Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

[1] La permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale est refusée.

Introduction

[2] L’appelante a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.  Elle alléguait qu’elle souffrait d’une invalidité en raison de limites physiques et d’une maladie mentale dont elle souffre.  Le défendeur a rejeté sa demande initiale ainsi que sa demande de réexamen. L’appelante a interjeté appel devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision.  L’affaire a été renvoyée à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale le 1er avril 2013, conformément à la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable. La division générale a tenu une audience par téléconférence et, le 17 décembre 2014, a rejeté la demande de l’appelante.

[3] L’appelante a demandé la permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale.  Elle alléguait qu’elle avait été incapable de bien faire valoir son cas lors de l’audience de la division générale parce que l’audience s’était déroulée par voie de téléconférence, et non en personne, et que sa demande contenait une erreur au sujet de son niveau d’instruction.

[4] Le 20 février 2015, j’ai demandé aux deux parties des réponses à des questions écrites ainsi que des observations d’ordre juridique.  L’appelante a répondu à ces questions par lettre et l’intimé a déposé des observations par écrit dans les délais impartis.  Le défendeur maintenait que la permission d’en appeler devrait être rejetée parce que l’appelante n’avait pas soulevé un moyen d’appel ayant une chance raisonnable de succès en appel.

Analyse

[5] Pour recevoir la permission d’en appeler, le demandeur doit soulever un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c.  Canada (Ministre du Développement), [1999] A.C.F. no 1252 (CF). Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 A.C.F. 41, Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 A.C.F. 63.

[6] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social régit le fonctionnement du Tribunal. L’article 58 de la Loi énonce les seuls moyens d’appel qui peuvent être considérés pour accorder la permission d’interjeter appel d’une décision de la division générale (l’article est reproduit dans l’annexe de la présente décision). Par conséquent, je dois décider si l’appelante a soulevé un moyen d’appel prévu par l’article 58 de la Loiayant une chance raisonnable de succès en appel.

[7] L’appelante alléguait que sa demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canadacontenait une erreur au sujet de son niveau d’instruction.  La demande indiquait qu’elle avait terminé sa 12e année au Portugal.  Ce formulaire avait été rempli au nom de l’appelante par un ami et était incorrect. Elle n’avait terminé qu’une 4e année.  Elle n’avait pas apporté cette correction lors de l’audience de la division générale.  L’appelante a dû expliquer dans les questions par écrit qui lui ont été soumises pourquoi cette erreur n’avait pas été corrigée lors de l’audience de la division générale.  Elle a répondu que la raison pour laquelle elle ne l’avait pas fait était qu’elle n’était pas stable mentalement au moment de l’audience.  L’appelante n’a pas prétendu, toutefois, qu’elle avait été incapable de participer pleinement à l’audience.

[8] La décision de la division générale indiquait que l’appelante avait terminé une 12e année.  Ce facteur a été pris en compte, de même que les caractéristiques personnelles de l’appelante, notamment son âge, ses antécédents professionnels, ses compétences linguistiques, etc. avant que la division générale ne rende sa décision. Bien que la division générale ait commis une erreur en affirmant que l’appelante avait terminé sa 12e année, je ne suis pas convaincue que cette erreur de fait ait été commise de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à la connaissance de la division générale.  L’appelante a expliqué qu’elle n’avait pas corrigé cette erreur parce qu’elle n’était pas stable mentalement le jour de l’audience.  Je ne suis pas convaincue par cette explication. Cet argument ne soulève pas un moyen d’appel ayant une chance raisonnable de succès en appel.

[9] L’appelante a également soumis la copie d’un document écrit en portugais qui, selon elle, confirmait son niveau d’instruction; elle a en outre soumis une lettre plus récente de son/sa psychiatre.  L’article 58 de la Loi ne permet pas aux parties de déposer auprès du Tribunal de nouvelles preuves en tant que motifs d’appel.  Par conséquent, la présentation de ces preuves n’aide aucunement le cas de l’appelante.

[10] L’appelante alléguait aussi qu’elle ne pouvait pas bien faire valoir son cas parce que l’audience s’était déroulée par téléconférence, et non en personne.  L’intimé a affirmé que la division générale n’avait pas fait d’erreur en tenant l’audience de cette façon. L’article 21 du Règlement sur le tribunal de la sécurité sociale prévoit que les audiences peuvent se dérouler par écrit, par téléconférence, par vidéoconférence ou tout autre moyen de télécommunication, ou en personne. De plus, l’article 28 du Règlement prévoit qu’après que tous les documents ont été déposés à la division générale (ou que le délai pour le faire a expiré), la section de la sécurité du revenu doit soit rendre sa décision en se fondant sur les documents et observations déposés, soit, si elle estime qu’elle doit entendre davantage les parties, leur faire parvenir un avis d’audience. Il est donc clair qu’il n’existe pas de droit à une audience en personne pour quelque demandeur que ce soit.

[11] En outre, la Cour suprême du Canada a abordé la question de l’équité procédurale dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817.  Cet arrêt énonce clairement qu’une décision qui touche les droits, privilèges ou biens suffit pour entraîner l’obligation d’équité. La notion d’équité procédurale est toutefois variable et son contenu est tributaire du contexte de chaque cas. La décision énumère ensuite un certain nombre de facteurs dont il faut tenir compte pour décider de la nature de l’obligation d’équité qui s’applique dans un cas particulier, notamment, la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir, la nature du régime législatif et les termes de la loi régissant l’organisme, l’importance de la décision pour la personne visée, les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision et les choix de procédure que l’organisme fait lui-même, particulièrement quand la loi laisse au décideur la possibilité de choisir ses propres procédures.

[12] Lorsque j’applique ces facteurs à la situation en l’espèce, j’en viens aux conclusions suivantes. Premièrement, il est évident que la décision de la division générale sur le fond de l’appel qui lui est soumis a une incidence sur les privilèges du demandeur.  Une décision sur le mode d’audience détermine ces privilèges et, par extension, se répercute sur eux.

[13]  Ensuite, la décision en question en l’espèce est de nature procédurale.  Le mode d’audience ne modifie pas le fait que l’appelante a la possibilité de présenter sa position et de répondre à la position de l’intimé.

[14] Je reconnais que les points en litige sont importants pour l’appelante.

[15] J’accorde une grande importance à la nature du régime législatif qui régit le Tribunal de la sécurité sociale.  Il s’agit d’un nouveau tribunal qui vise le règlement des différends de la manière la plus expéditive et économique possible. À cette fin, le Parlement a adopté une loi qui accorde au Tribunal la discrétion pour fixer le mode d’audience, que ce soit en personne, par vidéoconférence ou par écrit, etc. La discrétion de décider du mode d’audience de chaque cause ne doit pas être restreinte indûment.

[16] Plusieurs décisions judiciaires ont traité de la notion des attentes légitimes.  Il découle clairement de ces décisions que cette notion se rapporte aux attentes sur la procédure, et non sur le fonds.  Autrement dit, la partie à une demande devant le Tribunal de la sécurité sociale (TSS) peut s’attendre à certaines garanties procédurales, mais non à une issue précise de sa cause (voir Baker, susmentionnée). Récemment, la Cour fédérale a traité de la question des attentes légitimes dans le contexte d’un appel devant la division d’appel du TSS, dans Alves c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1100.  Dans cette affaire, la demanderesse cherchait à obtenir le contrôle judiciaire d’une décision de la division d’appel du TSS. Elle avait interjeté appel à la Commission d’appel des pensions, qui n’avait pas entendu la cause avant la fin de son mandat.  La cause a été transférée à la division d’appel du TSS. Le TSS a entendu l’affaire sur le fondement de la loi antérieure à l’entrée en fonction du TSS, en raison des attentes légitimes de la demanderesse lorsqu’elle avait interjeté appel.   Dans sa décision, la Cour fédérale a statué que la théorie des attentes légitimes se limite aux règles d’équité procédurale.  Elle a conclu que le TSS avait erré et que la loi en vigueur lors de l’audience aurait dû être appliquée au lieu de la loi qui était en vigueur lors de la demande à la Commission d’appel des pensions.  Les attentes légitimes des parties ont été limitées aux questions de procédures et n’ont pas été appliquées aux moyens d’appel.

[17] Finalement, je dois examiner les choix de procédure faits par le TSS. Le Règlementprévoit que le membre du Tribunal doit déterminer le mode d’audience,  sans donner de directive sur la manière dont la décision doit être prise.  Il s’agit d’une décision discrétionnaire.  Il convient donc de faire preuve de déférence quant à la décision du membre dans chaque cas.

[18] Après l’examen de ces facteurs, je suis convaincue qu’il n’y a pas eu violation d’équité procédurale dans le présent cas simplement dû au fait que l’audience de la division générale s’est déroulée par voie de téléconférence.

[19] L’appelante alléguait qu’elle ne pouvait pas bien faire valoir son cas par voie de téléconférence parce qu’elle n’était pas stable mentalement et qu’elle était facilement distraite.  L’appelante n’a toutefois pas expliqué comment une audience par téléconférence au lieu d’une autre forme d’audience pouvait avoir une incidence sur l’instabilité mentale.  Elle n’a aucunement allégué qu’elle n’avait pas compris la procédure ou qu’elle avait été incapable de faire valoir son cas auprès du membre de la division générale. La décision de la division générale a résumé son témoignage ainsi que la preuve documentaire. L’appelante n’a nullement allégué que la division générale avait commis une erreur à cet égard. C’est pourquoi je ne suis pas convaincue que l’appelante ait été incapable de faire valoir son cas pleinement et adéquatement et qu’elle ait été ainsi privée d’équité procédurale.  Cet argument ne soulève pas un moyen d’appel ayant une chance raisonnable de succès en appel.

Conclusion

[20] La demande est rejetée puisque l’appelante n’a pas soumis un moyen d’appel ayant une chance raisonnable de succès en appel.

Annexe

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

58. (1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

58. (2) La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.