Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] L’appel est accueilli, et le dossier est retourné à la division générale pour un nouvel examen.

Introduction

[2] L’appelante a demandé une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, déclarant qu’elle souffrait de diabète de type 2, d’hyperlipidémie, de la maladie du tissu conjonctif indifférencié et d’ostéoporose. L’intimé a rejeté sa demande initiale ainsi que la demande de réexamen.  L’appelante a interjeté appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision.  Le dossier a été transféré au Tribunal de la sécurité sociale le 1er avril 2013 en vertu de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable. La division générale du Tribunal a tenu une audience en personne le 27 octobre 2014 et rejeté la demande de pension d’invalidité.

[3] L’appelante a demandé l’autorisation d’en appeler de cette décision, qui a été accordée le 15 janvier 2015.  L’autorisation d’appel a été accordée sur la prétention selon laquelle la division générale, dans sa décision, n’aurait pas vérifié si le travail de l’appelante après la période minimale d’invalidité, était véritablement rémunérateur (voir la définition d’invalide à l’annexe de la présente décision).

[4] L’appelante prétend que même si elle avait travaillé après la période minimale d’admissibilité, son travail ne pouvait pas être considéré comme un travail « régulier » puisqu’elle l’exerçait seulement pendant trois jours par semaine, à raison de trois heures par jour.  De plus, compte tenu de son revenu peu élevé, le travail n’aurait pas été véritablement rémunérateur.  L’appelante fonde sa position sur des décisions de la Commission d’appel des pensions et sur le document de politique de l’intimé portant sur le type de revenu considéré comme étant véritablement rémunérateur.  L’appelante n’indique pas quelle réparation elle souhaite obtenir dans le cadre du présent appel.

[5] Selon l’intimé, la décision de la division générale doit être contrôlée selon la norme de la décision raisonnable, et la décision était raisonnable. Il soutient que la division générale utilise le critère juridique approprié pour évaluer l’invalidité selon le Régime de pensions du Canada(RPC).  Il cite également des décisions de la Cour d’appel fédérale selon lesquelles le demandeur doit démontrer, lorsqu’on est en présence d’une preuve de la capacité de travailler, que des efforts pour trouver et garder un emploi ont échoué en raison de son incapacité.  Selon lui, il était raisonnable pour la division générale de conclure que l’appelante n’avait pas rempli ce critère juridique.  L’intimé prétend également que la division générale a raisonnablement expliqué pourquoi elle en est venue aux conclusions indiquées.  Pour ces motifs, il estime que l’appel devrait être rejeté.

Norme de contrôle

[6] L’appelante n’a pas soumis d’observations sur la norme de contrôle qui devrait être appliquée à la décision de la division générale en l’espèce.  L’intimé a déposé de longues observations.   Selon lui, la norme de contrôle qui devrait être appliquée à la décision rendue par la division générale est celle de la décision raisonnable.  C’est l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick 2008 CSC 9 qui fait jurisprudence en la matière. Dans ce cas, la Cour suprême du Canada a conclu que lors du contrôle d’une décision sur des questions de fait, des questions mixtes de droit et de fait et des questions de droit portant sur la loi habilitante du tribunal, la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable, soit si la décision du tribunal fait partie d’un ensemble de dénouements potentiels acceptables qui pourraient être défendus dans le contexte des faits et des principes de droit en cause.  Je suis d’accord avec cet énoncé de l’état du droit et j’estime que je dois décider si la décision de la division générale est raisonnable.

[7] L’intimé ajoute que la norme de contrôle relative aux questions de droit est la décision correcte, mais cette prétention n’est pas incontestablement prévue par le droit.  Je n’ai pas besoin de me prononcer sur cette question puisqu’en l’espèce je dois établir si la division générale a erré sur une question mixte de fait et de droit, selon la norme de contrôle de la décision raisonnable.

Analyse

[8] L’autorisation d’appel a été accordée sur la prétention selon laquelle la division générale, dans sa décision, n’aurait pas vérifié si le travail de l’appelante, après la période minimale d’invalidité, était véritablement rémunérateur. La décision énonce sans équivoque que l’appelante a fondé au moins en partie sa cause sur la prétention selon laquelle elle ne peut exercer aucun travail véritablement rémunérateur.  Dans ses observations en appel, elle déclare que ses revenus sont trop faibles pour pouvoir être considérés véritablement rémunérateurs, conformément à la décision de la Commission d’appel des pensions dans l’affaire Alexander c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), (CP09448, juin 2000, CAP).  Bien que le Tribunal ne soit pas lié par la décision de la Commission d’appel des pensions, j’estime que les motifs en sont convaincants.  Dans cette affaire, la Commission d’appel des pensions a tenu compte de la somme gagnée par le demandeur ainsi que de ses conditions de travail pour établir le caractère véritablement rémunérateur. De même, dans K.A. c.  Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences, (2013 TSSDA 6), j’ai longuement examiné les décisions sur le sujet. La Commission d’appel des pensions a établi de façon constante que cette expression comprend les emplois pour lesquels la rémunération offerte pour services rendus ne serait pas une compensation modique, symbolique ou illusoire, mais plutôt une compensation qui correspond à une rémunération appropriée selon la nature du travail effectué (Poole c. Ministre du Développement des ressources humaines CP20748, 2003).  Le montant de la rémunération n’est pas déterminant pour ce qui est d’établir si un emploi est véritablement rémunérateur, mais c’est un facteur qui doit être pris en compte. Chaque cas est unique.  En l’espèce, la division générale n’a pas analysé le revenu de l’appelante ni les autres circonstances relatives à son emploi.

[9] De plus, l’appelante déclare que son horaire de travail, qui est de trois jours par semaine à raison de trois heures par jour, n’est pas régulier.  C’est l’invalidité, et non l’emploi, qui doit être « régulière » (voir Canada (Ministre du développement des ressources humaines) c. Scott, 2003 CAF 34. Dans certains cas, le travail à temps partiel peut être véritablement rémunérateur. Bien que la division générale ait souligné ce fait, elle n’en a pas tenu compte dans sa décision.

[10] De plus, elle n’a rien mentionné sur le fait que l’appelante travaille ou non selon un horaire précis.  La décision ne mentionne rien non plus sur le caractère prévisible du travail. La prévisibilité est un facteur qui doit être pris en compte pour établir si le travail de l’appelante était véritablement rémunérateur après la période minimale d’invalidité.   La décision ne contient pas de conclusion relative au fait que l’appelante occupe ou non un emploi véritablement rémunérateur.

[11] Selon l’intimé, la décision de la division générale est raisonnable parce qu’elle mentionne avec exactitude le critère juridique de l’invalidité visée par le RPC.  Elle mentionne également avec exactitude la règle selon laquelle c’est l’invalidité, et non l’emploi, qui doit être régulière.  Je reconnais que la décision de la division générale énonce avec exactitude ces principes juridiques; toutefois, je ne suis pas convaincue que c’est suffisant.  L’appel ne porte pas sur la question de savoir si la division générale a indiqué avec exactitude le critère juridique d’invalidité globalement, mais plutôt sur celle de savoir si elle a établi si l’appelante était en mesure d’exercer un emploi véritablement rémunérateur.  Pour les motifs susmentionnés, je suis d’avis qu’elle ne l’a pas fait.

[12] L’appelante a également mentionné le document de politique de l’intimé portant sur le type de revenu que celui-ci considère comme véritablement rémunérateur chaque année. Ce document ne lie pas le Tribunal.  Bien que ce document appuie les prétentions de l’appelante en l’espèce, je ne suis pas convaincue que la décision de la division générale est déraisonnable pour le seul motif qu’elle ne mentionne pas ni ne s’appuie sur ce document.

[13] Finalement, je suis d’accord avec la prétention de l’intimé selon laquelle la division générale n’a pas fait d’erreur dans sa manière d’évaluer la preuve médicale au dossier.  L’appelante n’a pas soumis d’observations sur ce point et, compte tenu de ma conclusion, il n’est pas nécessaire que je statue sur ce point.

Conclusion

[14] Je suis d’avis que la décision de la division générale est déraisonnable.  Elle ne peut être défendue dans le contexte des faits et du droit.  Elle ne contient pas de conclusion sur le fait que le travail de l’appelante est ou non véritablement rémunérateur.  La division générale devait clairement se prononcer sur ce point.  L’appel est donc accueilli et le dossier est retourné à la division générale pour un nouvel examen.

Annexe

Régime de pensions du Canada

42.(2) Pour l’application de la présente loi :

  1. (a) une personne n’est considérée comme invalide que si elle est déclarée, de la manière prescrite, atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée, et pour l’application du présent alinéa :
    1. (i) une invalidité n’est grave que si elle rend la personne à laquelle se rapporte la déclaration régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice,
    2. (ii) une invalidité n’est prolongée que si elle est déclarée, de la manière prescrite, devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès;

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

59. (1) La division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

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