Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Parties présentes

  • Appelante : F. D.
  • Représentante de l’appelante : Peter Beaudin
  • Représentant du défendeur : Jennifer Hockey (Conseil) (par vidéoconférence)
  • Observateurs : K. J. D. (conjoint de l’appelante) Hasan Junaid et Penny Brady (conseil du répondant) (également par vidéoconférence)

Introduction

[1] Il s’agit d’un appel d’une décision du tribunal de révision rendue le 11 janvier 2013.  Le tribunal de révision a déterminé qu’une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canadane pouvait être versée à l’appelante, car il a établi que ses « invalidités, isolément ou dans leur ensemble » n’étaient pas graves au moment de sa période minimale d’admissibilité du 31 janvier 2009 (la PMA), aux fins du Régime de pensions du Canada. L’appelante interjette appel, car elle estime que le tribunal de révision a commis une erreur de droit et tiré des conclusions factuelles erronées sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Exposé des faits

[2] L’appelante avait 55 ans lorsqu’elle a présenté une demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada en mai 2010. Elle a une douzième année de scolarité et détient des certificats de techniques de bureautique et un « certificat général » du réseau des femmes dans les métiers et les technologies (WITT pour Women in Trades and Technology).

[3] Le Questionnaire relatif aux prestations d’invalidité indique que les derniers emplois de l’appelante étaient dans l’accueil des clients et comme responsable des services Internet d’un magasin de vente au détail, entre juin 2003 et août 2006.  L’appelante a indiqué dans le questionnaire que le poste était exigeant sur le plan physique, mais comme elle ne pouvait plus satisfaire aux exigences physiques après une blessure en milieu de travail en mai 2005, son employeur l’a affectée à des tâches modifiées et lui a également fourni de l’assistance pour qu’elle puisse remplir les exigences physiques de son travail. Cependant, elle n’a pu rester productive et a donc quitté cet emploi.

[4] L’appelante affirme qu’elle ne pouvait plus travailler après août 2006, en raison d’une douleur chronique à son bras et à son poignet gauche, à sa cheville droite et à son épaule droite et en raison de l’ostéoarthrite de sa main droite.  Elle affirme également qu’elle a de nombreuses limitations et restrictions fonctionnelles.

Bref aperçu des procédures

[5] Le tribunal de révision a rendu sa décision le 11 janvier 2013.  Le 19 avril 2013 ou autour de cette date, l’appelante a demandé la permission d’en appeler pour divers motifs.  La division d’appel a accordé la permission d’en appeler le 28 mars 2014, relativement à deux motifs : si le tribunal de révision a commis une erreur de droit et s’il a basé sa décision sur des conclusions factuelles erronées sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Le défendeur et l’appelante ont présenté des observations écrites relativement à l’appel, le 8 mai 2014 et le 14 mai 2014, respectivement.  La division d’appel a fixé une audience en personne relativement à l’appel pour le 21 octobre 2014, par consentement mutuel des parties.

[6] Le 23 septembre 2014, l’appelante a déposé une réponse aux observations du ministre à propos de la portée de l’audience. Elle a demandé une audience de novo. Le 10 octobre 2014, le défendeur a présenté une demande de décision en vertu de l’article 4 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale à savoir qu’il n’y avait aucun droit ni aucune base pour un appel de novo.  J’ai rendu une décision préliminaire le 15 octobre 2014 voulant que l’appel doive procéder comme un appel de la nature d’un contrôle judiciaire, c’est-à-dire que l’audience ne se déroulerait pas comme une audience de novo et que seule la preuve déposée devant le tribunal de révision serait admissible.

[7] Le 16 octobre 2014, la représentante de l’appelante (la représentante) a présenté une objection préliminaire à la décision préliminaire et a demandé encore une fois une audience de novo. L’appelante a également demandé l’autorisation de présenter de nouveaux éléments de preuve à l’appel. Elle a subi deux opérations, en février 2013 et en juin 2014, depuis son audience devant le tribunal de révision et demandait que ce soit admis en preuve devant la division d’appel. Le 20 octobre 2014, j’ai fourni des motifs écrits indiquant que l’appel ne ferait pas l’objet d’une audience de novo et que seule la preuve présentée au tribunal de révision serait admissible à l’appel, à moins qu’elle ne porte sur les moyens d’appel énoncés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).  J’ai déterminé qu’il n’existait aucun motif en vertu duquel je pourrais tenir compte d’un fait ou dossier médical nouveau.

Questions en litige

[8] Les questions qui me sont présentées sont les suivantes :

  1. Comme question préliminaire, l’une des parties est-elle autorisée à présenter des dossiers supplémentaires dans un appel devant la division d’appel?
  2. Sous quelle forme d’audience l’appel doit-il être entendu?  L’appel doit-il prendre la forme d’une révision en appel ou d’un appel de la nature d’un contrôle judiciaire?
  3. Quelle norme de contrôle s’applique dans le cas d’une décision du tribunal de révision?

Motifs d’appel

  1. Le tribunal de révision a-t-il commis une erreur de droit en demandant à l’appelante de faire des efforts suffisants afin de trouver un emploi pour régler sa situation de chômage?
  2. Le tribunal de révision a-t-il fondé sa décision sur des conclusions factuelles erronées à propos des efforts de l’appelante pour régler sa situation, sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

Recours

  1. Si la norme est celle de la décision raisonnable, la décision du tribunal de révision est-elle raisonnable?  Si la norme est celle de la décision correcte, à quelle conclusion le tribunal de révision aurait-il dû arriver?
  2. Si le tribunal de révision a commis des erreurs de droit ou de fait, quelles sont les réparations appropriées, le cas échéant?

Question en litige 1 : Question préliminaire

[9] Nonobstant ma décision en vertu de l’article 4 du 15 octobre 2014 et les raisons écrites qui ont suivi, le 20 octobre 2014, l’appelante a demandé que les notes qu’elle avait utilisées comme aide-mémoire à l’audience du tribunal de révision soient déposées dans le cadre de l’appel. Les notes font état de plaintes relatives à sa douleur et de l’historique de ses soins. Les notes ne faisaient pas partie du dossier documentaire déposé devant le tribunal de révision. Le défendeur s’appuyait sur ma décision en vertu de l’article 4 et s’est opposé au dépôt des notes, alléguant que les notes n’avaient pas été préparées simultanément et n’étaient pas directement pertinentes aux fins de l’appel.

[10] J’avais déjà statué que seule la preuve déposée devant le tribunal de révision serait admissible à l’appel.  Les notes de l’appelante ne correspondent à aucun des moyens d’appel indiqués au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.  Les notes n’avaient pas été déposées en preuve et ne faisaient pas partie du dossier déposé devant le tribunal de révision. Compte tenu des dispositions du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, le présent appel ne prévoit pas de réentendre et de réévaluer la preuve déjà présentée devant le tribunal de révision.  Ayant déterminé que cet appel n’est pas une audience de novo, comment pourrais-je alors recevoir de nouveaux éléments de preuve?  Je ne vois aucun motif qui m’autorise à tenir compte de ces notes.

[11] Après que j’ai énoncé ces considérations, l’appelante a retiré sa demande de déposer les notes dans le cadre de l’appel.

Question en litige 2 : Révision en appel ou appel de la nature d’un contrôle judiciaire

[12] La représentante a passé en revue la demande d’une audience de novo ou d’une nouvelle instruction sur le bien-fondé de la demande de prestations d’invalidité de l’appelante en vertu du Régime des pensions du Canada. La représentante a demandé que l’appelante soit autorisée à présenter des éléments de preuve relatifs à son invalidité.  La représentante a soutenu qu’une audience de novo ou qu’une nouvelle instruction seraient appropriées, car l’appelante n’avait ni conseil ni représentant à l’audience devant le tribunal de révision et, à ce titre, se fiait au tribunal de révision pour déterminer les questions pertinentes et importantes.  Il a allégué que le tribunal de révision n’a pas enquêté de façon appropriée sur l’invalidité de l’appelante et qu’il y avait des lacunes dans l’interrogation de l’appelante par le tribunal de révision.  Il a fait valoir que la division d’appel devrait être intéressée à des preuves relatives à la conduite du tribunal de révision. Il ne m’a pas présenté de sources juridiques autres que celles présentées dans ses observations du 16 octobre 2014, qui traitent de la question en litige quant à la forme de l’appel devant la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale.

a) Principe de dessaisissement (functus)

[13] Le conseil du défendeur s’est opposé à la demande de la représentante quant à une audience de novo, car j’avais déjà rendu une décision le 20 octobre 2014, indiquant que le présent appel n’est pas une audience de novo, et que seule la preuve qui avait été présentée au tribunal de révision (sous réserve des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS) serait admissible devant moi.  Essentiellement, le conseil du défendeur est d’avis que la division d’appel n’a pas compétence (officio functus) sur la question de la forme d’audience.

[14] Le conseil du défendeur n’a présenté aucune observation comme telleà l’audience devant moi sur la question de la forme de l’appel, soit la révision en ou l’appel de la nature d’un contrôle judiciaire.  Cependant, des observations avaient évidemment été présentées en octobre 2014, lorsque le défendeur a demandé une décision en vertu de l’article 4 du Règlementsur la nature de l’appel de l’appelante.

[15] En bref, le conseil du défendeur soutient qu’il n’y avait aucun droit à un appel de novo¸ du fait que l’appelante ne pouvait s’être légitimement attendue à un appel de novo. Le conseil ajoute que l’appelante avait présenté sa demande de permission d’en appeler après le 1er avril 2013 et était liée par la nouvelle loi, c’est-à-dire la Loi sur le MEDS.  Le conseil indique que la Loi sur le MEDS ne prévoit pas d’appels de novo et que l’appelante n’a droit qu’à un appel invoquant les motifs d’appel autorisés dans la permission d’appel.

[16] Cette question en litige me paraît similaire, sinon identique, à la question soulevée dans la décision en vertu de l’article 4 dans la présente instance, bien que dans cette décision, j’indiquais que la forme d’audience demandée par l’appelante était un appel de novo ou audience de novo.

[17] La division d’appel est-elle compétente pour entendre cette question une seconde fois, ayant déjà pris une décision en vertu de l’article 4 sur le format de l’appel?  Dans la jurisprudence, la cause Chandler c. Alberta Association of Architects, 1989 CanLII 41 (CSC), [1989] 2 R.C.S. 848, la Cour suprême du Canada a conclu que, bien que le principe de functus favorise le caractère définitif des procédures, son application doit être plus souple dans le cas des tribunaux administratifs. Le juge Sopinka, au nom de la majorité, a écrit :

Si l’on fait abstraction de la pratique suivie en Angleterre, selon laquelle on doit hésiter à modifier ou à rouvrir des jugements officiels, la reconnaissance du caractère définitif des procédures devant les tribunaux administratifs se justifie par une bonne raison de principe. En règle générale, lorsqu’un tel tribunal a statué définitivement sur une question dont il était saisi conformément à sa loi habilitante, il ne peut revenir sur sa décision simplement parce qu’il a changé d’avis, parce qu’il a commis une erreur dans le cadre de sa compétence, ou parce que les circonstances ont changé. Il ne peut le faire que si la loi le lui permet ou s’il y a eu un lapsus ou une erreur au sens des exceptions énoncées dans l’arrêt Paper Machinery Ltd. v. J. O. Ross Engineering Corp.,précité.

Le principe du functus officio s’applique dans cette mesure. Cependant, il se fonde sur un motif de principe qui favorise le caractère définitif des procédures plutôt que sur la règle énoncée relativement aux jugements officiels d’une cour de justice dont la décision peut faire l’objet d’un appel en bonne et due forme. C’est pourquoi j’estime que son application doit être plus souple et moins formaliste dans le cas de décisions rendues par des tribunaux administratifs qui ne peuvent faire l’objet d’un appel que sur une question de droit. Il est possible que des procédures administratives doivent être rouvertes, dans l’intérêt de la justice, afin d’offrir un redressement qu’il aurait par ailleurs été possible d’obtenir par voie d’appel.

[18] Tout simplement, la décision en vertu de l’article 4 n’est pas une décision finale et j’estime avoir compétence pour revoir et prendre une décision sur cette même question en litige, ce que j’aborderai dans la prochaine section.

b) Révision en appel

[19] Essentiellement, l’appelante demande une révision en appel ou une nouvelle instruction du bien-fondé de sa demande de prestations d’invalidité, semblable au processus qui existait pour l’ancienne Commission d’appel des pensions.  Une révision en appel permettrait aux deux parties de présenter tout « nouvel élément de preuve » qui aurait pu ne pas avoir été déposé devant le tribunal de révision ou la division générale, afin d’étayer leur cause, ou pour remédier à toute lacune ou déficience dans la cause devant le tribunal de révision ou la division générale.  Une révision en appel permettrait à un appelant d’instruire sa cause une seconde fois.  Elle fonctionnerait de la même façon que les appels devant la Commission d’appel des pensions.  En fin de compte, une révision en appel permettrait à la division d’appel de chercher au-delà du dossier, et d’en venir à sa propre décision sur le bien-fondé.

[20] Le législateur entendait-il refuser à la division d’appel les pouvoirs qu’avait la Commission d’appel des pensions à mener des révisions en appel, et lui conférer ensuite le pouvoir d’entendre un appel de la nature d’un contrôle judiciaire, presque la même intervention que la Cour d’appel fédérale sur les appels du Tribunal de la sécurité sociale?Note de bas de page 1 Quel serait le motif sous-jacent ou quel serait le résultat de conférer à la division d’appel presque la même fonction que la Cour d’appel fédérale?

[21] Il est difficile de savoir précisément ce que le législateur envisageait en adoptant la loi qui a créé le Tribunal de la sécurité sociale, c’est-à-dire sur le fait qu’il entendait conférer à la division d’appel des pouvoirs de révision en appel ou de contrôle judiciaire. La juge dans Atkinson c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 187 a décrit la création du Tribunal de la sécurité sociale comme une « une réforme en profondeur des mécanismes d’appel » et affirmé qu’elle visait à offrir des mécanismes d’appel plus efficaces, plus simples et plus rationnels pour les décisions du Régime de pensions du Canada, de la Sécurité de la vieillesse et de l’assurance-emploi en « offrant un guichet unique où l’on peut interjeter appel ».  La Cour d’appel fédérale estimait qu’il restait nécessaire d’appliquer une norme de contrôle caractérisée par la retenue lors de l’examen des décisions du Tribunal de la sécurité sociale, bien que dans cette cause le Tribunal ait effectivement chaussé les chaussures de la Commission d’appel des pensions et offert à Mme Atkinson une nouvelle audience. Il n’était pas nécessaire pour la Cour d’appel fédéral dans cette cause de déterminer la nature de l’audience devant la division d’appel pour les appels de toute décision du tribunal de révision ou de la division générale.

[22] Le conseil du défendeur fait valoir que la division d’appel devrait être guidée par les principes généraux énoncés à l’article 2 du Règlement. L’article indique que le Règlement doit être « interprété de façon à permettre d’apporter une solution à l’appel ou à la demande qui soit juste et la plus expéditive et économique possible ».  On peut s’interroger sur le fait que ces principes doivent également s’appliquer à la Loi sur le MEDS ou s’ils sont confinés au Règlement.  Si ces mêmes principes s’appliquent dans la détermination de la nature d’une audience, il n’y a pas de recherche d’équilibre entre ces trois considérations.  Un appel de la nature d’un contrôle judiciaire élimine la possibilité d’une seconde audience, et un appel strict de la nature d’un contrôle judiciaire serait beaucoup plus limité. Du point de vue d’un appelant, cela pourrait soulever la question de la « justice » de cette procédure comparativement à la procédure auparavant prévue devant la Commission d’appel des pensions, lorsqu’elle n’était pas limitée au bien-fondé de l’appel et qui admettait de nouvelles questions en litige et de nouveaux éléments de preuve.  D’un autre côté, un appel de la nature d’un contrôle judiciaire est certainement la procédure la plus expéditive et la moins coûteuse pour un appelant. Il n’est pas nécessaire de présenter de nouveaux éléments de preuve ou des témoins et l’appel porte généralement sur des questions limitées, tandis qu’une évaluation du bien-fondé de la réclamation exigerait plus de temps.

[23] L’examen des caractéristiques de la Commission d’appel des pensions et de la division d’appel peut aider à déterminer la nature de l’appel. L’une des différences marquées entre la Commission d’appel des pensions et la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale — et une caractéristique distinctive de la division d’appel — est que depuis le 1er avril 2013, la Loi sur le MEDS régit maintenant comment les appels doivent se dérouler.  Avant l’entrée en vigueur de la Loi sur le MEDS, bien qu’un appelant devait demander la permission d’interjeter appel, il n’y avait aucun moyen d’appel précis à respecter. Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS prévoit maintenant des moyens d’appel limités, à savoir :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[24] La Loi sur le MEDS confère substantiellement moins de pouvoirs et de compétences à la division d’appel que ne le faisait l’ancien article 83 du Régime de pensions du Canadaà l’endroit de la Commission d’appel des pensions.Note de bas de page 2 Les pouvoirs de la Commission d’appel des pensions étaient prévus à l’ancien paragraphe 83(11) du Régime de pensions du Canada :

[elle] peut confirmer ou modifier une décision d’un tribunal de révision prise en vertu de l’article 82 ou du paragraphe 84(2) et elle peut, à cet égard, prendre toute mesure que le tribunal de révision aurait pu prendre en application de ces dispositions [...].

[25] De plus, rien dans le Régime de pensions du Canadan’imposait à la Commission d’appel des pensions une marche à suivre pour le déroulement des appels, tandis que le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS semble circonscrire la nature de l’appel devant moi.  En limitant les moyens d’appel d’un appelant, d’après moi, cela définit effectivement la nature de l’instance devant moi comme étant un appel de la nature d’un contrôle judiciaire. Cette conclusion est étayée dans Re Roberts et « autres » et Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada et « autres », [1985] 60 N.R. 349, [1985] A.C.F. nº 413, (1985) 19 D.L.R. (4th) 570 (C.A.F. ) et Canada (Procureur général) c. McCarthy [1994] A.C.F. nº 1158, [1994] F.C.J. nº 1158, 174 N.R. 28 (C.A.F.)  Dans la décision McCarthy, C.J. Isaac écrivait :

18    Dans Roberts et al. v. Canada (Employment & Immigration Commission) (1985), 85 C.L.L.C. 14,030, 60 N.R. 349 (C.A.F. ), et Canada (Procureur général ) v. Taylor (1991) (précité Taylor v. Canada (Minister of Employment & Immigration)) 126 N.R. 345 (C.A.F. ), notre Cour a jugé qu’un appel porté devant un juge-arbitre ne constitue pas un appel au sens usuel du terme ou un procès de novo, mais une instance de la nature du contrôle judiciaire. Dans l’arrêt Roberts, notre Cour a également jugé que, lorsqu’une décision d’un conseil arbitral est contestée parce qu’elle était fondée sur des conclusions de fait erronées, le pouvoir de contrôle du juge-arbitre se limite à décider si l’appréciation des faits par le conseil arbitral était raisonnablement compatible avec les éléments portés au dossier. Autrement dit, le critère consiste à savoir si le dossier contenait des éléments de preuve sur lesquels le conseil arbitral aurait pu fonder sa conclusion comme il l’a fait sans erreur de principe.

[26] Bien que les arrêts Roberts et McCarthy étaient dans le contexte des articles 115 et 80, respectivement, de la Loi sur l’assurance-chômage (abrogée depuis), la formulation qui établissait la nature et la portée de l’appel devant un juge-arbitre était identique à la portée des appels prévue au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.

[27] La division d’appel est une création de la législation et tire ses pouvoirs exclusivement de la Loi sur le MEDS.  À certains égards, la division d’appel semble avoir des pouvoirs relativement plus larges en vertu du paragraphe 59(1) de la Loi sur le MEDS que la Commission d’appel des pensions n’en avait en vertu du paragraphe 83(11) du Régime des pensions du Canada.  Le paragraphe 59(1) de la Loi sur le MEDS prévoit ce qui suit :

59. (1)  La division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

[28] Je reconnais qu’on puisse s’interroger sur le fait que le paragraphe 59(1) de la Loi sur le MEDS puisse permettre une réévaluation ou une nouvelle audience et, le cas échéant, s’il permettrait nécessairement une audience de novo ou une révision en appelJe reste d’avis qu’une telle interprétation de ce paragraphe, voulant qu’il permette une réévaluation, serait trop large, car rendre une décision que le tribunal de révision ou la division générale devraient avoir rendue peut se faire en évaluant la preuve qui avait été présentée devant le tribunal de révision ou la division générale. Ce paragraphe semble étayer la possibilité que la division d’appel entreprenne une évaluation de la preuve qui avait été présentée au tribunal de révision ou à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.  Je ne vois pas comment la division d’appel pourrait en arriver autrement à un résultat qui aurait dû être obtenu, sans évaluation indépendante.

[29] La jurisprudence s’accroît sur la question de la tenue par un tribunal d’appel administratif d’une révision en appel ou d’un appel de la nature d’un contrôle judiciaire, mais les récentes sources de référence qui favorisent une révision en appel semblent largement dans le contexte de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, chap. 27; sans doute, les tribunaux d’appel administratifs qui favorisent une révision en appel évoluent dans un cadre législatif différent de celui de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale, car ils ne sont pas limités à un ensemble de motifs d’appel.  Ces sources de référence abordent également la question de la norme de contrôle applicable dans la tenue d’une révision interne.

[30] D’après ce que je peux constater, il semble avoir beaucoup de chevauchement entre les questions de la nature de l’audience devant la division d’appel et la norme de contrôle applicable.  Cependant, le juge Rothstein, en accord sur le résultat avec la majorité dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, que ce soit dans le cadre d’un appel ou d’un contrôle judiciaire, les cours de révision devraient faire preuve de déférence à l’égard des décisions rendues par les juridictions de première instance et les organismes administratifs sur des questions de fait et des questions mixtes de fait et de droit.  Le juge Rothstein a également dit que lorsqu’une question de droit ne pouvait être isolée des conclusions de fait ou de politique, la déférence ne saurait se présumer lorsque le législateur n’a pas donné d’indication en ce sens en édictant une clause privative.

[31] Le juge Rothstein ajoutait également ce qui suit à propos du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales :

Le pouvoir discrétionnaire de réparation prévu au par. 18.1(4) porte sur le refus de prendre des mesures, et non sur le contrôle comme tel.  Le pouvoir discrétionnaire de refuser d’accorder réparation dans le cadre du contrôle judiciaire a traditionnellement été exercé en fonction de la conduite des parties, d’un retard excessif et de l’existence d’autres recours possibles, un fondement qui n’a absolument aucun lien avec l’analyse relative à la norme de contrôle en Common Law.  C’est faire fausse route que de s’appuyer sur le pouvoir discrétionnaire conféré par le par. 18.1(4) pour affirmer qu’il permet l’analyse relative à la norme de contrôle décrite dans Dunsmuir.

[32] La juge Deschamps était d’accord avec le juge Rothstein pour dire que, puisque le paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales établit des normes de contrôle légales, ces normes écartent la Common Law.

[33] Par ailleurs, le paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales reflète les motifs ou moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.  Ce paragraphe ajoute deux autres motifs de révision par la Cour fédérale, si l’office fédéral, la commission ou un autre tribunal a agi ou omis d’agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages ou a agi de toute autre façon contraire à la loi.

[34] Pour en revenir à l’arrêt Khosa, la majorité des juges de la Cour n’a pas partagé la démarche adoptée par les juges Rothstein et Deschamps.  Au nom de la majorité, le juge Binnie a indiqué que :

[28] À mon avis, le sens de l’art. 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales doit être suffisamment élastique pour s’appliquer aux décisions de centaines de « types » différents de décideurs administratifs, du ministre au fonctionnaire le moins expérimenté, exerçant dans des contextes décisionnels variés les pouvoirs distincts qui leur sont conférés par des lois particulières [...] Une application souple et contextuelle de l’art. 18.1 épargne au législateur la nécessité d’établir des normes de contrôle sur mesure pour chacun des décideurs fédéraux.
[...]

[33] Le recours au droit général en matière de contrôle judiciaire est d’autant plus essentiel dans le cas d’une disposition comme l’art. 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales qui [...] ne se limite pas à des questions particulières soumises à un tribunal administratif précis, mais vise toute la pléiade des décideurs fédéraux. L’article 18.1 doit conserver la souplesse qui en permet l’application dans une immense variété de circonstances.

[35] Bien que la Cour se souciait principalement de la question en litige de l’exercice du pouvoir discrétionnaire dans un contrôle judiciaire en traitant de l’analyse du juge Rothstein, il est clair que la majorité endossait implicitement le contrôle judiciaire dans le contexte de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales.  Il est clair également que l’analyse de la norme de contrôle dans l’arrêt Dunsmuir, abordée ci-dessous, doit toujours être entreprise, car les cours n’interpréteront pas les motifs ou moyens d’appel comme norme de contrôle.

[36] La Cour semble avoir penché vers le contrôle judiciaire en partie à cause du pouvoir discrétionnaire conféré en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, qui, indiquait-elle, préconisait une norme de contrôle plus déférente.  Ce pouvoir discrétionnaire est cependant absent des paragraphes 58(2) et (3) de la Loi sur le MEDS.  Ces deux paragraphes se lisent comme suit :

58 (2) La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

(3) Elle accorde ou refuse cette permission.

[37] Bien qu’en théorie, certains pouvoirs discrétionnaires soient admis par les deux paragraphes (en ce qu’ils ne disent rien sur la façon dont la division d’appel doit intervenir si elle est convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès), leur exercice pourrait mener à un résultat illogique. En pratique, les deux paragraphes de la Loi sur le MEDS n’admettent aucun pouvoir discrétionnaire. Les pouvoirs discrétionnaires auxquels l’arrêt Khosa fait allusion supposent une norme de contrôle plus déférente, mais il n’existe aucune règle absolue ni aucune relation entre les pouvoirs discrétionnaires et une norme de contrôle déférente.

[38] Par conséquent, un appel de la nature d’un contrôle judiciaire semblerait inévitable en vertu de la Loi sur le MEDS, étant donné que, dans l’ensemble, la formulation du paragraphe 58(1) reflète étroitement celle de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales.

[39] Enfin, je note que les dispositions de la Judicial Review Act, RSPEI 1998, c. J-3, de la Loi sur la procédure de révision judiciaire, LRO 1990, c. J.1; et de la Judicial Review Procedure Act, [RSBC 1996] c. 241, qui prévoient un contrôle judiciaire plutôt qu’une révision en appel, invoquent des motifs identiques ou similaires à ceux du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS et de l’article 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales.  Cela laisse également entendre qu’un appel devant la division d’appel devrait être entendu comme un appel de la nature d’un contrôle judiciaire.

[40] Avant de me pencher sur la norme de contrôle applicable, je traiterai des questions de la représentante sur la conduite du tribunal de révision. C’est une question distincte de la question en litige de la nature de l’audience devant la division d’appel, mais je la traite ici, étant donné que la représentante a soulevé la question de la conduite du tribunal de révision pour justifier la tenue d’une audience de novo.

c) Conduite du tribunal de révision

[41] La représentante affirme que la division d’appel devrait examiner la conduite du tribunal de révision et, plus particulièrement, les lacunes dans son interrogation de l’appelante. C’est la première fois que l’appelante ou sa représentante allèguent que le tribunal de révision ne s’est pas bien comporté.  Ces allégations ne figuraient pas dans la demande de permission d’appel ou dans l’avis d’appel et ont été soulevées sans préavis au défendeur. Cela dit, la conduite reprochée semble limitée à l’absence de questions posées par le tribunal de révision, en ce que l’appelante affirme maintenant que le tribunal aurait pu lui poser davantage de questions, afin de comprendre pleinement son invalidité.

[42] Un tribunal de révision ou la division générale n’ont aucune obligation ni aucun devoir de poser des questions à un appelant sur son invalidité, ni sur aucune question en litige d’ailleurs, bien qu’il serait bon de clarifier toute ambiguïté qui pourrait subsister. Le fardeau de la preuve de son invalidité incombe à l’appelante.

[43] Bien que je serais prête à examiner la nature des questions du tribunal de révision et la manière dont il a interrogé l’appelante, ce ne serait que pour établir si l’appelante n’a pas eu doit à une audience équitable ou si le tribunal n’a pas observé un principe de justice naturelle. Cependant, le fait que le tribunal de révision n’aurait pas posé une série de questions exhaustive à propos de l’invalidité de l’appelante n’est pas en soi une infraction aux principes de justice naturelle, à moins que la nature et le mode d’interrogation ne puissent être interprétés d’une façon quelconque comme le refus d’une audience équitable à un appelant.  Par exemple, si le tribunal de révision avait posé des questions de façon agressive, il pourrait, dans ces circonstances, n’avoir pas observé un principe de justice naturelle en assurant une audience équitable. Autrement qu’en alléguant que le tribunal de révision aurait pu poser davantage de questions sur l’invalidité de l’appelante, ni l’appelante ni sa représentante n’ont indiqué que l’appelante n’avait pas eu droit à une audience équitable ou que le tribunal de révision avait enfreint un principe de justice naturelle. Aucun élément de preuve ne m’a été présenté indiquant que le tribunal de révision a agi de façon inappropriée et n’a pas accordé une audience équitable à l’appelante.

[44] Même s’il y avait eu violation des principes de justice naturelle, entraînant une audience non équitable, le recours approprié dans ce cas aurait probablement été de soumettre la question à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, mais cela n’aurait pas assuré une audience de novo devant la division d’appel.

[45] En résumé, je conclus, d’après les documents et les observations qui m’ont été présentés, que la procédure d’appel devrait être de la nature d’un contrôle judiciaire, plutôt que d’une révision en appel, mais la seule objection serait que cette conclusion pourrait ne pas être définitive.  Je n’ai pas pleinement examiné si l’appel devant moi doit prendre une forme autre qu’un appel de la nature d’un contrôle judiciaire, compte tenu de l’absence d’observations complètes et convaincantes des deux parties sur cette question.  Je m’empresse de noter que bien que la procédure d’une révision en appel peut différer de celle d’un appel de la nature d’un contrôle judiciaire, le résultat pourrait bien, quoi qu’il en soit, être le même.

Question en litige 3 : Norme de contrôle

[46] La Cour suprême du Canada a déterminé dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 qu’il n’existe que deux normes de contrôle en Common Law au Canada : la norme de la décision raisonnable et celle de la décision correcte.

[47] Les questions de droit sont généralement décidées en fonction de la norme de la décision correcte. La norme de la décision correcte est généralement réservée aux questions juridictionnelles ou constitutionnelles, ou aux questions d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et qui sont étrangères au domaine d’expertise du tribunal.  Lorsqu’il applique la norme de la décision correcte, le tribunal de révision ne doit pas tenir compte du processus de raisonnement du décideur, mais plutôt procéder à sa propre analyse.  En fin de compte, si un tribunal de révision n’est pas d’accord avec la décision du décideur, il doit lui substituer sa propre vision du résultat correct.  La norme de la décision correcte est essentielle puisqu’elle permet de prendre et d’assurer la prise de décisions justes, cohérentes et prévisibles du point de vue du droit.

[48] Les questions mixtes de fait et de droit sont généralement déterminées en fonction de la norme de la décision raisonnable.  Au paragraphe 55, les juges Bastarache et LeBel, au nom de la majorité dans l’arrêt Dunsmuir, énumèrent une série de facteurs qui mèneraient à la conclusion que la décision d’un décideur fasse l’objet de déférence et que la norme de la décision raisonnable soit appliquée.

  • - Une clause privative : elle traduit la volonté du législateur que la décision fasse l’objet de déférenceNote de bas de page 3
  • - Un régime administratif distinct et particulier dans le cadre duquel le décideur possède une expertise spéciale (p. ex., les relations de travail).
  • - La nature de la question de droit. Celle qui revêt « une importance capitale pour le système juridique [et qui est] étrangère au domaine d’expertise » du décideur administratif appelle toujours la norme de la décision correcte (Toronto (Ville) c. S.C.F.P., [2003]3 S.C.R. 77, au par. 62).  Par contre, une question de droit qui ne s’élève pas à ce niveau peut être incompatible avec la norme de décision raisonnable lorsque les deux facteurs mentionnés précédemment l’indiquent.

[49] Dans l’arrêt Smith c. Alliance Pipeline, [2011] CSC 7, [2011] R.C.S. 160, au par. 26, la Cour suprême du Canada décrit également la portée de la norme de décision raisonnable pour y inclure les questions qui : (1) se rapportent à l’interprétation de la loi habilitante du tribunal administratif ou à une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie; (2) soulèvent des questions touchant les faits, le pouvoir discrétionnaire ou des considérations d’intérêt général; (3) soulèvent des questions de droit et de fait intimement liées.

[50] L’arrêt Dunsmuir définit la démarche de la décision raisonnable, au par. 47 :

Le tribunal qui procède à un examen du caractère raisonnable étudie les qualités qui rendent une décision raisonnable, tenant ainsi compte à la fois du processus de formulation des raisons et des résultats.  Au cours de la révision judiciaire, le caractère raisonnable porte surtout sur la justification, la transparence et l’intelligibilité au cours du processus décisionnel.  Cependant, il incombe également de vérifier si la décision fait partie d’un ensemble de dénouements potentiels acceptables qui pourraient être défendus dans le contexte des faits et des principes de droit en cause.

[51] Le conseil du défendeur s’appuie sur diverses sources où la Cour suprême du Canada a retenu que la norme de la décision raisonnable est la norme de contrôle par défaut commandant la déférence lorsqu’un tribunal « interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie » : Dunsmuir, par. 54; Alberta (Information and Privacy Commissioner) v. Alberta Teachers’ Assn., 2011 CSC 61 au par. 34; et McLean c. Colombie-Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67 au par. 21.

[52] Le conseil du défendeur soutient que dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, la Cour suprême du Canada indiquait qu’une cour de révision ne devrait pas entreprendre des analyses distinctes, l’une sur les motifs du tribunal et l’autre sur le résultat, en vertu de la norme de contrôle de la décision raisonnable. La Cour l’explique plus clairement, lorsqu’elle prévient de « s’abstenir de faire une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur » : Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c. Pâtes et Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34 au par. 54.

[53] Dans l’arrêt Terre-Neuve [Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor)], la Cour a plutôt décrit la révision d’une décision administrative comme un exercice global où les motifs du tribunal doivent être considérés en corrélation avec le résultat et doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie d’un ensemble d’issues potentielles acceptables.  La Cour ajoutait que les motifs peuvent ne pas faire référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents et autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat. Cette démarche est suivie lorsque la norme de contrôle de la décision raisonnable s’applique.

[54] Le défendeur soutient que, peu importe si le tribunal de révision a commis des erreurs, le critère ultime à appliquer est d’évaluer si sa décision fait partie d’un ensemble d’issues acceptables et, dans l’affirmative, nous ne devons alors pas interférer avec la décision.

[55] Le conseil du défendeur affirme que la division d’appel ne doit pas interférer avec une décision raisonnable du tribunal, car il s’agit [TRADUCTION] « d’une norme de déférence qui reconnaît l’intention du législateur d’accorder des pouvoirs discrétionnaires au tribunal ».  Cela, soutient-elle, serait conforme avec la démarche générale des tribunaux de ne pas intervenir dans une décision raisonnable.

[56] La représentante de l’appelante n’a pas présenté d’observations écrites sur la norme de contrôle et convient avec le conseil du défendeur que la norme de contrôle appropriée est la norme de la décision raisonnable.  Cependant, la représentante conteste le caractère raisonnable de la décision du tribunal de révision sur plusieurs fronts et affirme qu’elle ne fait pas partie d’un ensemble d’issues acceptables, au regard des faits et du droit applicable qui lui ont été présentés.

[57] Si je me fie à ces sources juridiquesNote de bas de page 4 et que j’accepte les observations des parties, je dois donc appliquer une norme déférente de la décision raisonnable. Cela exigerait que je détermine si la décision du tribunal de révision peut être justifiée, si elle est transparente et intelligible et si elle fait partie d’un ensemble d’issues potentielles acceptables qui sont défendables au regard des faits et du droit.  Et, dans ce cas particulier, même si je devais constater que le tribunal de révision a commis une erreur, sa décision pourrait tout de même être maintenue si je devais conclure qu’elle fait partie d’un ensemble d’issues potentielles acceptables qui sont défendables au regard des faits et du droit.  Et cela, à condition qu’aucun des motifs d’appel ne touche des questions de droit d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et qui sont étrangères au domaine d’expertise du tribunal.  Dans ces circonstances, je devrais appliquer la norme de la décision correcte.

Questions en litige 4 et 5 : Motifs ou moyens d’appel

[58] La permission d’appel a été accordée pour deux motifs : premièrement, que le tribunal de révision pourrait avoir pris en compte et appliqué un critère inapproprié pour déterminer si l’appelante avait fait des efforts suffisants pour régler sa situation de chômage et, deuxièmement, pourrait avoir tiré des conclusions de fait erronées voulant que ses efforts pour régler sa situation de chômage étaient mineurs, sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

1. Le tribunal de révision a-t-il commis une erreur de droit en déterminant si l’appelante avait fait des efforts suffisants pour régler sa situation de chômage?

[59] Le tribunal de révision a soutenu que pour régler une situation de chômage, la partie en cause doit trouver un emploi.  Plus particulièrement, le tribunal de révision a écrit [TRADUCTION] « Les efforts de l’appelante pour régler sa situation de chômage étaient mineurs. Lorsqu’elle a trouvé un emploi, c’était comme « cliente mystère pour Costco, après sa date de période minimale d’admissibilité (PMA) du 31 janvier 2009 ».  Le tribunal de révision semblait soutenir que la seule façon dont l’appelante pouvait régler sa situation de chômage était de « trouver un emploi ».

[60] Dans l’arrêt Inclima c. Canada (Procureur général), [2003] FCJ no 378, la Cour d’appel fédérale a exigé qu’un appelant qui dit répondre à la définition d’incapacité grave en vertu du Régime de pensions du Canada doit non seulement démontrer qu’il a de sérieux problèmes de santé, mais que lorsqu’il y a des preuves de capacité de travail, il doit également démontrer que les efforts pour obtenir un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé.  La Commission d’appel des pensions a relevé l’omission du demandeur d’essayer de trouver des emplois légers et son omission de profiter des occasions de recyclage.  La Cour d’appel fédérale a conclu que l’application par la Commission d’appel des pensions du critère d’invalidité grave au sens du paragraphe 42(2) du Régime de pensions du Canada n’était pas déraisonnable, en considérant ces deux éléments ensemble.

[61] Dans l’évaluation de l’invalidité du demandeur, la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Inclima, a tenu compte des efforts du demandeur à trouver un emploi et de ses efforts à profiter des occasions de recyclage.  Je compare cela à l’évaluation effectuée par le tribunal de révision.  Dans sa section d’analyse, il n’a pas tenu compte de la preuve des efforts de recyclage et de recherche d’emploi de l’appelante dans sa détermination de ses efforts suffisants pour régler sa situation de chômage.  L’exigence du tribunal de révision voulant qu’un appelant soit tenu de trouver un emploi dans ses efforts pour régler sa situation de chômage va bien au-delà des exigences établies dans l’arrêt Inclima. Le critère défini dans l’arrêt Inclima indique qu’il n’est pas nécessaire pour un appelant de régler sa situation de chômage.  Pour autant que l’appelant tente d’obtenir et de conserver un emploi et que ces efforts sont infructueux pour des raisons de santé, cela serait suffisant pour répondre au critère de l’arrêt Inclima.

[62] Les deux parties se sont concentrées sur les efforts de l’appelante pour régler sa situation dans la perspective où le tribunal de révision aurait commis une conclusion factuelle erronée, plutôt qu’une erreur de droit.

[63] En soutenant que l’appelante était (1) tenue de régler sa situation de chômage et (2) de trouver un emploi pour régler sa situation de chômage, le tribunal de révision a commis une erreur de droit et est allé au-delà du critère défini par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Inclima.  Au plus, l’appelante devait démontrer que tous ses efforts pour obtenir et conserver un emploi avaient été infructueux en raison de son invalidité.  Il semblerait implicite selon ce critère que tout emploi cherché par un appelant devrait être adapté à ses limitations.  Par exemple, il serait totalement déraisonnable pour un appelant de ne chercher que des emplois exigeants sur le plan physique, s’il lui manquait la formation ou l’expérience professionnelle appropriées, ainsi que les capacités physiques requises.

[64] Est-ce le type d’erreur de droit qui commande une norme de la décision correcte?  Comme nous l’indiquons plus haut, la norme de la décision correcte est généralement réservée aux questions de territoire ou de constitution, ou aux questions d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et qui sont étrangères au domaine d’expertise du tribunal. Il s’agit ici de déterminer si l’appelante a satisfait au critère des efforts visant à régler la situation pour déterminer si son invalidité peut être considérée comme étant grave au sens du Régime des pensions du CanadaD’après moi, cela n’a pas une importance capitale en droit et, par conséquent, la norme de la décision raisonnable s’applique.

[65] Bien que le tribunal de révision n’a peut-être pas invoqué le critère juridique approprié, cela mène-t-il nécessairement à un résultat incorrect, ou ce résultat ne fait-il pas partie d’un ensemble d’issues potentielles acceptables?  J’évaluerai le caractère raisonnable de la décision ci-dessous, après avoir examiné les observations de l’appelante voulant que le tribunal de révision ait fondé sa décision sur une conclusion factuelle erronée à laquelle il est arrivé sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

2. Le tribunal de révision a-t-il tiré des conclusions factuelles erronées à propos des efforts de l’appelante pour régler sa situation, sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

[66] La représentante soutient que le tribunal de révision a commis une erreur lorsqu’il a déterminé que les efforts de l’appelante pour régler sa situation de chômage n’avaient pas été suffisants.  La représentante souligne qu’aux paragraphes 19 et 20 dans la portion de sa décision portant sur la preuve, le tribunal a relevé que l’appelante a suivi un programme de recyclage en vue d’occuper un poste sédentaire et a sollicité des « centaines » d’employeurs potentiels.  WorkSafe BC a examiné la formation de l’appelante et ses efforts de recherche d’emploi en décembre 2008 (à la page AD2-94 du dossier d’audience du tribunal de révision) et a constaté ce qui suit :

  • - La période des prestations de recherche d’emploi a commencé le 4 août 2008.
  • - L’appelante a maintenu et noté un minimum de trois contacts avec des employeurs par jour, ce qui comprenait des demandes en personne, des appels téléphoniques ou des envois par télécopieurs et du suivi.
  • - Elle a présenté une confirmation écrite de ses efforts de recherche d’emploi en remplissant des fiches de recherche d’emploi, qu’elle faisait parvenir au bureau toutes les deux semaines.
  • - Elle s’est inscrite aux services de soutien de son bureau local de Service Canada en examinant régulièrement les banques d’emplois et en faisant le suivi de toute occasion d’emploi potentielle.
  • - Elle a utilisé les ressources d’Internet, les bibliothèques, les centres communautaires, les journaux et le réseautage comme méthodes de recherche d’emploi.
  • - Elle a accepté d’étendre sa recherche d’emploi en s’informant des services de transport public disponibles pour elle, afin de répondre à ses préoccupations à propos de sa capacité de conduire sur de grandes distances et de réduire le temps de déplacement entre le domicile et le travail si elle devait trouver du travail à l’extérieur du secteur d’Abbotsford.
  • - Elle a accepté de centrer sa recherche d’emploi au-delà du secteur d’Abbotsford.

[67] La représentante soutient que, malgré cette preuve, le tribunal de révision a conclu que les efforts de l’appelante pour « régler sa situation de chômage étaient mineurs ».  La représentante soutient que la conclusion du tribunal de révision à propos de ses efforts de recherche d’un autre emploi était déraisonnable.

[68] Dans son analyse, le tribunal de révision n’a pas mentionné les efforts de l’appelante pour régler sa situation de chômage, autre que le fait qu’elle avait travaillé comme « cliente mystère » pour Costco.  Le tribunal de révision n’a pas tenu compte de la preuve de l’appelante indiquant qu’elle avait essayé de suivre un programme de recyclage, qu’elle avait fait de la recherche d’emploi intensive pendant plusieurs mois, sous la supervision de WorkSafe BC, et qu’elle avait effectué du travail de conception de site Web.  Dans cette perspective, je suis d’accord avec la représentante que c’était une erreur de fait que de décrire les efforts de recherche d’un autre emploi de l’appelante comme étant « mineurs », alors qu’elle avait tenté de se recycler, qu’elle avait recherché activement de l’emploi pendant plusieurs mois et effectué du travail de conception de site Web.

[69] Cependant, cette conclusion factuelle erronée était-elle une question sur laquelle le tribunal de révision a basé sa décision et le tribunal avait-il tiré cette conclusion en ne tenant pas compte de la preuve dont il disposait?

[70] Manifestement, le tribunal de révision a fondé sa décision sur cette conclusion factuelle erronée sans tenir compte de la preuve dont il disposait.  Au paragraphe 38, le tribunal de révision soutient que la preuve qui suivait ne concordait pas avec la conclusion que « l’état de santé » de l’appelante était grave, et énumère ensuite huit éléments différents, dont les efforts de l’appelante pour régler sa situation de chômage.  Cela montre que le tribunal de révision a fondé sa décision sur la conclusion que les efforts de l’appelante pour régler sa situation de chômage étaient mineurs.

[71] Si le fait de régler sa situation de chômage se définit comme le fait de trouver un emploi, on ne peut alors pas dire que la décision a été prise sans tenir compte de la preuve dont il disposait, car l’emploi de l’appelante après août 2006 était quelque peu limité.  Après sa date de PMA du 31 janvier 2009, l’appelante a brièvement travaillé comme « cliente mystère » pour Costco et, à un certain moment, a effectué du travail de conception de site Web.  Cependant, j’ai déjà déterminé plus haut que cette définition des efforts pour régler la situation de chômage (comme étant limitée à trouver effectivement un emploi) est inexacte, car ces efforts sont plus larges et comprennent les occasions de recyclage et la recherche d’emploi.  À cet égard, les efforts de l’appelante pourraient difficilement être catégorisés comme étant « mineurs », bien que je reconnaissance qu’ils aient eu lieu pendant une certaine période sous la supervision de WorkSafe BC.

[72] Comme le tribunal de révision a fondé sa décision sur une conclusion factuelle erronée sans tenir compte de la preuve dont il disposait, cela rend-il la décision déraisonnable?  Je vais maintenant me pencher sur cette question.

Question en litige 6 : Caractère raisonnable de la décision du tribunal de révision

[73] De quelle façon peut-on évaluer le caractère raisonnable?  Selon cette norme, je n’ai pas à apprécier les faits, à revoir le poids de la preuve, à réaliser ma propre évaluation, à intervenir dans les conclusions, ni à remplacer la décision du tribunal de révision par la mienne. Comme l’a établi l’arrêt Dunsmuir, mon rôle est de déterminer si la décision du tribunal de révision fait partie d’un ensemble d’issues potentielles acceptables qui sont défendables au regard des faits et du droit qui lui ont été présentés.  Il ne faut pas étudier chaque ligne de la décision, mais plutôt la décision dans son ensemble.

[74] Le critère du caractère raisonnable ne consiste pas à déterminer si une erreur susceptible de révision a été commise, mais le fait étant, même si le tribunal de révision avait estimé que l’appelante présentait une invalidité à l’audience de novembre 2012, il aurait fallu également avoir constaté son invalidité au moment de sa période minimale d’admissibilité, pour qu’elle soit admissible à des prestations d’invalidité du Régime de pensions du CanadaOn ne peut affirmer que la décision doit déraisonnable à cet égard.

[75] Dans l’arrêt Terre-Neuve [Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor) précité], la Cour suprême du Canada a déterminé qu’une décision n’avait pas à être exhaustive et pouvait ne pas faire référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents et autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat dans le contexte d’une analyse du caractère raisonnable. La Cour affirmait que pour autant que les motifs permettaient à la cour de révision de comprendre pourquoi le tribunal avait pris sa décision et lui permet de déterminer si la conclusion fait partie d’un ensemble d’issues potentielles acceptables, les critères de l’arrêt Dunsmuir sont satisfaits. La Cour indiquait également que le fait qu’il puisse exister une autre interprétation ne mène pas inévitablement à la conclusion que la décision doit être annulée si cette même décision fait partie des issues raisonnables. La Cour écrivait : « Les juges siégeant en révision doivent accorder une “ attention respectueuse ” aux motifs des décideurs et se garder de substituer leurs propres opinions à celles de ces derniers quant au résultat approprié en qualifiant de fatales certaines omissions qu’ils ont relevées dans les motifs ».

[76] Bien qu’il ait pu exister certains éléments de preuve qui pourraient étayer la conclusion que l’appelante était invalide au moment de sa période minimale d’admissibilité, il existait également des éléments de preuve convaincants à l’appui d’une autre conclusion.  L’interprétation des éléments de preuve par l’appelante pourrait bien avoir mené à une autre conclusion raisonnable, mais devant des conclusions raisonnables concurrentes à l’égard de la preuve, le tribunal de révision avait le droit de choisir entre elles.  Selon la norme de la décision raisonnable, il ne suffit pas de souligner une autre issue qui aurait pu ou dû être choisie.

[77] La représentante soutient que la décision du tribunal de révision est déraisonnable, car la preuve n’étaye pas la conclusion que l’appelante avait la capacité d’effectuer des tâches sédentaires à plein temps y compris des services d’hôtellerie et des tâches de gestionnaire Internet.  La représentante ajoute que la décision est déraisonnable, car elle ne faisait pas référence à la demande de prestations de l’appelante auprès de WorkSafe BC ou à l’abondant dossier de WorkSafe BC.  Dans ses présentations orales, la représentante a soutenu que le tribunal de révision n’avait pas tenu compte de toute la preuve, y compris les dossiers cliniques d’août 2006 à août 2007 et divers rapports de consultation de spécialistes, pour les années 2010 à 2012.

[78] Bien que WorkSafe BC ait accordé une invalidité partielle permanente globale de 10,47 % d’invalidité totale à l’appelante en mars 2009 relativement à son poignet gauche et à sa douleur chronique, on note que l’appelante a témoigné devant le tribunal de révision qu’au plus, elle ne pourrait effectuer que du travail sédentaire dans son milieu de travail précédent (voir le paragraphe 17 de la décision du tribunal de révision).  Elle a également témoigné qu’en 2006 son employeur n’avait malheureusement aucun poste à offrir qui ne comprenne que du travail sédentaire et que, par conséquent, elle a cessé de travailler en août 2006. (En juin 2011, le Workers’ Compensation Appeal Tribunal a déterminé que l’appelante avait droit à une indemnité d’invalidité fonctionnelle permanente de 5,56 % pour sa cheville droite, en plus de 2,5 % pour sa douleur chronique.)

[79] Cela semble indiquer qu’il existait effectivement des éléments de preuve à l’appui de la conclusion du tribunal de révision voulant que l’appelante soit apte à effectuer des tâches sédentaires à plein temps.  Mise à part une absence de quatre heures, elle a continué à travailler à plein temps après sa blessure en milieu de travail en mai 2005, jusqu’en août 2006.

[80] Bien que le tribunal de révision n’a peut-être pas traité de tous les éléments de preuve dans la section d’analyse, il n’était pas tenu de le faire : cf. Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82).  Le conseil de la demanderesse dans cette cause avait identifié plusieurs rapports médicaux dont elle disait que la Commission d’appel des pensions n’avait pas tenu compte, qu’elle y avait accordé trop de poids, qu’elle avait mal compris ou mal interprétés.  Dans son refus à la demanderesse de sa demande de contrôle judiciaire, la Cour d’appel a retenu que :

Premièrement, un tribunal n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve. Deuxièmement, le poids accordé à la preuve, qu’elle soit orale ou écrite, relève du juge des faits.
Ainsi, une cour qui entend un appel ou une demande de contrôle judiciaire ne peut pas en règle générale substituer son appréciation de la valeur probante de la preuve à celle du tribunal qui a tiré la conclusion de fait contestée. [...]

[81] Quoi qu’il en soit, je constate qu’au paragraphe 29 de sa décision, le tribunal de révision a effectivement cité WorkSafe BC, lorsqu’il a indiqué qu’une « grande quantité » de renseignements médicaux figuraient dans le dossier d’audience relatif à l’évaluation de l’état de santé de l’appelante par WorkSafe BC.

[82] La représentante ajoute que le tribunal de révision a commis une erreur de droit susceptible de révision lorsqu’il n’a examiné que la preuve médicale relative à la pathologie des symptômes de l’appelante et ne s’est pas penché adéquatement sur la gravité de ses symptômes relativement à sa capacité de travailler.  La représentante invoquait l’arrêt P. R. c. Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences (2014 TSSDGSR 1).  La représentante soutient que la décision du tribunal de révision est déraisonnable, car elle a négligé toutes les autres limitations, autre que le gardiennage et le transport comme passager à bord d’un véhicule tout-terrain.

[83] Comme je l’ai indiqué plus haut, le critère de la décision raisonnable ne consiste pas à déterminer si une erreur susceptible de révision a été commise.  Toutefois, je suis d’accord avec la représentante pour dire que si le tribunal de révision n’a pas tenu compte de la situation « réelle et concrète » de l’appelante dans l’évaluation de son invalidité, y compris l’incidence de ses symptômes sur sa capacité de travailler, cela pourrait être déraisonnable.

[84] D’après les faits qui me sont présentés, je ne vois pas que le tribunal de révision a omis de tenir compte de l’incidence des symptômes de l’appelante sur sa capacité globale.  Le tribunal de révision a reconnu que l’appelante connaissait diverses restrictions et limitations, mais il a conclu qu’elle conservait la capacité d’occuper un emploi sédentaire à plein temps.  Bien que l’appelante n’ait pas effectué de travail sédentaire depuis 2006, le tribunal de révision a passé en revue la documentation médicale depuis cette année-là.

[85] L’appelante ne m’a pas convaincue sur ces points que la décision du tribunal de révision était déraisonnable.

[86] Dans mon évaluation du caractère raisonnable de la décision, les observations du conseil m’ont été d’une certaine assistance.

[87] Le conseil soutient que les efforts de l’appelante pour régler sa situation étaient principalement faits sous la supervision de WorkSafe BC.  L’appelante a résumé ses efforts au paragraphe h) de sa demande de permission d’appel.  Elle a suivi un programme de recyclage de cinq mois (qu’elle a mis huit mois à terminer) et effectué une recherche d’emploi de six mois qui devait au départ se terminer en septembre 2008, mais qui a été prolongé jusqu’en janvier 2009 à la demande de l’appelante.  Le conseil soutient que ces efforts étaient maigres et d’une durée insuffisante, en ce qui a trait à la satisfaction du critère établi dans l’arrêt Inclima. Le conseil ajoute que, en d’autres mots, même si le critère juridique approprié avait été appliqué en ce qui a trait aux efforts de l’appelante pour régler sa situation, l’issue n’aurait pas été différente.

[88] Je ne crois pas que les efforts pour obtenir et conserver un emploi doivent être soutenus indéfiniment, bien que la durée raisonnable de ces efforts puisse varier d’une personne à l’autre.  Je suis d’accord avec les observations du conseil que l’appelante devait montrer qu’elle était motivée à poursuivre ses efforts de recherche d’emploi au-delà de la supervision de WorkSafe BC et que les efforts de recherche d’emploi en l’occurrence devaient aller au-delà de janvier 2009.  En même temps, je constate, en soutien à l’appelante, qu’elle doit forcément avoir fait preuve de certains efforts soutenus pour régler sa situation de chômage, ce qui explique son emploi comme conceptrice de site Web et, en 2010, comme « cliente mystère ».

[89] Néanmoins, le conseil s’interroge tout de même sur le caractère approprié de cet emploi. Par exemple, l’emploi de « cliente mystère » suppose de marcher pendant des périodes prolongées; pourtant, dans le questionnaire rempli par l’appelante en mai 2010, elle indiquait qu’après seulement 10 minutes de marche sur une surface plane, elle ressentait beaucoup de douleur à la cheville.  Les efforts pour obtenir et conserver cet emploi ont été indubitablement infructueux en raison de son invalidité, mais il est certain que l’exigence établie dans l’arrêt Inclima prévoit le caractère approprié de l’emploi.  En d’autres mots, tout emploi que l’appelante aurait cherché à obtenir et à conserver aurait dû être adapté à ses limitations et restrictions.

[90] Je ne peux pas en inférer que l’appelante ait cherché à obtenir et à conserver un emploi autre que comme concepteur de site Web et comme « cliente mystère », après que le programme de recherche d’emploi organisé par WorkSafe BC ait pris fin en janvier 2009, sans plus d’élément de preuve, de sorte que les conclusions générales du tribunal de révision voulant que l’appelante aurait pu faire plus pour satisfaire aux critères établis dans l’arrêt Inclima ne sont pas tout à fait déraisonnables.

[91] Le conseil soutient que l’appelante n’a pas obtenu d’emploi parce qu’elle était « sous-qualifiée » et non en raison de son état de santé.  Cela pourrait avoir ouvert la porte à l’allégation que le tribunal de révision pourrait ne pas avoir tenu compte de l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), [2001] FCJ no 1217, 2001 CAF 248, mais cette question n’a pas été soulevée par l’appelante.

[92] Dans l’arrêt Villani, le juge en chef Isaac écrivait :

[50] Cette réaffirmation de la méthode à suivre pour définir l’invalidité ne signifie pas que quiconque éprouve des problèmes de santé et des difficultés à se trouver et à conserver un emploi a droit à une pension d’invalidité. Les requérants sont toujours tenus de démontrer qu’ils souffrent d’une « invalidité grave et prolongée » qui les rend « régulièrement incapables de détenir une occupation véritablement rémunératrice ».  Une preuve médicale sera toujours nécessaire, de même qu’une preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l’existence des possibilités d’emploi. (C’est moi qui souligne)

[93] Bien que l’arrêt Villani n’ait pas été soulevé par l’appelante, mon examen de la décision du tribunal de révision indique qu’il a soigneusement pris en compte plusieurs autres aspects portant sur la question de la gravité, notamment la présence d’une preuve médicale.  Le tribunal de révision a examiné la preuve médicale, le témoignage de l’appelante sur l’incidence de son invalidité, sa situation personnelle et des éléments « réels et concrets », son plan de traitement et plusieurs autres facteurs. Bien que la demande de prestations d’invalidité de l’appelante était étayée de toute évidence par des renseignements médicaux, en même temps, des documents médicaux et un rapport de recyclage professionnel ont été présentés au tribunal de révision, ce qui lui a permis d’en arriver à la conclusion que, comme l’appelante restait apte à du travail sédentaire au moment de sa période minimale d’admissibilité, elle ne pouvait être considérée comme régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[94] Dans les présentations orales, la représentante a soutenu que le tribunal de révision avait considéré l’appelante comme étant invalide en 2005 et que WorkSafe BC l’avait considérée comme invalide également, car la commission a payé ses prestations de perte de revenus durant plusieurs années.  Premièrement, je ne vois pas cela dans la décision où le tribunal de révision a considéré l’appelante comme invalide en 2005 et, deuxièmement, la décision de WorkSafe BC relative à la capacité de l’appelante n’est pas pertinente dans la détermination de l’admissibilité de l’appelante à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Régime de pensions du Canada.  Le tribunal de révision n’est pas lié par les déterminations de WorkSafe BC, ni non plus par celles de tout autre organisme.  Le Régime de pensions du Canadadéfinit strictement ce qu’est une invalidité et l’appelante devait tout de même prouver qu’elle était invalide au sens du Régime de pensions du Canada, au moment de sa période minimale d’admissibilité.

[95] La représentante soutient que le tribunal de révision a commis une erreur susceptible de révision lorsqu’il a décidé que l’appelante n’était pas invalide aux fins des prestations d’invalidité du RPC lorsqu’il a omis d’accepter l’admission du ministre que l’appelante était invalide au 26 septembre 2012.  La représentante fait valoir que le tribunal de révision a commis une erreur en omettant de fournir une explication sur son désaccord avec le ministre sur ce point et affirme que la décision n’est ni transparente ni intelligible à cet égard.  Bien que cela puisse être possible, toute conclusion d’invalidité que le ministre aurait pu tirer après la période minimale d’admissibilité de l’appelante n’est pas pertinente et n’a aucune incidence sur le résultat.

[96] En foi des observations ci-dessus et de la norme déférente de contrôle, je suis d’avis que le tribunal de révision en est venu à un résultat qui fait partie de l’ensemble des issues acceptables et, à ce titre, est généralement acceptable et défendable selon les faits et les éléments de droit dont il disposait.

Conclusion

[97] L’appel est rejeté.

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