Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Comparutions

  1. C. F. : Appelante
  2. R. H. : Conjoint de fait de l’appelante

Décision

[1] Le Tribunal conclut qu’une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) est payable à l’appelante.

Introduction

[2] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité au titre du RPC de l’appelante le 15 août 2011. L’intimé a rejeté la demande initiale et la demande de réexamen, et l’appelante a interjeté appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR).

[3] L’audience d’appel a eu lieu en personne pour les raisons indiquées dans l’avis d’audience daté du 12 novembre 2014.

Droit applicable

[4] L’article 257 de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable de 2012 prévoit que tout appel interjeté au BCTR avant le 1er avril 2013, qui n’a pas été instruit par ce dernier, est réputé avoir été interjeté à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada (« la Loi ») énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne touche pas de pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[6] Le calcul de la PMA est important parce qu’une personne doit avoir établi qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de sa PMA ou avant cette date.

[7] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) de la Loi, pour être considérée comme invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée être atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[8] Le Tribunal convient que la date de la PMA est le 31 décembre 2012.

[9] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer s’il est plus probable qu’improbable que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de la PMA ou avant cette date.

Preuve

[10] L’appelante avait 48 ans à la date de fin de sa PMA. Elle a terminé sa 12e année. Pendant ses études, elle travaillait durant l’été à l’usine de Bick’s. Elle a occupé quelques emplois comme serveuse dans le passé, mais a travaillé presque toute sa vie dans des usines.

[11] Le dernier emploi occupé par l’appelante était chez Good Humor en tant qu’opératrice de machine de 1997 à juin 2010. Elle ressentait de plus en plus de douleur lorsqu’elle travaillait, et on lui a confié des tâches moins exigeantes pendant un certain temps. L’appelante ne trouvait pas que les nouvelles tâches étaient moins exigeantes que les précédentes.

[12] L’appelante signale qu’elle a eu un accident de la route en 2005 et qu’elle a commencé à ressentir de la douleur dans la région du cou et de l’épaule quelques années après cet accident.

[13] L’appelante a constaté une augmentation de la douleur dans tout le corps qui s’intensifiait et touchait diverses parties de son corps, dont les genoux et le dos. Elle prenait environ 12 Tylenol no 3 par jour lorsqu’elle travaillait. Elle a dit qu’elle pleurait souvent au travail en raison de la douleur qu’elle ressentait.

[14] L’appelante a indiqué qu’elle avait dû s’absenter du travail au moins un à deux jours par semaine pendant plusieurs mois. Son employeur était mécontent parce qu’elle perdait des jours de travail et qu’elle n’effectuait pas son travail selon les attentes. Ils ont tenté de lui confier des tâches légères, mais elles ne semblaient pas légères à l’appelante, qui a pris un congé d’invalidité de courte durée de juin 2010 à décembre 2010. On ne lui pas accordé de prestations d’invalidité de longue durée, et elle n’a pas interjeté appel de cette décision.

[15] En décembre 2009, l’appelante a été aiguillée vers la physiothérapie en raison d’une douleur au bas du dos et à la jambe droite depuis un mois. En juillet 2010, l’appelante a à nouveau été dirigée vers la physiothérapie en raison d’une douleur chronique dans les épaules. (GT1-57) Elle a déclaré que les traitements de physiothérapie la faisaient beaucoup souffrir.

[16] En novembre 2011, l’appelante informe son médecin de famille, le Dr Bobby, que sa douleur au dos et au cou est parfois si intense qu’elle a envie de vomir. La prise de comprimés de Percocet ou de Tylenol no 3 lorsque cela se produit ne la soulage pas beaucoup. Les relaxants musculaires qu’on lui a prescrits n’ont pas été efficaces. Le Dr Bobby a alors suggéré un essai de Dilaudid. (GT1-41)

[17] En novembre 2011, des radiographies de la colonne dorsale et cervicale de l’appelante révélaient une maladie dégénérative précoce avec rétrécissement discal modéré dans la colonne cervicale. (GT1- 45)

[18] Le Dr Bobby a dit à l’appelante qu’elle souffrait de fibromyalgie après qu’il eut fait un examen montrant qu’elle avait de multiples points douloureux. Il y a de nombreuses années, il lui avait suggéré de voir un rhumatologue, mais le médecin se trouvait à London et elle ne pouvait pas faire un long trajet. Conduire aggrave considérablement ses symptômes. Il n’a pas dirigé l’appelante vers d’autres spécialistes ou tout autre traitement.

[19] En janvier 2012, l’appelante a écrit qu’elle avait travaillé aussi longtemps qu’elle le pouvait chez Good Humour. Elle est incapable d’effectuer physiquement le travail. Elle dit qu’elle ignore quel travail elle pourrait faire, car elle ne peut pas prévoir ce que sera sa douleur d’un jour à l’autre. Elle a de la difficulté à dormir. Elle fait des exercices chez elle, mais n’a pas les moyens de faire de la physiothérapie. (GT1-14)

[20] La note clinique du Dr Bobby d’août 2012 indique qu’il continue de prescrire 4 mg de Dilaudid pour la douleur intense et du Percocet pour la douleur modérée. Le médecin signale que l’appelante ne peut pas retourner travailler en usine ou faire des tâches répétitives. Si elle décide de retourner au travail, il dit qu’il faudrait qu’elle fasse un travail sédentaire et que de fréquents changements de position seraient bénéfiques. Cette observation au sujet du travail se retrouvait mot pour mot dans toutes les notes cliniques informatisées. (GT1-80)

[21] Au cours de l’année 2012, les notes cliniques du Dr Bobby portant sur les visites de l’appelante indiquent fréquemment que le stress et la situation financière de l’appelante ont une incidence négative sur sa douleur et son état mental.

[22] En 2012, le Dr Bobby lui a prescrit de la Codeine Contin, du Percocet et a ajouté du Dilaudid à ses analgésiques. Il note qu’elle a dû prendre plus d’analgésiques compte tenu de l’accroissement de la douleur. En novembre 2012, elle prenait 12 comprimés de Percocet par jour. Il signale souvent que l’appelante fait régulièrement de l’exercice.

[23] L’appelante souffre d’hidrosadénite et, en septembre 2011, le Dr Bobby note que cette affection est plus active dernièrement avec beaucoup d’enflure et de lésions dans l’aisselle et le corps. (GT1-10)

[24] En septembre 2012, on a effectué une radiographie des genoux et des chevilles de l’appelante. Des modifications arthritiques très mineures ont été constatées dans les deux genoux. (GT1-89) L’appelante indique qu’elle ressent de la douleur dans les genoux depuis un certain temps.

[25] L’appelante continue à prendre de puissants narcotiques pour pouvoir tolérer la douleur. Le médicament n’élimine jamais la douleur, mais la réduit quelque peu. On lui prescrit maintenant du OxyNeo pour sa douleur. Elle continue à faire de l’exercice lorsqu’elle s’en sent capable, y compris de la marche avec son chien. Si elle en fait trop, cela augmente sa douleur. L’appelante estime que ses exercices l’aident à rester plus mobile et à contrôler la douleur.

[26] L’appelante précise qu’elle a davantage de bons jours que de mauvais jours et qu’elle essaie d’en faire le plus possible. Elle ne peut pas prévoir l’intensité de la douleur qu’elle ressentira dans une journée. Elle signale qu’elle ne pouvait pas prendre de dispositions pour une activité une semaine avant, car elle ne savait pas comment elle se sentirait le moment venu.

Observations

[27] L’appelante soutient qu’elle est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. a) Elle n’était pas capable d’effectuer des tâches même moins exigeantes à son travail.
  2. b) Elle aimerait retourner au travail, mais n’est pas en mesure de prévoir sa douleur.
  3. c) Pour contrôler la douleur, elle doit prendre beaucoup de narcotiques.

[28] L’intimé soutient que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. a) Elle n’est pas en mesure de reprendre son ancien emploi, mais rien ne l’empêche de faire un travail sédentaire.
  2. b) Elle a déjà fait de la physiothérapie, mais ne reçoit actuellement aucun traitement pour l’aider à retourner au travail et occuper un emploi convenable.
  3. c) Des examens datant d’août 2009 à février 2012 et figurant au dossier n’étayent aucun changement important et font état d’incapacités légères. L’appelante devrait être capable d’occuper un emploi convenable.

Analyse

[29] L’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2012 ou avant cette date.

Caractère grave

[30] L’appelante a fait une bonne impression devant le Tribunal en tant que témoin sincère et crédible qui a fait un témoignage convaincant décrivant en détail ses symptômes, problèmes médicaux, traitements et limitations. Elle a témoigné de façon franche et cohérente et ne semblait pas exagérer ses limitations physiques. Le Tribunal estime que son témoignage est honnête et exact.

[31] En l’espèce, le Tribunal doit se reporter à Thawed c. MDRH (3 décembre 2003), CP 18204 (CAP), où il est indiqué ce qui suit :

[TRADUCTION]
La douleur chronique, le syndrome de fatigue chronique, la fibromyalgie et d’autres troubles similaires présentent tous un élément important de subjectivité. Les incidences varient d’une personne à l’autre. L’analyse doit porter sur l’effet des troubles sur la personne touchée.

[32] Le Tribunal est aussi guidé par G.B. c. MRHDS, (27 mai 2010) CP 26475 (CAP) qui dit que :

« La douleur chronique ne peut être démontrée par la preuve matérielle. Aucun test médical ne peut mesurer ni photographier la douleur. La preuve principale sur laquelle doit se fonder la Commission d’appel des pensions est la preuve subjective ou la description verbale que fait l’appelant de sa douleur. »

[33] La décision Ferreira c. Procureur général du Canada 2013 CAF 81 confirme pour le Tribunal que la question principale dans ce cas n’est pas la nature ou le nom de la condition médicale, mais plutôt son effet fonctionnel sur la capacité de travailler de la demanderesse.

[34] Le Tribunal reconnaît que les examens diagnostiques de l’appelante n’ont pas révélé d’incapacités graves, mais il n’existe aucune corrélation directe entre les résultats des examens diagnostiques et la douleur ressentie. En l’espèce, l’appelante a décrit une augmentation lente et insidieuse de sa douleur au fil du temps, qui a fini par l’empêcher de travailler. Son témoignage est très crédible et la quantité importante d’analgésiques prescrits par son médecin valide sa croyance qu’elle éprouve une douleur aiguë.

[35] L’appelante a signalé que les séances de physiothérapie lui causaient encore plus de douleur. Elle essaie de faire régulièrement de l’exercice chez elle et va aussi marcher avec son chien aussi souvent qu’elle le peut. Elle a dit à son médecin que faire régulièrement de l’exercice soulage sa douleur dans une certaine mesure et que sa douleur augmente lorsqu’elle ne peut pas en faire.

[36] Lorsqu’il y a des preuves de capacité de travail, une personne doit démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé (Inclima c. Canada (P.G.), 2003 CAF 117).

[37] L’appelante n’a pas travaillé en raison d’une augmentation importante de la douleur qui a commencé avant 2010 et qui n’a jamais cessé. Elle a de la difficulté à effectuer des tâches ménagères et ne peut conduire que pendant de courtes périodes.

[38] Le Tribunal estime que l’appelante n’a démontré aucune capacité de travail à la fin de sa PMA et n’a donc pas à démontrer un effort pour obtenir un emploi et le conserver.

[39] La question du caractère imprévisible de la maladie et de la fiabilité de l’appelante en tant qu’employée constitue un élément important dans l’analyse visant à déterminer si celle‑ci est invalide au sens de la Loi (B.B. c. MRHDS (14 octobre 2008, CP 25356 (CAP)).

[40] La gravité de son état depuis 2010 est telle qu’elle ne serait incontestablement pas une employée fiable. Elle affirme être incapable de prévoir le niveau de douleur qu’elle ressentira d’une journée à l’autre.

[41] Le caractère imprévisible est un facteur important que le Tribunal doit prendre en considération lorsqu’il s’agit de déterminer si l’invalidité de l’appelante est grave. Le Tribunal estime qu’on ne pourrait aucunement se fier à l’appelante comme employée. Elle serait incapable d’apporter une contribution aux employeurs même les plus tolérants en milieu de travail compte tenu de ses limitations. Elle était incapable d’exécuter les tâches modifiées que son dernier employeur lui avait confiées. Le Tribunal accepte le constat de l’appelante voulant qu’elle ait continué à travailler jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus effectuer ses tâches en raison de sa douleur.

[42] Compte tenu de son état de santé, elle ne serait pas fiable sur le plan de l’assiduité, et la nature imprévisible de ses symptômes rendrait le travail à temps partiel ingérable.

[43] Le Tribunal note que l’appelante ne suit pas de traitement actif à l’exception des médicaments qu’elle prend et de l’exercice qu’elle pratique. Le Tribunal accepte le témoignage de l’appelante selon lequel son médecin de famille ne l’a aiguillée vers aucun spécialiste. L’appelante a suivi toutes les recommandations faites par son médecin. Il la connaît depuis 2002 et gère le traitement de ses affections depuis qu’elle a commencé à ressentir de la douleur.

[44] Le Tribunal a examiné attentivement les rapports médicaux et écouté avec attention le témoignage de l’appelante. Le Tribunal estime que l’appelante l’a convaincu, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle avait une invalidité grave au sens de la Loi à la fin de sa PMA.

Caractère prolongé

[45] Pour que l’appelante soit admissible à des prestations d’invalidité, le Tribunal doit être convaincu non seulement que l’invalidité mentale ou physique est « grave », mais aussi que cette invalidité est « prolongée ». Pour parvenir à cette conclusion, la preuve doit être suffisante pour établir que l’invalidité doit durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou qu’elle entraînera vraisemblablement le décès.

[46] L’appelante ressent toujours de la douleur et prend beaucoup d’analgésiques, ce qui ne fait que rendre la douleur un peu supportable. Elle a toujours des limitations liées à ses activités chez elle et à l’extérieur. Elle estime que sa douleur est impossible à prévoir, mais que certaines circonstances, comme le froid, augmentent sa douleur.

[47] Aucun rapport médical n’indique que l’appelante pourrait être en mesure de reprendre son niveau d’activité antérieur. En fait, le Dr Bobby affirme qu’aucune amélioration ne se produira. Il continue de prescrire de plus en plus d’analgésiques à l’appelante pour tenter de lui procurer un certain soulagement.

[48] Par conséquent, le Tribunal convient qu’il est peu probable que l’état de santé de l’appelante s’améliore dans un avenir prévisible et tient pour avéré que son invalidité va vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie.

Conclusion

[49] Le Tribunal conclut que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en juin 2010, lorsqu’elle ne pouvait plus travailler en raison de la douleur. Aux termes de l’article 69 de la Loi, les versements commencent quatre mois après la date de l’invalidité. Ils commencent donc en octobre 2010.

[50] L’appel est accueilli.

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