Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] Le Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal ») accepte de proroger le délai pour le dépôt de la demande de permission d’en appeler et rejette la demande de permission d’en appeler.

Contexte

[2] Le 8 avril 2013, un tribunal de révision a rejeté la demande de pension d’invalidité de la demanderesse au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). On ignore la date précise à laquelle la demanderesse a reçu cette décision, mais le Tribunal a reçu sa demande de permission d’en appeler (la « demande ») le 9 septembre 2013. La demande a donc été transmise avec plus de 30 jours de retard.

[3] La demanderesse demande l’autorisation de déposer une demande tardive. Elle demande également la permission d’en appeler de la décision du tribunal de révision. Sa période minimale d’admissibilité prenait fin le 31 décembre 2015.

Questions en litige

[4] Le Tribunal doit trancher deux questions.

  1. Le Tribunal doit-il proroger le délai pour le dépôt de la demande?
  2. Dans l’éventualité où le Tribunal proroge le délai pour le dépôt de la demande, l’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

La demande de prorogation de délai

Le Tribunal doit-il proroger le délai pour le dépôt de la demande?

[5] Le tribunal de révision a entendu l’appel le 13 février 2013 et rendu sa décision le 8 avril 2013. La demanderesse avait jusqu’au 18 juillet 2013, ou aux environs de cette date, pour soumettre sa demande de permission d’en appeler de la décision. Ce n’est que près de 60 jours après la date limite que le Tribunal a finalement reçu la demande. Dans une lettre datée du 14 août 2013, la demanderesse a indiqué qu’elle souhaitait interjeter appel de la décision du tribunal de révision. Elle a également expliqué pourquoi elle avait transmis sa demande en retard et précisé qu’elle enverrait des renseignements supplémentaires qu’elle désirait intégrer à sa demande.

[6] Dans sa lettre, la demanderesse explique qu’elle a dépassé la date limite pour le dépôt de la demande en raison de l’état où elle se trouvait au moment où elle a reçu la décision. Elle indique que non seulement elle souffrait de stress psychologique, mais qu’elle se trouvait également dans une situation précaire en matière de logement.

[7] La psychiatre de la demanderesse, la docteure Cornelia Wieman, psychiatre en chef à l’unité des services aux Autochtones du Centre de toxicomanie et de santé mentale de Toronto, a écrit une lettre à l’appui de sa demande. La docteure Wieman relate qu’au cours de la période d’avril 2013 à août 2013, la demanderesse [traduction] « se trouvait dans un état de grande angoisse et de dépression lié à des facteurs de stress psychologique importants qu’elle connaissait à ce moment-là dans sa vie. Elle se trouvait dans une situation très précaire en matière de logement et n’a pu trouver un logement stable qu’en juillet 2013. »Footnote 1

[8] Le défendeur a été invité à présenter ses observations sur la demande de prorogation de délai pour le dépôt de la demande. Dans ses observations, l’avocat du défendeur a fait valoir que le Tribunal n’avait pas compétence pour entendre la demande, vu que la demanderesse n’avait pas utilisé le formulaire exigé pour présenter sa demande, le Tribunal n’en avait pas véritablement été saisi. L’avocat a également soutenu que la demande était prescrite parce qu’elle avait été présentée plus d’un an après la date où la décision avait été communiquée à la demanderesse.

[9] Le paragraphe 57(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit que la « demande de permission d’en appeler est présentée à la division d’appel selon les modalités prévues par règlement. » L’article 40 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (le « Règlement »)Footnote 2  stipule que la demande de permission d’en appeler est présentée selon la forme prévue par le Tribunal sur son site Web. La demanderesse n’a pas utilisé le formulaire prescrit. Elle a présenté sa demande dans une lettre adressée au Tribunal, appuyée par la lettre et les documents médicaux susmentionnés envoyés par la docteure Wieman. Le Tribunal a reçu ces documents le 12 octobre 2013.

[10] Ainsi, en plus des questions exposées précédemment, le Tribunal doit trancher deux questions préliminaires. D’abord, le Tribunal doit déterminer s’il a été saisi comme il se doit de la demande de permission d’en appeler. Dans l’affirmative, le Tribunal doit ensuite déterminer si la demande est prescrite parce qu’elle a été transmise en retard.

Le Tribunal a-t-il été véritablement saisi de la demande de permission d’en appeler?

[11] Il est entendu que la demande n’a pas été faite au moyen du formulaire prescrit, et donc, en ce sens, le Tribunal n’a pas été véritablement saisi de la demande. Toutefois, le Tribunal n’est pas convaincu que ce fait devrait automatiquement clore le débat. Selon l’alinéa 3(1) b) du Règlement, le Tribunal « peut, s’il existe des circonstances spéciales, modifier une disposition du présent règlement ou exempter une partie de son application. »

[12] De l’avis du Tribunal, des circonstances spéciales existent en l’espèce. D’abord, la demanderesse a étayé les problèmes de santé mentale dont elle subissait les effets dans sa vie de tous les jours. Ensuite, la demanderesse se représentait elle-même. Les documents contiennent plusieurs des éléments exigés dans le formulaire du Tribunal, comme le numéro de la décision du Tribunal et les coordonnées de la demanderesse. La demanderesse a également joint une copie de la décision du tribunal de révision dont elle faisait appel. Ainsi, le Tribunal modifierait les dispositions de l’article 40 du Règlement afin de permettre à la demanderesse de déposer sa demande même si elle n’est pas consignée dans le formulaire prévu à cette fin par le Tribunal sur son site Web.

[13] L’avocat du défendeur a fait valoir que si le Tribunal déterminait qu’il a compétence, il devrait exiger que la demanderesse dépose une nouvelle demande conforme aux exigences de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social et du Règlement.

[14] Le Tribunal a pris cette observation en considération. Toutefois, comme le délai pour présenter la demande était déjà expiré et que celui pour demander la prorogation de ce délai l’était aussi, le Tribunal n’est pas disposé à prendre cette décision, car la demande deviendrait alors prescrite. Constatant que la lettre et les autres renseignements fournis par la demanderesse contiennent suffisamment d’information pour permettre au Tribunal et au défendeur de déterminer les fondements de la demande, le Tribunal est disposé à appliquer la disposition sur les circonstances spéciales et à accepter la lettre de la docteure Wieman, de même que celle de la demanderesse où elle indique son désir d’interjeter appel, comme étant la demande. Le Tribunal prend cette décision par souci d’équité.

La demande est-elle prescrite?

[15] Le défendeur affirme que la demande est prescrite parce qu’elle a été déposée plus d’un an après la date à laquelle la décision a été communiquée à la demanderesse. La lettre de la demanderesse est datée du 14 août 2013, celle de la docteure Wieman est datée du 12 septembre 2013, et le tampon du Tribunal indique que ces documents ont été reçus le 12 septembre 2013. Les documents ont donc été déposés dans l’année où la décision du tribunal de révision a été rendue, et il ne fait pas de doute qu’ils sont soumis à l’application du paragraphe 57(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

Y a-t-il lieu de proroger le délai pour présenter la demande?

[16] La demanderesse a reconnu que la demande était tardive. Elle a demandé au Tribunal de proroger le délai pour présenter la demande. Le Tribunal doit décider s’il y a lieu d’accorder cette prorogation. Dans l’arrêt Gattelaro,Footnote 3 la Cour fédérale a indiqué que, lorsqu’il exerce sa compétence de prorogation du délai pour le dépôt d’une demande de permission d’en appeler, le membre du Tribunal doit tenir compte des critères suivants :

  • il y a intention persistante de poursuivre la demande ou l’appel;
  • la cause est défendable;
  • le retard a été raisonnablement expliqué;
  • la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[17] Le Tribunal a examiné les raisons invoquées pour expliquer le retard dans le contexte des facteurs énoncés dans l’arrêt Gattelaro. Si on laisse de côté pour le moment la question de savoir s’il s’agit d’une cause défendable, le Tribunal est d’avis que la demanderesse a démontré, dans ses observations, une intention persistante de poursuivre l’appel. Le Tribunal est également convaincu que la demanderesse a raisonnablement expliqué son retard dans les circonstances de sa cause. De plus, le Tribunal conclut que la prorogation du délai pour le dépôt de la demande ne causerait pas de préjudice indu au défendeur, puisque le défendeur n’aurait évidemment pris aucune mesure dans ce dossier, dans l’attente d’une décision sur la demande de permission d’en appeler. Pour ces raisons, le Tribunal accepterait de proroger le délai pour le dépôt de la demande.

S’agit-il d’une cause défendable?

[18] La demande de permission d’en appeler est le premier obstacle qu’un demandeur doit franchir, et cet obstacle est inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond. Toutefois, pour que sa demande soit accueillie, le demandeur doit démontrer que sa cause est défendableFootnote 4 ou soulever un moyen de défense lui permettant éventuellement d’obtenir gain de cause en appel. Bien qu’il n’ait pas à évaluer la demande sur le fond dans le cadre de l’examen de la demande de permission d’en appeler, le Tribunal doit néanmoins examiner les questions soulevées par la demanderesse dans sa demande de permission afin de déterminer si sa cause est ou non défendable.

Droit applicable

[19] Les dispositions législatives applicables à l’octroi d’une permission d’en appeler sont les paragraphes 56(1), 58(1), 58(2) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social. Le paragraphe 56(1) prévoit qu’« il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission », alors que le paragraphe 58(3) précise que la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ». Manifestement, il n’y a pas d’appel de plein droit. Le demandeur doit d’abord demander et obtenir la permission d’en appeler à la division d’appel, laquelle accorde ou refuse cette permission.

[20] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[21] Selon le paragraphe 58(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la « division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

Analyse

[22] Pour accorder la permission d’en appeler, le Tribunal doit être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès. Cela signifie qu’il doit d’abord déterminer si les raisons invoquées par la demanderesse pour interjeter appel font partie de l’un ou l’autre des moyens d’appel. C’est à ce moment-là seulement que le Tribunal peut déterminer si l’appel a une chance de succès.

[23] Le Tribunal n’est pas convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès. Bien qu’elle conteste la décision du tribunal de révision, la demanderesse n’a pas soulevé d’erreur de droit, de fait ou mixte de droit et de fait commise par le tribunal de révision. La demanderesse n’invoque pas non plus que le tribunal de révision n’ait pas respecté un principe de justice naturelle ni qu’il ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[24] De plus, le Tribunal a également examiné la décision du tribunal de révision afin d’y déceler des erreurs qui n’apparaissent pas à la face même du dossier et n’a pu en relever aucune. Avant de rendre sa décision, le tribunal de révision a pris en compte la situation de la demanderesse, notamment son niveau de scolarité, ses antécédents professionnels et son employabilité. Tout en reconnaissant que la demanderesse souffrait de douleurs, le tribunal de révision a conclu qu’elle pouvait encore travailler, qu’elle avait des compétences polyvalentes et qu’elle n’avait pas réussi à prouver que ses douleurs la rendaient incapable d’exercer régulièrement une occupation sensiblement rémunératrice. Les problèmes de santé mentale de la demanderesse et la possibilité de son retour au travail si elle se faisait traiterFootnote 5 ont également fait partie de l’analyse du tribunal de révision.

[25] Dans la présente demande, la demanderesse insiste beaucoup sur la preuve de son problème de santé mentale. Toutefois, il s’agit d’une nouvelle preuve, puisque la lettre de la docteure Wieman a été rédigée après l’audience du tribunal de révision et, par conséquent, n’a pas été mise en preuve de façon diligente avant l’audience du tribunal de révision. La preuve démontre que la demanderesse a consulté la docteure Wieman pour la première fois en juin 2013, soit après l’audience et le prononcé de la décision du tribunal de révision. Cette nouvelle preuve serait plus pertinente dans le cadre d’une demande d’annulation ou de modification d’une décision du tribunal de révision comme « faits nouveaux »; or, tel n’est pas le cas. Quoi qu’il en soit, une demande sur le fondement de « faits nouveaux » serait probablement prescrite.

[26] À la lumière de ces faits, le Tribunal n’est pas convaincu que, selon les faits portés à l’attention du tribunal de révision, l’appel aurait une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[27] La demande de prorogation de délai pour le dépôt de la demande de permission d’en appeler est accordée.

[28] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

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