Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Comparutions

  • L’appelant: M. G.
  • Avocat de l’intimé: Hasan Junaid
  • Observateur: D. G.

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] L’appelant a été enseignant dans une école secondaire pendant plus de 30 ans. Après avoir pris sa retraite, il a commencé à travailler dans un centre d’appels. Pendant qu’il faisait ce travail, il a entendu un bruit de forte détonation provenant de son casque téléphonique. Cela lui a causé de la douleur ainsi qu’un acouphène permanent dans les deux oreilles, qui ne s’est pas corrigé. L’appelant n’est pas retourné travailler. Il a fait une demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canadaet a déclaré être invalidé par l’acouphène. L’intimé a rejeté sa demande initiale ainsi que la demande de réexamen. L’appelant a interjeté appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision. Après l’audience, le tribunal de révision a rejeté la demande de l’appelant.

[3] L’appelant a fait appel à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale par une lettre datée du 15 juillet 2013. Il a fait valoir que le tribunal de révision ne lui avait pas donné la possibilité de présenter sa position étant donné qu’un membre du tribunal de révision l’avait interrompu pendant qu’il présentait sa preuve et l’avait questionné de manière agressive et intimidante. L’intimé a affirmé que, puisque l’appelant ne s’est pas plaint de ce comportement à l’audience, il avait renoncé implicitement au droit de s’y opposer en appel. De plus, il a indiqué que le tribunal de révision avait reçu et considéré toute la preuve pertinente et rendu une décision raisonnable. L’intimé a ajouté que le tribunal de révision avait raisonnablement conclu, à partir de la preuve, que l’appelant possédait probablement des compétences transférables.

[4] L’audience d’appel a eu lieu en personne le 23 mars 2015. L’audience a eu lieu en personne en raison de la nature de l’invalidité de l’appelant, des prétentions des parties, de la complexité de la question en appel et des écarts de renseignements entre les documents écrits.

Norme de contrôle

[5] L’appelant n’a pas soumis d’observations sur la norme de contrôle qui devrait être appliquée à la décision du tribunal de révision, dans ses documents écrits. Lorsqu’on lui a posé la question à l’audience d’appel, il a déclaré que le tribunal de révision aurait dû faire preuve d’équité procédurale, mais ne l’avait pas fait. L’intimé a soumis des observations détaillées sur la norme de contrôle qui devrait être appliquée à la décision du tribunal de révision en l’espèce. Il a fait valoir que pour les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit, la norme qui s’applique est celle de la décision raisonnable. Pour les questions de justice naturelle, la norme de contrôle qui s’applique est celle de la décision correcte.

[6] Le jugement qui fait jurisprudence en la matière est Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick 2008 CSC 9. Dans ce cas, la Cour suprême du Canada a conclu que lors du contrôle d’une décision sur des questions de fait, des questions mixtes de droit et de fait et des questions de droit portant sur la loi habilitante du tribunal, la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable, soit si la décision du tribunal fait partie d’un ensemble de dénouements potentiels acceptables qui pourraient être défendus dans le contexte des faits et des principes de droit en cause. Pour les questions de justice naturelle, la norme de contrôle qui s’applique est celle de la décision correcte. Cette décision a été suivie par la Cour d’appel fédérale dans Atkinson c. Canada (Procureur général) 2014 CAF 187, qui portait également sur une demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Je dois donc décider si le tribunal de révision a contrevenu aux principes de justice naturelle dans la manière dont il a mené l’audience, en appliquant la norme de la décision correcte.

Analyse

[7] Selon les principes de justice naturelle, les parties à un litige doivent pouvoir présenter leur position de manière appropriée, savoir quelle preuve ils doivent faire et obtenir une décision d’un décideur impartial fondée sur l’ensemble de la preuve. La notion d’équité procédurale fait partie de la justice naturelle et vise la procédure suivie à l’audience. En l’espèce, l’appelant a affirmé que l’audience du tribunal de révision n’était pas équitable du point de vue de la procédure et donc que les principes de justice naturelle n’avaient pas été respectés.

[8] L’intimé a d’abord soutenu que, puisque l’appelant n’avait pas mentionné l’existence d’un problème d’équité procédurale ou de justice naturelle à l’audience même, il était maintenant trop tard pour le faire. Il a appuyé ses prétentions sur la décision Gill c. Canada (Procureur général) 2011 CAF 195. Dans cette affaire, la demanderesse avait soulevé la question de l’interprétation inexacte de son témoignage à une audience relative à l’invalidité dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire de la décision sur l’invalidité. La Cour d’appel fédérale a conclu que les problèmes d’interprétation auraient dû être soulevés à la première occasion raisonnable, et non à une instance ultérieure. Cette conclusion était conforme aux décisions de la cour fédérale dans d’autres causes où elle avait conclu que les oppositions relatives à l’équité procédurale doivent être faites à la première occasion raisonnable.

[9] En l’espèce, l’appelant s’est plaint du manque d’équité procédurale à l’audience du tribunal de révision lorsqu’il a demandé la permission d’en appeler de la décision du tribunal de révision. Il s’était alors écoulé 90 jours depuis que la décision du tribunal de révision avait été rendue. Il a demandé la permission d’en appeler dans le délai imparti pour le faire, et il s’agissait de l’étape logique suivante à franchir dans la présente instance. De plus, l’audience du tribunal de révision a eu lieu en février 2013, juste avant que le Bureau du Commissaire des Tribunaux de révision ait terminé ses travaux. Compte tenu de ce qui précède, il est possible que l’appelant n’ait pas su clairement, à ce moment, quelles étaient les options à sa disposition pour contester la manière dont l’audience était menée. Je suis d’avis qu’il a soumis sa plainte à la première occasion raisonnable. Je rejette donc cet argument de l’intimé.

[10] Il n’y a pas eu d’enregistrement ni de transcription de l’audience du tribunal de révision. Je conviens avec l’appelant que s’il y avait eu un enregistrement ou une transcription, il aurait été beaucoup plus facile d’établir s’il y a eu ou non contravention à la justice naturelle à l’audience. Je dois quand même être convaincue, toutefois, par les arguments et les documents qui m’ont été soumis, que l’appelant n’a pas eu la possibilité adéquate de présenter sa position pour accueillir l’appel.

[11] L’appelant a affirmé que l’acouphène est un état très subjectif. Les rapports médicaux au dossier d’audience du tribunal de révision le confirment. Par conséquent, il a soutenu qu’il était important qu’il ait la possibilité adéquate de parler de la nature subjective de cet état à l’audience du tribunal de révision. Il a prétendu ne pas avoir été en mesure de le faire puisqu’un membre du tribunal de révision l’avait interrompu et lui avait posé des questions sur son traitement de santé mentale pour l’acouphène de manière agressive. Bien que l’appelant se soit attendu à ce qu’on lui pose des questions, la vidéo produite par le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision pour aider les demandeurs à se préparer à une audience montrait des parties interrogées de manière beaucoup plus respectueuse, et il s’est fié à cette vidéo.

[12] Je reconnais que l’appelant ait pu vouloir parler davantage de la preuve qu’il avait présentée à l’audience du tribunal de révision. Je reconnais également qu’il était mécontent de la manière dont les questions lui ont été posées à l’audience. Toutefois, ces observations sont insuffisantes comme telles à me convaincre que l’appelant n’a pas pu présenter adéquatement sa position.

[13] L’appelant a confirmé que son épouse avait pu présenter entièrement sa preuve au tribunal de révision. Cela comprenait une preuve sur l’incidence subjective de l’acouphène sur l’appelant, sa vie quotidienne et leur relation. De plus, l’appelant a rempli un questionnaire lorsqu’il a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Il a également expliqué, dans ce document, l’incidence subjective de l’acouphène. Il a de plus écrit de manière éloquente au Bureau du Commissaire des tribunaux de révision pour demander le réexamen de la décision initiale défavorable de l’intimé. Tout ceci a été pris en compte par le tribunal de révision avec son témoignage à l’audience.

[14] L’avocat de l’intimé a souligné des paragraphes précis de la décision du tribunal de révision qui résument le témoignage de l’appelant à l’audience. La décision résume également les rapports médicaux et le témoignage de Mme G. L’ensemble de cette preuve contient des énoncés sur l’incidence subjective de l’acouphène sur l’appelant.

[15] La Cour d’appel fédérale a décidé que le tribunal de révision est présumé avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve qui lui a été soumise, y compris les témoignages et les documents écrits. Il n’est pas nécessaire que le tribunal de révision mentionne chaque élément de preuve dans sa décision écrite (Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82). En l’espèce, même si la décision du tribunal de révision ne mentionne pas chaque aspect de l’effet subjectif de l’acouphène sur l’appelant, je suis convaincue, pour les motifs indiqués ci-dessus, que le tribunal de révision en a tenu compte dans sa décision.

[16] Lorsqu’il s’est vu demander quelle preuve il n’avait pas été en mesure de présenter à l’audience, l’appelant a expliqué qu’il aurait témoigné davantage sur l’incidence de l’acouphène sur sa vie quotidienne. Il n’a pas mentionné de faits ou d’effets de l’acouphène en particulier qui ne sont pas mentionnés dans la décision du tribunal de révision ou dont celui-ci n’aurait pas tenu compte dans sa décision en l’espèce.

[17] L’intimé a soutenu qu’on doit faire preuve de déférence envers le tribunal de révision au sujet du déroulement de l’audience et du fait que ce dernier a pu poser des questions pertinentes à l’appelant pendant l’audience. Le tribunal de révision est tenu d’entendre la preuve, de l’évaluer et de rendre une décision. Pour s’acquitter dûment de cette tâche, il peut poser des questions aux parties et aux témoins. Bien que certaines questions n’aient peut-être pas été posées avec courtoisie ou délicatesse, cela ne suffit pas à contrevenir aux principes de justice naturelle. Même si le tribunal de révision aurait pu questionner l’appelant différemment, je ne suis pas convaincue que, dans cette affaire, il a contrevenu aux principes d’équité procédurale ou de justice naturelle en raison de la manière dont il a posé des questions à l’appelant.

[18] Lorsqu’il a été questionné à l’audience, l’appelant a mentionné que l’audience du tribunal de révision avait duré moins longtemps que ce à quoi il s’attendait. La durée de l’audience n’est pas déterminante en matière de contravention aux principes de justice naturelle. Cet argument ne me convainc pas que le tribunal de révision a contrevenu aux principes de justice naturelle.

[19] L’appelant a également soutenu que le représentant de l’intimé n’avait pas participé à l’audience, sauf pour poser brièvement des questions sur son traitement de santé mentale relatif à l’acouphène. Cela lui a donné l’impression que sa demande n’en valait pas la peine et ne méritait pas qu’on s’y attarde sérieusement. Le tribunal de révision ne peut obliger une partie à participer d’une manière particulière à l’audience. Le fait qu’une partie décide de ne pas participer entièrement à une audience ne contrevient à aucun principe de justice naturelle. La partie qui agit ainsi le fait à ses risques. Par conséquent, le fait que le représentant de l’appelante n’a pas participé entièrement ou n’a pas semblé accorder d’importance à l’appelant n’est pas un motif pour accueillir l’appel.

[20] De même, l’appelant a soutenu qu’à l’audience, il a eu l’impression que personne ne semblait représenter ses intérêts à part lui-même. Il n’aurait pas été convenable que le représentant de l’intimé représente ses intérêts, puisqu’ils étaient contraires aux siens. S’il avait été considéré que le tribunal de révision avait représenté les intérêts d’une partie, cela aurait contrevenu aux principes de justice naturelle. Le tribunal de révision doit être un décideur objectif et impartial. Le tribunal de révision n’a donc pas commis d’erreur à cet égard.

[21] Finalement, l’intimé a soutenu que le tribunal de révision avait conclu raisonnablement que l’appelant possédait probablement des compétences transférables. L’appelant n’a pas nié avoir obtenu trois diplômes universitaires, a enseigné au secondaire pendant plus de 30 ans, puis a travaillé pendant environ 15 mois dans un centre d’appels. Je suis convaincue que ces faits appuient la conclusion selon laquelle l’appelant a probablement des compétences transférables. La décision du tribunal de révision sur ce point est donc raisonnable.

Conclusion

[22] Pour les motifs susmentionnés, je ne suis pas convaincue que le tribunal de révision a contrevenu aux principes de justice naturelle ou d’équité procédurale en l’espèce. Par conséquent, l’appel est rejeté.

Annexe

Pièces

  1. Dossier du tribunal de révision
  2. Lettre d’appel datée du 15 juillet 2013
  3. Observations de l’intimé, déposées pour l’appel
  4. Observations de l’appelant modifiées, déposées pour l’appel
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