Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] Le 15 avril 2014, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada a déterminé qu’il y avait prescription quant à la demande de prestations de la demanderesse et que les renseignements que cette dernière avait transmis au Tribunal ne satisfaisaient pas au critère des faits nouveaux et essentiels en vertu de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social. La demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler (la « Demande ») à la division d’appel du Tribunal par lettre datée du 7 août 2014. Il semble que cette demande ait été déposée après l’expiration du délai imparti pour le faire. La demanderesse a affirmé qu’elle avait communiqué avec le Tribunal immédiatement après avoir reçu la décision de la division générale pour discuter de cette question, que tout retard dans le dépôt de cette demande de permission d’en appeler était imputable aux délais dans cette communication et que ce retard ne causerait pas de préjudice à l’intimé.

[2]  Au sujet de l’appel, la demanderesse a affirmé qu’on l’avait privée de justice naturelle dans le processus ayant abouti à la décision rendue par la division générale, qu’elle était en désaccord avec la prescription dont on avait frappée sa demande de prestations et qu’elle n’était pas d’accord avec la décision de la division générale selon laquelle son nouveau diagnostic ne constituait pas un fait nouveau et essentiel en vertu de la législation.

[3] L’intimé a soutenu que la Demande avait été déposée tardivement et qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences légales pour qu’il soit permis de proroger le délai pour la déposer et que, à la simple lecture de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »), l’appel était frappé de prescription. Il me faut donc déterminer s’il y a lieu de proroger, pour la demanderesse, le délai pour déposer la Demande et, le cas échéant, si la permission d’en appeler devrait être accordée.

Analyse

Prorogation du délai

[4] Dans ses observations datées du 30 mars 2015, l’intimé a correctement cité la jurisprudence s’appliquant à l’octroi d’une prorogation de délai pour le dépôt d’une demande de permission d’en appeler. Dans Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 883, la Cour fédérale a conclu que les facteurs suivants doivent être pris en considération et évalués pour trancher cette question :

  1. (a) il y a intention persistante de poursuivre la demande;
  2. (b) l’affaire révèle une cause défendable;
  3. (c) le retard a été raisonnablement expliqué;
  4. (d) la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[5]  Le poids à accorder à chacun de ces facteurs peut varier selon les faits de chaque espèce et, dans certains cas, des facteurs différents pourront être pertinents. La considération première est celle de l’intérêt de la justice – Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204.

[6] En l’espèce, la Demande a été reçue environ un mois après l’expiration du délai imparti pour son dépôt. La demanderesse a déclaré avoir communiqué avec le Tribunal pour discuter de son cas et qu’il y a eu certains délais dans cette communication, ce qui a entraîné le dépôt tardif de la Demande. Sur ce point, je suis convaincue que la demanderesse avait une intention persistante de poursuivre la Demande et que le retard a été raisonnablement expliqué.

[7] La demanderesse a également affirmé que ce retard ne causerait de préjudice à aucune partie. Dans ses observations, l’intimé n’a fait aucune mention d’un préjudice causé par le retard dans cette affaire. Par conséquent, je suis convaincue que s’il fallait poursuivre l’instruction de cette affaire, cela ne causerait aucun préjudice à une partie ou l’autre.

[8] Un autre facteur à prendre en considération est de savoir si la demanderesse a présenté une cause défendable en appel. Comme la Cour d’appel fédérale a aussi statué que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique, j’analyserai ce facteur un peu plus loin sous cet angle (voir Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, et Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF).

Permission d’en appeler

[9] C’est la Loi sur le MEDS qui régit le fonctionnement de ce Tribunal. L’article 58 de cette loi énonce les seuls moyens d’appel que l’on peut prendre en considération pour accorder la permission d’en appeler d’une décision de la division générale (voir la disposition pertinente en annexe de la présente décision).

[10] La demanderesse a présenté trois moyens d’appel. Tout d’abord, elle a affirmé qu’elle et sa représentante s’étaient présentées à une audience en février 2014, qu’elle avait présenté des observations concernant son dossier et que le membre du Tribunal lui avait dit oralement qu’elle avait obtenu gain de cause. Elle a ultérieurement parlé à un employé du Tribunal, qui lui a de nouveau dit que sa demande de prestations avait été acceptée. En avril 2014, elle a reçu la décision de la division générale qui rejetait sa demande, ne faisait aucune mention de l’audience à laquelle elle avait assisté et indiquait que la décision avait été rendue sur la foi du dossier écrit seulement. En procédant ainsi, le Tribunal a manqué aux principes de justice naturelle. En réponse à ma demande d’autres renseignements et observations, la demanderesse a fourni quelques détails sur la date et le lieu de l’audience, sur les personnes présentes et sur l’issue de l’audience. L’intimé n’a pas fourni des renseignements ni d’observations concernant cet événement. Si les prétentions de la demanderesse au sujet de ce processus sont correctes, il se peut qu’il y ait eu manquement aux principes de justice naturelle. Par conséquent, ce moyen d’appel a une chance raisonnable de succès en appel.

[11] La demanderesse a également affirmé que, dans sa décision, la division générale avait commis une erreur lorsqu’elle avait statué que sa demande de prestations était frappée de prescription. Elle a plaidé que l’intention du législateur n’était pas d’enlever un droit à un avantage et que l’affaire devrait être jugée selon son bien-fondé. L’intimé a fait valoir que la demande reposant sur des faits nouveaux et essentiels avait été déposée plus d’un an après la communication de la décision à la demanderesse. À la simple lecture de la Loi sur le MEDS et de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, on constate que l’appel est frappé de prescription et que l’on ne peut donc le poursuivre.

[12] Si la loi est claire et qu’elle met fin à des droits antérieurs, on doit l’accepter. Toutefois, cela ne signale pas la fin de l’instruction. Il se peut que la doctrine de common law relative aux circonstances spéciales s’applique en l’espèce, quoique cela ne soit pas certain. On ne sait pas non plus exactement s’il est approprié, dans cette affaire, qu’il soit mis fin aux droits de la demanderesse ou que ses droits soient soustraits à son contrôle par l’adoption de nouvelles lois. Il peut y avoir d’autres fondements juridiques en vertu desquels la demande de prestations de la demanderesse ne serait pas frappée de prescription. Par conséquent, ce moyen d’appel confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[13] Finalement, la demanderesse a déclaré qu’elle n’était pas d’accord avec la décision de la division générale selon laquelle son nouveau diagnostic médical ne répondait pas au critère juridique d’un fait nouveau et essentiel. Elle a expliqué ce que ce nouveau diagnostic impliquait pour son traitement et le pronostic. Elle a affirmé que le nouveau diagnostic expliquait aussi pourquoi l’appelante avait [traduction] « finalement renoncé à l’idée » d’occuper un emploi. L’intimé n’a pas déposé d’observations sur ce moyen d’appel. Je suis convaincue que la division générale, en rendant sa décision, a pu ne pas pleinement prendre en considération l’ensemble des implications de ce nouveau diagnostic. Il se peut qu’une erreur de fait ait été commise ici au motif qu’il n’a pas été tenu compte des éléments portés à la connaissance de la division générale. Par conséquent, ce moyen d’appel peut aussi conférer à l’appel une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[14] La demanderesse m’a convaincue qu’elle avait une intention persistante de poursuivre cette affaire, que le retard a été raisonnablement expliqué et qu’elle avait une cause défendable. Il n’y a aucune indication d’un préjudice qui serait causé à l’une ou l’autre des parties si cette affaire était poursuivie. Il est dans l’intérêt de la justice d’accorder une prorogation du délai pour déposer la Demande.

[15] En outre, la permission d’en appeler est accordée car la demanderesse a présenté des moyens d’appel qui confèrent une chance raisonnable de succès à l’appel.

[16] Les parties ont 45 jours pour déposer des observations. Il serait utile au Tribunal que les parties fournissent des observations sur l’ensemble des points abordés plus haut.

[17] La présente décision accordant la permission d’en appeler ne présume pas du résultat de l’appel sur le fond du litige.

Annexe

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

58. (1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

58. (2) La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

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