Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Comparutions

  1. Appelante : K. W.
  2. Représentant de l’appelante : Lawrence Hatfield
  3. Observatrice : Tammy Praass, parajuriste

Décision

[1] Le Tribunal conclut qu’une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) n’est pas payable à l’appelante.

Introduction

[2] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité du RPC de l’appelante le 14 mars 2011. L’intimé a rejeté la demande initiale et la demande de réexamen, et l’appelante a interjeté appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR).

[3] L’audience d’appel a eu lieu en personne pour les raisons indiquées dans l’avis d’audience daté du 26 août 2014.

[4] À l’audience, le représentant de l’appelante a demandé que trois nouveaux documents soient admis : la décision du Tribunal de l’aide sociale (TAS), datée du 10 juillet 2012, portant sur la demande de prestations de l’appelante dans le cadre du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH); la réévaluation médico‑légale du Dr Dinesh Kimbhare, physiatre, datée du 19 mars 2014; le rapport psychologique médico‑légal de Mme Denise Milovan et de Mme Diana Velikonja, psychologues, daté du 31 mars 2014. Le Tribunal a demandé à l’intimé de présenter des observations pour savoir s’il estimait que ces documents devaient être admis en preuve, mais n’a reçu aucune réponse. Le Tribunal note que le représentant de l’appelante disposait de ces documents bien avant l’expiration de la période de dépôt le 14 octobre 2014. Le représentant a expliqué que les documents n’avaient pas été fournis au Tribunal par erreur. Toutefois, comme ils peuvent être pertinents pour la question que doit trancher le Tribunal et qu’ils paraissent crédibles, le Tribunal a décidé de les admettre.

Droit applicable

[5] L’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012 prévoit que tout appel interjeté au BCTR avant le 1er avril 2013, qui n’a pas été instruit par ce dernier, est réputé avoir été interjeté à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[6] L’alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne touche pas de pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[7] Le calcul de la PMA est important parce qu’une personne doit avoir établi qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de sa PMA ou avant cette date.

[8] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada, pour être considérée comme invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée être atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[9] Le litige ne concerne pas la PMA, car les parties conviennent que la date de fin de la PMA est le 31 décembre 2011, ce qu’a également conclu le Tribunal.

[10] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer s’il est plus probable qu’improbable que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de la PMA ou avant cette date.

Preuve

[11] L’appelante est âgée de 30 ans. Après une 12e année et un diplôme en administration de cabinet médical (2005), elle a travaillé principalement dans des cabinets médicaux. Selon son Questionnaire, elle a reçu des prestations régulières d’assurance-emploi (AE) de mars à la fin de novembre 2008Footnote 1 et au moment de son accident de la route, le 24 février 2010, elle avait travaillé environ un mois pour un cabinet médical (GT1‑70, 71). Selon son Questionnaire, le principal problème de santé de l’appelante est la douleur chronique.

[12] Outre son emploi principal comme administratrice de cabinet médical, l’appelante a travaillé à temps partiel comme nettoyeuse d’avril 2005 à mars 2008 (entreprise), de juin 2006 à juillet 2007 (résidentiel) et comme toiletteuse pour chiens de septembre 2009 à janvier 2010. De plus, elle a travaillé en administration générale dans un centre d’apprentissage du 1er décembre 2009 au 22 janvier 2010 à raison de 25 heures par semaines (GT1‑72). Elle a déclaré que, dans le cadre de son emploi en administration médicale, elle avait travaillé dix heures par jour en janvier et en février 2010 et trois à quatre heures par jour comme toiletteuse pour chiens les samedis ou les dimanches.

[13] L’appelante a eu des antécédents de troubles dorsaux avant son accident. Lorsqu’elle était enfant, elle a souffert de scoliose congénitale dans la partie supérieure de la colonne vertébrale, qui a nécessité des arthrodèses. Elle a également eu une malformation de Chiari de type I (une anomalie structurelle du cerveau), qui a nécessité une décompression chirurgicale lorsqu’elle avait huit ans. De plus, elle a eu une réaction post‑allergique à certains éléments utilisés pour son opération au dos qui ont dû être enlevés. Malgré cela, l’appelante allait bien avant son accident de la route (GT1‑63).

[14] L’accident s’est produit lorsque le côté passager de la voiture que l’appelante conduisait a été heurté par un camion. Le côté gauche de son corps a heurté le côté de la voiture, mais elle ne s’est pas cogné la tête, n’a pas perdu conscience et a pu sortir de la voiture. Elle a été conduite à l’hôpital, où des radiographies n’ont révélé aucune fracture (GT1‑38).

[15] À l’audience, l’appelante a déclaré que sa douleur avait empiré au fil du temps, causant une névralgie, de la faiblesse et un manque d’énergie. Elle a poursuivi en disant qu’elle avait une compression dans la région lombaire, qui était pire pendant un an ou deux, ainsi que des maux de tête, qui s’étaient résorbés un an ou deux après l’accident. Elle a encore des maux de tête à l’occasion, mais le problème est beaucoup moins grave qu’il l’était immédiatement après l’accident.

[16] L’appelante a déclaré que quelques mois après l’accident, elle avait tenté de retourner travailler comme toiletteuse de chiens, mais qu’elle était incapable de laver les animaux en raison d’une douleur à la hanche ou de faire des tâches administratives parce qu’il lui était trop difficile de s’asseoir à une table.

[17] Le premier rapport médical à la suite de l’accident figurant dans le dossier de l’appelante est celui de la Dre Rose Giammarco, une neurologue qui l’a examinée le 20 avril 2010. Le médecin a noté qu’elle ressentait de la douleur dans les muscles du cou, mais qu’elle avait une pleine amplitude de mouvement au niveau du cou. Elle estimait que les maux de tête de l’appelante étaient d’origine vasculaire. L’appelante a essayé la massothérapie et la neurostimulation transcutanée (électrostimulation des fibres nerveuses) jusqu’à ce que sa couverture d’assurance prenne fin. Le médecin lui a prescrit de l’Amitriptyline et l’a encouragée à faire de la massothérapie (GT1‑67).

[18] Vladimir Kulikov, M.A., un psychothérapeute agissant sous la supervision d’un associé en psychologie, a indiqué dans un rapport daté du 25 mai 2010 que l’appelante souffrait d’un trouble anxieux et d’une dépression graves, ainsi que d’un trouble de stress post-traumatique et d’une phobie spécifique, situationnelle (liée à la conduite). Il a recommandé douze séances de psychothérapie cognitive (GT3‑61). L’appelante a déclaré qu’elle avait vu M. Kulikov pendant 12 séances de counselling.

[19] Un examen d’imagerie par résonance magnétique (IRM) de la colonne cervicale et du cerveau de l’appelante effectué en juillet 2010 montrait que son cerveau était normal. Il y avait une petite syrinx dans la colonne cervicale. Le rapport d’IRM indiquait également la présence d’une scoliose gauche convexe de la colonne cervicale (GT1‑68).

[20] L’appelante a vu la Dre Giammarco à nouveau en août 2010, se plaignant d’engourdissements dans les bras, de maux de tête et de douleurs au cou. La Dre Giammarco a constaté des signes d’irritation des nerfs dans le coude de l’appelante. L’Amitriptyline n’était pas efficace, et l’appelante n’avait pas d’argent pour d’autres médicaments. Le médecin lui a prescrit du Topamax (pour prévenir les migraines) et l’a aiguillée vers la massothérapie (GT1-70).

[21] L’appelante a rempli un questionnaire en mars 2011, dans lequel elle a indiqué qu’elle ressentait une douleur lombaire aiguë, ainsi qu’une douleur à la hanche et une douleur chronique. Elle avait aussi des maux de tête, une faiblesse extrême à la main droite, une douleur au poignet et une douleur constante au cou dans la partie supérieure de l’épaule gauche. Elle ne pouvait pas effectuer de tâches répétitives comme soulever des objets, se pencher ou marcher. La position debout constituait un problème, mais la position assise n’en était pas un selon la position. Elle éprouvait des problèmes de mémoire à court terme et de la difficulté à se concentrer. Elle ne faisait plus les activités qu’elle aimait faire avant l’accident. Elle avait vu un chiropraticien, avait suivi des séances de counselling jusqu’à ce que ses prestations prennent fin, avait fait de la massothérapie et des exercices à la maison. Elle prenait de trois à six Tylenol no 3 par semaine.

[22] Le médecin de famille de l’appelante, le Dr Paul Andrus, a fourni un rapport médical, reçu le 14 mars 2011, dans lequel il était indiqué que l’appelante avait eu un syndrome de douleur myofaciale après son accident de la route, un coup de fouet cervical de niveau III et une humeur dépressive secondaire associée à un trouble d’adaptation sociale. Comme signes physiques, il a constaté une faiblesse à la main et au bras du côté droit avec une diminution de l’amplitude de mouvement. Ces difficultés étaient sérieusement aggravées par tout effort physique soutenu. Il a noté que même une position assise prolongée empirait sa douleur au cou, mais que cela était supportable si une utilisation répétitive de son dos, de son cou et de ses membres supérieurs était évitée. Comme médicaments elle prenait notamment un antidépresseur et du Tylenol no 3, au besoin. Le Dr Andrus a indiqué qu’un traitement chirurgical ou physique n’était pas approprié pour son état. Il estimait toutefois qu’avec une formation appropriée, elle pourrait effectuer un travail sédentaire (GT1‑63‑6). Aucun dossier ni aucune note clinique du médecin de famille de l’appelante n’ont été fournis au Tribunal.

[23] L’appelante a vu la Dre Giammarco à nouveau le 20 avril 2011 et s’est plainte [traduction] « d’une douleur à l’activité, mais sans aucune douleur du côté gauche de la tête ». L’appelante a signalé que ses maux de tête s’étaient aggravés. Elle n’avait pas pris le Topamax ni la crème topique pour le cou que la Dre Giammarco lui avait recommandés. Elle avait arrêté la massothérapie parce que son assurance ne la remboursait plus (GT1‑57).

[24] L’appelante s’inquiétait de sa syrinx et a consulté le Dr Kesava Reddy, un chirurgien neurologue, en juillet 2011. Il lui a dit que cette chirurgie serait dangereuse pour elle (GT1‑3‑65). Une IRM de sa colonne vertébrale effectuée quelques jours plus tard montrait qu’il n’y avait eu aucun changement notable dans la syrinx depuis juillet 2010 (GT1‑49).

[25] Le 15 août 2011, le Dr Dines Kumbhare, physiatre, a mentionné dans un rapport préparé pour le représentant de l’appelante aux fins du litige que l’appelante avait probablement subi des lésions des tissus mous au niveau de la colonne vertébrale et du cou lors de l’accident de la route, ce qui avait aggravé sa scoliose. En examinant sa douleur lombaire et cervicale, il a constaté une réduction de l’amplitude de mouvement dans toutes les directions. Son examen neurologique indiquait de possibles manifestations cliniques de radiculopathie (douleur aux racines nerveuses) ou de myélopathie (inflammation). Le Dr Kumbhare était d’avis que la douleur à la hanche de l’appelante était aussi attribuable aux lésions des tissus mous, mais a noté qu’elle avait une pleine amplitude de mouvement dans toutes les directions. Il estimait que ses maux de tête découlaient probablement de ses problèmes au cou. Le médecin a également analysé l’état émotionnel de l’appelante sous la rubrique « Dépression », notant qu’elle avait dit en souffrir depuis l’accident : elle ne pouvait pas faire [traduction] « ce qu’elle comptait faire dans la vie… elle a dit éprouver des problèmes conjugaux et financiers ». Il a recommandé un programme de traitement de la douleur chronique, un programme de physiothérapie/d’exercices en gymnase et une psychothérapie (GT3‑73ff).

[26] Le Dr Kumbhare a analysé la douleur chronique de l’appelante. Il a noté qu’une douleur qui ne cessait pas six mois après un accident était une douleur chronique pouvant être associée à des facteurs psychologiques. Il estimait que l’appelante souffrait probablement aussi d’une [traduction] « sensibilisation centrale », c’est‑à‑dire qu’il se produit des changements dans le système nerveux central lorsque la douleur persiste au‑delà de la période normale de guérison (GT3‑85).

[27] Le Dr Kumbhare a conclu par quelques observations sur l’espérance de vie professionnelle de l’appelante par rapport à ses problèmes médicaux :

[Traduction]
La perte fonctionnelle [de l’appelante] aura certainement une incidence sur son espérance de vie professionnelle. Je m’attends à ce que cette diminution de l’espérance de vie professionnelle soit modeste, en particulier si elle augmente sa force musculaire et continue à recevoir des soins de soutien périodiques. Cette opinion est fondée sur la croyance qu’il y a une certaine perte de réserve fonctionnelle et qu’elle pourrait subir une autre blessure en raison des changements dégénératifs secondaires qui surviennent avec l’âge et de sa scoliose préexistante. C’est la raison pour laquelle je crois qu’il pourrait y avoir une réduction de l’espérance de vie professionnelle. Une détresse psychologique pourrait aussi avoir des effets sur sa capacité d’obtenir et de conserver un emploi dans un milieu compétitif. (GT3-86-7)

Le Dr Kumbhare a ensuite indiqué que les blessures physiques que l’appelante a subies dans l’accident [traduction] « ont entraîné une douleur chronique et une détresse psychologique ». Il a noté que les blessures avaient causé une douleur chronique et entravé sa capacité de travailler, d’accomplir des tâches ménagères et de pratiquer des activités récréatives. Il a conclu que, compte tenu des conditions physiques et émotionnelles de l’appelante, le pronostic d’un rétablissement complet était réservé et que ses [traduction] « symptômes peuvent être considérés comme permanents ». (GT3‑87).

[28] En septembre 2011, l’appelante s’est rendue à la clinique de neurologie-physiatrie combinée au St. Joseph’s Healthcare à Hamilton. Les docteurs Michel Rathbone et Dinesh Kumbhare ont préparé un rapport pour son médecin de famille. Ils ont noté qu’elle avait eu une prescription pour de la marihuana à des fins médicales, qui l’avait aidée à se détendre même si cela n’avait pas atténué sa douleur. Les principaux problèmes qu’ils ont relevés, hormis les anomalies préexistantes de sa colonne et un rythme cardiaque irrégulier, se situaient dans son cou et sa colonne lombaire : des lésions radiculaires en C8/T1 et en L5/S1, [traduction] « sans dénervation aiguë ou persistante ». Ils ont conseillé de ne pas la faire retourner au travail [traduction] « à ce stade‑ci » (GT1-40).

[29] L’appelante a subi une IRM de la colonne cervicale et thoracique en octobre 2011, qui n’indiquait aucun changement dans sa syrinx (GT1‑46). Une IRM de sa colonne lombaire effectuée le 23 octobre 2011 montrait qu’elle était normale à part une scoliose moyennement grave (GT1‑42). Une autre IRM de la syrinx réalisée en janvier 2012 n’indiquait aucun changement (GT3‑33).

[30] En janvier 2012, l’appelante a commencé un programme de certificat de webmestre donné par un collège communautaire. Elle a déclaré à l’audience qu’elle avait terminé ce cours, même s’il lui avait fallu deux ans plutôt que les huit mois habituels pour le faire et qu’elle avait eu besoin de mesures d’adaptation compte tenu de son état de santé.

[31] La décision du TAS portant sur la demande de l’appelante au POSPH a été rendue le 27 juin 2012. Les critères pour recevoir des prestations d’invalidité provinciales sont différents de ceux du RPC, de sorte que la décision du TAS, selon laquelle les déficiences de l’appelante étaient [traduction] « continues ou récurrentes et devraient durer un an ou plus », n’est pas déterminante pour la question que le Tribunal doit trancher. Des extraits de la décision du TAS tirés du rapport sur l’état de santé d’avril 2011 du Dr A. (vraisemblablement du Dr Andrus, le médecin de famille de l’appelante) indiquent ceci : l’appelante avait [traduction] « une pathologie rachidienne structurelle avant l’accident de la route de février 2010, bien qu’un grave traumatisme cervical ait fait qu’une prédisposition à sa colonne vertébrale a profondément limité les activités de la vie quotidienne et le travail en général ». Le Dr A. a en outre indiqué que l’appelante [traduction] « souffre des effets cumulatifs des multiples pathologies rachidiennes qui ont abouti au niveau de l’invalidité totale en raison d’un coup fouet cervical subi lors d’un accident de la route il y a un an ». Dans l’échelle des activités de la vie quotidienne, le Dr A. a indiqué sept éléments au niveau de la catégorie quatre – des limitations graves ou totales, y compris la capacité de s’asseoir pendant une période prolongée. Le médecin a également dit [traduction] « qu’aucune option d’emploi viable raisonnable ne s’offre à elle compte tenu du degré d’affection neurologique ainsi que de sa formation et de son expérience » (GT6-54 ff).

[32] Le dossier de l’appelante contient un long rapportFootnote 2 du 17 décembre 2012 rédigé par Maria Ross, une ergothérapeute (le rapport Ross) (GT3‑8ff). Ce document résume plusieurs examens antérieurs effectués par divers professionnels de la santé au sujet de l’appelante. Il y avait notamment deux examens de l’assureur – un rapport d’évaluation orthopédique du 31 août 2010 et une évaluation psychologique du Dr Marc Mandel, psychologue, du 17 septembre 2010; les deux examens ont conclu qu’elle n’avait aucune limitation l’empêchant de retourner au travail. L’évaluation psychologique mentionnait [traduction] « la possibilité d’une amplification des symptômes et d’un manque d’efforts de sa part »Footnote 3. Le rapport Ross contenait aussi des résumés de deux rapports d’évaluation des capacités fonctionnelles fournis par des chiropraticiens au centre de mieux‑être local. Le premier, daté du 7 décembre 2010, indiquait que l’appelante était capable de soulever et de pousser/tirer des objets lorsque ces mouvements exigeaient peu physiquement et démontrait une tolérance intermédiaire à la marche. Il recommandait un programme d’exercices et de conditionnement. Le deuxième, daté du 27 mai 2011, suggérait de poursuivre un traitement pour l’aider à accroître sa force et son amplitude de mouvement. Il indiquait que son pronostic global était peu prometteur (GT3‑11).

[33] Le rapport Ross établissait également que, dans le cadre d’un placement professionnel, l’appelante [traduction] « n’avait pas démontré la capacité de faire une journée complète et que sa productivité globale ne répondait pas aux attentes d’un milieu de travail compétitif ». Il signalait que ses indices de dépression se situaient au‑dessus de la moyenne des patients souffrant de douleurs et qu’elle avait reçu deux recommandations pour subir des évaluations psychologiques, mais qu’on avait refusé  d’en débourser les frais. Il est noté qu’à ce moment‑là, l’appelante prenait notamment comme médicaments du Percocet, du Nebulin (marihuana synthétique) et de la marihuana à des fins médicales. Le rapport Ross recommandait des services de soutien psychologique, le suivi d’un programme de gestion de la douleur chronique et une investigation plus poussée de sa douleur au cou.

[34] L’appelante a essayé différents médicaments depuis son accident. Elle a déclaré à l’audience que le seul médicament qu’elle prend actuellement est le Percocet. Elle trouvait que le Nebulin et la marihuana ainsi qu’un certain nombre d’autres médicaments n’étaient pas efficaces.

[35] À l’audience, l’appelante a parlé des traitements qu’elle avait suivis. Elle a fait de la physiothérapie et de la massothérapie jusqu’à ce que ses prestations prennent fin. Elle a dit que la physiothérapie aggravait néanmoins sa névralgie. Elle a tenté de se faire admettre à la clinique de traitement de la douleur du Dr Ennis, mais a été incapable d’obtenir de l’argent de sources privées à cette fin. Elle a essayé l’acupuncture et des injections de stéroïdes à la hanche. En plus du counselling avec Mr Kulikov, elle a fréquenté un [traduction] « groupe de soutien pour la douleur chronique » deux fois par semaine pendant quelques mois. Elle a trouvé les programmes d’exercices en gymnase trop exigeants pour elle. Elle a fait de légers exercices d’étirement chez elle.

[36] Le rapport de réévaluation médico‑légale du Dr Kumbhare daté du 19 mars 2014 mettait à jour son rapport d’août 2011. Il a écrit qu’il avait traité l’appelante de septembre 2011 à décembre 2012, qu’il y avait eu des changements dans les médicaments ainsi que des injections de corticostéroïdes; les injections n’auraient vraisemblablement apporté aucun bénéfice. De l’acupuncture avec un autre médecin s’était révélée tout aussi inefficace. Sur une échelle de 1 à 10, 10 étant la douleur la plus intense, l’appelante a évalué sa douleur lombaire et cervicale à 10/10 et sa douleur à la hanche à 8/10. Ses maux de tête se manifestaient par une douleur aiguë quelques fois par semaine, et elle évaluait la douleur à 8/10. Elle disait également souffrir de névralgies. Elle a dit qu’elle avait tenté de faire [traduction] « quelques légers exercices d’étirement chez elle ». Le Dr Kumbhare a noté que l’appelante prenait six Percocet par jour tandis qu’en 2011 elle n’en prenait qu’un demi‑­comprimé par jour (GT6‑11).

[37] Le Dr Kumbhare a fait référence à un examen neurologique pour la défense daté du 13 mars 2013, qui indiquait que [traduction] « comme il n’y a pas de déficiences, celles‑ci ne limitent pas la capacité [de l’appelante] d’occuper quelque emploi que ce soit qui correspondrait dans une mesure raisonnable à son niveau d’instruction, de formation ou d’expérience ». Le Dr Kumbhare était toutefois d’avis que l’appelante avait [traduction] « développé une douleur chronique et une névralgie plus récente » et qu’elle est par conséquent [traduction] « limitée quant à sa capacité d’occuper quelque emploi que ce soit » (GT6‑26). Comme il n’était pas fait mention de la névralgie dans son rapport d’août 2011, il semble que cette affection se soit développée après la PMA de l’appelante et n’est donc pas un élément pertinent pour la question que doit trancher le Tribunal.

[38] Le Dr Kumbhare a aussi fait référence à un examen de physiatrie et de réadaptation pour la défense daté du 17 avril 2013, qui indiquait que [traduction] « rien ne prouve l’existence de toute déficience physique permanente attribuable à une lésion des tissus mous qui aurait pu survenir » lors de l’accident de voiture de l’appelante  et qui pourrait servir d’obstacle à son retour au travail. Le Dr Kumbhare convenait que les lésions des tissus mous de l’appelante étaient [traduction] « guéries depuis longtemps », mais estimait qu’elle avait développé ensuite une douleur chronique [traduction] « qui a engendré une déficience importante et des tolérances fonctionnelles réduites ». (GT6‑58).

[39] L’évaluation psychologique de Mme Denise Milovan et de Mme Diana Velikonja, datant de mars 2014, traite de l’état psychologique de l’appelante au moment de la rédaction du rapport et est donc peu pertinente quant à la question de savoir si elle était atteinte d’une invalidité grave au moment où sa PMA a pris fin en décembre 2011.

[40] À l’audience, l’appelante a déclaré qu’on lui avait accordé une pension d’invalidité provinciale à la mi‑année 2012. Par la suite, en janvier 2014, elle a commencé à travailler à temps partiel dans un centre d’appel, pour des périodes de trois heures à raison de deux soirs par semaine. Elle a quitté cet emploi en mars 2014 pour un poste en maintenance des sites Web d’une entreprise locale dans les locaux de l’entreprise. Elle devait travailler 40 heures par semaine, mais elle s’absentait parfois pendant deux ou trois jours parce qu’il lui était très douloureux de passer tout ce temps en position assise. Elle a dit que l’emploi était ingérable même avec la dose maximale de médicaments que son médecin acceptait de lui prescrire. Elle a quitté l’emploi, pour lequel elle était payée 14.10 $ l’heure, en octobre 2014; elle n’était pas certaine du montant des gains obtenus entre mars et octobre 2014, mais croyait que cela tournait autour de 10 000 $. Elle reçoit actuellement des prestations d’invalidité de l’assurance-emploi de 306 $ par semaine et n’a aucun plan actif de retour au travail.

[41] L’appelante a témoigné à propos de son état de santé et de ses capacités fonctionnelles actuels. Elle a dit que le côté gauche de son cou est douloureux et qu’il lui est difficile de garder la tête droite après s’être assise ou s’être levée. Elle ressent des douleurs intenses dans la colonne vertébrale et une compression dans le bas de la colonne vertébrale. Elle souffre de névralgie, ainsi que d’un engourdissement et de fourmillements dans les mains. Elle a une sensation de brûlure intense et intermittente dans les épaules et les hanches. Elle n’a pas d’énergie. Pour apaiser la douleur, elle prend 5 mg de Percocet six fois par jour. Sur une échelle de 1 à 10, où 1 est le moins douloureux et 10 le plus douloureux, l’appelante a dit que sans médicament, sa douleur était de 12/10. Lorsque le Percocet est efficace, ce qui n’est pas toujours le cas, la douleur est de 5/10. Elle a signalé que c’est grâce au Percocet qu’elle peut fonctionner. Elle n’a fait aucune mention de dépression, et rien n’indique non plus qu’elle reçoit actuellement des médicaments pour cette affection. Il n’est pas prévu qu’elle consulte des spécialistes.

[42] L’appelante a déclaré qu’elle peut effectuer les activités de base de la vie quotidienne, comme prendre sa douche et se faire un sandwich sans aide. Son époux accomplit la plupart des tâches ménagères et elle a aussi de l’aide de sa mère et de sa sœur. Un voisin s’occupe du déneigement. Elle utilise l’ordinateur pour payer les factures, mais guère plus. Elle se rend au supermarché peut‑être deux fois par mois pour acheter de petits articles et chez une amie pour prendre un café pendant une demi-heure de temps à autre.

Observations

[43] Le représentant de l’appelante a fait valoir qu’elle avait eu une vie difficile et de nombreux obstacles physiques à surmonter. Il a dit qu’avant l’accident, l’appelante envisageait sa vie de manière optimiste et qu’elle avait une affection grave même avant sa blessure de 2010. Cette affection a été exacerbée par son accident de voiture en février 2010, qui a entraîné d’autres affections comme de violents maux de tête ainsi que de fortes douleurs au cou, à l’épaule et au dos. Son état n’a pas beaucoup changé depuis 2011, à l’exception de ses maux de tête qui se sont atténués. Pour ce qui est de rétablir sa santé après l’accident, l’appelante a fait tout ce que ses fournisseurs de soins de santé lui avaient indiqué. Son premier choix aurait été une vie professionnelle productive. Elle est retournée au travail après avoir reçu la pension d’invalidité provinciale. Elle a tenté de trouver un emploi qui tenait compte de ses limitations, en tant que webmestre, mais n’a pas été capable de le garder. Elle soutient qu’elle a épuisé toutes les possibilités.

[44] L’intimé a expliqué sa décision datée du 28 mai 2013 (GT2), en faisant valoir que l’invalidité de l’appelante ne répondait pas au critère d’une invalidité grave et prolongée pour les raisons suivantes :

  1. a) à la suite de son accident en février 2010, les tests de diagnostic n’ont relevé aucune gravité, et la chirurgie n’était pas recommandée;
  2. b) l’appelante ne semble pas avoir besoin d’un traitement continu de la part de spécialistes;
  3. c) elle ne semble pas avoir épuisé toutes les modalités de traitement;
  4. d) compte tenu de son âge et de sa formation, il n’est pas possible de conclure qu’elle est incapable d’occuper quelque emploi que ce soit.

[45] Dans un addenda à ces observations daté du 2 juin 2014, l’intimé a soutenu que les documents soumis n’étayaient pas la conclusion que l’appelante était incapable d’occuper quelque emploi que ce soit pour les raisons suivantes :

  1. a) une évaluation médico-légale indiquait qu’elle était productive pendant trois heures et demie par quart;
  2. b) l’évaluation de décembre 2012 indiquait que l’appelante prenait de la marihuana synthétique, de la marihuana à des fins médicales et du Percocet. Il n’y avait aucun rapport au dossier faisant mention de l’utilisation de la marihuana à des fins médicales ni de rapports sur les effets cumulatifs de l’utilisation de narcotiques combinée aux deux types de marihuana;
  3. c) elle a pu suivre quatre cours d’un certificat à titre de webmestre durant l’année 2012 avant de faire part de difficultés en décembre de cette année, ce qui prouve qu’elle avait la capacité de travailler (GT‑5).

Analyse

[46] L’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2011.

Caractère grave

[47] Le Tribunal n’est pas convaincu que l’invalidité de l’appelante était grave au moment où sa PMA a pris fin.

[48] Les questions secondaires dans le présent appel consistent à savoir si l’appelante avait besoin d’être traitée par un spécialiste, si elle a suivi les recommandations de traitement et quelle est la nature de sa médication. La position de l’intimé voulant que l’appelante n’ait pas besoin [traduction] « de soins continus et réguliers de la part de spécialistes » n’est pas soutenue par l’information au dossier. Le Dr Kumbhare lui a recommandé de suivre un traitement à une clinique de traitement de la douleur. L’appelante a toutefois expliqué qu’elle avait été incapable de trouver l’argent pour le faire. En outre, elle n’avait pas les moyens d’assumer les coûts d’une évaluation psychologique qui avait été recommandée et, de ce fait, était incapable de défrayer les coûts de la psychothérapie recommandée par le Dr Kumbhare. Elle a toutefois été traitée par le Dr Kumbhare pendant plus d’un an après septembre 2011.

[49] Pour ce qui est d’un appelant qui suit l’avis de ses médecins, il est dit dans Bulger c. MDRH (18 mai 2000), CP 9164 (CAP), une décision qui ne lie pas ce Tribunal, que les personnes qui demandent une pension d’invalidité doivent suivre les recommandations de traitement ou fournir une explication satisfaisante pour ne pas les avoir suivies. L’appelante ne semble pas avoir suivi toutes les recommandations de traitement, en particulier la suggestion de plus d’un spécialiste de faire de la physiothérapie et de se renforcer par l’exercice. Elle a déclaré à l’audience qu’elle avait essayé la physiothérapie, mais que cela avait aggravé sa névralgie. Elle a dit qu’elle trouvait les exercices trop difficiles, mais qu’elle faisait de légers exercices d’étirement. L’omission de l’appelante de suivre un programme d’exercices de renforcement est préoccupante, mais pas déterminante en ce qui concerne les questions à trancher dans le présent appel.

[50] Quant à la médication de l’appelante, il n’est pas clair, comme l’a soutenu l’intimé, que l’absence de rapports sur l’utilisation de la marihuana à des fins médicales ou les effets cumulatifs de sa consommation de marihuana combinée à celle de narcotiques un an après la fin de sa PMA présente un intérêt pour la question de la gravité de son invalidité en décembre 2011. Le Tribunal note cependant qu’en 2011 elle prenait un demi‑comprimé de Percocet par jour, alors qu’elle prenait douze fois cette quantité en 2014. Cela laisse supposer que son invalidité était peut‑être considérablement plus grave en mars 2014 qu’au moment où sa PMA a pris fin.

[51] La question plus importante dans cet appel est celle de la preuve : les problèmes de crédibilité, les lacunes parmi les renseignements disponibles et les éléments de preuve d’aucune utilité. Il y a aussi la question des récents antécédents de travail de l’appelante.

[52] L’appelante n’a pas été entièrement crédible relativement à la question de son état de santé. Elle a dit que sa douleur avait progressivement empiré après l’accident, mais a aussi indiqué que ses maux de tête et la sensation de compression dans la région lombaire s’étaient considérablement atténués après un ou deux ans. En outre, sa description de son niveau de douleur à 12/10 sans médicament n’était pas convaincante, en plus d’être différente de celle qu’elle avait faite au Dr Kumbhare en mars 2014.

[53] Le Tribunal estime que le rapport Ross, rédigé presque un an après la fin de la PMA de l’appelante, n’est d’aucune utilité pour déterminer si son invalidité était grave en décembre 2011. De plus, le psychothérapeute qui avait diagnostiqué en 2010 que l’appelante souffrait d’une grave dépression et d’autres affections, sous la supervision d’un associé en psychologie, n’était pas qualifié comme psychologue ou psychiatre, et le Tribunal a accordé peu de poids à son rapport. Par ailleurs, les rapports médicaux de la Dre Giammarco n’étaient guère utiles pour déterminer la gravité de l’invalidité de l’appelante à la fin de sa PMA; à part un constat sur l’irritation des nerfs dans le coude de l’appelante, ils consistaient principalement en des répétitions des propres déclarations de l’appelante.

[54] Les éléments de preuve fournis par le médecin de famille de l’appelante, le Dr Andrus, sont contradictoires. Le rapport qu’il a soumis aux autorités du POSPH n’a pas été présenté au Tribunal, mais on en a reproduit des extraits ou on y a fait référence dans la décision du TAS, et rien ne laisse croire que la décision présentait de manière inexacte les renseignements fournis par le Dr Andrus. Son rapport médical de mars 2011 contenait son opinion selon laquelle l’appelante était capable, en se recyclant, de faire un travail sédentaire. Son rapport médical du mois suivant fourni aux autorités du POSPH parlait toutefois de son état comme d’une [traduction] « invalidité totale » et mentionnait « qu’aucune option d’emploi viable raisonnable ne s’offre à elle ». Aucune information au dossier ne signale qu’il y a eu des changements dans l’état de l’appelante entre‑temps. En outre, bien que l’appelante ait mentionné dans son questionnaire, en mars 2011, qu’être en position assise ne constituait pas un problème selon la position adoptée, le Dr Andrus a indiqué, en avril 2011, qu’elle avait des limitations graves ou totales lorsqu’elle devait s’asseoir pendant une période prolongée. Par conséquent, le Tribunal estime qu’il ne peut se fier aux éléments de preuve fournis par le médecin.

[55] Il y a d’autres lacunes dans les éléments de preuve présentés au Tribunal. L’appelante a signalé à plusieurs professionnels de la santé qu’elle souffrait de douleurs au cou et au dos, de maux de tête et de dépression. Elle a mentionné la dépression à plusieurs professionnels de la santé, mais pas dans son questionnaire de mars 2011 ni à l’audience. Selon son médecin de famille, elle prenait des médicaments pour ce problème en 2011, mais ce n’était plus le cas au moment de l’audience lorsqu’elle a déclaré qu’elle prenait uniquement du Percocet.

[56] En ce qui concerne sa santé physique, l’appelante a eu de nombreuses IRM en 2010 et en 2011, mais aucune n’a relevé d’atteintes vérifiables en dehors des affections qui dataient d’avant l’accident. Comme l’intimé l’a souligné [traduction] « les tests de diagnostic n’ont relevé aucune gravité, et la chirurgie n’était pas recommandée ». En août 2011, le Dr Kumbhare a constaté qu’elle avait une pleine amplitude de mouvement au niveau des hanches et une amplitude de mouvement un peu réduite au niveau du cou. Il a conclu qu’elle avait des lésions des tissus mois et une douleur chronique. Aucun de ces problèmes n’était mentionné dans le rapport qu’il a corédigé pour son médecin de famille un mois plus tard. En mars 2014, le Dr Kumbhare a indiqué que ses lésions des tissus mous étaient « guéries depuis longtemps », mais n’a pas indiqué précisément quand cela s’était produit, et on ne sait donc pas au juste si cela s’est produit avant ou après décembre 2011. Le Dr Kumbhare estimait que l’état de l’appelante était permanent et que le pronostic était réservé, mais il s’attendait aussi en 2011 à ce que la diminution de l’espérance de vie professionnelle de l’appelante soit « modeste ». Il est révélateur que ce spécialiste, dont les services ont été retenus par le propre avocat de l’appelante, s’attendait à ce que quatre mois avant la fin de sa PMA, son espérance de travail ne soit pas grandement touchée par ses blessures.

[57] Compte tenu de la faiblesse de la preuve présentée en faveur de la demande de l’appelante et sans même prendre en compte les examens psychologiques et médicaux de la défense et de l’assureur, qui n’ont pas été fournis au Tribunal par le représentant de l’appelante, le Tribunal n’est pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante s’est acquittée du fardeau de prouver que son invalidité était grave au moment où sa PMA a pris fin.

[58] La deuxième question importante concerne les antécédents de travail de l’appelante. Le critère de gravité doit être évalué dans un contexte réaliste (Villani c. Canada (P.G.),2001 CAF 248 [Villani]). Cela signifie que pour évaluer la gravité de l’invalidité d’une personne, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que « l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie ». (Villani au paragraphe 38). L’application des facteurs énoncés dans Villani nécessite un examen de la situation particulière et des antécédents médicaux de l’appelante afin de déterminer l’employabilité (Bungay c. Procureur général du Canada, 2011 CAF 47). En ce qui a trait à sa situation personnelle, signalons que l’appelante était jeune, parlait l’anglais et avait un niveau d’instruction relativement élevé au moment où sa PMA a pris fin.

[59] Le critère lié à la capacité de travail a été énoncé par la Cour d’appel fédérale dans Inclima c. Canada (P.G.), 2003 CAF 117 [Inclima]). Un demandeur qui dit répondre à la définition d’incapacité grave doit non seulement démontrer qu’il a de sérieux problèmes de santé, mais dans des affaires où il y a des preuves de capacité de travail, « il doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé » (Inclima, au paragraphe 3). Le Dr Kumbhare estimait en août 2011 et encore en 2014 que l’appelante souffrait d’une douleur chronique, ce qui constitue un problème grave. Toutefois, c’est la capacité à travailler et non le diagnostic qui est déterminante (Klabouch c. Canada (MDS), 2008 CAF 33, au paragraphe 14). En l’espèce, l’appelante a déclaré qu’elle avait tenté de retourner travailler comme toiletteuse de chiens/aide-comptable après l’accident, mais qu’elle avait été incapable de continuer à le faire. Elle a cependant été capable de suivre un cours à titre de webmestre et de travailler de janvier à octobre 2014, d’abord en occupant un poste à temps partiel, puis un poste à temps plein. Elle avait manifestement la capacité de travailler. Elle a toutefois souligné qu’elle avait été incapable de conserver cet emploi en raison de sa douleur chronique, même si elle n’a présenté aucune preuve documentaire à cet égard. Et même si l’appelante a déclaré qu’elle s’était absentée du travail en 2014 en raison de son état de santé, il semble que la décision d’arrêter de travailler était la sienne plutôt que celle de l’employeur; son assiduité au travail semble avoir été suffisamment régulière pour ne pas lui faire perdre le poste. Il n’est pas certain non plus aux yeux du Tribunal que l’appelante a épuisé toutes les possibilités d’emploi à temps partiel. Bien que cet élément ne soit pas déterminant pour trancher la question soumise au Tribunal, combiné aux lacunes dans la preuve, ainsi qu’aux récents antécédents de travail de l’appelante, cela jette un doute sur la gravité de son invalidité au moment où sa PMA a pris fin, selon le critère énoncé dans Inclima.

[60] Le Tribunal conclut, selon la prépondérance des probabilités, que l’invalidité de l’appelante n’était pas grave à la fin de sa PMA.

Caractère prolongé

[61] Puisque le Tribunal a déterminé que l’invalidité n’était pas grave, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur le caractère prolongé de l’invalidité.

Conclusion

[62] L’appel est rejeté.

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