Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Introduction

[1] La demanderesse sollicite la permission d’en appeler de la décision de la division générale datée du 3 avril 2014. La division générale a déterminé que la demanderesse n’était pas admissible à des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada après avoir conclu que son invalidité n’était pas « grave » à sa période minimale d’admissibilité (PMA) du 31 décembre 2006.

[2] La demanderesse soutient que la division générale s’est trompée dans l’évaluation du degré de gravité de son invalidité en ce qu’elle a commis une erreur de droit et fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Pour obtenir gain de cause dans cette demande de permission, la demanderesse doit démontrer qu’elle a une cause défendable ou que l’appel a une chance raisonnable de succès fondée sur l’un des moyens d’appel allégués.

Contexte factuel

[3] La demanderesse a présenté une demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) en août 2011. Sur le questionnaire qu’elle a rempli pour sa demande de prestations d’invalidité du RPC, il est indiqué que la demanderesse a occupé son dernier emploi chez un fabricant industriel en avril 2007, date à laquelle elle a cessé de travailler en raison d’une blessure subie à l’épaule droite. La demanderesse a déclaré qu’elle n’a plus pu travailler après cette date.

[4] La demanderesse a déclaré, dans le questionnaire, qu’elle souffre de douleurs chroniques à l’épaule droite et d’un état dépressif corollaire. La preuve indique aussi que la demanderesse a également commencé à souffrir de douleurs au cou, de douleurs lombaires s’étant propagées à la jambe gauche ainsi que de douleurs aux deux bras. La demanderesse a décrit de nombreuses restrictions et limitations fonctionnelles dont elle est affectée.

[5] De nombreux documents médicaux ont été produits à la division générale, notamment des opinions d’experts et des dossiers ainsi que diverses images diagnostiques. On a diagnostiqué à la demanderesse un syndrome de douleur chronique ou des douleurs myofasciales chroniques. La Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) a pris part à sa réadaptation et ses efforts de retour sur le marché du travail. La demanderesse a participé à un programme de réintégration au marché du travail.

Observations

[6] La demanderesse est représentée par un avocat, mais elle a préparé ses propres observations. De ce que je puis déterminer, la demanderesse cherche à faire appel pour les motifs suivants :

  1. La division générale s’est trompée en calculant la période minimale d’admissibilité (PMA) ou en appliquant le calcul proportionnel. La demanderesse affirme que [traduction] « la date déterminante pour satisfaire aux critères législatifs permettant d’établir l’invalidité est septembre 2007 » et non décembre 2006.
  2. La division générale a erré en refusant d’admettre en preuve des dossiers médicaux à jour. Bien que ces dossiers médicaux mis à jour portaient sur la période postérieure à la PMA, la demanderesse soutient que ces dossiers n’en étaient pas moins pertinents à toute considération quant à la question de savoir si son invalidité était « grave et prolongée » au sens du Régime de pensions du Canada.
  3. La division générale aurait dû accepter sans réserve la preuve de la demanderesse concernant les douleurs qu’elle ressent et ses limitations, étant donné les nombreux fournisseurs de soins de santé qui lui ont diagnostiqué une incapacité due à la douleur chronique ainsi que le syndrome douloureux régional complexe avant sa période minimale d’admissibilité. Elle soutient que la division générale aurait dû faire plus de cas de ses expériences subjectives, étant donné la nature de ses incapacités. Elle avance que la division générale a commis une erreur en exigeant que les plaintes subjectives de la demanderesse relatives à ses douleurs soient corroborées par une preuve médicale objective.
  4. La division générale a commis une erreur lorsqu’elle a relevé des contradictions dans la preuve orale.
  5. La division générale a commis une erreur en omettant de tenir compte des médicaments de soulagement de la douleur qu’on avait prescrits à la demanderesse, faisant valoir que l’on peut se servir de cela pour évaluer les niveaux de douleur subjective.
  6. La division générale a erré en ne tenant pas compte des dossiers médicaux pour déterminer si l’un ou l’autre des médecins traitants avait accepté les niveaux de douleur déclarés ou [traduction] « exprimé le moindre doute quant à la possibilité d’une douleur feinte ou simulée, ou quelque chose de semblable », faisant valoir que l’on peut aussi se servir de cela pour évaluer les niveaux de douleur subjective.
  7. La division générale a commis une erreur en assimilant sa capacité à fréquenter l’école à la capacité de répondre aux exigences d’un emploi à temps plein ou à temps partiel. La demanderesse avance que le contexte scolaire lui permettait de se déplacer librement, quelque chose qui ne lui aurait pas été permis si elle avait occupé un emploi. Elle soutient que de suivre des études dans un milieu scolaire protégé n’est pas la même chose que d’être capable de fonctionner adéquatement dans un environnement de travail réel. À cet égard, la demanderesse cite Villani c. Canada (Procureur général) 2001 CAF 248. En d’autres termes, elle affirme que la division générale a omis de suivre Villani.
  8. La division générale a erré dans son interprétation de l’opinion médicale de son médecin de famille, le Dr George. La demanderesse plaide que la division générale aurait dû accepter l’opinion que le Dr George a ultérieurement donnée dans sa lettre datée du 2 mai 2014, dans laquelle il apporte, au sujet de la demanderesse, la précision que son [traduction] « incapacité totale de travailler s’appliquait à la période de 2006 à 2007. » La demanderesse soutient que la division générale a déjà reconnu que l’on devrait faire preuve de déférence à l’égard du Dr George et accorder un poids significatif aux notes de ce dernier.
  9. La division générale a commis une erreur de droit en exigeant que la demanderesse fasse des efforts pour travailler, alors que la demanderesse n’en avait pas la capacité. La demanderesse fait remarquer que, de toute façon, tout effort qu’elle a déployé a été infructueux.

[7] L’intimé n’a pas déposé d’observations.

Droit applicable

[8] Bien que la demande d’autorisation d’interjeter appel soit un premier obstacle que la demanderesse doit franchir – et un obstacle inférieur à celui auquel elle devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond –, il reste que la demande doit soulever un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252 (CF). Dans Hogervorst, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si un demandeur a une cause défendable en droit revient à se demander si le demandeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique.

[9] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Avant que je puisse lui accorder la permission d’en appeler, la demanderesse doit me convaincre que ses motifs d’appel relèvent de l’un ou l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’un de ces motifs au moins a une chance raisonnable de succès.

Analyse

a) La division générale a-t-elle mal calculé la période minimale d’admissibilité ou omis d’appliquer le calcul proportionnel?

[11] La période minimale d’admissibilité (PMA) permet d’établir le moment auquel un demandeur doit être déclaré invalide aux fins de l’évaluation de son admissibilité en vertu du Régime de pensions du Canada. En l’espèce, la division générale a écrit qu’elle souscrivait, avec les parties, au fait que la PMA était le 31 décembre 2006. Cependant, la division générale a aussi écrit que, du fait que la demanderesse avait cotisé au Régime de pensions du Canada en 2007, cette rémunération pourrait être calculée proportionnellement au 30 septembre 2007, pour autant que les autres dispositions législatives soient satisfaites. La division générale a déclaré que si la demanderesse n’était pas jugée invalide entre le 1er janvier et le 30 septembre 2007, alors il lui faudrait déterminer si, selon toute vraisemblance, la demanderesse était invalide au 31 décembre 2006 ou avant. On ne peut donc pas dire que la division générale n’a pas porté attention à la possibilité du calcul proportionnel.

[12] L’article 19 du Régime de pensions du Canada stipule que le calcul proportionnel n’est disponible qu’à la survenance d’un événement déclencheur, ce qui, en l’espèce, serait le début de l’invalidité. La date établie au prorata de septembre 2007 aurait été disponible à la demanderesse si la division générale avait conclu que le début de l’invalidité s’était produit quelque part entre le 1er janvier et le 30 septembre 2007.

[13] La division générale a déterminé que la demanderesse avait la capacité de travailler en décembre 2006. La question qu’il convient de poser est donc de savoir si la division générale a considéré ou non que la demanderesse est devenue invalide au sens du Régime de pensions du Canada entre le 1er janvier et le 30 septembre 2007. À la lumière de son examen des documents médicaux, la division générale a conclu que, de décembre 2006 à septembre 2007, la demanderesse avait diverses restrictions et limitations, mais que celles-ci ne la rendaient pas pour autant incapable de tout travail ni, vraisemblablement, régulièrement incapable de se mettre en quête d’une occupation véritablement rémunératrice. Par conséquent, on ne peut pas dire que la division générale n’a pas appliqué la bonne date pour évaluer le moment auquel la demanderesse devait être déclarée invalide. La demanderesse ne m’a pas convaincue que l’appel avait une chance raisonnable de succès sur ce motif.

b) La division générale a-t-elle erré en refusant d’admettre les dossiers médicaux mis à jour?

[14] La demanderesse soutient qu’il y avait divers dossiers médicaux pertinents que la division générale a refusé d’admettre en preuve.

[15] Au paragraphe 4 de sa décision, la division générale a indiqué qu’une discussion avait eu lieu au sujet de l’inclusion de ces documents dans la preuve, mais que le représentant de la demanderesse n’avait pas voulu qu’on considère ces documents comme faisant partie du dossier d’audience. À la lumière de ce fait, je ne vois pas comment une erreur aurait pu être commise dès lors que la division générale n’a pas prononcé d’ordonnance au sujet de ces documents.

[16] De toute façon, quand bien même ces dossiers médicaux auraient pu revêtir un caractère pertinent pour déterminer si l’invalidité de la demanderesse pouvait être considérée comme prolongée, des dossiers à jour pour 2014 n’auraient pas nécessairement abordé la question de savoir si l’invalidité de la demanderesse pouvait être considérée comme grave à sa période minimale d’admissibilité ou à la date établie au prorata.

[17] L’autre faiblesse de ses observations au sujet de l’admissibilité de ces dossiers médicaux est le fait que la demanderesse n’a pas précisé la véritable nature de ces dossiers ni le caractère pertinent et important qu’ils auraient pu revêtir quant à la demande de prestations d’invalidité. Par exemple, que se serait-il passé si ces dossiers avaient consisté en des notes cliniques manuscrites? Ils auraient pu ne pas être lisibles et ne pas comporter d’opinions médicales. Si les dossiers renfermaient simplement les maux dont la demanderesse se plaignait auprès de ses médecins traitants, ces entrées dans les dossiers n’auraient été que d’une utilité limitée. En vertu des règles de preuve, ces pièces ne pourraient pas être utilisées comme des preuves de la douleur de la demanderesse. De façon générale, il ne serait ressorti des pièces ainsi produites que le fait la demanderesse se plaignait de choses précises, qu’elle avait pu être examinée et que les analyses ont produit certains résultats à cette date, ou encore que certaines recommandations lui ont été faites au sujet des traitements et analyses.

[18] La demanderesse ne m’a pas convaincue qu’elle avait une chance raisonnable de succès sur ce front, principalement parce qu’elle n’a pas voulu, à ce moment-là, que ces documents soient considérés comme faisant partie du dossier d’audience. On ne saurait dire que la division générale a commis une erreur lorsque, en bout de ligne, la décision d’exclure les documents est venue de la demanderesse.

c) La division générale a-t-elle commis une erreur en omettant de tenir compte d’une partie de la preuve et d’accorder l’importance voulue aux opinions médicales?

[19] J’aborderai ensemble les observations de la demanderesse reproduites aux sous-paragraphes [6] c) à f) et h), car la demanderesse soutient que, dans l’évaluation de la gravité de son invalidité, la division générale a fait abstraction ou trop peu de cas d’une partie de la preuve, notamment le propre témoignage de la demanderesse, en particulier celui ayant trait à ses expériences subjectives, son historique de prescription de médicaments pour la douleur et les opinions médicales d’experts, y compris celle de son médecin de famille datée du 2 mai 2014. La demanderesse affirme que la division générale a aussi commis une erreur lorsqu’elle a relevé des contradictions dans la preuve orale alors que, dit-elle, il n’y en avait pas.

[20] La demanderesse avance en outre que la division générale a commis une erreur de droit en se fiant à Warren c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 377, et en exigeant qu’elle produise une preuve objective pour établir le bien-fondé de ses plaintes de douleur intense. La demanderesse affirme que, de par sa nature même, la douleur est nécessairement subjective. Comme il n’y a pas de façon de mesurer les niveaux de douleur, il est irréaliste, de la part de la division générale, d’exiger qu’elle produise une preuve objective.

[21] Et même là, la demanderesse affirme qu’il existe des critères que l’on peut utiliser comme indicateurs de gravité, par exemple le type de médicaments d’ordonnance qu’elle a pris et si ses médecins traitants ont accepté les niveaux de douleur qu’elle a déclarés. Elle soutient que, puisque les médecins ont accepté ses expériences de douleurs et ses limitations, le Tribunal de la sécurité sociale devrait en faire autant.

[22] La Cour d’appel fédérale a déjà traité de cette observation dans d’autres affaires où il était allégué que la Commission d’appel des pensions n’avait pas tenu compte de l’ensemble de la preuve ou n’avait pas accordé l’importance voulue à la preuve. Dans Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82, l’avocate de la demanderesse a fait mention de plusieurs rapports médicaux que la Commission d’appel des pensions avait, à son avis, ignorés, mal compris ou mal interprétés ou auxquels elle avait accordé trop de poids. En rejetant la demande de contrôle judiciaire déposée par la demanderesse, la Cour d’appel a statué ce qui suit :

Premièrement, un tribunal n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve. Deuxièmement, le poids accordé à la preuve, qu’elle soit orale ou écrite, relève du juge des faits. Ainsi, une cour qui entend un appel ou une demande de contrôle judiciaire ne peut pas en règle générale substituer son appréciation de la valeur probante de la preuve à celle du tribunal qui a tiré la conclusion de fait contestée.

[23] Je présume que la division générale a pris en considération l’ensemble de la preuve qui lui a été soumise, même si elle n’a pas mentionné un par un chaque élément de cette preuve. Il n’est pas inapproprié ou indu, pour la division générale, de faire le tri des faits pertinents, d’évaluer la qualité de la preuve, de déterminer les éventuels éléments de preuve qu’elle pourrait choisir de retenir ou de rejeter, puis de décider du poids à accorder à ces éléments de preuve. Il est permis à la division générale de prendre en considération la preuve qui lui est présentée – qu’elle soit objective ou subjective – et d’y accorder le poids qu’elle juge approprié avant d’en arriver à une décision reposant sur son interprétation et son analyse de la preuve produite. Ainsi, la division générale n’était pas tenue d’accorder un poids particulier à tout élément de preuve concernant les médicaments de soulagement de la douleur que la demanderesse a pu prendre ou chacune des opinions médicales, quelle que soit la faveur que ces opinions trouvent aux yeux de la demanderesse.

[24] En suivant les principes énoncés dans Simpson, la division générale n’était pas non plus tenue d’accepter intégralement le témoignage de la demanderesse, surtout après avoir déterminé qu’il y avait des éléments de preuve discordants et des contradictions et jugé que des parties du témoignage de la demanderesse ne représentaient pas la « meilleure preuve » disponible. La division générale a estimé que la demanderesse était crédible, mais elle n’a pas jugé la preuve de cette dernière comme étant fiable, en raison du temps qui s’est écoulé et, dans ces circonstances, a choisi de se fier à la preuve documentaire lorsque des lacunes ou contradictions se sont révélées. De ce point de vue, je ne vois pas de confirmation d’une cause défendable.

[25] Une autre question peut néanmoins se poser ici. Bien que la demanderesse n’ait pas soulevé ce point en tant que tel, on peut se demander si la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée et sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. La division générale a mentionné qu’il y avait, dans les dossiers du médecin de famille, une note indiquant que la demanderesse ne pourrait pas travailler [traduction] « avant plusieurs années après la PMA ». La division générale a estimé qu’il n’y avait aucun professionnel de la santé ayant indiqué que la demanderesse serait incapable de travailler [traduction] « avant plusieurs années après la PMA ». La demanderesse soutient que ces conclusions contredisent et vont totalement à l’encontre de la preuve médicale. Elle affirme qu’il y a en fait une abondante preuve documentaire indiquant qu’elle était incapable de travailler en 2006 et 2007. Elle fait mention d’un dossier daté du 21 novembre 2006 provenant d’une clinique sans rendez-vous ainsi que de dossiers de son médecin de famille datés d’avril à mai 2007 qui indiquent qu’elle ne pouvait pas travailler à cette date.

[26] Les dossiers médicaux s’étalent sur une période de sept ans. Bien que certains de ces dossiers médicaux concernent la période de 2006 à 2007, je ne décèle pas aisément, dans les dossiers de la clinique sans rendez-vous ou les dossiers du médecin de famille datés d’avril à mai 2007 qui ont été versés au dossier d’audience soumis à la division générale, d’allusion particulière qui prouverait que la demanderesse était incapable de travailler durant cette période. Il y a plusieurs dossiers cliniques manuscrits, mais aucune pièce qui corresponde aux dates du 21 novembre 2006 ou d’avril à mai 2007 citées par la demanderesse. Les notes manuscrites se trouvent aux pages GT1-55 à GT157, GT1-124 à GT1-125 et GT1-127 à GT1-132 du dossier d’audience. La plupart de ces notes manuscrites sont, de toute façon, en grande partie illisibles. Si la demanderesse ou son avocat avait fourni des numéros de page en référence ou des copies reproduites de ces dossiers médicaux, cela aurait aidé. Je n’aurais pas examiné ces dossiers aux fins d’une éventuelle réévaluation de la demande de prestations d’invalidité de la demanderesse, mais ces dossiers auraient pu être pertinents pour toute considération relative à la question de savoir si la division générale a tiré des conclusions de fait erronées.

[27] La demanderesse affirme avoir témoigné devant la division générale qu’en raison de ses douleurs constantes elle était incapable de travailler en détenant une occupation rémunératrice en 2006 et 2007. Le médecin de famille a aussi rédigé une opinion, en date du 2 mai 2014, indiquant que la demanderesse était continuellement invalide et inapte à occuper tout type d’emploi rémunérateur depuis 2006. La demanderesse affirme que je devrais prendre en considération le rapport médical du Dr George daté du 2 mai 2014, en ce qu’il clarifie son rapport médical d’août 2011 en apportant la précision que son invalidité a commencé en 2006.

[28] Le fait que la division générale ait accordé un poids significatif aux notes du Dr George ne devrait pas être interprété comme une invitation à obtenir de ce dernier d’autres témoignages d’opinion, même si ces témoignages devaient clarifier des opinions antérieures qu’il aurait fournies. C’est durant l’audience tenue par la division générale que se présente la possibilité d’obtenir des précisions sur des opinions ou de la part de témoins.

[29] Une fois qu’une audience a pris fin, il y a très peu de raisons qui justifieraient de soulever d’autres points ou des points nouveaux. Un demandeur pourrait envisager de présenter une demande d’annulation ou de modification d’une décision de la division générale. Cela dit, il faudrait que ce demandeur se conforme aux exigences des articles 66 de la Loi sur le MEDS et 45 et 46 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. Non seulement y a-t-il des délais et exigences stricts à respecter pour obtenir gain de cause dans une demande d’annulation ou de modification, mais aussi faut-il que le demandeur démontre que les éventuels faits nouveaux sont essentiels et qu’ils n’auraient pu être connus au moment de l’audience malgré l’exercice d’une diligence raisonnable. Il faudrait aussi qu’une telle demande soit faite à la division appropriée qui a rendu la décision que le demandeur cherche à faire annuler ou modifier.

[30] Sauf dans ce cas de figure, le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS ne me permet pas de prendre en considération tout rapport ou dossier médical nouveau, à moins que l’un des moyens d’appel admissibles y soit abordé. Le fait que le rapport médical du Dr George daté du 2 mai 2014 puisse clarifier son rapport antérieur n’est pas une raison suffisante pour que je le prenne en considération. Cela dit, même si je devais accepter qu’il m’était justifié de prendre en considération le rapport médical du Dr George daté du 2 mai 2014, cela ne rendrait pas concluante pour autant son opinion plus récente. Toute opinion devrait être évaluée par rapport à l’ensemble de la preuve soumise à la division générale.

[31] Si la demanderesse demande à ce que j’évalue et soupèse à nouveau la preuve médicale pour trancher en sa faveur, il m’est impossible de le faire car j’ai l’obligation de déterminer si l’un ou l’autre de ses motifs d’appel relève de l’un ou l’autre des moyens d’appel admissibles et si l’un ou l’autre de ces motifs a une chance raisonnable de succès. Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS ne permet pas de réévaluation de la preuve ni la tenue d’une nouvelle audience. La demande de permission est une occasion de réévaluer et réexaminer la preuve médicale ou de réentendre la demande afin de déterminer si la demanderesse est invalide au sens du Régime de pensions du Canada.

[32] La demanderesse affirme que la division générale a commis une erreur en exigeant d’elle qu’elle produise une preuve objective corroborant ses plaintes. Bien que la division générale ait pu citer l’arrêt Warren et indiquer qu’il lui fallait une preuve médicale objective, il semble qu’elle recherchait en fait des allusions documentées, dans les dossiers médicaux, concernant la période de 2006 à 2007 afin d’y trouver des éléments corroborant les plaintes de douleur intense de la demanderesse. La division générale a accepté le fait que la demanderesse souffrait depuis longtemps de douleurs chroniques et qu’elle avait des restrictions, mais elle a conclu que les documents médicaux ne permettaient pas d’établir que l’invalidité de la demanderesse était grave à la période minimale d’admissibilité.

[33] La demanderesse ne m’a pas convaincue qu’il y avait une chance raisonnable de succès en vertu de ce moyen d’appel.

d) La division générale a-t-elle commis une erreur en assimilant la poursuite d’études à la capacité régulière de détenir une occupation véritablement rémunératrice?

[34] La demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur en assimilant sa fréquentation de l’école à la capacité régulière de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La demanderesse affirme en outre que la division générale a commis une erreur de droit en n’appliquant pas le contexte du [traduction] « monde réel » à sa situation, eu égard à son contexte scolaire. Elle déclare qu’il lui était permis de se lever et de se déplacer dans le milieu scolaire, mais qu’elle n’aurait pas été en mesure de faire cela dans un milieu de travail.

[35] La preuve relative à la scolarité de la demanderesse est abordée aux paragraphes 32 à 39 de la décision. La division générale a conclu que la demanderesse avait fréquenté l’école de la fin de 2007 jusqu’à au moins le milieu de 2008. Elle a pris note du témoignage de la demanderesse selon lequel celle-ci avait un bon dossier de présence et obtenaient de bonnes notes, mais que, en raison de douleurs de plus en plus intenses aux bras il ne lui était plus possible de se véhiculer jusqu’à l’école, de sorte qu’elle a interrompu sa scolarité. La division générale a également pris note du fait que le médecin de famille de la demanderesse [traduction] « ne l’a pas empêchée de fréquenter l’école en sachant que le but de cette démarche était de trouver à terme un emploi dans un environnement plus adapté. »

[36] Pour ce qui est du contexte « réaliste » ou de « monde réel » dont il est question dans Villani, les circonstances particulières sur lesquelles la Cour d’appel fédérale semble s’être penchée ont trait à la situation particulière de la requérante dans cette affaire, par exemple son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie. Le contexte « réaliste » qui est traité dans Villani ne se rapporte pas à la prise en compte des exigences ou de l’environnement physiques imposés à un demandeur dans un milieu scolaire.

[37] À l’examen de la capacité globale de la demanderesse, il semble que la division générale n’ait pas pris en compte les exigences ou l’environnement physique particulier que la demanderesse a pu rencontrer dans le contexte scolaire. Il est vrai que l’on ne peut, en règle générale, assimiler la poursuite d’études à la capacité, mais, à l’inverse, on ne saurait conclure d’emblée que la poursuite d’études ne peut jamais être interprétée comme démontrant la capacité, puisque cela dépend toujours des faits propres à chaque cas.

[38] En l’espèce, la division générale a tenu compte d’un certain nombre de facteurs pour évaluer la gravité de l’invalidité de la demanderesse. Elle n’a pas considéré la scolarité de la demanderesse isolément ou comme un facteur déterminant pour mesurer la gravité.

[39] La demanderesse ne m’a pas convaincue qu’il y avait une cause défendable sur ce point quant à la question de savoir si la division générale a assimilé sa fréquentation de l’école à une capacité ou si elle a commis une erreur en n’appliquant pas Villani à sa poursuite d’études. Il semble que ce que la demanderesse demande vraiment, c’est une réévaluation de la question de savoir si la poursuite d’études, dans son cas particulier, traduit toute capacité régulière de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS ne prévoit pas de telle réévaluation.

e) La division générale a-t-elle commis une erreur dans son application d’Inclima?

[40] Dans Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117, la Cour d’appel fédérale a écrit ce qui suit :

En conséquence, un demandeur qui dit répondre à la définition d’incapacité grave doit non seulement démontrer qu’il (ou elle) a de sérieux problèmes de santé, mais dans des affaires comme la présente, où il y a des preuves de capacité de travail, il doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé.

[41] Bien que la division générale se soit reportée à Inclima dans sa décision, la demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur de droit en exigeant qu’elle fasse des efforts pour se trouver du travail alors qu’elle n’en avait pas la capacité. Elle affirme que, de toute façon, ses efforts à cet égard ont été infructueux.

[42] Si la division générale avait conclu qu’il n’y avait pas de preuve de la capacité de travailler, elle aurait commis une erreur de droit en demandant que la demanderesse déploie des efforts pour se trouver un emploi et le conserver. Au paragraphe 80 de sa décision, la division générale a clairement conclu qu’il y avait une certaine capacité de travailler, même si la demanderesse avait des restrictions. La division générale a écrit ce qui suit :

[Traduction]

Les documents médicaux émanant de plusieurs médecins indiquent que, de décembre 2006 à septembre 2007, l’appelante avait des restrictions, mais ces restrictions ne la rendaient pas pour autant incapable d’effectuer tout type de travail. Aucun médecin, alors ou avant cela, n’a indiqué que l’appelante n’était pas capable d’accomplir tout type de travail. Le Dr George ne l’a pas empêchée de poursuivre des études en sachant que le but de cette démarche était, à terme, de se trouver un emploi dans un milieu plus adapté.

[43] La demanderesse ne m’a pas convaincue qu’elle avait une chance raisonnable de succès à cet égard.

Conclusion

[44] La Demande est rejetée.

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