Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] Le demandeur a présenté, en 1995, une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. L’intimé a rejeté sa demande à l’examen initiale puis après réexamen. Le demandeur a porté cette décision en appel devant le Bureau du commissaire des tribunaux de révision (BCTR). En septembre 1999, un tribunal de révision a rejeté son appel. Le 14 juin 2010, le médecin du demandeur a adressé au BCTR une lettre contenant des renseignements sur la santé mentale du demandeur. Le BCTR a avisé le demandeur que cette lettre serait traitée comme une demande d’annulation ou de modification de la décision du tribunal de révision rendue en 1999 sur la base de faits nouveaux. Le 1er avril 2013, l’affaire a été déférée à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale en application de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable. Le 9 décembre 2014 (la date du 9 décembre 2013 sur la décision est une erreur typographique), la division générale a rejeté la demande d’annulation ou de modification de la décision de 1999 présentée par le demandeur au motif qu’il y avait prescription.

[2] Le demandeur a sollicité la permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale. Il a plaidé que sa demande de pension n’était pas frappée de prescription car elle a été déposée en application du paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada, qui comportait une règle de la possibilité de découvrir non limitative. En outre, il a invoqué l’arrêt M.(K.) c. M.(H.) [1992] 3 RCS 6, dans lequel la Cour suprême du Canada a conclu qu’une cause d’action ne prend naissance qu’au moment où la partie demanderesse peut raisonnablement découvrir le caractère répréhensible des actes du défendeur et le lien entre ces actes et les préjudices qu’elle a subis. Il a aussi invoqué la doctrine de common law relative aux circonstances spéciales.

[3] L’intimé a plaidé que la demande était frappée de prescription par l’application de la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable et de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, de sorte que la permission d’en appeler  ne devrait pas être accordée.

Analyse

[4] Pour qu’une permission d’en appeler soit accordée, il faut que la demande soulève un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252 (CF). Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a statué que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, et Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[5] C’est la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS ») qui régit le fonctionnement du Tribunal. L’article 58 de cette loi énonce les seuls moyens d’appel qui peuvent être pris en considération pour que la permission d’en appeler d’une décision de la division générale puisse être accordée (cette disposition est reproduite en annexe de la présente décision). Il me faut donc déterminer si le demandeur a invoqué un moyen d’appel prévu par l’article 58 de la Loi sur le MEDS qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[6] En l’espèce, le demandeur a plaidé que sa demande de prestations d’invalidité n’était pas frappée de prescription car il n’y avait pas de limite dans le temps pour présenter la demande en vertu du paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada lorsque la demande a déjà été introduite. Cette disposition a été abrogée le 1er avril 2013, avant que la présente affaire soit entendue. Dans Alves c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1100, la Cour fédérale a clairement conclu que les droits d’un prestataire doivent être déterminés en fonction des lois en vigueur au moment de la tenue de l’audience et non au moment où le prestataire a présenté une demande de pension.

[7] L’appelant a également argué que, comme les faits nouveaux sur lesquels il s’est appuyé pour déposer la demande d’annulation et de modification de la décision de 1999 ne pouvaient être découverts avant 2010, selon l’arrêt M.(K.) précité, aucune limitation dans le temps ne devrait commencer à courir avant cela. Il a également cité la doctrine des circonstances spéciales. Si la loi est claire et met fin à des droits antérieurs, on doit l’accepter. C’est essentiellement l’argument qu’a plaidé l’intimé. Toutefois, là ne s’arrête pas l’instruction. La doctrine de common law relative aux circonstances spéciales pourrait s’appliquer en l’espèce. Il y a également d’autres fondements juridiques en vertu desquels la demande de prestations d’invalidité du demandeur ne serait pas frappée de prescription, par exemple la doctrine de la possibilité de découvrir. En conséquence, je suis convaincue que le demandeur a invoqué un moyen d’appel qui a une chance raisonnable de succès en appel.

Conclusion

[8] La demande de permission d’en appeler est accueillie pour ces motifs.

[9] Cette décision accordant la permission d’en appeler ne présume pas du résultat de l’appel sur le fond du litige.

Annexe

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

58. (1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

58. (2) La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

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