Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Comparutions

R. B. : l’appelante

Décision

[1] Le Tribunal conclut qu’une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) est payable à l’appelante.

Introduction

[2] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité du RPC de l’appelante le 27 janvier 2011. L’intimé a rejeté la demande initiale et la demande de révision, puis l’appelante a interjeté appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR).

[3] Le présent appel a été instruit par le mode de la téléconférence pour les motifs indiqués dans l’avis d’audience daté du 17 septembre 2014.

Droit applicable

[4] L’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012 indique que les appels interjetés auprès du BCTR avant le 1er avril 2013 et qui n’ont pas été entendus par le BCTR sont considérés comme ayant été interjetés auprès de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada (la « Loi ») énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Un demandeur est admissible à une pension d’invalidité :

  1. a) s’il n’a pas atteint l’âge de soixante-cinq ans;
  2. b) si aucune pension de retraite du PRC ne lui est payable;
  3. c) s’il est invalide;
  4. d) s’il a versé des cotisations valides pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[6] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la fin de sa PMA ou avant cette date.

[7] L’alinéa 42(2)a) de la Loi définit qu’une personne est invalide si elle est atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité n’est prolongée que si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie, ou si elle doit entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[8] La question de la PMA n’est pas contestée, car les parties conviennent et le Tribunal conclut que la date marquant la fin de la PMA est le 31 décembre 2006.

[9] En l’espèce, le Tribunal doit décider s’il est plus probable qu’improbable que l’appelante avait une invalidité grave et prolongée à la date de la fin de sa PMA ou avant cette date.

[10] Comme le Tribunal s’est prononcé sur la question de l’invalidité grave et prolongée à la date de la fin de la PMA ou avant cette date, il n’était pas nécessaire de trancher la question de l’incapacité.

Preuve

[11] L’appelante était âgée de 40 ans à la date de la fin de la PMA. Elle a présenté des demandes de prestations d’invalidité du RPC les 2 octobre 2006 et 27 janvier 2011.

Témoignage

[12] L’appelante a terminé 12 années de scolarité et a de l’expérience de travail à des postes de tenue de livres et comptabilité. Elle a obtenu un poste d’analyste des dépenses auprès de son dernier employeur en 2001. Lorsque des personnes étaient réinstallées par leur employeur, son travail consistait à leur apporter de l’aide pour leur réinstallation en leur trouvant un domicile, en faisant expédier leurs biens et en s’assurant que leur déménagement se passe de la façon la plus harmonieuse possible. Chaque dossier de client pesait parfois jusqu’à 10 livres.

[13] L’appelante a déclaré dans son témoignage qu’elle s’est « effondrée » au travail en mars 2004 en raison de son diabète, du stress et d’une grande anxiété. Elle est retournée au travail avec un horaire modifié en janvier 2010. Pendant sa période d’invalidité de longue durée, elle vivait seule. Elle a ensuite vécu avec sa mère du début de 2005 à 2007. C’est au cours de cette période qu’elle a développé des symptômes d’épaules bloquées. L’appelante a déclaré qu’elle avait commencé à avoir de la douleur et un inconfort aux épaules en 2005 et en 2006, mais elle n’y avait pas trop porté attention car elle croyait qu’elle avait [traduction] « simplement mal dormi » ou qu’il s’agissait d’un [traduction] « torticolis ». Comme son état empirait, elle s’est aperçue qu’elle n’était pas capable de lever des objets, même légers, et qu’elle devait se pencher pour se sécher les cheveux parce qu’elle ne pouvait pas lever les mains ni les bras. Sa mère a fait de nombreuses tâches ménagères pour elle en raison de la douleur que l’appelante éprouvait aux épaules et aux bras, elle l’aidait même à prendre sa douche et à s’habiller. À cause de la nature extrême de sa dépression, l’appelante n’avait pas remarqué son inconfort croissant et persistant aux épaules.

[14] La dépression faisait en sorte que l’appelante était incapable de dormir la nuit, et elle passait ses journées dans une chambre obscurcie à sommeiller ou à regarder la télévision. Elle a perdu du poids, avait des [traduction] « pensées folles » et « faisait les cent pas » dans le salon. Bien qu’elle ne voulait pas être seule, elle s’est isolée des activités extérieures et de ses amis. Elle a décrit cette situation à un séjour dans un endroit « sombre ».

[15] Bien qu’elle était dépressive, l’appelante était incapable de rester seule pendant de longues périodes. Plusieurs types de médicaments lui ont été prescrits, mais n’ont pas donné de bons résultats. En 2007, lorsqu’un autre médicament a été essayé et lui a offert un certain soulagement de sa dépression, elle est retournée dans son propre appartement pour essayer de normaliser la situation, parce qu’elle [traduction] « ne voulait pas vivre comme ça ». Au début de janvier 2008, sa société d’assurances a communiqué avec elle pour lui dire qu’elle devait retourner au travail, sinon ses prestations allaient prendre fin. Elle ne se sentait pas capable de retourner au travail, mais a senti qu’on exerçait [traduction] « une pression » sur elle pour qu’elle le fasse. Lorsqu’elle avait quitté son travail, c’était à cause de sa dépression, mais lorsqu’elle y est retournée, elle était également limitée par son invalidité due à ses épaules bloquées.

[16] L’appelante a déclaré que l’idée de retourner au travail lui causait beaucoup de stress, et elle sentait que si on lui avait accordé plus de temps pour guérir, elle aurait pu [traduction] « prendre du mieux », puis elle aurait été capable de retourner au travail. Au lieu de cela, en plus d’augmenter considérablement son niveau de stress, le fait de soulever des dossiers lui a causé des douleurs au cou et a empiré son état en ce qui concerne ses épaules bloquées. En fin de compte, elle a reçu un diagnostic de fibromyalgie. Pendant toute la durée de son traitement visant à soigner sa dépression et ses épaules bloquées, son but a toujours été de retourner au travail, mais elle a affirmé qu’elle a été forcée de le faire de façon prématurée.

[17] Bien que cette information n’ait pas été inscrite au dossier, l’appelante a déclaré qu’elle a été obligée de prendre des congés de maladie et de partir du travail régulièrement plus tôt que prévu parce qu’elle n’était pas capable de travailler à temps plein à compter de la fin mai 2010 jusqu’à ce que l’état de ses épaules finisse par s’aggraver en juillet 2010. Avant cela, elle a travaillé en suivant un horaire modifié en fonction d’un retour au travail graduel. Elle a été licenciée en 2013.

[18] L’appelante a indiqué qu’elle n’a ensuite jamais été capable de travailler à quelque endroit que ce soit. Plus précisément, elle a dit que [traduction] « si j’avais été capable de travailler, je serais retournée au travail. »

Preuve documentaire

[19] Dans un rapport daté du 5 janvier 2005, le Dr Wong, psychiatre, a déclaré qu’il avait traité l’appelante pour la première fois en mars 2004 pour une dépression. L’appelante ne voulait pas prendre d’antidépresseurs et a été aiguillée vers le Dr Vanik afin de suivre une psychothérapie, qui se poursuit. Sa dépression est devenue très grave et elle a commencé à prendre des antidépresseurs en juillet 2004, ce qui a amélioré sa dépression, mais sa dépression est demeurée grave. Elle s’est également plainte de douleurs aux bras. Selon le diagnostic posé, elle était atteinte d’un trouble dépressif majeur et grave.

[20] Le 9 mars 2005, le Dr Wong a déclaré que l’appelante avait d’abord refusé de prendre des antidépresseurs, mais qu’elle avait finalement accepté d’en prendre lorsqu’elle était devenue suicidaire. Elle ne se sentait pas capable de retourner au travail, que ce soit à temps partiel ou à temps plein. Elle se plaint aussi de faiblesses et d’engourdissements aux avant-bras et elle [traduction] « prévoit consulter son médecin de famille bientôt à se sujet ». Selon le diagnostic posé, elle était atteinte d’un trouble dépressif majeur avec caractéristiques obsessives-compulsives.

[21] Dans un rapport daté du 18 octobre 2005, le Dr Tewfik, psychiatre, a noté qu’on lui avait demandé de rencontrer l’appelante pour une consultation. L’appelante était dépressive et avait une humeur anxieuse. Elle avait peu d’énergie, des cycles de sommeil interrompus, une faible capacité de concentration, une faible motivation, une tendance à l’isolement social et des pensées négatives en ce qui concerne sa vie. Elle avait un manque d’assurance et une tendance à s’isoler en raison d’une peur face aux situations sociales. Elle connaissait aussi des épisodes récurrents d’euphorie et de dynamisme. Selon le diagnostic posé, elle était atteinte d’un trouble bipolaire de type II et d’un trouble d’anxiété sociale.

[22] Le 20 janvier 2006, le Dr Gladstone, neurologue, a rencontré l’appelante, qui se sentait [traduction] « atrocement mal partout ». Elle sentait que tout son corps s’était ankylosé. D’autres examens ont été recommandés, mais il y avait un élément de syndrome de fatigue chronique.

[23] Dans un rapport daté du 10 mai 2006, le Dr Tewfik, psychiatre, a écrit à la société d’assurances que l’appelante avait un trouble bipolaire, un trouble déficitaire de l’attention, un diabète de type II et une hypercholestérolémie. Elle a eu un trouble bipolaire pendant plusieurs années et a eu une première évaluation en octobre 2005. Sa maladie a été accentuée par un stress et une anxiété intenses dans sa vie. Elle ne pouvait pas faire des activités ou du travail mental ou physique de façon intense.

[24] Dans un Questionnaire relatif aux prestations d’invalidité du RPC daté du 29 septembre 2006, l’appelante a écrit qu’elle était incapable de travailler après le 18 mars 2004 à cause de l’anxiété, du stress et de la dépression. Elle avait de graves épisodes de sautes d’humeur, y compris de fréquentes périodes de dépression, de même qu’une piètre capacité de concentration, peu d’énergie et des troubles de mémoire. Ses médicaments lui causent une grande fatigue.

[25] Dans un rapport médical remis à Service Canada et daté du 2 octobre 2006, le Dr Tewfik a écrit que le pronostic de l’appelante était sombre en raison de son trouble bipolaire. Depuis quelques années, elle souffre d’épisodes graves de dépression et d’anxiété, ainsi que d’épisodes récurrents d’hypomanie.

[26] Dans un rapport daté du 17 juillet 2007, le Dr Palter, endocrinologue, a noté que l’appelante avait reçu un diagnostic de diabète de type II en 1987. Elle était en congé pour invalidité de longue durée à cause de son anxiété. On lui a prescrit de l’insuline.

[27] Dans un rapport daté du 6 novembre 2007, le Dr Potashner, rhumatologue, a indiqué que l’appelante était analyste des dépenses. Elle éprouvait de fortes douleurs aux membres supérieurs au niveau des épaules depuis l’année dernière. Elle n’avait aucun antécédent de traumatisme. Le Dr Potashner croyait qu’elle avait les épaules bloquées en raison de son diabète.

[28] Le 17 décembre 2007, le psychiatre a recommandé un retour au travail à temps partiel le 14 janvier 2008. Le 6 février 2008, le Dr Tewfik a écrit que l’appelante devait continuer à travailler selon son horaire modifié en raison d’une légère aggravation de sa maladie.

[29] Dans un rapport daté du 20 février 2008, le Dr Dantzer, chirurgien orthopédiste, a noté que l’appelante avait une capsulite rétractile bilatérale depuis plus d’un an.

[30] Le 13 mars 2008, un physiothérapeute a recommandé que le poste de travail de l’appelante soit muni d’une plateforme du côté droit pour soutenir son avant‑bras.

[31] Dans un rapport daté du 17 mars 2008, un physiothérapeute a établi des restrictions concernant le milieu de travail en se fondant sur le fait que l’appelante a les épaules bloquées.

  1. 1) Elle doit limiter ses mouvements au travail au niveau de l’épaule et au‑dessus de ce niveau, et éviter le travail soutenu à ce niveau.
  2. 2) Elle doit travailler le plus près possible de la ligne médiane, pendant la plus grande partie de la journée.
  3. 3) L’angle de sa main et de son avant-bras (articulation du poignet) doit être à 0 degré, ou presque à 0 degré.
  4. 4) L’angle de son avant-bras et de la partie supérieure du bras (articulation du coude) doit être à 90 degrés.
  5. 5) La partie supérieure de son bras doit être à la verticale par rapport à son tronc.
  6. 6) La hauteur de son fauteuil doit être ajustée de manière à ce que l’articulation du poignet se trouve entre 0 et 15 degrés.

[32] Le 17 avril 2008, le Dr Tewfik a écrit que l’appelante vivait une situation difficile et continuait de souffrir de symptômes résiduels de dépression et d’anxiété. Elle avait peu d’énergie, des cycles de sommeil interrompu, de fréquents troubles de mémoire et une piètre capacité à se concentrer. Elle avait des crises d’anxiété récurrentes. Il a été recommandé de prolonger son horaire de travail modifié pour éviter une rechute accompagnée de symptômes encore plus graves qui « [traduction] « mettrait sa vie en danger » ainsi que sa capacité de retourner au travail à temps plein.

[33] Dans une correspondance datée du 18 avril 2008, le Dr Iskander, médecin de famille, a écrit que l’appelante était atteinte d’une capsulite rétractile bilatérale. Elle devait travailler selon un horaire modifié à raison de six heures par jour pendant un mois.

[34] Le 22 mai 2008, le Dr Tewfik, psychiatre, a signalé que l’appelante continuait d’être vue par lui et qu’elle essaierait de reprendre le travail à temps plein. Il a noté que l’appelante avait également les épaules bloquées, ce qui pourrait lui occasionner des limitations physiques.

[35] Le 8 juillet 2008, le Dr Iskander a demandé à l’appelante de prendre une semaine de congé du travail pour suivre un traitement de physiothérapie en raison d’une douleur accrue aux épaules attribuable au fait que l’appelante avait dû déplacer des dossiers.

[36] Le 2 décembre 2008, le Dr Potashner, rhumatologue, a écrit que l’appelante avait reçu plusieurs injections de corticostéroïdes, qui n’ont pas eu de bons effets en ce qui concerne ses longs antécédents d’épaules bloquées. La physiothérapie a eu de bons effets jusqu’à ce qu’elle se blesse de nouveau au travail en juillet 2008. Elle a été incapable de recommencer à travailler depuis lors. Il a été déterminé que l’appelante avait [traduction] « des problèmes importants se rapportant à ses épaules bloquées, compliqués par la fibromyalgie, probablement causée par un traumatisme subi au travail en juillet 2008 ».

[37] Dans un rapport daté du 20 février 2008, le Dr Dantzer, chirurgien orthopédiste, a indiqué qu’il avait rencontré l’appelante pour traiter des raideurs et des douleurs bilatérales aux épaules accompagnées d’une réduction importante de l’amplitude des mouvements ressenties depuis un an. Selon le diagnostic posé, elle était atteinte d’une capsulite rétractile bilatérale.

[38] Dans un rapport daté du 28 février 2009, le Dr Tewfik, psychiatre, a diagnostiqué un trouble bipolaire de type II avec caractéristiques mélancoliques, un diabète, un blocage d’épaules bilatéral, une fibromyalgie, de l’arthrite, un syndrome du canal carpien, une hernie discale au niveau C4 et des nodules aux cordes vocales. Les facteurs de stress de l’appelante étaient une douleur physique grave et une invalidité découlant de symptômes d’hypomanie. Elle était vue en psychothérapie toutes les quatre semaines.

[39] Dans un rapport daté du 13 août 2009, le Dr Potashner, rhumatologue, a écrit que l’appelante avait de longs antécédents d’épaules bloquées. Son principal problème était la fibromyalgie prenant la forme de troubles mécaniques au cou et au dos. Une certaine amélioration a été relevée en ce qui concerne ses épaules bloquées. Une recommandation a été faite afin qu’elle augmente la prise de Cymbalta pour traiter sa fibromyalgie.

[40] Dans un Questionnaire relatif aux prestations d’invalidité du RPC daté du 17 janvier 2011, le Dr Iskander a indiqué que le pronostic médical était sombre. Selon les diagnostics posés, l’appelante était atteinte de dépression bipolaire, de fibromyalgie, d’une capsulite rétractile bilatérale, de diabète, de nodules aux cordes vocales, d’un bombement discal aux niveaux C4-5 et d’arthrite au milieu du pied droit. Elle éprouvait de la difficulté en ce qui concerne l’amplitude des mouvements des épaules, et ces mouvements lui causaient de la douleur. Elle sentait aussi des douleurs et une sensibilité partout dans le corps, manquait de motivation et de concentration, avait des sautes d’humeur et manquait de sommeil.

[41] Dans un Questionnaire relatif aux prestations d’invalidité du RPC daté du 21 janvier 2011, l’appelante a écrit qu’elle avait cessé de travailler en juillet 2008 en raison d’une blessure et de douleurs prolongées.

[42] Le 16 mai 2011, le Dr Iskander a écrit que l’appelante [traduction] « est ma patiente depuis le 1er décembre 2007. Toutefois, elle consulte à notre clinique depuis le 23 septembre 1989. Elle a connu de nombreux ennuis de santé, notamment un trouble bipolaire, une fibromyalgie, une capsulite rétractile bilatérale, un diabète insulinodépendant, des nodules aux cordes vocales, un bombement discal aux niveaux C4-5 et de l’arthrite à la face dorsale du milieu du pied droit. En raison de ses problèmes de santé, l’appelante a été en congé pour invalidité de longue durée de mars 2004 à janvier 2008. Elle a essayé de retourner au travail selon un horaire modifié de janvier 2008 à mai 2008, et elle s’est forcée à travailler à temps plein jusqu’en juillet 2008. Par la suite, elle ne peut pas être capable (sic) de travailler à cause de ses problèmes de santé et des médicaments qu’elle doit prendre chaque jour. Elle n’a pas travaillé de juillet 2008 à aujourd’hui. Elle est suivie par le Dr Tawfik (psychiatre), le Dr Knight (endocrinologue) et le Dr Potashner (rhumatologue). Elle prend beaucoup de médicaments. Elle est vue à mon cabinet régulièrement; son dernier rendez‑vous remonte au 12 mai 2011. »

[43] Dans un Questionnaire relatif aux prestations d’invalidité du RPC destiné à l’employeur et daté du 25 mai 2011, il était indiqué que l’appelante a travaillé comme agente de réinstallation de mars 2001 à juillet 2008. Elle a été en congé d’invalidité de courte durée de juin 2004 à janvier 2008. En juillet 2008, elle a pris un congé d’invalidité de courte durée en raison de ses épaules bloquées. Elle est retournée au travail à temps partiel le 14 janvier 2008 et a travaillé à temps plein de mai à juillet 2008.

[44] Dans un rapport daté du 16 mai 2012, le Dr Tewfik a écrit que de janvier à mai 2008, l’appelante travaillait selon un horaire modifié. Elle est ensuite retournée au travail à temps plein, ce qui n’a pas donné de bons résultats, et [traduction] « elle a subi une décompensation, tant au niveau mental que physique ». Elle a recommencé à recevoir des prestations d’invalidité en juillet 2008.

Observations

[45] L’appelante soutient qu’elle est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. a) Si on n’avait pas [traduction] « mis de la pression » sur elle pour qu’elle retourne travailler en janvier 2008, elle se serait rétablie. Cependant, le retour au travail a empiré son état de santé physique et mental, et elle a maintenant une invalidité grave.

[46] Dans ses observations écrites du 26 août 2013, l’intimé soutient que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. a) Un questionnaire de renseignements sur l’employée rempli en mai 2011 a confirmé que l’assiduité de l’appelante était bonne, que son travail était satisfaisant et qu’elle n’avait pas besoin de services, de dispositions ou d’équipements spéciaux. Elle était capable de répondre aux exigences de son travail et sa rémunération était de 28 770 $ en 2008, ce qui est bien supérieur à la rémunération d’une occupation véritablement rémunératrice.
  2. b) Le Dr Tewfik a déclaré que l’appelante ne devait pas participer à un travail mental ou physique intense en mai 2006. Elle pourrait devoir écourter ses journées de travail, mais il n’y avait aucune mention d’une invalidité l’empêchant de travailler. En février 2009, le médecin a déclaré que le but consistait à obtenir une rémission et à retourner au travail.
  3. c) L’appelante hésitait à prendre de l’insuline pour traiter son diabète, mais elle a fini par se raviser le 17 juillet 2007.
  4. d) En novembre 2007, l’appelante s’est plainte de douleurs aux membres supérieurs. Elle a reçu un diagnostic d’épaules bloquées. Son état s’est compliqué à la suite d’un traumatisme subi au travail en juillet 2008 et de l’apparition de la fibromyalgie. L’état de ses épaules s’est amélioré dans une certaine mesure en août 2009.
  5. e) En avril 2008, on lui a conseillé de travailler selon un horaire modifié à raison de six heures par jour à cause de ses épaules bloquées, ce qui indique que l’appelante était capable de travailler bien après décembre 2006.
  6. f) Dans des observations écrites datées du 24 novembre 2014, il était écrit que l’appelante n’a pas cherché à trouver un autre emploi convenable ailleurs en 2008.

Analyse

[47] L’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2006 ou avant cette date.

Invalidité grave

[48] Le sous-alinéa 42(2)a)(i) de la Loi indique qu’une personne doit être « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice » pour être admissible à des prestations d’invalidité.

[49] Selon la prépondérance des probabilités, le Tribunal est persuadé que l’appelante avait une invalidité grave en date du 31 décembre 2006. L’appelante a reçu un diagnostic de diabète en 1987, ce qui, comme l’a signalé le rhumatologue, pourrait causer un état d’épaules bloquées. L’intimé a déclaré que l’appelante s’était plainte de douleurs aux membres supérieurs en novembre 2007, donc après la date marquant la fin de la PMA. Le Tribunal remarque toutefois que le Dr Wong, psychiatre, a écrit en janvier 2005 que l’appelante s’était plainte de douleurs aux bras en mars 2005, et qu’elle avait indiqué qu’elle avait des faiblesses et des engourdissements aux avant-bras. En janvier 2006, un neurologue a écrit que l’appelante se sentait atrocement mal « partout » et que tout son corps s’était ankylosé. Le Dr Potashner, neurologue, a déclaré en novembre 2007 que l’appelante éprouvait des douleurs importantes aux membres supérieurs au niveau des épaules depuis plus d’un an; on lui a alors diagnostiqué des épaules bloquées à cause de son diabète. Dans un rapport daté de février 2008, le Dr Dantzer, chirurgien orthopédiste, a écrit que l’appelante était atteinte d’une capsulite rétractile bilatérale depuis [traduction] « plus d’un an ». Le moment où les symptômes se sont manifestés correspond à l’information donnée par l’appelante lors de son témoignage, à savoir qu’elle a développé ces symptômes en 2005 et en 2006, mais qu’elle était trop dépassée par ses troubles mentaux pour pouvoir s’occuper totalement de l’état de ses épaules. Compte tenu des incapacités découlant de ses troubles mentaux et du problème des épaules bloquées, qui n’avait pas encore été diagnostiqué, le Tribunal est convaincu que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave en décembre 2006. La position de l’appelante est que si on se fonde sur la combinaison de ses troubles mentaux et de ses épaules bloquées, elle n’a pas été capable d’occuper un emploi « régulièrement » depuis décembre 2006. Selon la preuve présentée, elle est retournée au travail uniquement parce qu’elle craignait de perdre son emploi.

[50] Le Tribunal est d’avis que les symptômes liés à ses épaules bloquées et à ses troubles mentaux ont causé d’importantes incapacités. En raison des problèmes aux épaules, des restrictions lui ont été imposées au travail en mars 2008, et ces restrictions limitaient beaucoup les efforts physiques qu’elle pouvait faire. Ses heures de travail ont aussi été réduites en plus des tâches modifiées qu’on lui avait attribuées jusqu’en mai 2008 lorsque, comme l’ont noté le médecin de famille et l’appelante, elle a fait beaucoup d’efforts pour retourner au travail à temps plein dans un poste modifié. Selon son témoignage, même pendant les quelques semaines où elle a tenté de travailler à plein temps, elle a rarement été capable de faire ce qu’on attendait d’elle et elle prenait du temps en congé de maladie ou partait du travail plus tôt que prévu. Compte tenu de l’incapacité de l’appelante à effectuer ses tâches essentielles sur le plan physique et du fait que les fonctions requises augmentaient son stress et ses troubles mentaux de façon importante, le Tribunal juge que cet emploi ne peut pas être considéré comme une occupation véritablement rémunératrice.

[51] Avant son plus récent emploi, l’appelante a occupé divers emplois et réussissait à gagner sa vie. C’est seulement lorsqu’elle a commencé à souffrir de dépression et qu’on lui a finalement diagnostiqué un trouble bipolaire, combiné à ses épaules bloquées, qu’elle est devenue inapte au travail. Comme l’ont noté l’appelante et son psychiatre traitant, son but a toujours été de retourner au travail car elle voulait se sentir [traduction] « mieux ». L’intimé a soutenu que comme le psychiatre a discuté du fait que le but était de retourner au travail, cela signifiait donc que l’appelante pouvait le faire. Le Tribunal n’accepte pas cet argument car ce serait accorder un poids important à un seul élément de preuve sans tenir compte de la totalité de la preuve médicale et du témoignage.

[52] Le terme « régulièrement » a été défini dans la décision Chandler c. Ministre du Développement des ressources humaines (25 novembre 1996), CP 4040 (CAP). Bien que le Tribunal ne soit pas lié par cette décision, celle-ci pourrait avoir un caractère persuasif. La définition est fondée sur la capacité de l’appelante de se présenter au travail aussi souvent qu’elle le doit. La prévisibilité est essentielle. En l’espèce, l’appelante avait besoin de beaucoup de mesures d’adaptation en raison de ses troubles physiques et émotionnels. Même si elle bénéficiait de mesures d’adaptation, l’appelante n’a travaillé que de façon sporadique et a été forcée de cesser de travailler cinq ou six semaines après avoir commencé à travailler à temps plein. Le médecin de famille a recommandé qu’elle cesse de travailler pour de bon. Son psychiatre a écrit que le retour au travail n’avait pas été une réussite et que l’appelante « a subi une décompensation, tant au niveau mental que physique ». En se fondant sur l’ensemble de la preuve, le Tribunal estime que l’appelante était incapable « régulièrement » de détenir une occupation véritablement rémunératrice de décembre 2006 à aujourd’hui.

[53] Compte tenu de l’invalidité due aux troubles mentaux et aux épaules bloquées de l’appelante, le Tribunal conclut que cette dernière est « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice », aux termes du sous‑alinéa 42(2)a)(i) de la Loi.

Invalidité prolongée

[54] Le sous-alinéa 42(2)a)(ii) de la Loi indique qu’une invalidité n’est prolongée que si elle « est déclarée, de la manière prescrite, devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès ». Comme il est indiqué dans la décision MDRH c. Scott (10 juillet 1998), CP 05741 (CAP), et bien que le Tribunal ne soit pas lié par cette décision mais que celle-ci pourrait avoir un caractère persuasif, l’examen du traumatisme subi doit être axé non pas sur la période requise pour la guérison, mais plutôt sur la capacité de retourner au travail sur laquelle il faut se prononcer.

[55] Le témoignage de l’appelante, qui était étayé par la preuve médicale, indique qu’elle avait commencé à souffrir de dépression en 2004 et de symptômes d’épaules bloquées en 2005 et en 2006, un état qui n’a pas été diagnostiqué de manière irréfutable avant 2007; tous ces problèmes de santé existent de longue date. Selon les rapports préparés par le médecin de famille, le psychiatre, le rhumatologue et le chirurgien orthopédiste, tous les problèmes de santé sont de durée indéterminée et continue, et on ne s’attend pas à une guérison. Le pronostic est plutôt sombre.

[56] Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal conclut que l’invalidité de l’appelante est « prolongée », comme le définit la Loi.

Conclusion

[57] Le Tribunal juge que l’appelante avait une invalidité grave et prolongée le 32 décembre 2006, à savoir la date marquant la fin de sa PMA. Aux fins du paiement, une personne ne peut être réputée invalide plus de quinze mois avant que l’intimé n’ait reçu la demande de pension d’invalidité (alinéa 42(2)b) de la Loi). Comme la demande a été reçue en janvier 2011, l’appelante est réputée être devenue invalide en octobre 2009. Aux termes de l’article 69 de la Loi, la pension d’invalidité est payable à compter du quatrième mois qui suit la date du début de l’invalidité. Les paiements doivent donc commencer en février 2010.

[58] L’appel est accueilli.

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