Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Comparutions

  1. B. P. : Appelant
  2. Deborah Hastings : Représentante de l’appelant
  3. L. P. : Épouse de l’appelant
  4. Marlene Finnegan : Sous-titrage
  5. Jason Glover : Observateur, membre du Tribunal de la sécurité sociale
  6. Nicole Zwiers : Observatrice, membre du Tribunal de la sécurité sociale

Décision

[1] Le Tribunal conclut qu’une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) n’est pas payable à l’appelant.

Introduction

[2] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité du RPC de l’appelant le 10 janvier 2011. L’intimé a rejeté la demande initiale et la demande de révision, puis l’appelant a interjeté appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR).

[3] Le présent appel a été instruit par vidéoconférence pour les raisons énoncées dans l’avis d’audience daté du 14 octobre 2014.

Question préliminaire

[4] Au début de l’audience, Mme Hastings a présenté un rapport du Dr Sharda, chiropraticien, daté du 26 janvier 2015, qui précisait que l’appelant s’était présenté à son cabinet le 20 novembre 2014 avec comme motif de consultation une douleur aiguë au bas du dos irradiant dans les deux jambes jusqu’aux pieds (à l’effort). La lettre recommande de la chiropractie, de la physiothérapie et des orthèses sur mesure pour les pieds. Puisque ce rapport a été produit plus de cinq ans après le 31 décembre 2009, la date marquant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), le Tribunal a établi que sa pertinence est minime et qu’il ne devrait pas être admis à ce stade tardif.

Droit applicable

[5] L’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012 prévoit qu’un appel qui a été présenté devant le BCTR avant le 1er avril 2013 et qui n’a pas été instruit par le BCTR est réputé avoir été présenté devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[6] L’alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada (la Loi) énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à cette pension, le demandeur :

  1. a) doit avoir moins de 65 ans;
  2. b) ne doit pas toucher de pension de retraite du RPC;
  3. c) doit être invalide;
  4. d) doit avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la PMA.

[7] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

[8] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) de la Loi, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité n’est prolongée que si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[9] Le Tribunal constate que la PMA de l’appelant a pris fin le 31 décembre 2009.

[10] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer s’il est plus probable que le contraire que l’appelant ait été atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

Contexte

[11] L’appelant avait 43 ans le 31 décembre 2009, date marquant la fin de sa PMA; il en a maintenant 48. Son expérience de travail inclut ce qui suit : mélanger des produits chimiques pour Sports Chemicals, exécuter du travail manuel dans une cour à bois, empiler des palettes pour Mead Packaging et, dans son dernier emploi, conduire des camions. L’appelant n’a pas travaillé depuis février 2007 et touche des prestations du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH).

Documents relatifs à la demande

[12] Dans son questionnaire sur les prestations d’invalidité du RPC, qui a été reçu et estampillé par l’intimé le 19 janvier 2011, l’appelant a indiqué qu’il avait comme niveau de scolarité une douzième année. Il a précisé qu’il a travaillé pour la dernière fois comme conducteur de camion d’octobre 2002 à février 2007, et qu’il a arrêté étant donné qu’il a été mis à pied par manque de travail. Il a affirmé qu’il est invalide depuis le 10 février 2007, mais n’a pas mentionné de maladie ni d’incapacité l’empêchant de travailler. Il a indiqué que les autres incapacités ou conditions liées à sa santé incluent une perte auditive profonde (100 %) à l’oreille gauche et une perte auditive importante à l’oreille droite (il ne peut entendre qu’avec un appareil auditif et utilise sa capacité de lire sur les lèvres pour communiquer).

[13] Un rapport daté du 11 novembre 2010de la Dre Dhillon, médecin de famille de l’appelant, était joint à la demande de prestations du RPC. La Dre Dhillon a diagnostiqué une surdité (surdité totale du côté gauche et de 15 % à 20 % d’audition du côté droit), des étourdissements intermittents et une douleur dans les deux poignets, dans les deux genoux et dans les deux pieds. Selon le rapport, aucune autre consultation ni examen médical n’est prévu, et on ne mentionne aucun médicament, ni aucun traitement. Le rapport indique que l’appelant utilise un appareil auditif pour son oreille droite et qu’il n’est pas possible d’utiliser un appareil auditif pour l’oreille gauche en raison d’une surdité totale dans cette oreille. Selon le pronostic, son affection principale ne changera pas.

[14] C’est la deuxième demande de pension d’invalidité du RPC que présente l’appelant. L’intimé a estampillé sa première demande de pension d’invalidité du RPC le 7 décembre 1998, et l’a refusée le 19 janvier 1999. L’appelant n’a pas demandé de révision de cette décision.

[15] Un rapport daté du 25 novembre 1998, du Dr Seltzer, qui était à cette époque le médecin de famille de l’appelant, était joint à la première demande. Le diagnostic indiqué dans le rapport était une perte auditive profonde et permanente. Il est indiqué aussi que l’appelant avait récemment perdu son emploi en tant que chargeur de palettes sur une chaîne de montage et qu’il était à ce moment sans emploi parce qu’il croyait que ses possibilités d’emplois étaient limitées étant donné qu’il est malentendant.

Preuve orale

Témoignage de l’appelant

[16] L’appelant a passé en revue ses études et ses antécédents de travail. Il a affirmé qu’il a commencé à conduire des camions de transport en 2003. Il a fait des manoeuvres (transporter des remorques devant être prises par des camions gros porteurs) et aussi de la conduite sur longue distance. Pour la conduite sur longue distance, il est allé au Michigan et il a reconnu qu’il devait passer les douanes. Lorsqu’on lui a demandé comment il était capable de passer les douanes, il a affirmé qu’il ne faisait que présenter les papiers. L’appelant a reconnu que malgré sa déficience auditive, il était aussi en mesure de ramasser et de déposer des charges. Il a indiqué qu’il s’organisait pour que les gens le regardent et lui parlent, et il était capable de lire suffisamment bien sur les lèvres pour s’acquitter de cette tâche.

[17] Il a affirmé que sa capacité auditive s’est détériorée graduellement avec le temps et que parfois il mélange les mots lorsque les gens lui parlent. Il a précisé qu’il est [traduction] « tout de même » à l’aise de communiquer dans sa vie de tous les jours. Il a déclaré qu’il n’a pas travaillé du tout depuis février 2007. Quand on lui a demandé pourquoi, l’appelant a déclaré au départ que le Dr Somechai, neurologue, avait suggéré qu’il abandonne son permis de conduire commercial en raison de ses épisodes d’étourdissements. Lorsqu’on a demandé à Mme Hastings pourquoi aucun rapport du Dr Somechai ne figure au dossier d’audience, elle a indiqué qu’il était difficile d’obtenir des copies des rapports de la Dre Dhillon.

[18] Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il a arrêté de travailler en février 2007, l’appelant a précisé que c’était à cause de deux accidents du travail à l’automne 2006. Il a décrit le premier accident dans lequel l’arrière d’une remorque qu’il conduisait a été frappée par un train; il a affirmé qu’il n’a pas été blessé dans ce premier accident. Il a ensuite décrit un second accident dans lequel sa remorque a encore été frappée par un train, et où il a été ballotté et blessé. Il a déclaré qu’il avait de la douleur et tremblait. Il n’est pas allé à l’hôpital, mais a consulté la Dre Dhillon, qui lui a prescrit des traitements de physiothérapie. Il a affirmé qu’il n’a pas fait de demande auprès de la CSPAAT parce qu’il n’avait pas accumulé suffisamment d’heures et qu’il a été mis à pied, afin de pouvoir toucher des prestations d’assurance-emploi. L’appelant a été vague dans son témoignage quant à savoir s’il a été absent au travail après cet accident au travail. Au départ, il a affirmé qu’il s’était absenté du travail [traduction] « pas mal de temps » après l’accident, mais après qu’on lui eut posé d’autres questions, il a indiqué qu’il formait quelqu’un d’autre et qu’il ne considérait pas cela comme un travail. Il a précisé que le propriétaire voulait qu’il forme une autre personne parce qu’il n’était plus sécuritaire pour lui de continuer à conduire, mais ultérieurement dans son témoignage, il a affirmé qu’il était devenu propriétaire-exploitant étant donné qu’il conduisait le camion de son frère.

[19] L’appelant a indiqué au départ qu’il n’a pas cherché de travail depuis février 2007 parce qu’il n’avait plus de permis de conduire commercial. Il a affirmé qu’il avait déjà utilisé une possibilité de recyclage professionnel et que l’assurance‑emploi ne paie que pour une formation de recyclage. Il a par la suite indiqué qu’il avait envisagé d’autres possibilités de carrière par le biais de l’assurance‑emploi et de la Société canadienne de l’ouïe, et qu’on l’avait informé que ses possibilités seraient très limitées en raison de sa déficience auditive.

[20] Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il est incapable de travailler, l’appelant a affirmé qu’il avait une déficience auditive, que lorsqu’il marche il perd parfois le contrôle de ses membres et a des problèmes d’équilibre, qu’il a des épisodes d’étourdissements et qu’il souffre de convulsions en raison de ses nerfs. Il a affirmé que la Dre Dhillon apporte encore des modifications aux médicaments pour ses nerfs parce que ce problème s’aggrave. Son épouse fait toutes les tâches ménagères puisqu’il trouve difficile même le fait de faire des tâches simples en raison de ses problèmes d’équilibre, de ses étourdissements et de sa nervosité.

Témoignage de L. P.

[21] Mme L. P. a affirmé que son mari n’était plus le même après l’accident de 2006. Il a continué de travailler, mais son état s’aggravait, ses jambes tremblaient, il souffrait de tremblements, et le Dr Samchai lui a dit que sa perte auditive était causée par du tissu cicatriciel sur le cerveau. Il a vu le Dr Samchai pour la première fois en 2009 ou en 2010, et ce dernier lui a dit qu’il ne pourrait plus conduire de camion et lui a prescrit des médicaments. L’appelant n’avait pas pris de médicaments avant de voir le Dr Samchai.

[22] Elle croit que son mari a suivi des traitements de physiothérapie après l’accident, et il lui a dit qu’il ne faisait pas de demande auprès de la CSPAAT parce qu’il voulait continuer de travailler. Il a arrêté de travailler en février 2007 parce que sa compagnie ne l’appelait plus pour lui offrir du travail. Il s’est inscrit au programme Ontario au travail, en novembre 2007, et est maintenant inscrit au Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH). Elle a affirmé que son mari avait postulé des emplois et qu’il essayait de travailler dans le domaine de la sécurité. Il n’a pas reçu d’appel pour un emploi, et elle a indiqué qu’il n’est pas certain s’il pourrait travailler en raison de ses tremblements et de son apnée du sommeil. Son mari ne l’aide pas dans les travaux d’entretien de la maison puisqu’il a des épisodes d’étourdissements lorsqu’il se penche.

Preuve médicale

[23] Le Tribunal a examiné soigneusement toute la preuve médicale au dossier d’audience. Voici les extraits que le Tribunal trouve les plus pertinents.

[24] Le 23 juillet 2007, le Dr Siomra, otorhinolaryngologiste, a déclaré qu’un audiogramme montrait une perte auditive profonde du côté gauche et une perte auditive importante du côté droit, mais avec une bonne reconnaissance. Le Dr Siomra a également indiqué que l’appelant se plaignait d’acouphènes liés à sa perte auditive. Le Dr Siomra a précisé que l’appareil auditif de l’appelant datait de cinq ans et il a pris des dispositions pour qu’il essaie un nouvel appareil auditif. Selon le rapport, l’appelant conduit un [camion de] transport.

[25] Le 8 janvier 2012, la Dre Dhillon a transmis un rapport à l’avocat de l’appelant. Selon le rapport, l’appelant avait une déficience auditive depuis son enfance. L’appelant a subi des engelures aux pieds à Québec il y a plusieurs années et a eu un accident de voiture, qui lui a causé des problèmes à la jambe droite; en outre, ses genoux ont été écrasés entre deux pare-chocs il y a très longtemps. Selon le rapport, aucune autre aide ne peut être apportée relativement à la perte auditive de l’appelant; pour le moment, il ne prend pas de médicament prescrit contre la douleur ou pour tout autre problème, et il est évalué au moyen d’un traitement d’essai par un appareil de ventilation spontanée en pression positive continue (CPAP) pour son apnée du sommeil.

[26] Voici la conclusion du rapport :

[Traduction]
La seule restriction pour lui est d’éviter tout travail qui l’expose à un risque en raison de sa déficience auditive profonde. Je crois que dans le passé il gagnait sa vie à conduire un camion et qu’on lui a dit de cesser cela. À mon avis, la restriction principale de B. P. est sa perte auditive profonde datant de son enfance, et si cela le rend admissible à une pension d’invalidité du RPC, alors il devrait en toucher une. Et dans ce cas, elle devrait être rétroactive puisqu’il semble qu’il a cette déficience depuis presque toujours.

[27] Un rapport daté du 30 juillet 2013 de Rhonda Hogg, de la Société canadienne de l’ouïe, précise que la perte auditive de l’appelant fait en sorte qu’il est extrêmement difficile pour lui de vivre et de travailler, et d’avoir des activités normales. Elle est d’avis qu’il serait très difficile pour l’appelant de trouver et de conserver un emploi concurrentiel.

Observations

[28] L’appelant soutient qu’il est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. a) Sa perte auditive profonde devrait être prise en compte dans le contexte de ses autres symptômes invalidants, notamment ses étourdissements, ses problèmes d’équilibre, ses convulsions et sa douleur;
  2. b) Le Tribunal devrait aussi prendre en compte le niveau d’études limité de l’appelant et le fait qu’il n’a pas de compétences transférables;
  3. c) Les éléments de preuve satisfont aux critères liés à l’invalidité grave et prolongée du RPC.

[29] L’intimé soutient que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. a) Même si l’appelant est limité par sa perte auditive depuis son enfance, il a pu obtenir son diplôme d’études secondaires, son accréditation pour la conduite d’un camion et un emploi rémunérateur;
  2. b) Il a arrêté de travailler parce qu’il a été mis à pied, et non pas en raison d’un problème médical;
  3. c) L’appelant est jeune et ne fait l’objet d’aucun traitement actif;
  4. d) La preuve ne démontre pas que l’appelant a fait des efforts sérieux pour trouver un autre emploi.

Analyse

[30] L’appelant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2009 ou avant cette date.

Invalidité grave

[31] Les exigences auxquelles il faut satisfaire pour être admissible à une pension d’invalidité figurent au paragraphe 42(2) de la Loi, où il est mentionné qu’une invalidité doit être à la fois « grave » et « prolongée ». Une invalidité n’est « grave » que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une personne doit non seulement être incapable d’occuper son emploi habituel, mais également tout emploi qu’il aurait été raisonnable de s’attendre qu’elle occupe. Une invalidité n’est « prolongée » que si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Principes directeurs

[32] Les affaires suivantes ont permis d’aider le Tribunal à trancher les questions relatives à cet appel.

[33] Il incombe à l’appelant d’établir selon la prépondérance des probabilités que le 31 décembre 2009, ou avant cette date, il était invalide au sens de la Loi. Le critère de la gravité doit être évalué dans un « contexte réaliste » : Villani c. Canada (Procureur général) 2001 CAF 248. Le Tribunal doit tenir compte du contexte particulier de la personne et de son âge, de son niveau d’instruction, de ses aptitudes linguistiques, de ses antécédents de travail et de son expérience de vie pour déterminer l’« employabilité » de cette personne en rapport avec son invalidité.

[34] L’appelant ne doit pas seulement montrer qu’il a un grave problème de santé, mais lorsqu’il est établi qu’il y a des preuves de capacité au travail, un demandeur doit démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé : Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117.

[35] Le Tribunal a pour devoir et responsabilité de s’appuyer sur des éléments de preuve crédibles et probants et non sur des spéculations : MDRH c. S.S. (3 décembre 2007), CP 25013 (CAP).

Application des principes directeurs

[36] Pour rendre une décision en l’espèce, le Tribunal a pris en compte la date du 31 décembre 2009, date marquant la fin de la PMA, et a conclu qu’aucun « élément de preuve crédible et probant » n’appuie le critère lié à une invalidité grave à cette date.

[37] Il est évident que la déficience auditive de l’appelant lui crée des contraintes importantes; toutefois, le Tribunal est convaincu que, compte tenu des faits en l’espèce, cela ne signifie pas qu’il est atteint d’une invalidité grave selon les critères du RPC. Même si, dans son témoignage, l’appelant a précisé que des blessures subies lors d’un accident au travail en 2006 ont donné lieu à d’autres conditions contribuant à l’invalidité, il n’y a aucun « élément de preuve crédible et probant » (voir MDRH c. S.S., précité) qui étaye cette affirmation.

[38] Bien que le Tribunal soit convaincu que l’appelant a bien subi un accident du travail en 2006, la preuve n’indique pas que cela a entraîné des conditions invalidantes importantes :

  • - Il n’y a aucune mention de cet accident du travail dans le dossier d’audience, et la première fois que cela a été présenté comme un facteur important, c’était dans les témoignages oraux entendus lors de l’audience;
  • - Dans son questionnaire relatif aux prestations d’invalidité du RPC, l’appelant a précisé qu’il avait arrêté de travailler en février 2007 parce qu’il a été [traduction] « licencié en raison d’un manque de travail ». Il n’y a aucune mention d’un accident du travail à l’automne 2006;
  • - Bien que l’appelant a affirmé que la Dre Dhillon lui a prescrit des traitements de physiothérapie, il n’y a aucune mention d’un accident de ce genre dans un rapport quelconque. Encore plus important, dans son rapport du 8 janvier 2012, la Dre Dhillon mentionne les blessures antérieures de l’appelant, y compris des engelures aux pieds, un accident de voiture et ses genoux qui ont été écrasés entre deux pare-chocs il y a très longtemps. Si cet accident du travail lui a causé des invalidités graves, il est difficile d’accepter qu’il n’y ait aucune mention de cela dans les rapports;
  • - Il n’y a aucune preuve médicale dans le dossier d’audience concernant un quelconque traitement de blessures subies lors de cet accident au travail;
  • - L’appelant a reconnu qu’il n’avait pas présenté de demande auprès de la CSPAAT, ni aucun autre type de demande, relativement à des blessures causées par cet accident.

[39] Selon un examen du dossier d’audience, y compris des rapports médicaux et des demandes au RPC, il est clair que la demande liée à l’invalidité de l’appelant est liée principalement à sa perte auditive profonde. Bien qu’il y ait des mentions d’autres symptômes, comme des épisodes d’étourdissements et de la douleur, il n’y a aucun élément de preuve concernant un traitement en cours pour ces problèmes. Même si l’appelant a consulté le Dr Samchai, neurologue, aucun rapport du Dr Samchai ne figure dans le dossier d’audience, et les consultations neurologiques n’ont pas commencé avant 2009 ou 2010. Il aurait été possible d’obtenir des copies des rapports de consultation du Dr Samchai à partir des dossiers de la Dre Dhillon. L’appelant a le fardeau de la preuve, et s’il considère que les rapports du Dr Samchai sont importants, il aurait dû prendre des mesures pour s’assurer qu’ils soient déposés au dossier. Dans l’état actuel des choses, le Tribunal ne peut même pas déterminer si la première consultation avec le Dr Samchai (selon la preuve orale, c’était soit en 2009, soit en 2010) a eu lieu avant ou après le 31 décembre 2009, date marquant la fin de la PMA.

[40] La principale question à trancher en l’espèce consiste à déterminer si la perte auditive de l’appelant constitue une invalidité grave. Pour trancher cette question, le Tribunal a suivi les principes dans la décision Buckley c. MDRH (20 septembre 2001), CP 15265 de la Commission d’appel des pensions (CAP), que le Tribunal considérait convaincante, mais non contraignante. Voici ce qu’affirme la CAP au paragraphe 22 de sa décision :

« Une déficience auditive constitue une limite grave. Elle a un effet isolateur sur la personne touchée et réduit le niveau de communication orale qui peut d’emblée être engagé et, dans le contexte de l’emploi, ce genre de communication est habituellement très important. Des aides techniques peuvent contribuer à réduire le problème, mais elles ont aussi leurs limites. Malgré tout, je ne suis pas convaincu que le niveau de déficience de Mme Buckley, étant donné son âge et son expérience de travail, la rend incapable d’occuper régulièrement toute forme d’emploi effectivement rémunérateur. Il y a de la place dans le milieu de travail pour les personnes ayant une déficience auditive, et des moyens technologiques existent pour les aider à surmonter cet obstacle. Mme Buckley pourrait s’acquitter de manière satisfaisante[…]. »

[41] En l’espèce, le Tribunal a remarqué que l’appelant n’avait que 43 ans à la date marquant la fin de sa PMA (il avait 40 ans lorsqu’il a travaillé la dernière fois, en février 2007); que malgré sa déficience auditive, il a été capable de terminer ses études secondaires et d’obtenir son permis de conducteur de camion commercial; qu’il a été capable de conserver un emploi rémunérateur pendant de nombreuses années, notamment un travail de conducteur de camion sur longue distance dans le cadre duquel il devait passer par les contrôles de sécurité à la frontière entre le Canada et les États-Unis, dans un sens et dans l’autre; qu’il a arrêté de travailler en février 2007 en raison d’un manque de travail, et non à cause d’un problème médical, et que rien ne prouve que l’appelant a fait plus que des efforts minimes pour trouver un autre emploi (voir Inclima, précité).

[42] Le fardeau de la preuve incombe à l’appelant, et après un examen minutieux de l’ensemble de la preuve, le Tribunal a déterminé que l’appelant n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était atteint d’une invalidité grave selon les critères prévus dans la Loi.

Invalidité prolongée

[43] Étant donné qu’il n’a pas été établi que l’invalidité de l’appelant est grave, il n’est pas nécessaire que le Tribunal rende une décision concernant le caractère prolongé de l’invalidité.

Conclusion

[44] L’appel est rejeté.

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