Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] La demanderesse a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Elle a affirmé qu’elle était invalide en raison de douleurs lombaires et d’une maladie mentale. L’intimé a rejeté sa demande à l’examen initial ainsi qu’après réexamen. La demanderesse a interjeté appel auprès du Bureau du commissaire des tribunaux de révision. Le 1er avril 2013, l’affaire a été transférée à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale en application de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable. La division générale a tenu audience par téléconférence et, le 31 décembre 2014, a rejeté l’appel de la demanderesse.

[2] La demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler (la « Demande ») à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale. Elle a soutenu que la division générale avait commis une erreur de fait et de droit et avait manqué aux principes de justice naturelle en ne lui accordant pas une audience équitable.

[3] L’intimé n’a pas déposé d’observations.

Analyse

[4] Pour qu’une permission d’en appeler soit accordée, il faut que la demande soulève un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252 (CF). Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a statué que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, et Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[5] C’est la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS ») qui régit le fonctionnement du Tribunal. L’article 58 de cette loi énonce les seuls moyens d’appel qui peuvent être pris en considération pour que la permission d’en appeler d’une décision de la division générale puisse être accordée (cette disposition est reproduite en annexe de la présente décision).

[6] La demanderesse a présenté un certain nombre d’arguments comme moyens d’appel. Tout d’abord, elle a prétendu que la division générale, dans sa décision, avait comme une erreur en ne faisant pas d’évaluation de sa crédibilité ou de ses limitations fonctionnelles. La décision de la division générale ne contenait pas de conclusion particulière relative à la crédibilité de la demanderesse. La division générale n’a pas commis d’erreur en cela. Cela ne constitue pas un moyen d’appel qui confère une chance raisonnable de succès à l’appel.

[7] La décision de la division générale résumait le témoignage et les observations écrites de la demanderesse concernant ses capacités et limitations fonctionnelles, y compris l’impact des douleurs et de la dépression sur cela. La division générale n’a pas commis d’erreur en n’utilisant pas le terme « limitation fonctionnelle » dans la décision écrite ni en ne prenant pas spécifiquement en considération les limitations de la demanderesse dans ses activités de la vie courante. Je suis convaincue que, lorsque l’on lit la décision dans son ensemble, la division générale a tenu compte des capacités et limitations fonctionnelles de la demanderesse. Cet argument n’est pas un moyen d’appel qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[8] La demanderesse a affirmé par ailleurs que la division générale n’avait pas respecté les principes de justice naturelle en ne lui accordant pas une audience équitable du fait qu’elle n’avait pas évalué son témoignage oral ou sa crédibilité dans la décision écrite. Dans Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’il n’était pas nécessaire qu’une décision écrite contienne chaque fait et chaque argument ayant été soulevé. La décision rendue par la division générale contenait un résumé du témoignage de la demanderesse et de la preuve écrite. Je ne suis pas convaincue que la division générale ait commis une erreur en n’évaluant pas cette preuve. La demanderesse n’a pas allégué qu’elle n’avait pas été capable de plaider pleinement sa cause, de savoir ce qu’elle était tenue de démontrer, ou encore que l’affaire n’avait pas été tranchée par un tribunal impartial. Par conséquent, je ne suis pas convaincue qu’il y ait eu manquement à la justice naturelle. Cet argument n’est pas un moyen d’appel qui a une chance raisonnable de succès en appel.

[9] De la même façon, la demanderesse a affirmé que la division générale avait commis une erreur en concluant que la demanderesse avait des capacités en dehors de celles énumérées comme des restrictions dans un rapport médical. Le rapport médical faisant état de ces restrictions physiques a été pris en considération, tout comme le témoignage et les autres éléments de preuve de la demanderesse. Je ne suis pas convaincue que la décision de la division générale comportait une erreur quant à la prise en compte de ce rapport médical.

[10] La demanderesse a aussi allégué que la division générale avait commis une erreur en ce qu’elle n’avait pas appliqué l’« approche réaliste » en rendant sa décision. La demanderesse a fait observer que, à l’âge de X ans, on ne pouvait pas la qualifier de « jeune » et que de détenir un diplôme collégial eu égard à sa scolarité n’allait pas au-delà du niveau que bien des gens atteignent. Il se peut que ces arguments soulèvent des erreurs de fait commises par la division générale, mais je ne suis pas convaincue que ces erreurs ont été faites de façon abusive ou arbitraire ou sans égard aux éléments présentés à l’audience. Par conséquent, ce ne sont pas des moyens d’appel qui confèrent une chance raisonnable de succès à l’appel.

[11] La demanderesse a argué en outre que, dans sa décision, la division générale avait commis une erreur en ne se reportant pas à la formule mathématique correspondant à ce qui est considéré comme une occupation véritablement rémunératrice, formule qui est énoncée dans le récent Règlement. La division générale n’a commis aucune erreur à cet égard. Le Règlement s’applique aux demandes de pension d’invalidité du RPC déposées après le 29 mai 2014. Ces règles ne s’appliquent pas en l’espèce.

[12] De plus, la demanderesse a affirmé que la division générale avait commis une erreur en ce qu’elle n’avait pas pris en considération toute explication raisonnable que la demanderesse avait à fournir pour expliquer pourquoi elle n’avait pas déployé d’efforts en vue de trouver ou de conserver un emploi. La décision citait la loi sur ce point, mais ne l’a pas appliquée aux faits de l’espèce. La décision ne mentionnait pas non plus de preuve concernant tout effort que la demanderesse aurait fait pour se trouver un autre travail ou toute raison de ne pas faire cet effort. Ainsi, je ne suis pas convaincue que la division générale ait commis une erreur à cet égard. Cela n’est pas un moyen d’appel conférant une chance raisonnable de succès à l’appel.

[13] La demanderesse a aussi invoqué des moyens d’appel ayant une chance raisonnable de succès en appel. Tout d’abord, elle a affirmé que si des mesures d’adaptation devaient être prises pour qu’il lui soit possible de travailler, son invalidité devrait être considérée comme grave en vertu du RPC. Elle a cité de la jurisprudence pour étayer cette position. Bien que les employeurs aient légalement l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour répondre aux besoins des employés, le fait que la demanderesse puisse nécessiter d’importants accommodements peut démontrer que son invalidité était grave. Ce moyen d’appel soulève une erreur de fait que la division générale a pu commettre de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[14] En deuxième lieu, la demanderesse a soutenu que la division générale avait commis une erreur en concluant que si sa dépression avait été grave on l’aurait adressée à un psychologue avant 2010, puisque la dépression peut être adéquatement traitée par un médecin de famille. La demanderesse a déclaré qu’elle n’avait pas cherché à se faire traiter par un psychologue pour des raisons financières. Dans sa décision, la division générale n’a pas précisé la preuve sur laquelle elle s’est appuyée pour tirer sa conclusion que la demanderesse aurait été adressée plus tôt à un spécialiste de la santé mentale si sa dépression avait été grave. La division générale a fondé sa décision sur cette conclusion. Là aussi, il peut s’agir d’une erreur de fait que la division générale a commise sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. C’est un moyen d’appel qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[15] En outre, la demanderesse a affirmé que la division générale, dans sa décision, a commis une erreur en ce qu’elle n’a pas expliqué pourquoi elle a préféré certains éléments de la preuve médicale à d’autres éléments de cette preuve. De la même façon, la division générale n’a pas tenu compte de la preuve relative à la santé psychologique de la demanderesse. Bien qu’il ne soit pas nécessaire qu’une décision fasse mention de chacun des éléments de preuve ayant été produits à une audience (voir Simpson), la Cour suprême du Canada a statué, dans R. c. Sheppard (2002 CSC 26), qu’un décideur doit motiver les conclusions de fait tirées d’une preuve contradictoire et dont l’issue de l’affaire dépend largement. En l’espèce, il y avait des opinions médicales divergentes quant au pronostic concernant la demanderesse après la dernière opération qu’elle avait subie. La décision n’expliquait pas pourquoi une opinion médicale en particulier a été préférée aux autres. Il peut s’agir d’une erreur. Par conséquent, il s’agit là d’un moyen d’appel ayant une chance raisonnable de succès en appel.

[16] En dernier lieu, la demanderesse a affirmé que la division générale avait commis une erreur en ne tenant pas compte de l’ensemble de ses problèmes de santé lorsqu’elle s’est penchée sur la question de savoir si la demanderesse souffrait d’une invalidité grave en vertu du RPC. Il est bien établi en droit que le juge des faits doit prendre en considération tous les problèmes de santé d’un prestataire et pas seulement le plus important. En l’espèce, la décision de la division générale a pris en considération chacune des affections de la demanderesse et leur traitement. Cependant, on ne sait pas très bien si la division générale a pris en compte l’impact cumulé que ces maux physiques et mentaux ont eu sur la demanderesse. Cela soulève la possibilité d’une erreur mixte de droit et de fait. Ce moyen d’appel peut avoir une chance raisonnable de succès en appel.

Conclusion

[17] La Demande est accueillie car la demanderesse a présenté un moyen d’appel conférant à l’appel une chance raisonnable de succès.

[18] Cette décision accordant la permission d’en appeler ne présume pas du résultat de l’appel sur le fond du litige.

Annexe

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

58. (1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

58. (2) La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

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