Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] La demanderesse demande la permission d’appeler de la décision rendue par la division générale le 20 mai 2014. La division générale a rejeté sa demande d’annulation ou de modification de la décision du tribunal de révision du Régime de pensions du Canada datée du 9 juillet 2003, au motif que la demande était prescrite en vertu de l’article 66 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi »). La division générale a également conclu que, subsidiairement, les renseignements présentés par la demanderesse ne constituent pas des « faits nouveaux » qui, au moment de l’audience, ne pouvaient être connus malgré l’exercice d’une diligence raisonnable. La demanderesse invoque plusieurs motifs en appui de sa demande de permission d’en appeler. Pour que je puisse accueillir cette demande de permission, la demanderesse doit établir que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] L’un des motifs soulevés par la demanderesse a-t-il une chance raisonnable de succès?

Historique de la procédure

[3] La demanderesse a présenté une demande de prestations d’invalidité le 11 avril 2002. Un tribunal de révision a rejeté sa demande de prestations d’invalidité. Le 11 janvier 2005, la demanderesse a de nouveau présenté une demande de prestation d’invalidité. Le tribunal de révision a rejeté cette deuxième demande au motif que la demande était chose jugée. La demanderesse n’a pas interjeté appel des deux décisions du tribunal de révision devant la Commission d’appel des pensions.

[4] Le 26 octobre 2006, en application du paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada, abrogé depuis, la demanderesse a déposé une demande de réouverture de la décision du tribunal de révision du 11 avril 2002. Elle a déposé deux lettres et deux rapports médicaux. L’avocate de la demanderesse explique que ces documents n’avaient pas pu être présentés au tribunal de révision en raison du fait qu’ils n’existaient pas au moment de l’audience. L’avocate a aussi expliqué que les renseignements supplémentaires établissent que la demanderesse est invalide, puisqu’ils divulguent de façon complète l’invalidité et le font de façon plus détaillée que les rapports médicaux précédents.

[5] Le tribunal de révision du Régime de pensions du Canada n’a pas tranché la demande d’annulation ou de modification; par conséquent, la demande a été transférée au Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal »). Le Tribunal a écrit aux parties en avril 2013 ou vers cette date, les informant que l’affaire avait été transférée du Bureau du Commissaire des tribunaux de révision au nouveau Tribunal de la sécurité sociale.

[6] Le 19 août 2013, l’avocate de la demanderesse a déposé un avis de préparation et les observations de celle-ci sur la question des « faits nouveaux ».

[7] Le 16 septembre 2013, le Tribunal a envoyé une lettre à l’avocate de la demanderesse, l’informant que les parties à la demande avaient jusqu’au 28 octobre 2013 pour déposer des documents ou des observations qui [traduction] « répondent aux exigences de l’article 66 de la [Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social] … »

[8] L’avocat de l’intimé a rédigé des observations en octobre 2013 ou vers cette date. L’avocat de l’intimé soutient que la demande de la demanderesse relative à des faits nouveaux est hors-délai et ne peut être entendue. Il fait également valoir que, subsidiairement, la preuve déposée par la demanderesse à l’appui de la demande relative à des faits nouveaux n’établit pas l’existence de faits nouveaux ni n’étaye une détermination que l’affection de la demanderesse était grave et prolongée en date de décembre 2001 et de façon continue par la suite.

[9] Le 27 mars 2014, l’avocate de la demanderesse a déposé la réponse de la demanderesse aux observations du Ministre. L’avocate de la demanderesse répond que l’interprétation que fait le Ministre de l’article 66 de la Loi est erronée et contrevient aux principes d’interprétation législative, y compris la Loi d’interprétation, la présomption contre l’absurdité et la présomption de non-interférence avec les droits.

[10] La division générale a rejeté la demande d’annulation ou de modification de la décision du tribunal de révision du Régime de pensions du Canada datée du 9 juillet 2003, au motif que la demande était frappée de prescription en vertu de l’article 66 de la Loi et que, par conséquent, la demande n’avait pas été présentée dans le délai prévu par la Loi. La division générale a également conclu que, subsidiairement, les renseignements présentés par la demanderesse ne constituaient pas des « faits nouveaux » qui, au moment de l’audience devant le tribunal de révision en 2003, ne pouvaient être connus malgré l’exercice d’une diligence raisonnable.

Observations

[11] La demanderesse demande la permission d’en appeler pour les motifs suivants :

  1. a) La division générale a manqué au principe de justice naturelle consistant à assurer une audience équitable;
  2. b) Elle a commis une erreur de droit en déterminant que la demande d’annulation ou de modification est prescrite;
  3. c) Elle a commis une erreur de droit et de fait en déterminant que la preuve psychiatrique ne constitue pas un fait nouveau et essentiel qui, au moment de l’audience, n’aurait pu être connu malgré l’exercice d’une diligence raisonnable;
  4. d) Elle a commis une erreur de droit et de fait en ne tirant pas la conclusion que la nouvelle preuve établit que la demanderesse était atteinte d’une invalidité grave et prolongée aux termes de la Loi avant la fin de sa période d’admissibilité, soit au 31 décembre 2001.

Analyse

[12] Bien qu’une demande de permission d’en appeler soit un premier obstacle que le demandeur doit franchir, et un obstacle inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond, il reste que pour que cette demande soit recevable, le demandeur doit convaincre le Tribunal qu’il existe un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252 (CF).

[13] Le paragraphe 58(1) de la Loi énonce que les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) La division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[14] Pour que je puisse accueillir la demande de permission, la demanderesse doit me convaincre que les motifs d’appel s’inscrivent dans les moyens d’appel prévus et qu’un appel en vertu de l’un ou l’autre de ces motifs a une chance raisonnable de succès.

a. Allégation relative à un manquement à la justice naturelle

[15] L’avocate de la demanderesse soutient que la division générale a manqué au principe de justice naturelle consistant à assurer une audience équitable. Elle fait valoir, en particulier, que la division générale devrait lui avoir fourni une occasion d’aborder la décision Tabingo c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2013 CF 377, évoquée pour la première fois par la division générale dans sa décision, et qui, soutient-elle, a été déterminante sur l’issue de l’affaire. L’avocate soutient que ni la demanderesse ni l’intimé n’ont abordé la décision Tabingo dans leurs observations écrites respectives; de même, la décision Tabingo n’a été mentionnée durant aucun des témoignages et n’a été évoqué pour la première fois que dans la décision de la division générale. L’avocate fait valoir que si elle avait su que la division générale s’appuierait sur cette the décision, elle l’aurait distinguée de la Loi.

[16] Dans sa décision, la division générale a cité un extrait de Tabingo :

Les tribunaux n’interpréteront pas la loi d’une manière qui retire des droits existants en l’absence d’une intention claire du législateur en ce sens. Cependant, lorsqu’une lois [sic] est dépourvue d’ambiguïté, il n’y a pas lieu de recourir à des présomptions ou à des guides interprétatifs, et les tribunaux ne peuvent appliquer aucune des présomptions interprétatives mentionnées plus haut : Institut professionnel de la fonction publique du Canada c Canada (Procureur général),2012 CSC 71, aux paragraphes 95, 159 et 160; Colombie-Britannique c Imperial Tobacco Canada Ltée, 2005 CSC 49, [2005] 2 RCS 473, au paragraphe 71; Gustavson Drilling (1964) Ltd. c Canada (Ministre du Revenu national), [1977] 1 RCS 271.

[17] Les parties étaient toutes deux au courant de la question du délai prévu à l’article 66 de la Loi :

  1. a) Le 16 septembre 2013, le Tribunal a envoyé une lettre à l’avocate de la demanderesse, l’informant que les parties à la demande avaient jusqu’au 28 octobre 2013 pour déposer des documents ou des observations qui [traduction] « répondent aux exigences de l’article 66 de la [Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social] … »
  2. b) L’intimé a déposé des observations datées du 24 octobre 2013 portant sur la question du délai. Dans la section des observations intitulée [traduction] « Aperçu », l’avocat du Ministre a écrit ce qui suit :
    1. [Traduction]
      La position du Ministre est que la demande relative à des faits nouveaux de Mme R. M. est hors-délai et ne peut être entendue.
    2. Des modifications récentes aux dispositions législatives applicables énoncent qu’une demande relative à des faits nouveaux doit être présentée au plus tard un an après la date où l’appelant reçoit communication de la décision. […]

[18] L’avocat du Ministre a ensuite résumé la question du délai sous l’intitulé [traduction] « Questions en litige » de la façon suivante : [traduction] « La demande relative à des faits nouveaux est-elle prescrite en vertu du paragraphe 261(1) de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable et du paragraphe 66(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social? » L’avocat du Ministre a ensuite formulé des observations concernant la question du délai. Le 5 novembre 2013, le Tribunal a fait parvenir à l’avocate de la demanderesse une copie des observations de l’intimé.

[19] L’avocate de la demanderesse a déposé des observations le 27 mars 2014 sur la question du délai. Dans une section désignée [traduction] « Présomption de non-interférence avec les droits », l’avocate de la demanderesse a cité des extraits de l’ouvrage intitulé Sullivan on the Construction of Statutes, pages 476 et 478, et a fait valoir que la présomption s’applique aussi au droit d’ester en justice ou d’interjeter appel :

[Traduction]

« Il existe une présomption selon laquelle le législateur n’a pas l’intention d’abolir, de limiter ni d’entraver autrement les droits du sujet. Toute disposition législative visant à restreindre les droits dont jouit le citoyen ou le résident doit être libellée de façon à le faire expressément.

[...] cela s’applique également à la défense, au privilège et à l’immunité. »

[20] J’aurais pu convenir, comme les observations de la demanderesse le laissent généralement entendre, qu’un manquement à un principe de justice naturelle pourrait avoir été commis si une partie se voit refuser la possibilité d’aborder une question essentielle ou n’a pas la possibilité d’y répondre, surtout si la question risque d’entraîner le rejet de la demande. Comme le veut la maxime : une audition équitable suppose que l’intéressé soit informé des allégations formulées contre lui et ait la possibilité d’y répondre. Cependant, cela est bien différent que de dire qu’un décideur se doit d’aviser les parties de la jurisprudence sur laquelle il pourrait s’appuyer et qui pourrait être déterminante quant à l’issue de l’affaire.

[21] Dans l’affaire qui nous occupe, les parties étaient sensibles aux questions soulevées dans la décision Tabingo. Malgré qu’il s’agissait d’un contexte d’immigration, la Cour fédérale y avait traité des principes d’interprétation législative. La Cour fédérale a déclaré que les tribunaux n’interpréteront pas la loi « d’une manière qui retire des droits existants […] ». La demanderesse a, en l’espèce, abordé la question de la présomption de non-interférence avec les droits. On ne peut donc pas dire que la demanderesse ignorait la possibilité que des questions soulevées par Tabingo pourraient faire partie de celles examinées par la division générale, et par conséquent que la demanderesse a été privée de la possibilité d’en aborder la pertinence et son application à la procédure. La demanderesse ne m’a pas convaincue qu’il existe une chance raisonnable de succès relativement à cette question particulière.

b. Allégation relative à une erreur de droit

[22] L’avocate de la demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur de droit en déterminant que la demande d’annulation ou de modification est frappée de prescription. Bien que les observations de l’avocate relatives à la décision Tabingo allèguent qu’il y a eu un manquement aux principes de justice naturelle, certaines des observations pourraient soulever la question de savoir si la division générale a commis une erreur de droit dans la façon dont elle a interprété et appliqué l’article 66 de la Loi.

[23] L’avocate de la demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur dans la façon dont elle a interprété l’article 66 de la Loi, et que son interprétation contrevient, voire est contraire, aux principes du caractère raisonnable, de l’équité et des dispositions de la Loi d’interprétation. L’avocate de la demanderesse soutient que l’interprétation législative doit tenir compte de l’intention du législateur. Elle soutient que la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social et le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale visent l’atteinte d’un objectif connu, qui consiste à simplifier et à accélérer le processus d’appels et non pas à éliminer des appels existants.

[24] La division générale a déclaré que, selon la jurisprudence récente, les dispositions législatives ne doivent pas être interprétées de façon à retirer des droits ou des droits particuliers, sauf intention expresse du législateur. Il semble que la division générale a adopté et suivi cette jurisprudence et qu’elle a conclu que le paragraphe 261(1) de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable est non équivoque et reflète de façon claire l’intention du législateur de considérer les demandes déposées en application du paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada comme ayant été déposées en application de l’article 66 de la Loi. Se fondant sur ce raisonnement, la division générale a conclu que l’intention du législateur était clairement que ces demandes devaient être présentées au plus tard un an après la date où l’appelant avait reçu communication de la décision.

[25] Bien que le paragraphe 261(1) de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable considère clairement les demandes présentées en application du paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada comme ayant été présentées le 1er avril 2013 en application de l’article 66 de la Loi (demandes non tranchées avant le 1er avril 2013), il est cependant moins clair que le paragraphe 261(1) de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable a, expressément et de façon non équivoque, éteint les droits pouvant avoir été acquis en vertu du paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada. Car si la disposition législative l’avait fait, son libellé l’aurait dit clairement, à l’instar de l’article 87.4 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27, contesté dans l’affaire Tabingo. L’article 87.4 indique de façon claire et non équivoque qu’il est mis fin à certains droits. Cette disposition législative est ainsi libellée :

87.4 (1) Il est mis fin à toute demande de visa de résident permanent faite avant le 27 février 2008 au titre de la catégorie réglementaire des travailleurs qualifiés (fédéral) si, au 29 mars 2012, un agent n’a pas statué, conformément aux règlements, quant à la conformité de la demande aux critères de sélection et autres exigences applicables à cette catégorie. (non souligné dans l’original)

[26] En l’espèce, ni la Loi ni la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable n’ont indiqué que des droits particuliers pouvant avoir été acquis en vertu du paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada ont été éteints ou qu’il a été mis fin à ces droits. La division générale ne s’est pas davantage penchée sur l’intention du législateur dans son interprétation du paragraphe 66(2) de la Loi.

[27] L’avocate de la demanderesse s’appuie sur l’ouvrage intitulé Sullivan on the Construction of Statutes, qui souligne qu’à de nombreuses reprises la Cour suprême du Canada a confirmé que les tribunaux peuvent rejeter une interprétation qui engendrerait une absurdité, en faveur d’une autre interprétation qui éviterait l’absurdité :

  1. a) Comme l’écrivait le juge Dickson dans Morgentaler c. La Reine, [1976] 1 RCS 616 au paragraphe 676 :
    • Nous devons donner aux deux articles une interprétation raisonnable et tâcher de les lire d’une façon qui a du sens et non pas d’y voir un non-sens. Nous devons avoir envers le Parlement la courtoisie de ne pas présumer aisément qu’il a édicté des incohérences ou des absurdités.
  2. b) Dans R. c. McIntosh, [1995] 1 RCS 686 au paragraphe 81, la juge McLachlin (tel était alors son titre), s’est exprimée en ces termes dans son avis dissident :
    • Bien que je reconnaisse, à l’instar du Juge en chef, que le législateur peut légiférer de façon illogique s’il le désire, je suis d’avis que les tribunaux ne devraient pas s’empresser de supposer qu’il a eu cette intention.  En l’absence d’une indication claire du contraire, les tribunaux doivent imputer une intention rationnelle au législateur.
  3. c) Comme l’a écrit le juge Gonthier au nom de la majorité dans Ontario c. Canadien Pacifique Ltée, [1995] 2 RCS 1031 au paragraphe 65 :
    • Comme l’on peut présumer que le législateur ne cherche pas à créer par ses lois des résultats injustes ou inéquitables, il faut adopter les interprétations judiciaires qui permettent d’éviter de tels résultats.

[28] Sullivan indique en outre, dans son ouvrage, que dans Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Renvoi), le juge Iacobucci a écrit ce qui suit : « Selon un principe bien établi en matière  d’interprétation législative, le législateur ne peut avoir voulu des conséquences absurdes. »

[29] La division générale n’a pas fait état de l’approche adoptée par la Cour suprême du Canada ni n’a indiqué pourquoi elle préférait suivre Tabingo, une décision de la Cour fédérale.

[30] En fonction des facteurs précédents, la demanderesse m’a convaincue qu’il existe une chance raisonnable de succès que la division générale pourrait avoir commis une erreur de droit en déterminant que la demande était prescrite. Toutefois, pour que je puisse accueillir la demande de permission, la demanderesse doit aussi me convaincre qu’il existe une chance raisonnable de succès sur la question de savoir si la division générale pourrait avoir commis des erreurs de droit ou de fait relativement à la question des « faits nouveaux ». Si la demanderesse n’est pas en mesure de me convaincre que la question des « faits nouveaux » présente une chance raisonnable de succès, cela rendra théorique toute considération au sujet de la question du délai; le cas échéant, je rejetterais la demande de permission.

c. Allégation relative à des erreurs de fait et de droit

[31] L’avocate de la demanderesse soutient que la division générale a commis des erreurs de fait et de droit :

  1. a) en déterminant que la preuve psychiatrique ne constitue pas un fait nouveau et essentiel qui, au moment de l’audience, n’aurait pu être connu malgré l’exercice d’une diligence raisonnable;
  2. b) en ne tirant pas la conclusion que la nouvelle preuve établit que la demanderesse était atteinte d’une invalidité grave et prolongée aux termes de la Loi avant la fin de sa période d’admissibilité, soit au 31 décembre 2001.

[32] L’avocate de la demanderesse soutient que la division générale aurait dû accepter les deux rapports médicaux datés du 8 août 2011 et du 24 décembre 2012 du Dr Thomas Read Thompson comme « faits nouveaux » établissant que la demanderesse était atteinte de trois maladies psychiatriques, qu’elle était inapte à tout travail en raison de la gravité de ses symptômes psychiatriques, et qu’à la date de la fin de sa période minimale d’admissibilité, soit au 31 décembre 2001, le pronostic était sombre. Il semble que les observations de la demanderesse sur la question des « faits nouveaux » sont, pour la plupart, du type que devrait instruire la division générale. En effet, ses observations sur cette question sont les mêmes que celles qui avaient été déposées devant la division générale le 19 août 2013.

[33] Bien que la question des « faits nouveaux » soit l’un des intitulés figurant dans les observations de la demanderesse, nulle part ailleurs est-il précisé quelles erreurs la division générale pourrait avoir commises relativement à cette question. Les observations concernent surtout la question de savoir si la demanderesse satisfait aux exigences relatives à la possibilité de découverte et à la nature substantielle des faits nouveaux, en application du paragraphe 66(1) de la Loi. Comme un demandeur doit aussi répondre aux exigences énoncées au paragraphe 58(1) de la Loi, la demande de permission n’offre pas l’occasion ni ne permet d’examiner la demande sur le fond, ni, en l’espèce, ne permet de réévaluer si les deux rapports médicaux et tout autre document déposé en preuve répondent au critère des « faits nouveaux ». De même, il me m’appartient pas, au stade de la demande de permission, de faire ma propre évaluation et de déterminer si les rapports et tout autre document répondent au critère des « faits nouveaux », pour déterminer si la permission devrait être accordée ou refusée.

[34] Je suis disposée à comprendre des observations de l’avocate de la demanderesse que celle-ci voulait dire que la division générale a, dans son application du critère des « faits nouveaux », commis une erreur d’interprétation de la portée de Procureur général du Canada c. Gordon MacRae, 2008 CAF 82 (CanLII) et Kent c. Canada (Procureur général), 2004 CAF 420 (CanLII). La demanderesse soutient que la division générale aurait dû faire preuve d’une « approche libérale et généreuse lorsqu’on se demande s’il y a eu diligence raisonnable et si les faits nouveaux sont de nature substantielle », tel qu’établi dans MacRae, ainsi que dans Kent au paragraphe 35. Si la division générale a commis une erreur dans son interprétation de la portée de MacRae et Kent, cela pourrait avoir entaché la décision quant à l’issue de la question des « faits nouveaux ».

[35] Je note que la division générale semble avoir traité des caractéristiques psychologiques de la demanderesse aux paragraphes 51 et 52 de sa décision, et qu’elle a établi une distinction entre l’affaire de la demanderesse et les affaires Kent et MacRae. Je note également que la division générale a conclu qu’aucun élément de preuve n’étaye les conclusions du Dr Thompson voulant que les symptômes qu’il a observés en 2010 et sur lesquels il a fondé son diagnostic existaient aussi à la fin de la période minimale d’admissibilité de la demanderesse. Ce fait, en lui-même, semblerait miner toute conclusion que les rapports puissent constituer des « faits nouveaux ». Bien que je sois disposée à accorder la permission aux motifs que la division générale pourrait avoir commis une erreur dans son interprétation et son application de la jurisprudence aux questions relatives aux « faits nouveaux », l’avocate de la demanderesse devra démontrer en quoi la division générale aurait commis une erreur à la lumière de l’analyse qu’elle a faite.

[36] J’invite les parties à me faire part également de leurs observations au sujet du mode d’audience et de l’à-propos du mode d’audience préconisé.

Conclusion

[37] La demande est accueillie.

[38] La présente décision concernant la demande de permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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