cette blessure. Par ailleurs, ces restrictions seront sans doute permanentes. Par conséquent, le tribunal de révision a commis une erreur dans ses conclusions relativement à cette question.

[19] Cependant, l’intimé a aussi raison de dire que, pour être considéré comme invalide au sens du RPC, le demandeur doit être atteint d’une invalidité grave et prolongée. Il n’y a aucune raison de changer la conclusion du tribunal de révision selon laquelle l’invalidité n’était pas grave. Par conséquent, la conclusion du tribunal de révision voulant que l’appelante ne soit pas invalide au sens de la Loi est raisonnable, et peut se justifier au regard des faits et du droit.

[20] Pour ces motifs, l’appel est rejeté et la décision du tribunal de révision est confirmée.

Annexe

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

58(1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

58(2) La division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

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