Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale est accordée.

Introduction

[2] La demanderesse a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada et a soutenu qu’elle était invalide en raison de blessures subies lors d’un accident de véhicule et d’une aggravation de sa maladie mentale. L’intimé a rejeté sa demande au moment de sa présentation initiale et à la suite d’un réexamen. Elle a porté ces décisions en appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision. Conformément à la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, cet appel a été transféré au Tribunal de la sécurité sociale. Le 27 octobre 2014, la division générale du Tribunal a rejeté l’appel de la demanderesse.

[3] La demanderesse a demandé la permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal. Elle a présenté un certain nombre d’arguments à l’appui de sa demande, y compris une répétition de certains éléments de preuve présentés à la division générale. Elle a aussi fait valoir que la division générale n’avait pas évalué correctement les éléments de preuve dont elle était saisie, et qu’elle était en désaccord avec les conclusions de la division générale, notamment celle selon laquelle son invalidité n’était pas grave parce qu’elle ne cherchait pas de traitement, qu’elle devait chercher un autre emploi et qu’elle avait une certaine capacité d’accomplir un travail véritablement rémunérateur. Enfin, elle a allégué que la division générale n’a pas tenu compte de ses caractéristiques personnelles et n’a pas évalué la preuve médicale contradictoire quand elle a rendu sa décision.

[4] L’intimé n’a présenté aucune observation.

Analyse

[5] Pour que la permission d’en appeler lui soit accordée, la demanderesse doit présenter un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] FCJ No 1252 (CF). Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le demandeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[6] L’article 58 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la Loi) énonce les seuls moyens d’appel pouvant être pris en compte pour accorder la permission d’interjeter appel d’une décision de la division générale (voir l’article dans l’Annexe de la décision). Par conséquent, je dois déterminer si la demanderesse a soulevé un moyen d’appel prévu à l’article 58 de la Loi, qui présente une chance raisonnable de succès.

[7] La demanderesse a présenté un certain nombre d’arguments à titre de moyens d’appel. Elle a d’abord répété certains éléments de preuve et arguments présentés à l’audience de la division générale, notamment :

  1. a) La gravité de ses blessures physiques et psychologiques était importante, et démontrait que son invalidité était grave;
  2. b) Une liste des blessures physiques subies par l’appelante dans l’accident de véhicule, la progression de son état vers la douleur chronique, l’aggravation de sa dépression et de son anxiété, sa dépendance aux analgésiques, et l’apparition de l’agoraphobie;
  3. c) Des troubles de la mémoire et maux de tête post-traumatiques dus à la tension ont aussi été diagnostiqués;
  4. d) L’appelante a souffert de pertes de mémoire, de confusion et d’émotions extrêmes;
  5. e) La gestion de la douleur était un problème constant et a traité dans une clinique de méthadone;
  6. f) La médication de l’appelante entravait sa capacité de travailler;
  7. g) La demanderesse n’a pas terminé son secondaire et n’a aucune compétence pour occuper un emploi sédentaire;
  8. h) L’appelante ne pouvait travailler dans un milieu de travail compétitif en raison de son invalidité;
  9. i) Compte tenu de sa maladie mentale, l’appelante ne pouvait travailler sur une base régulière;
  10. j) Les problèmes physiques et mentaux de la demanderesse doivent être examinés séparément et de manière cumulative pour déterminer si elle était invalide au moment pertinent.

Ces renseignements et arguments ont été présentés à la division générale. Leur répétition ne constitue pas un moyen d’appel énoncé à l’article 58 de la Loi. Par conséquent, ces éléments ne présentent aucune chance raisonnable de succès en appel.

[8] La demanderesse était aussi en désaccord avec le poids accordé par la division générale à la preuve et a fait valoir les arguments suivants à cet égard :

  1. a) Le fait que la demanderesse a continué de recevoir des traitements à la clinique de méthadone aurait dû mener à la conclusion que son invalidité était grave;
  2. b) La division générale a écarté des explications raisonnables concernant le fait que la demanderesse avait moins consulté les spécialistes, notamment parce qu’ils ne pouvaient rien faire de plus pour l’aider, et qu’elle ne pouvait se payer la physiothérapie et des traitements de chiropractie, etc.;
  3. c) La division générale n’a pas tenu compte du fait que la capacité de l’appelante de chercher d’autres traitements était grandement perturbée par ses problèmes de dépendance et sa maladie mentale.

En invoquant ces arguments, la demanderesse demande essentiellement au Tribunal de réévaluer la preuve dont était saisie la division générale et de tirer une conclusion différente. Cette fonction appartient au juge des faits. Le tribunal qui doit décider s’il accorde ou non la permission d’en appeler ne peut substituer son appréciation de la valeur probante de la preuve à celle du tribunal qui a tiré les conclusions de fait – Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82. Par conséquent, je conclus que ces arguments ne constituent pas des moyens d’appel qui ont une chance raisonnable de succès.

[9] La demanderesse a aussi affirmé que le fait qu’elle n’avait pas essayé de trouver un autre emploi ne devrait pas servir de prétexte pour miner sa cause. Se fondant sur la décision de la Commission d’appel des pensions dans Boyle c. Ministre du Développement des ressources humaines (Juin 2003, CP18508), elle a fait valoir que de telles tentatives n’étaient pas nécessaires puisque son employeur lui avait gardé son poste pendant une longue période. La division générale a exposé correctement le droit relatif à l’obligation imposée à une personne qui demande une pension d’invalidité d’essayer de trouver un travail qui tient compte de ses limitations, si l’on considère qu’elle a une certaine capacité de travailler. En l’espèce, la division générale a conclu, après avoir examiné tous les éléments de preuve, que la demanderesse avait une certaine capacité de travailler. Puisque chaque cas est unique et que la décision Boyle ne lie pas la division générale, je ne suis pas convaincue que la division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de cette décision et en ne l’appliquant pas. Par conséquent, ce moyen d’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[10] En outre, la demanderesse a soutenu que la douleur chronique est un état subjectif qui ne se mesure pas au moyen d’un test « objectif ». Le principal élément de preuve à considérer est donc le témoignage de la demanderesse concernant la douleur qu’elle éprouve. De même, elle a allégué que la dépendance pouvait constituer une cause d’invalidité. Dans sa décision, la division générale a résumé la preuve écrite. La demanderesse n’a pas invoqué le fait qu’elle aurait commis une erreur en le faisant. Toutefois, la division générale, dans sa décision, n’a pas fait mention de tous les éléments de preuve sauf en ce qui concerne les rapports médicaux produits. Il n’est pas clair que la division générale a examiné tous les témoignages et éléments de preuve écrits de l’appelante concernant ses capacités fonctionnelles. La division générale aurait donc pu fonder sa décision sur une conclusion de fait tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Ce moyen d’appel présente une chance de succès.

[11] De plus, la demanderesse a affirmé que l’impact fonctionnel sur son état était tel que souvent elle ne pouvait sortir du lit, qu’elle subissait des baisses d’énergie, que son humeur était morose, qu’elle était irritable, qu’elle redoutait de quitter la maison, qu’elle avait des attaques de panique qui faisaient en sorte que sa capacité de fonctionner était imprévisible. Il n’est pas clair que la division générale a tenu compte de cet élément de preuve puisque la décision ne fait mention d’aucune des caractéristiques personnelles de l’appelante ou de ses capacités à l’égard des activités de la vie quotidienne. Cet argument semble aussi indiquer qu’une erreur de fait a été commise par la division générale et constitue donc un moyen d’appel qui pourrait avoir une chance raisonnable de succès.

[12] Enfin, la demanderesse a souligné que la division générale avait reconnu que les documents présentés contenaient des rapports médicaux dont les conclusions étaient contradictoires. Elle a fait valoir que la division générale aurait dû évaluer ces éléments de preuve au moment de rendre sa décision. Dans sa décision, la division générale ne l’a pas fait. Dans R. c. Sheppard (2002 CSC 26), la Cour suprême du Canada a déclaré qu’il faut motiver les conclusions de fait tirées d’une preuve litigieuse et contradictoire, et dont l’issue de l’affaire dépend largement. En l’espèce, je suis convaincue que la division générale aurait pu commettre une erreur mixte de droit et de fait en n’évaluant pas la preuve médicale contradictoire et en ne donnant pas les motifs expliquant pourquoi elle s’est appuyée sur certains ou tous les rapports lorsqu’elle a rendu sa décision. Ce moyen d’appel présente une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[13] La demande est accueillie parce que la demanderesse a soulevé des moyens d’appel qui présentent une chance raisonnable de succès.

[14] La présente décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

Annexe

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

58. (1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

(2) La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

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