Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] Le Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal ») refuse la permission d’en appeler.

Contexte

[2] La demanderesse cherche à obtenir la permission d’en appeler de la décision de la division générale rendue le 12 novembre 2014. Par cette décision, la membre de la division générale a déterminé que la demanderesse n’avait pas droit à des prestations d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (le « RPC »). La membre de la division générale a conclu qu’au 31 décembre 2010, date de la fin de la période minimale d’admissibilité (PMA) de la demanderesse, cette dernière ne souffrait pas d’une invalidité grave et prolongée.

[3] Le Tribunal a reçu la demande de permission d’en appeler (la « Demande ») le 4 février 2015, ce qui est bien avant l’expiration du délai imparti pour déposer une telle demande.

Motifs invoqués à l'appui de la demande

[4] L’avocat de la demanderesse soutient que la division générale, en rendant sa décision, a commis des erreurs mixtes de fait et de droit. Plus précisément, la division générale aurait omis de prendre en considération une preuve pertinente, aurait mal interprété la preuve et aurait substitué sa propre opinion à celle des experts.

[5] L’avocat de la demanderesse allègue que les erreurs de droit suivantes ont été commises, en l’occurrence que la division générale n’a pas appliqué la jurisprudence suivante :

Procureur général du Canada c. Dwight St. Louis, 2011 CF 492, en ce que la membre de la division générale n’a pas abordé la déclaration du médecin de famille de la demanderesse, le Dr Bates, indiquant que la demanderesse ne serait pas capable de reprendre tout type d’emploi.

L. F. c. Canada (Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences), CP 26809, 20 septembre 2010 (CAP), arguant que le Tribunal devrait être lié par la décision de la CAP. L’avocat de la demanderesse affirme que la membre de la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a assimilé à la capacité de travailler la présence de la demanderesse au X College et sa poursuite d’études dans cet établissement ainsi que son placement subséquent en emploi.
E.J.B. c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47, décision qui exigeait qu’on applique un contexte « réaliste » pour déterminer si une invalidité est grave. L’avocat de la demanderesse soutient que la membre de la division générale a omis d’appliquer un contexte réalise à l’état de santé de la demanderesse et à sa capacité d’obtenir et conserver une occupation véritablement rémunératrice.

D’Errico c. Canada (Procureur général), 2014 CAF  95. L’avocat de la demanderesse soutient que la membre de la division générale a omis de traiter de l’aspect du critère relatif à l’invalidité qui aborde l’incapacité ou la capacité de détenir « régulièrement » une occupation véritablement rémunératrice, commettant ainsi une erreur de droit.

[6] L’avocat de la demanderesse soutient aussi que la membre de la division générale a commis une erreur de fait en se trompant sur le moment auquel avait commencé le traitement de la demanderesse pour dépression. Il a argué que la membre de la division générale avait déclaré de façon erronée que la demanderesse s’était vu prescrire l’antidépresseur Elavil en octobre 2011 seulement, alors qu’en fait, la demanderesse se plaignait de dépression depuis de nombreuses années et que son médecin de famille lui avait prescrit ce médicament en décembre 2009. L’avocat de la demanderesse a soutenu qu’en disant cela, c’était comme si on n’avait pas prescrit d’Elavil à la demanderesse avant octobre 2011; la membre de la division générale a substitué son propre jugement et a commis une erreur de fait.

Question en litige

[7] La question que doit trancher le Tribunal peut se poser en ces termes :

L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable

[8] Les dispositions législatives qui régissent l’acceptation ou le rejet d’une demande de permission d’en appeler sont les paragraphes 56(1), 58(1), 58(2) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »). Le paragraphe 56(1) de cette loi porte qu’un demandeur ne peut interjeter appel à la division d’appel sans permission du Tribunal, disposition qui est suivie par le paragraphe 58(3), qui stipule que la division d’appel du Tribunal accorde ou refuse cette permission.

[9] Les moyens d’appel sont énoncés aux paragraphes 58(1), 58(2) et 58(3), et les seuls moyens d’appel admissibles sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a    autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à   la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Analyse

[10] Pour accorder une permission d’en appeler, le Tribunal doit être convaincu que l’appel aurait une chance raisonnable de succès. Pour ce faire, le Tribunal doit d’abord déterminer si l’un ou l’autre des motifs invoqués par la demanderesse à l’appui de la Demande correspond à l’un ou l’autre des moyens d’appel énumérés. Pour les motifs exposés ci-dessous, le Tribunal n’est pas convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

[11] L’avocat de la demanderesse a allégué que la membre de la division générale avait commis des erreurs de droit dans son évaluation de la preuve médicale ainsi que dans l’opinion qu’elle s’est faite des efforts faits par la demanderesse pour travailler et/ou se recycler.

[12] À la lecture de la décision, on constate que la membre de la division générale non seulement était consciente des affections de la demanderesse, mais aussi qu’elle était au courant des pronostics posés par plusieurs médecins ayant traité la demanderesse quant au rétablissement de cette dernière.

La membre de la division générale a-t-elle commis une erreur en omettant d’aborder la déclaration du médecin de famille de la demanderesse selon laquelle cette dernière ne serait pas capable de retourner à tout type d’emploi?

[13] L’avocat de la demanderesse affirme que le médecin de famille de la demanderesse, le Dr Bates, a fait une déclaration selon laquelle la demanderesse n’aurait pas la capacité de retourner à tout type d’emploi et poursuit en soutenant que la membre de la division générale a fait abstraction de cette déclaration lorsqu’elle a rendu sa décision. Selon l’observation présentée par l’avocat de la demanderesse, la membre de la division générale est liée par la décision rendue dans l’arrêt St. LouisNote de bas de page 1. Par conséquent, la membre de la division générale avait l’obligation d’aborder directement la déclaration du Dr Bates lorsqu’elle a rendu sa décision.

[14] En fait, le Dr Bates n’a pas déclaré que la demanderesse ne pourrait retourner à tout type de travail. Dans le rapport médical qu’il a rédigé en date du 10 juin 2012, le Dr Bates déclare que les probabilités que la demanderesse retourne au travail sont faibles et qu’un [traduction] « retour à son ancien emploi est peu probable. »Note de bas de page 2 Ainsi, le commentaire du Dr Bates est équivoque et, de l’avis du Tribunal, ne saurait être interprété comme l’exclusion d’un retour à tout travail. De fait, il semble qu’à une date antérieure, le Dr Bates avait en fait recommandé que la demanderesse retourne travailler en exécutant des tâches modifiéesNote de bas de page 3.

[15] Il est bien établi en droit qu’un tribunal n’a pas besoin de citer chacun des éléments de preuve qui lui ont été soumis. Toutefois, dans l’affaire en instance, le Tribunal ferait une distinction entre les faits de l’espèce et ceux de la décision St. Louis, où la Cour fédérale a constaté que le tribunal de révision n’avait fait aucune mention, dans sa décision, d’une lettre datée du 31 mai 2005 que le Dr Gupta, cardiologue du défendeur, avait envoyée au Dr Mathur, chirurgien cardiologue. La Cour fédérale a fait la constatation suivante : « le tribunal de révision n’a fait aucune mention de cette lettre dans sa décision, malgré qu’il ait indiqué expressément avoir [TRADUCTION] « examiné l’ensemble de la preuve médicale au dossier » et retenu [TRADUCTION] « des extraits de ces rapports, que nous avons considérés comme particulièrement pertinents pour en arriver à notre décision ». »

[16] On ne saurait dire de même de la décision de la division générale. Les commentaires du Dr Bates ont été expressément mentionnés au paragraphe 25 de la décision et l’on doit considérer qu’ils ont pesé dans les conclusions que la membre de la division générale a tirées au sujet des recommandations faites par les divers médecins. Par conséquent, le Tribunal n’est pas convaincu que l’appel aurait une chance raisonnable de succès si l’on se fonde sur ce moyen d’appel. La Demande ne peut être accueillie sur ce point.

[17] Pour ce qui est de l’observation de l’avocat de la demanderesse que le Tribunal est lié par les décisions de la CAP, le Tribunal n’est pas convaincu que les décisions de la CAP n’ont d’autre objet que d’avoir un caractère convaincant pour la division d’appel, puisque, selon l’argument invoqué par l’avocat lui-même, la CAP occupait la même position que la division d’appel. Nonobstant cette divergence, le Tribunal constate que la CAP a rendu plusieurs décisions contredisant L. F. c. Canada (Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences), CP 26809, 20 septembre 2010 (CAP). Ainsi, par exemple, dans Dupuis, la CAP a déclaré que [traduction] « la capacité de poursuivre des études raisonnablement exigeantes peut être assimilée à la capacité de détenir une occupation véritablement rémunératrice. »Note de bas de page 4 De nouveau, dans R.B. c. MRHDS, la CAP a assimilé la capacité du demandeur à terminer un certificat en technologie de l’architecture (y consacrant de 30 à 40 heures d’études en classe et à la maison, bien que ressentant des douleurs constantes) à la capacité de travailler.Note de bas de page 5

[18] Ce que l’on peut dire peut-être au sujet de l’affaire tranchée par la CAP, c’est que chaque cas dépend des faits qui lui sont propres, un principe qui a été énoncé dans Fraser c. MDRH.Note de bas de page 6

[19] Dans l’affaire en instance, la demanderesse a apparemment poursuivi régulièrement des études au collège X. Elle a ensuite été placée en emploi pendant 10 semaines. L’avocat de la demanderesse affirme que la membre de la division générale aurait dû tenir compte, dans sa décision, du fait que la demanderesse a utilisé les services destinés aux étudiants ayant un handicap et que des mesures d’adaptation ont été prises pendant son placement. En toute déférence, aux yeux du Tribunal, ce sont précisément les types d’aide dont nous tenons compte lorsque nous abordons la question des tâches modifiées. Ainsi, même si l’on reconnaît qu’une étudiante placée temporairement en emploi puisse obtenir un traitement quelque peu différent, le Tribunal n’est pas convaincu que la membre de la division générale a commis une erreur dans la façon dont elle a appréhendé les études poursuivies par la demanderesse et le placement en emploi de cette dernière. Ainsi, la Demande ne peut être accueillie sur ce motif.

[20] L’avocat de la demanderesse a également prétendu que la membre de la division générale n’avait pas tenu compte de l’état de santé global de la demanderesse. Pour cette prétention, l’avocat s’appuie sur la décision rendue dans E.J.B. c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47. Il mentionne la conduite de la demanderesse pendant l’audience à l’appui de son argument selon lequel la membre de la division générale n’a pas pris en considération l’impact des déficiences cognitives de la demanderesse et des effets secondaires de sa médication sur sa capacité à détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Le Tribunal ne conteste pas qu’à trois reprises, durant l’audience, la demanderesse s’est plainte de ce qu’elle avait du mal à se concentrer en raison de ses douleurs chroniques, de ses insomnies et des médicaments qu’elle prenait et qui lui causaient somnolence et fatigue. Toutefois, l’audience a été tenue en novembre 2014 alors que septembre 2011 était la date limite à laquelle il fallait établir l’existence d’une invalidité grave et prolongée. Ainsi, il ne s’agit pas de savoir ce qu’étaient les capacités de la demanderesse à la date de l’audience, mais ce qu’elles étaient à la date à laquelle la PMA a pris fin.

[21] La membre de la division générale a estimé que la preuve médicale et les autres éléments de preuve ne portaient pas à conclure que la demanderesse avait une invalidité grave et prolongée à la date de fin de la PMA. À la lumière de l’analyse effectuée par la membre de la division générale, le Tribunal n’est pas convaincu que les conclusions tirées par cette dernière étaient erronées. Le Tribunal aurait peut-être préféré une analyse plus approfondie des conclusions médicales et des recommandations, mais cela ne signifie pas pour autant que la membre de la division générale a omis de faire reposer sa décision sur un fondement rationnel au point que l’on pourrait considérer cette décision comme déraisonnable. La décision à laquelle en est arrivée la membre de la division générale est ancrée dans la conclusion que, malgré ses douleurs chroniques, la demanderesse était capable de suivre plusieurs cours tant avant qu’après la PMA, ce qui démontre qu’elle avait la capacité de travailler. Qui plus est, la décision de la membre de la division générale concluait que, à la fin de la PMA, les médecins de la demanderesse n’étaient pas convaincus que cette dernière souffrait d’une invalidité grave vu qu’ils ont continué de l’encourager à demeurer active. Pour ces motifs, le Tribunal n’est pas convaincu que l’appel aurait une chance raisonnable de succès sur ce moyen.

[22] L’avocat de la demanderesse a aussi argué que la membre de la division générale a omis de tenir compte de D’Errico c. Canada (Procureur général), 2014 CAF  95. Il soutient que lorsqu’on a demandé à la demanderesse si elle était capable de suivre un horaire de travail, elle a répondu qu’elle ne le pourrait que si on la guérissait de ses douleurs. L’avocat prétend que la membre de la division générale a omis, dans sa décision, d’aborder la dimension de « régularité » du critère relatif à l’invalidité, ce qui est une erreur de droit.

[23] Le concept de « régularité » a été étudié dans nombre de décisions, la plus récente étant l’arrêt Atkinson c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 7, où la Cour d’appel fédérale a statué que « la prévisibilité est essentielle pour déterminer si une personne travaille régulièrement au sens du RPC. » Dans Atkinson, la Cour fédérale faisait écho au principe énoncé dans Chandler c. MDRH, où il est dit que [traduction] « la formulation « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice » est fondée sur la capacité de la demanderesse de se présenter au travail aussi souvent qu’elle le doit. La prévisibilité est essentielle. »Note de bas de page 8 La membre de la division générale a estimé qu’au moment où sa PMA prenait fin, la demanderesse avait conservé cette capacité de travailler. Il ne lui était donc pas nécessaire d’aborder la question de la régularité. De l’avis du Tribunal, la notion de « régularité » est incluse dans la conclusion à une rétention de la capacité de travailler. Pour ce motif, le Tribunal estime que l’appel ne peut reposer sur cet argument.

La membre de la division générale a-t-elle mal cité la date à laquelle on avait prescrit l’antidépresseur Elavil à la demanderesse?

[24] Le Tribunal conclut que la membre de la division générale a effectivement mal cité la date à laquelle on a prescrit de l’Elavil à la demanderesse. Au paragraphe 7 de sa décision, la membre de la division générale indique que, selon le dossier clinique du médecin, en juin 2010, la demanderesse prenait 12 g d’Elavil la nuit et 200 mg de Celebrex une fois par jour pour les douleurs. Par conséquent, si le médicament Elavil avait été prescrit pour soigner la dépression de la demanderesse, la déclaration de la membre de la division générale selon laquelle [traduction] « le Dr Bates n’a pas jugé nécessaire de prescrire un antidépresseur avant octobre 2011 » serait une erreur.

[25] Les notes du Dr Bates indiquent que, le 1er décembre 2009, la demanderesse a commencé à prendre de l’Elavil à une dose de 10 mg. Il semble que son ordonnance ait été renouvelée au moins jusqu’au 15 mars 2010. Le 19 août 2010, la posologie a été haussée à 12,5 mg. En août 2011, la dose a été ramenée à 10 mg. La prise d’Elavil a été interrompue le 10 février 2012. Cependant, bien que l’avocat de la demanderesse déclare qu’on ait prescrit de l’Elavil à cette dernière pour sa dépression, le Tribunal ne sait pas exactement pourquoi la demanderesse s’est vue prescrire de l’Elavil. Dans la lettre datée du 15 février 2012 qu’il a envoyée au Dr P. Bright pour lui adresser la demanderesse, le Dr Avila mentionne que la demanderesse s’est fait prescrire du Cipralex pour traiter sa dépression.

[26] Les notes cliniques du Dr Bates indiquent que, le 17 octobre 2011, il a prescrit du Cipralex à la demanderesse pour sa dépression et a commencé à lui faire prendre ce médicament à une dose de 10 mg. Les notes cliniques du Dr Bates indiquent aussi que, au début, la demanderesse n’a pas été en mesure de se procurer le Cipralex à la pharmacie car elle n’en avait pas les moyens. Cependant, la demanderesse a fini par être capable de faire remplir son ordonnance le 10 novembre 2011. En outre, chaque fois que le médicament Elavil est mentionné, c’est relativement à la gestion de la douleur, et, en réponse à la question de savoir si la patiente était actuellement sous médication en raison de son principal problème de santé, le Dr Bates a mentionné la posologie de 12,5 mg d’Elavil comme l’un des deux médicaments que la demanderesse prenait pour traiter son principal problème de santé. L’autre médicament était le Celebrex.

[27] Dans ces circonstances, le Tribunal n’est pas convaincu que la membre de la division générale a commis l’erreur de fait que l’avocat de la demanderesse allègue qu’elle a commise. Par conséquent, la Demande ne peut être accueillie sur ce moyen.

Conclusion

[28] La demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler de la décision de la division générale rendue le 12 novembre 2014 qui lui refusait son versement d’une pension d’invalidité au titre du RPC. En son nom, son avocat a allégué un certain nombre d’erreurs de droit et de fait. Le Tribunal n’est pas convaincu que la membre de la division générale ait commis les erreurs de fait et de droit alléguées. Par conséquent, la demanderesse n’a pas convaincu le Tribunal qu’elle avait une cause défendable. En conséquence, le Tribunal rejette la Demande.

[29] La permission d’en appeler est refusée.

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