Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] La demanderesse demande la permission d’appeler de la décision de la division générale datée du 4 juin 2014 (la « demande de permission »). La division générale a rejeté sa demande de prestations d’invalidité, puisqu’elle a déterminé que l’invalidité n’était ni « grave » ni « prolongée » au sens du Régime de pensions du Canada en date du 31 décembre 2012, date de la fin de sa période minimale d’admissibilité. La demanderesse soutient que la division générale a rendu une décision « sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». Pour qu’il soit fait droit à cette demande, la demanderesse doit démontrer que l’appel a une chance raisonnable de succès ou que la cause est défendable.

Question en litige

[2] Le moyen d’appel soulevé par la demanderesse présente-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[3] Le représentant de la demanderesse (le « représentant ») soutient que la division générale a rendu sa décision sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. La division générale a, en particulier, commis une erreur en concluant que la demanderesse n’avait pas suivi toutes les options de traitement recommandées. De ce fait, la division générale aurait, de l’avis du représentant, commis une erreur en n’appliquant pas l’affaire Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences c. A.B.R. (27 janvier 2009), CP 26100 (Commission d’appel des pensions).

[4] L’intimé n’a déposé aucune observation écrite.

Analyse

[5] Selon les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi »), « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[6] Le paragraphe 58(2) de la Loi porte que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[7] Une demande de permission d’en appeler est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais un obstacle inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond. Cependant, pour pouvoir avoir gain de cause, le demandeur doit établir qu’il existe un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252 (CF). Par ailleurs, dans Canada (Ministre du Développement et des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, la Cour d’appel fédérale a statué que la question de savoir si le défendeur a une cause défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique.

[8] Le paragraphe 58(1) de la Loi énonce que les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) La division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Pour que la demande de permission puisse être accueillie, la demanderesse doit me convaincre que son motif d’appel s’inscrit dans les moyens d’appel prévus et qu’il a une chance raisonnable de succès.

[10] Le représentant soutient que la division générale a rendu une décision sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Il soutient, en particulier, que la division générale a commis une erreur en concluant que la demanderesse n’avait pas suivi toutes les recommandations de traitement, alors que son médecin estimait que ces options n’étaient pas appropriés. Le médecin a confirmé qu’en raison de ses incapacités physiques et mentales, la demanderesse n’était pas capable de retourner sur le marché du travail. Le représentant soutient que, par conséquent, la division générale a commis une erreur en n’appliquant pas la décision Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences c. A.B.R. (27 janvier 2009), CP 26100 (Commission d’appel des pensions). Dans cette décision, la Commission d’appel des pensions a écrit ce qui suit, en ce qui concerne la prétention que le demandeur n’avait pas suivi les recommandations de traitement :

[26] Quant à prétendre qu’il ne tenait pas compte des recommandations de traitement de ses médecins, notamment la recommandation du Dr Leith (selon laquelle l’intimé devrait être évalué dans un centre de douleur chronique), les éléments de preuve démontrent que le Dr White avait déjà envisagé cette solution, mais que celui-ci aurait apparemment décidé de ne pas inviter l’appelant à se rendre à un de ces centres. En tant que médecin de premier recours, il était tenu de diriger l’appelant vers un de ces centres, s’il estimait approprié de le faire. Selon nous, dans ces circonstances, on ne peut pas reprocher à l’intimé de ne pas s’être rendu dans un centre de douleur chronique.

[11] La division générale a conclu que la demanderesse s’était pleinement conformée aux recommandations de traitement et a écrit ce qui suit :

[Traduction]
Bien qu’un certain nombre d’options de traitement pour sa douleur chronique et sa blessure au tendon d’Achille n’a pas été examiné avant [la fin de la période minimale d’admissibilité], le Tribunal est d’avis que [la demanderesse] a suivi les conseils de son médecin.

[…]

Même s’il n’existe pas de documentation concernant la recommandation de son médecin de famille déconseillant une deuxième chirurgie du canal carpien, le Tribunal est d’avis qu’il s’agit d’une conclusion raisonnable étant donné qu’elle avait déjà eu une chirurgie. (sic)

[12] La division générale a conclu que l’invalidité de la demanderesse ne pouvait pas être grave au sens du Régime de pensions du Canada si son médecin de famille ne l’avait pas, avant la date de la fin de sa période minimale d’admissibilité, adressée à des spécialistes (autres qu’à un neurologue et à un physiatre [mentionnés dans les lettres de la demanderesse datées du 3 et du 26 janvier 2012]) ou prescrit pour elle des médicaments pour douleur chronique. La division générale a tiré une conclusion défavorable quant à la gravité de l’invalidité de la demanderesse du fait que le médecin n’avait pas fait ces recommandations. Le représentant soutient que la division générale a commis une erreur à cet égard, puisque le médecin de famille de la demanderesse avait expliqué pourquoi il ne lui avait pas prescrit d’autres médicaments ni ne l’avait adressée à d’autres spécialistes.

[13] Les documents provenant du médecin de famille portés à la connaissance de la division générale étaient les suivants :

  • Rapports cliniques du médecin de famille, dont les notes datées du 7 avril et du 8 décembre 2011. La note clinique du 7 avril 2011 indique que la demanderesse était en attente d’une consultation avec un spécialiste au sujet de sa douleur à l’épaule droite, tandis que celle du 8 décembre 2011 indique qu’elle a essayé différents modes de traitement dont des injections de cortisone. Il n’y avait aucune autre mention de l’attente d’une consultation avec un spécialiste.
  • Le rapport médical du Régime de pensions du Canada indiquant le 7 avril 2011 comme date de la dernière visite chez le médecin. Le médecin donnait comme pronostic qu’une amélioration était peu probable, étant donné que la demanderesse avait une tendinite bilatérale chronique. Il indiquait qu’il allait continuer de la traiter et qu’elle pourrait bénéficier d’une thérapie au laser ou d’une lithotritie, bien que ce ne soit pas couvert par le régime de soins médicaux.
  • Lettre datée du 9 mars 2013, dans laquelle le médecin expliquait que la demanderesse n’avait pas de prescription pour antidouleurs étant donné que sa fonction hépatique faisait l’objet de préoccupations. Le médecin était aussi d’avis qu’un spécialiste ne pourrait pas faire grand chose pour l’aider à traiter ses épaules, en raison du caractère chronique de son état.

[14] Le dossier d’appel devant la division générale renfermait également d’autres documents médicaux, dont un rapport de consultation d’un optométriste, daté du 20 avril 2010, des résultats d’examens de laboratoire et des rapports diagnostiques.

[15] Typiquement, il semblerait raisonnable de la part de la division générale de tirer une conclusion défavorable quant à la gravité de l’invalidité de la demanderesse, compte tenu du fait que son médecin n’a pas jugé bon de lui prescrire d’autres médicaments pour la douleur ni de l’adresser à d’autres professionnels ou spécialistes, mais dans cette affaire le médecin de famille semble avoir abordé ces préoccupations dans sa lettre du 9 mars 2013.

[16] Il n’est pas clair dans quelle mesure la division générale a tenu compte de la lettre du 9 mars 2013. La division générale pourrait n’avoir pas accordé beaucoup de poids à cette lettre du médecin, ou l’avoir écartée, compte tenu du fait que la lettre manque de précisions sur des points importants et qu’un renvoi à un spécialiste semble avoir été fait par le médecin au début d’avril 2011. Dans sa lettre du 9 mars 2013, le médecin n’indique nullement si la demanderesse a été vue par le spécialiste, si elle était toujours en attente d’une consultation ou si le rendez-vous avait été annulé. Le médecin a également écrit qu’un spécialiste ne pourrait offrir une grande aide, mais il n’est pas clair si une aide ou un soulagement quelconque – même dans une mesure limitée – des symptômes de la demanderesse auraient pu survenir. De même, rien dans la lettre n’indique si le médecin a déjà envisagé de recommander à la demanderesse d’autres médicaments pour la douleur, ou encore, de l’adresser à une clinique de traitement de la douleur, à un spécialiste de la douleur chronique, à un physiatre ou autre.

[17] Bien qu’en général, il ne puisse être reproché à une demanderesse qu’elle se soit fiée aux recommandations de son médecin traitant et qu’elle ait suivi ces recommandations, en l’espèce, il semble y avoir eu un renvoi à un spécialiste pour traiter l’épaule droite, comme en fait foi la note du 7 avril 2011 au dossier clinique du médecin de famille. La demanderesse semble également reconnaître qu’il n’était pas déraisonnable de sa part de consulter un physiatre. Elle en fait d’ailleurs état dans ses lettres datées du 3 janvier et du 26 janvier 2012, où elle écrit avoir vu [traduction] « un docteur du sport à l’université de la Colombie-Britannique ».

[18] La demanderesse m’a convaincue que la division générale pourrait avoir rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, à savoir que son invalidité ne pouvait être grave si son médecin de famille n’avait prescrit aucun autre médicament pour la douleur ni ne l’avait renvoyée à d’autres professionnels. Je suis d’avis qu’il pourrait y avoir une cause défendable, et qu’une invalidité pourrait être considérée grave, si l’on pouvait voir que son médecin avait envisagé, puis écarté, la possibilité de prescrire des antidouleurs ou de la renvoyer à des spécialistes, même si d’autres médecins ou opinions médicales courantes pourraient avoir choisi de faire autrement. Je m’attendrais toutefois à ce que les éléments de preuve médicale provenant du médecin soient conséquents à ce sujet.

[19] Les questions que les parties pourraient vouloir aborder comprennent les suivantes :

  1. a) Avons-nous affaire ici à un contrôle en appel ou à un contrôle judiciaire? Quel est le niveau de déférence qui doit être observé par la division d’appel à l’égard de la division générale?
  2. b) Quelle est la norme de contrôle applicable?
  3. c) La division générale a-t-elle rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance? Les parties pourraient vouloir aborder certains des points que j’ai soulevés dans les paragraphes 16 à 18.
  4. d) Le cas échéant, et si le critère de la norme correcte s’applique, quelle décision la division générale aurait-elle dû rendre? Si le critère de la décision raisonnable est ce qui s’applique, la décision de la division générale est-elle justifiée, transparente, intelligible et sa finalité participe-t-elle à une des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit?
  5. e) S’agit-il d’un appel devenu théorique, à la lumière du fait que la division générale s’est aussi fondée sur d’autres motifs pour conclure que l’invalidité de la demanderesse ne pouvait être caractérisée de grave, d’une part, et que la division générale a aussi conclu que l’invalidité de la demanderesse n’était pas prolongée au sens du Régime de pensions du Canada?
  6. f) Si la division générale a commis une erreur et a rendu une décision jugée déraisonnable, quelle mesure de redressement, s’il y a lieu, est appropriée?

[20] J’invite les parties à formuler également des observations au sujet du mode d’audience et de justifier leur choix à cet égard.

Conclusion

[21] La demande de permission est accueillie.

[22] La présente décision sur la demande de permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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