Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Comparutions

L’appelant : M. F.

Décision

[1] Le Tribunal conclut qu’aucune pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) n’est pas payable à l’appelant.

Introduction

[2] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité du RPC de l’appelant le 30 mai 2011. L’intimé a rejeté la demande initiale et la demande de révision, puis l’appelant a interjeté appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR).

[3] Le présent appel devait être instruit par comparution en personne pour les raisons indiquées dans l’avis d’audience daté du 2 octobre 2014. Le mode d’audience a par la suite été changé par le membre à une audience par vidéoconférence en raison de circonstances imprévues.

Droit applicable

[4] L’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012 prévoit qu’un appel qui a été présenté devant le BCTR avant le 1er avril 2013 et qui n’a pas été instruit par le BCTR est réputé avoir été présenté devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada (la Loi) énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à cette pension, le demandeur :

  1. a) doit avoir moins de 65 ans;
  2. b) ne doit pas toucher de pension de retraite du RPC;
  3. c) doit être invalide;
  4. d) doit avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[6] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

[7] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) de la Loi, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité n’est prolongée que si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[8] Le litige ne concerne pas la PMA, car les parties conviennent que cette période prend fin le 31 décembre 2009, ce qu’a également conclu le Tribunal.

[9] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer s’il est plus probable que le contraire que l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

Preuve

Témoignage oral

[10] En l’espèce, l’appelant avait 55 ans à la date à laquelle sa PMA a pris fin. Il est originaire de Terre-Neuve et il a obtenu sa 11e année dans cette province. Il a déménagé à Toronto en 1971.

[11] L’appelant a travaillé comme préposé dans une station-service pendant les quatre premières années qui ont suivi son arrivée à Toronto. Par la suite, il a commencé à travailler dans l’industrie du plastique, où il a fait du [traduction] « travail d’esclave » comme ouvrier dans différentes entreprises jusqu’en 2005. Ses tâches étaient surtout axées sur les moules en plastique et nécessitaient un travail physique considérable.

[12] En 1979, l’appelant a subi un grave accident du travail, alors qu’un moule est tombé sur ses deux jambes et lui a causé des déchirures au bras. Ses jambes ont donc été écrasées et il a dû ultérieurement subir deux chirurgies au bras.

[13] L’appelant est retourné au travail en 1982. Il avait touché des prestations de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) et a continué d’en toucher jusque dans les années 1990.

[14] L’appelant a repris ses fonctions régulières au travail jusqu’en 2005. Il a affirmé qu’il a été licencié à ce moment et qu’il a été incapable de trouver un autre emploi.

[15] Il a affirmé que c’est en 2006 ou en 2007 que sa conjointe avec laquelle il vivait a eu le cancer et qu’il a dû en prendre soin. Il a indiqué qu’il a été son aidant naturel jusqu’en 2011. Il la lavait, lui donnait son bain, faisait l’épicerie, passait l’aspirateur et promenait le chien. Sa conjointe avait aussi une amie qui venait l’aider à prendre son bain, à faire le lavage et à repasser les vêtements.

[16] Selon l’appelant, il a commencé à avoir encore plus mal aux jambes en 2009. Il a affirmé que lorsque ça allait mal, il allait au service des urgences à l’hôpital. Il n’avait pas de médecin de famille jusqu’en 2010.

[17] Il a commencé à voir la Dr Praglowski en 2010. Elle lui a prescrit du Percocet et un médicament pour sa thyroïde. Il a affirmé qu’il avait cessé de consulter la Dr Praglowski en 2013 parce qu’ils s’étaient disputés concernant son dossier pour la CSPAAT. Il a indiqué qu’il n’a pas de médecin en ce moment parce qu’il n’a pas les moyens de payer des médicaments, alors cela ne sert à rien de consulter.

[18] Depuis le décès de sa conjointe en 2011, l’appelant vit seul avec son chien dans un immeuble à logements. Il a précisé que sa douleur s’est aggravée, mais il n’a pas les moyens de la soulager. Il a des amis dans l’immeuble qui l’aident parfois, mais ses jambes lui font tellement mal en ce moment qu’il ne peut même pas traverser la rue. Il utilise une marchette.

[19] L’appelant a consulté le Dr Silverberg, rhumatologue, en 2013, qui lui a dit qu’il souffrait d’arthrite dans le coude gauche. L’appelant a eu des injections de cortisone, mais cela ne l’a pas aidé.

[20] Depuis 2011, l’appelant peut à peine rester debout ou marcher. Il souffre de douleur aux deux jambes et aux deux bras, et la douleur irradie parfois jusque dans le dos.

[21] L’appelant n’a pas cherché d’emploi depuis 2006. Au départ, il a affirmé qu’il ne cherchait pas d’emploi parce qu’il devait prendre soin de sa conjointe et qu’après le décès de celle‑ci, sa douleur s’était aggravée au point où il ne pouvait plus marcher sur de longues distances.

Preuve documentaire

[22] L’appelant s’est blessé au travail en mars 1979. Un rapport du 8 janvier 1980 du Dr Lacuesta, chirurgien orthopédiste, indique que l’appelant avait eu le bras et la jambe gauches écrasés. Il a eu une réparation à deux tendons fléchisseurs et à un tendon extenseur ainsi qu’à la branche cutanée du nerf radial.Footnote 1

[23] L’appelant a reçu un diagnostic d’hypothyroïdie après l’accident. Dans une lettre datée du 9 septembre 1983, le Dr Birkin, endocrinologue, a indiqué que l’appelant semblait bien.Footnote 2

[24] L’appelant a présenté un bon nombre de documents liés à ses affections, qui ont mené à ses demandes auprès de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail dans les années 1980 et 1990.Footnote 3

[25] Le médecin de famille de l’appelant a rempli un rapport médical pour Service Canada le 6 avril 2011. La Dr Praglowski a établi la liste des diagnostics suivants : discopathie dégénérative; hypertrophie prostatique bénigne, troubles thyroïdiens, douleur causée par une blessure à la jambe en raison d’un accident du travail et arthrose précoce.Footnote 4 Elle a précisé qu’en 2010, l’appelant s’est plaint de douleur importante dans les jambes, et qu’il ne pouvait pas marcher.

[26] Une radiographique du pied et de la cheville gauches de l’appelant prise le 30 août 2010 montre une épine calcanéenne proéminente dans le calcanéum et de l’arthrose modérée dans la première articulation métatarsophalangienne.Footnote 5

[27] Des radiographies de la colonne lombaire de l’appelant prises le 10 octobre 2010 montrent des changements dégénératifs modérés dans les articulations facettaires [traduction] « avec des changements plutôt importants de l’athérosclérose dans l’aorte, une observation inhabituelle chez un patient de cet âge »Footnote 6. La radiographie du bassin et de la hanche droite était normale.Footnote 7

[28] Le Doppler artériel/périphérique du 10 novembre 2010 était normal.Footnote 8 L’échographie pelvienne du 22 septembre 2010 montre une hypertrophie minimale de la prostateFootnote 9.

[29] Le questionnaire relatif aux prestations d’invalidité présenté par l’appelant indique que celui-ci a été licencié le 5 juin 2006. L’appelant a affirmé qu’il a une [traduction] « douleur intense aux jambes et au dos. Une épine calcanéenne dans la jambe et le pied gauches, que c’est très, très douloureux, qu’il y a toujours de l’enflure »Footnote 10. L’appelant a indiqué qu’il ne peut pas rester debout pendant plus de cinq minutes en raison de la douleur; il ne peut même pas traverser la rue, ni soulever ou transporter des objets étant donné la douleur au dos.Footnote 11

[30] Un rapport du Dr Silverberg, rhumatologue, du 24 novembre 2011 indique que l’appelant l’a consulté en raison d’une douleur musculosquelettique. Il a affirmé que  depuis cinq ans, l’appelant souffre de douleur au bas du dos, qui irradie jusque dans la hanche, la cuisse et le mollet droits, et que la douleur s’est aggravée au cours des deux derniers mois; il avait besoin d’une canne pour marcher au cours des cinq derniers joursFootnote 12. À ce moment, l’appelant a signalé qu’il n’était pas capable de marcher pendant plus de trois minutes, ni de faire des courses, ni de promener son chien. Suivant son examen de l’appelant, le Dr Silverberg était d’avis qu’il souffre d’arthrite post-traumatique dans la cheville gauche et d’une entorse des tissus mous dans la région lombo-sacrée. Il n’a constaté aucun signe d’arthrite de la hanche et a déclaré que l’appelant pouvait souffrir d’une bursite trochantérienne chronique du côté droit qui est responsable de sa douleur dans la cuisse droite.Footnote 13

[31] La lettre de la Dr Praglowski de mai 2013 indique que depuis six ou sept ans, l’appelant souffre de douleur dans le bas du dos, aux hanches et aux pieds, et que cela l’empêche de dormir. Elle indique que l’appelant ne peut pas promener son chien, ni faire des emplettes pendant plus de cinq à dix minutes et qu’il utilise une canne. Elle précise qu’il a de la difficulté à entrer dans la douche et à en sortirFootnote 14.

Observations

[32] L’appelant soutient qu’il est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. a) Il a subi un accident du travail très grave en 1979 et il ne s’est jamais rétabli. Il souffre de douleur constante depuis ce temps, laquelle s’est aggravée en 2009.
  2. b) En 2009, la douleur dans les jambes et le bras s’est aggravée au point où il avait des problèmes à marcher. Il a demandé des soins médicaux.
  3. c) Il a maintenant de la difficulté à marcher même sur une distance d’un pâté de maisons. Il ne peut pas se tenir debout, ni marcher pendant de longues périodes et souffre d’une douleur constante. Il a besoin de l’aide de ses voisins de temps en temps et a de la difficulté à promener son chien. Il veut que son état s’améliore, mais il n’a pas les moyens de payer pour les médicaments qui lui ont été prescrits, ni pour chercher une autre forme de traitement.

[33] Dans des observations écrites, l’intimé soutient que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. a) Le médecin de famille de l’appelant a affirmé qu’il l’a consultée pour la première fois en janvier 2010, puis il a été suivi pour des plaintes de douleur intense dans les jambes. Des problèmes vasculaires ont été exclus grâce à des radiographies et à des études Doppler. Des analyses de sang révèlent qu’il souffre d’hypothyroïdie, mais il n’a pas de symptômes. Aucun dossier n’a été fourni par le médecin de famille de l’appelant concernant son état en date de sa PMA qui se terminait le 31 décembre 2009.
  2. b) La radiographie de la colonne lombaire de l’appelant prise en octobre 2010 révèle des changements dégénératifs modérés dans les articulations facettaires, mais il est indiqué que les espaces invertébraux sont bien maintenus, et il n’y a pas de mention de sténose du canal rachidien, ni d’atteinte de la racine nerveuse. Une radiographie du pied et de la cheville gauches montre une épine calcanéenne proéminente dans le calcanéum, qui cause probablement la douleur que ressent l’appelant à la jambe et au pied. Selon des rapports, l’appelant n’a pas envisagé l’option d’un traitement par un spécialiste des piedsFootnote 15.
  3. c) Le rhumatologue qui a vu l’appelant n’a pas recommandé de traitement ni de suivi. La Dr Praglowski allait conseiller à l’appelant de consulter un chirurgien orthopédiste, mais elle a estimé qu’il n’était un candidat à la chirurgie. Ces élément n’étayent pas une pathologie d’invalidité grave qui empêcherait l’appelant d’accomplir tout type de travail. En outre, l’appelant n’a pas donné suite à la gestion de la douleur recommandée par la Dr Praglowski, ce qui aurait pu l’aiderFootnote 16.

Analyse

[34] L’appelant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2009 ou avant cette date.

Invalidité grave

[35] Le critère de la gravité doit être évalué dans un contexte réaliste (Villani c. Canada [P.G.], 2001 CAF 248). Cela signifie que pour déterminer si l’invalidité d’une personne est grave, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie.

[36] Lorsqu’il y a des preuves de capacité de travail, une personne doit démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé (Inclima c. Canada [P.G.], 2003 CAF 117).

[37] Je n’ai aucun doute que l’appelant a subi une blessure très grave en 1979 et que depuis ce temps il souffre de douleur. Il a présenté un nombre important de documents provenant de médecins et de ses demandes remontant à 1979 dans une déclaration en six volumes. Les documents sont pertinents étant donné qu’ils soutiennent la gravité de l’accident de l’appelant et documentent ses chirurgies. Toutefois, lorsqu’on met tous les éléments en contexte, l’appelant a été capable de reprendre ses fonctions régulières de 1982 jusqu’à son licenciement, en 2005.

[38] Selon le témoignage de l’appelant, après son licenciement il a cherché du travail, mais il n’a pas été capable d’en trouver. Il a ensuite déclaré que depuis environ 2006 ou 2007, il prenait soin de sa conjointe à temps plein, et ses tâches incluaient les suivantes : la laver et lui donner son bain, faire les courses et passer l’aspirateur. Il a affirmé qu’il a continué de mener ces activités jusqu’à ce qu’elle décède.

[39] Je reconnais que l’appelant a senti qu’il avait le devoir de prendre soin de sa conjointe et que l’aide qu’il lui a apportée en matière de soins est admirable. Cependant, les soins consacrés au conjoint ne sont pas un facteur à prendre en compte concernant l’admissibilité aux prestations d’invalidité du RPC.

[40] À la date marquant la fin de sa PMA, l’appelant avait 55 ans, et l’anglais est sa langue maternelle. Même s’il n’a qu’une 11e année, il possède suffisamment d’expérience dans l’industrie du plastique. Il n’a pas cessé de travailler en 2005 en raison d’une invalidité, mais plutôt parce qu’il a été licencié. À mon avis, il n’a pas démontré qu’il n’aurait pas pu travailler en 2009 et, comme susmentionné, il a déjà affirmé qu’il avait la capacité de prendre soin de sa conjointe. Étant donné qu’il a été capable d’exécuter ces tâches jusqu’en 2011, je suis convaincue qu’il avait la capacité de travailler en 2009, mais peut-être pas de reprendre le poste qu’il occupait, lequel nécessitait surtout un travail physique exigeant.

[41] L’appelant n’a pas présenté d’éléments de preuve convaincants montrant qu’il suivait un traitement continu donné par un médecin avant 2009. Il a affirmé qu’il allait au service des urgences à l’hôpital, au besoin, avant de trouver un médecin de famille en 2010, mais il n’a pas fourni de dossier médical indiquant pourquoi et quand il y est allé.

[42] Je suis convaincue en raison de son témoignage et des lettres de médecins depuis 2010 que la capacité de l’appelant de marcher a été réduite, mais rien dans un quelconque document médical ne suggère qu’il était incapable d’exercer tout type d’emploi. Même si cela est actuellement le cas, il n’y a aucun élément de preuve convaincant devant moi qui suggère que l’appelant était inapte à toute forme de travail en 2009.

[43] Même si l’appelant n’a pas cherché à obtenir un traitement continu depuis qu’il ne voit plus son médecin de famille, c’est-à-dire depuis 2013, il est difficile d’accorder une quelconque importance à ce facteur étant donné ses contraintes financières. Comme il l’a indiqué dans son témoignage, il ne peut même pas se permettre pour le moment de payer les médicaments qui lui ont été prescrits.

[44] L’appelant a le devoir légal de présenter sa demande de prestations du RPC. Il incombe à l’appelant de présenter des éléments de preuve pertinents et convaincants liés à son invalidité. Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, je ne suis pas convaincue que le profil personnel de l’appelant, combiné à son état de santé, montre qu’il était incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice aux termes du sous-alinéa 42(2)a)(ii) de la Loi.

Invalidité prolongée

[45] Étant donné qu’il n’a pas été établi que l’invalidité de l’appelant est grave, il n’est pas nécessaire de rendre une décision concernant le caractère prolongé de l’invalidité.

Conclusion

[46] L’appel est rejeté.

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