Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] Le délai pour déposer la demande de permission d’en appeler est prorogé.

[2] La permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale est accordée.

Introduction

[3] L’appelante a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.  Elle alléguait qu’elle souffrait d’une invalidité en raison d’une affection congénitale qui est devenue symptomatique à la suite d’un accident de voiture.  Le défendeur a rejeté sa demande initiale ainsi que sa demande de réexamen. L’appelant a interjeté appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision.  Le 25 janvier 2012, un tribunal de révision a rejeté son appel.

[4] L’appelante demandait la permission d’interjeter appel de cette décision. Elle affirmait que sa demande de permission d’en appeler avait été déposée auprès de la Commission d’appel des pensions, mais que celle-ci n’avait pas traité sa demande.  Le 18 février 2015, j’ai accepté que la présente affaire soit traitée comme si la demande de permission d’en appeler avait été correctement déposée auprès de la Commission d’appel des pensions et renvoyée, le 1er avril 2013, au Tribunal de la sécurité sociale conformément à la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité.

[5] Dans sa demande de permission d’en appeler, l’appelante a présenté trois moyens d’appel fondamentaux : la décision du tribunal de révision allait à l’encontre de la preuve, le tribunal de révision n’avait pas convenablement analysé la preuve et il y avait une crainte raisonnable de partialité de la part du tribunal de révision.

[6] Le défendeur a consenti à ce que la division d’appel accorde la permission d’en appeler.   Il n’a fourni aucune raison pour son consentement.

Analyse

Appel déposé en retard

[7] Dans son évaluation de la demande de prorogation du délai pour interjeter appel, le Tribunal doit se conformer aux décisions de la Cour fédérale.  Dans l’affaire Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 883, ce Tribunal a conclu qu’il faut prendre en considération et évaluer les critères suivants en rendant une décision sur une telle question :

  1. a) il y a intention persistante de poursuivre la demande;
  2. b) la cause est défendable;
  3. c) le retard a été raisonnablement expliqué;
  4. d) la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

Le poids qu’il faut accorder à chacun de ces facteurs peut varier selon les circonstances et, dans certains cas, d’autres facteurs aussi seront pertinents. La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice - Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204).

[8] L’historique de ce litige est inhabituel. L’appelante alléguait que sa demande de permission d’en appeler avait été déposée auprès de la Commission d’appel des pensions dans les délais impartis.  Elle a soumis une copie de ce document.  Pourtant, cette demande n’a pas été examinée par la Commission d’appel des pensions.  Le Tribunal de la sécurité sociale n’avait pas de dossiers concernant le dépôt de la demande auprès de la Commission d’appel des pensions.  Toutefois, le Tribunal de la sécurité sociale a envoyé une lettre à l’appelante dans laquelle elle lui indiquait que l’affaire lui avait été transférée.  C’est pour cette raison que j’ai accepté que l’affaire soit traitée comme si elle avait été correctement déposée auprès de la Commission d’appel des pensions et transférée au Tribunal de la sécurité sociale conformément à la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité.

[9] À la lumière de ces faits, je suis convaincue que l’appelante avait l’intention de poursuivre son appel de la décision et avait une explication raisonnable pour le retard qu’elle y a mis.

[10] Aucune des deux parties n’a fait d’observations selon lesquelles des préjudices seraient subis si cette affaire se poursuivait.  Je suis convaincue, après l’examen des faits, qu’aucun préjudice de la sorte ne serait subi.

[11] La dernière question à traiter dans une demande de prorogation du délai soumise par l’une des parties dans le cadre d’une demande de permission d’en appeler consiste à déterminer s’il s’agit d’une cause défendable.  Puisque le même critère juridique est appliqué que pour la demande de permission d’en appeler, j’examinerai cette question ci-dessous.

Permission d’en appeler

[12] La loi énonce clairement que, pour recevoir la permission d’en appeler, le demandeur doit soulever un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. Canada (Ministre du Développement), [1999] A.C.F. no 1252 (CF).  Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 A.C.F. 41, Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 A.C.F. 63.

[13] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social régit le fonctionnement de ce Tribunal. L’article 58 de la Loi énonce les seuls moyens d’appel qui peuvent être considérés pour accorder la permission d’interjeter appel (l’article est reproduit dans l’annexe de la présente décision). Je dois donc décider si l’appelante a présenté un moyen d’appel qui a une chance raisonnable de succès en appel.

[14] L’appelante a d’abord allégué que le tribunal de révision a mal évalué la preuve dans cette affaire en rendant sa décision. Elle a fourni un résumé des faits pertinents sur son accident de voiture et sur son trouble médical, ainsi que divers rapports médicaux à l’appui de sa demande.  L’appelante a donc ainsi essentiellement demandé au Tribunal de réévaluer la preuve présentée au tribunal de révision.  Cette tâche relève du juge des faits et non d’un organe d’appel – Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82. La Cour fédérale a mentionné clairement dans la décision Misek c. Canada (Procureur général), 2012 CF 890, il ne revient pas au membre appelé à décider si la permission d’en appeler doit être accordée ou non de soupeser à nouveau la preuve ou d’examiner le bien-fondé de la décision du tribunal de révision.  C’est pourquoi la répétition de la preuve présentée et l’invitation à l’évaluer de nouveau afin d’en tirer une conclusion différente ne soulèvent par un moyen d’appel ayant une chance raisonnable de succès.

[15] L’appelante a de plus allégué que le tribunal de révision n’a pas tenu compte du fait que la douleur chronique pouvait en elle-même être invalidante.  La décision du tribunal de révision a pris en compte le témoignage de l’appelante sur sa douleur. Encore une fois, il ne revient pas à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale d’évaluer à nouveau la preuve pour en tirer une conclusion différente. Par conséquent, cet argument ne soulève pas un moyen d’appel ayant une chance raisonnable de succès en appel.

[16] L’appelante a également soutenu que le tribunal de révision avait commis une erreur dans son interprétation du terme « grave » utilisé dans le Régime de pensions du Canadaen concluant que le fait de travailler à temps partiel ou d’occuper un emploi sédentaire suffisait pour qu’un demandeur ne soit pas considéré comme étant invalide. Elle a aussi allégué que le tribunal de révision n’a pas examiné sa situation dans un contexte « réaliste », tel que l’exige la décision Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248. La décision du tribunal de révision a correctement interprété la loi sur la capacité de travailler en ce qui concerne l’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada. Il n’est toutefois pas clair s’il a pris en compte la capacité de travail de l’appelante à la lumière de l’ensemble de sa situation.  C’est pourquoi ce moyen d’appel n’a pas de chance raisonnable de succès en appel.

[17] En outre, l’appelante a allégué que le tribunal de révision n’a pas, à maints égards, convenablement analysé la preuve soumise avant de rendre sa décision. D’abord, elle maintenait que le tribunal de révision lui avait imposé un fardeau de preuve impossible en déclarant qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves médicales pour établir qu’elle était invalide. Aussi, la décision du tribunal de révision n’a fait allusion à aucun rapport médical précis qui n’appuyait pas la demande de l’appelante.  Finalement, elle a cité la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Angheloni 2003 CAF 140 à l’appui de son affirmation que l’omission de la part du décideur d’expliquer les facteurs sur lesquels reposait sa décision constituait une omission de mener une enquête conforme à la loi.  Cet énoncé de la loi est exact.  Bien qu’il ait fait allusion aux dossiers médicaux qui lui avaient été soumis, le tribunal de révision n’a pas mentionné comment seraient évalués ces éléments de preuve. Comme la décision ne mentionne aucunement comment la preuve médicale a été évaluée, il est difficile de comprendre pourquoi le tribunal de révision a rendu une telle décision. Par conséquent, ces arguments sont des moyens d’appel qui ont une chance raisonnable de succès en appel.

[18] Finalement, l’appelante a allégué que le déroulement de l’audience suscitait une crainte raisonnable de partialité. Elle a affirmé que le président du tribunal l’interrompait lorsqu’elle présentait sa preuve, ne l’autorisait pas à répondre aux questions posées par son avocat et « coupait court » à sa preuve avant qu’elle n’ait été complètement présentée.  En outre, elle a allégué que lorsque son avocat s’est opposé à la conduite du président, ce dernier a refusé d’ajourner l’audience ou de se récuser dans cette affaire.  Elle s’appuyait sur une décision de la Cour d’appel fédérale qui avait conclu que l’obligation d’équité interdit aux membres du tribunal de questionner les parties de façon agressive ou intimidante ou de manière à susciter une crainte raisonnable de partialité. Il n’y a pas eu d’enregistrement de l’audience du tribunal de révision.  L’objection à la conduite du président par l’avocat de l’appelante est notée dans la décision du tribunal de révision. La décision de plus contenait très peu de renseignements sur son niveau d’instruction et son expérience de travail, qui constituaient les éléments de preuve qu’elle avait été empêchée de présenter lors de l’audience.  Il ne m’est donc pas possible de savoir si l’appelante a été en mesure de bien faire valoir son cas devant un tribunal impartial. C’est pourquoi ce moyen d’appel n’a pas de chance raisonnable de succès en appel.

Conclusion

[19] Je suis convaincue que l’appelante a présenté une cause défendable en appel.  Elle m’a également convaincue qu’elle répond aux autres exigences me permettant de lui accorder une prorogation pour le dépôt de sa demande de permission d’en appeler. Par conséquent, la prorogation est accordée.

[20] En outre, l’appelante a présenté des moyens d’appel qui ont une chance raisonnable de succès en appel et c’est pourquoi la permission d’en appeler à la division d’appel est accordée.

[21] La présente décision sur la demande de permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

Annexe

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

58. (1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

58. (2) La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

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